Le Combat spirituel (Brignon)/56

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Traduction par Jean Brignon.
(p. 276-279).


CHAPITRE LVI.
De la Communion spirituelle.

BIen que vous ne puisiez pas communier réellement plus d’une fois en un jour, vous le pouvez faire spirituellement, comme j’ai déja dit, à toute heure ; il n’y a que votre seule négligence, ou quelque semblable défaut, qui puisse vous priver de cet avantage. Or, il est à remarquer que la Communion spirituelle est quelquefois plus utile à l’ame & plus agréable à Dieu, que plusieurs Communions sacramentales faites sans beaucoup de préparation & avec tiédeur. Lors donc que vous serez disposé à cette espece de Communion, le fils de Dieu sera toujours prêt à se donner spirituellement à vous, pour être votre nourriture.

Quand vous voudrez vous y préparer, vous tournerez d’abord votre pensée vers notre-Seigneur ; & ayant fait quelque réflexion sur la multitude de vos offenses, vous lui en témoignerez de la douleur. Ensuite vous le prierez avec un profond respect & avec une vive foi, qu’il daigne venir dans votre Ame, qu’il y répande de nouvelles graces pour la guérir de ses foiblesses, & pour la fortifier contre la violence de ses ennemis. Toutes les fois que vous pourrez mortifier quelqu’une de vos passions, ou faire quelque Acte de vertu, servez-vous de cette occasion, pour préparer votre cœur au Fils de Dieu, qui vous le demande sans cesse : puis vous adressant à lui, priez-le avec beaucoup de ferveur de venir à vous, comme un Médecin pour vous guérir, comme un Protecteur pour vous défendre ; afin que rien ne l’empêche désormais de posseder tout votre cœur.

Souvenez-vous en même-tems de votre derniere Communion sacramentale ; & tout embrasé de l’amour de votre Sauveur, dites-lui : Quand sera-ce, ô mon Dieu, que je vous recevrai une autre fois ? Quand viendra cet heureux jour ? Que si vous voulez communier en Esprit avec plus de dévotion, préparez-vous y dès le soir ; & dans toutes vos mortifications, dans tous les Actes de vertu que vous ferez, ne vous proposez autre chose, que de vous mettre en état de bien recevoir spirituellement Notre-Seigneur.

Le matin à votre réveil, appliquez-vous à considérer quel avantage c’est à une Ame que de communier dignement ; puisque par-là elle recouvre les Vertus qu’elle a perdues, elle revient à sa premiere pureté ; elle se rend digne de participer aux fruits de la Croix : elle fait une action très agréable au Pere Éternelle, qui souhaite que tous jouissent de ce divin Sacrement. Tâchez là-dessus d’exciter en votre cœur un ardent desir de le recevoir, pour plaire à celui qui veut se donner à vous ; & dans cette disposition, dites-lui : Seigneur, puisqu’il ne m’est pas permis de vous recevoir aujourd’hui réellement, faites au moins par votre bonté & par votre toute-puissance, que purifié de toutes mes tâches, que guéri de toutes mes playes, je mérite de vous recevoir en esprit, maintenant, & chaque jour, à chaque heure du jour, afin qu’étant fortifié d’une nouvelle grace, je résiste courageusement à mes ennemis, surtout à celui à qui pour l’amour de vous je fais particuliérement la guerre.