Le Commandant de cavalerie (Trad. Talbot)/2

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Le Commandant de cavalerie (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
Le Commandant de cavalerieHachetteTome 1 (p. 353-354).


CHAPITRE II.


De l’ordonnance des escadrons.


Quand tes cavaliers seront ainsi exercés, il faudra qu’ils sachent se ranger dans un certain ordre, qui rendra plus pompeuses les fêtes des dieux, plus belles les évolutions de ta troupe, plus glorieux ses combats, s’il y a lieu, plus faciles et moins confuses les marches sur les routes et à travers les passages difficiles. Or, quel est l’ordre le meilleur pour exécuter ces manœuvres ? Je vais essayer de l’expliquer.

La ville est divisée en tribus : je dis alors qu’il faut nommer, avec l’assentiment de chaque phylarque, des décadarques[1] pris parmi les jeunes citoyens, jaloux de faire quelque bel exploit et de se rendre fameux. Tu en feras tes chefs de file. Après eux on choisira un nombre égal d’hommes, parmi les plus âgés et les plus prudents, afin de les mettre les derniers de la décade. Pour user de comparaison, c’est ainsi que le fer coupe le fer quand le tranchant de l’instrument est bien affilé, et que la force d’impulsion est suffisante. Quant à ceux qui se trouvent au milieu, entre les premiers et les derniers, si chaque décadarque a choisi celui qui vient immédiatement après lui, et ainsi de suite, il est clair que chacun aura un camarade sur lequel il pourra compter. Le chef doit être, sous tous les rapports, un homme propre à la place. Vaillant, s’il s’agit de charger l’ennemi, ses ordres communiquent son feu au premier rang ; et, s’il faut battre en retraite, sa prudence le met mieux à même de sauver ses compagnons d’armes.

Les décadarques étant en nombre pair, on pourra plus facilement établir des sections égales que s’ils étaient en nombre impair. Cet ordre me plaît, d’abord parce que chaque chef de file commande à sa troupe, et que des hommes qui commandent se croient obligés de mieux faire que de simples soldats ; en second lieu, parce que, s’il y a quelque chose à faire, on a bien moins vite donné des ordres à de simples soldats qu’à des chefs.

Cette division établie, de la même manière que le commandant indique aux phylarques la place où chacun doit se rendre, ainsi les phylarques annoncent aux décadarques comment chacun d’eux doit marcher. Si cela est réglé d’avance, tout ira beaucoup mieux que si, comme il arrive à la sortie du théâtre, on s’embarrasse et se gêne les uns les autres. Les cavaliers du premier rang seront mieux disposés à combattre, si on les attaque de front, puisqu’ils sauront que c’est là leur place ; et ceux du dernier rang, pris en queue, feront également bien leur devoir, puisqu’ils sauront que c’est un déshonneur d’abandonner son poste. Au contraire, si l’on n’observe aucun ordre, ce n’est plus que trouble et confusion dans les chemins étroits et dans les passages difficiles, personne n’étant prêt de lui-même à tenir tête à l’ennemi. Voilà ce à quoi doivent s’être exercés tous les cavaliers, s’ils veulent franchement seconder leur commandant.



  1. Chefs de décades ou compagnies de 40 hommes.