Le Conte du tonneau/Dédicace

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Henri Scheurleer (Tome premierp. 2r-3v).

AU
TRÈS NOBLE
ET PUISSANT SEIGNEUR
ADRIEN PIERRE
BARON de HINOJOSA,
PRESIDENT DE LA COUR D’HOLLANDE,
ZEELANDE, ET DE WESTFRISE ;
&c. &c. &c.


Noble et puissant seigneur,

Offrir à quelqu’un ce que la Nation du Monde la plus ſpirituelle & la plus ſenſée a produit de plus judicieux & de plus delicat, c’eſt ſupposer indubitablement en celui à qui on le dédie beaucoup de Penetration & de grandes Lumieres.

Cette Verité, Noble & Puiſſant Seigneur, me meneroit naturellement aux Eloges qui ſont dus à Vos belles Qualités, si j’étois aſſez imprudent pour me livrer au Zèle que je me ſens pour tout ce qui eſt eſtimable en Vous.

Nous vivons dans un Siecle, où le vrai Merite doit conſiderer comme une Inſulte les Louanges, qui ne font qu’enfler un Discours ſans lui donner le moindre Corps ; & qui, à force d’être appliquées indifferemment à toutes ſortes d’Objets, ont perdu le droit de ſignifier quelque choſe.

Quand même les Eloges ſeroient auſſi rares que les Vertus dont ils devroient être naturellement la Récompenſe ; je ſerois inconſideré, ſi je me donnois les Airs d’entreprendre Votre Panegyrique. Je n’ai pas aſſez de Vanité, pour croire que mon Approbation ſoit de niveau avec Votre Merite ; & je ſuis trop vain, pour vouloir paſſer dans le Monde pour le Plagiaire de la Voix publique.

Je me contente, Noble & Puiſſant Seigneur, de Vous prier de recevoir avec Votre Bonté ordinaire cette foible Marque de mon Dévoûment : &, en implorant Votre Bienveillance, je ſouhaite que cet Ouvrage puiſſe contribuer à vous délaſſer agréablement l’Eſprit, quand il eſt fatigué des Peines infinies que Vous vous donnez ſans relâche, pour sauver les Biens, l’Honneur, & la Vie des Hommes, de cette Mer orageuſe de Chicanes, qui inondent les Tribunaux.

Je ſuis avec un très-profond Respect,

Noble & Puiſſant Seigneur,

VOTRE
très-humble & très-obéïſſant
Serviteur,
H. SCHEURLEER.