Le Conte du tonneau/Tome 1/09

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Henri Scheurleer (Tome premierp. 205-252).

SECTION IX.

Diſſertation ſur l’origine
& ſur les progrès de la Folie,
comme auſſi ſur ſon utilité
dans la Société humaine.


JE crains bien que certains Lecteurs ſuperficiels ne regardent d’un œil de mépris la Secte des Æoliſtes, par ce qu’elle reconnoit pour ſon Fondateur un homme comme Jean, dont, de mon propre aveu, le cerveau s’étoit abſolument dérangé, & qui étoit tombé dans l’état que nous deſignons par le mot de Folie, ou de Frénézie. Leur mépris ſeroit très-mal fondé ; & ils en ſeront convaincus eux-mêmes, s’ils veulent bien reflechir ſur les plus grandes actions, qui ont jamais été faites dans le monde ſous la direction d’un ſeul homme. Telles ſont l’établiſſement de nouveaux Empires fait par la force des armes, l’invention de nouveaux Syſtêmes de Philoſophie, & l’introduction de Religions nouvelles. Il eſt certain, que tous les grands hommes, à qui on eft redevable de toutes ces fameuſes révolutions ont ſoufert de grandes alterations dans leur bon-ſens, par leur nourriture, par leur éducation, par une certaine inclination dominante, ou par une influence particuliere de l’air qu’ils reſpiroient, ou du climat ſous lequel ils ont été obligez de vivre.

D’ailleurs, il y a dans l’eſprit humain quelque choſe de ſingulier & d’individuel, qui ſe reveille ſouvent par le choc accidentel de certaines circonſtances, qui, minces & peu conſiderables en elles-mêmes, ne laiſſent pas de produire ſouvent les évenemens les plus merveilleux. Les grandes revolutions n’ont pas toûjours de grandes ſources, & il importe peu par quelle cauſe les paſſions ſont enflammées, pourvu que les fumées s’en elevent juſqu’au cerveau. La Région ſuperieure de notre tête eſt dans la même ſituation, que la moïenne Region de l’air : les matiéres, qui s’y conduiſent, en ſont d’une nature très-differentes ; mais, elles y deviennent toutes de la même ſubſtance, & produiſent les mêmes effets. Les vapeurs s’élevent de la terre, les exhalaiſons de la mer, & la fumée du feu. Cependant, toutes les nuées ſont de la même nature ; & l’odeur, qui ſort d’un fumier, fait un nuage d’un auſſi grand mérite, que celle qui ſe répand d’une maſſe précieuſe d’encens.

De ces veritez de fait, qu’on ne ſauroit me conteſter, il ſuit évidemment, que comme l’air ne produit jamais de la pluïe, que lorſqu’il eſt troublé & ſurchargé d’exhalaiſons ; de la même maniere, l’eſprit humain, qui habite le cerveau, doit étre troublé, & accablé de vapeurs exhalées des parties inférieures, pour produire quelque choſe d’extraordinaire. Oops !

Or, quoique ces vapeurs, comme je l’ai déja dit, ſortent d’autant de differentes ſources que celles qui montent vers le Ciel, l’effet, qu’elles produiſent, ne ſe ſent point de cette difference. Il eſt ſeulement varié, tant par rapport à l’eſpece, qu’au degré, ſelon la differente ſituation du cerveau, dans lequel il eſt formé. Je me ſervirai ici de deux fameux exemples, pour prouver, & pour éclaircir ce que je viens d’avancer.

Un certain Prince de par le monde leva un jour une grande armée, remplit ſes coffres de treſors immenſes, & arma une Flotte invincible, ſans communiquer ſon deſſein, ni à ſes plus habiles Miniſtres, ni à ſes plus chers Favoris. Ces grands préparatifs allarmerent d’abord tout le monde : les Monarques voiſins attendirent, en tremblant, de quel côté l’orage devoit crever ; & les Politiques ſubalternes y trouverent la matiere de mille profondes ſpéculations[1]. L’un ſe mettoit dans l’eſprit, que ce Prince en vouloit à la Monarchie univerſelle. Un autre, après une meure déliberation, concluoit, qu’il s’agiſſoit de détrôner le Pape, & d’établir la Religion Proteſtante, dont ce Prince avoit fait autrefois profeſſion. Un troiſiéme, d’une ſagacité encore plus étonnante, envoïoit. notre Heros dans l’Aſie, pour détruire l’Empire Ottoman, & pour conquerir la Terre Sainte[2].

Au milieu de tous ces beaux Raiſonnemens, un certain Chirurgien d’Etat vint à connoître, que tous ces grands Projets n’étoient que l’effet d’un cerveau malade. Il en fut pleinement convaincu par les Syntomes du mal ; & il entreprit de le guerir. Il fit l’operation néceſſaire d’un ſeul coup : la veſſie ſe créve, la vapeur ſe diſſipe ; & rien n’auroit manqué à l’heureuſe guériſon du Prince, s’il n’étoit pas mort au beau milieu de la cure.

Le Lecteur eſt fort curieux apparemment de ſavoir, de quelle ſource étoit venuë cette vapeur, qui avoit effraïé ſi long-tems tous les Peuples de l’Europe, & quel reſſort ſecret avoit mis en mouvement une machine ſi terrible ; mais, il ſera bien ſurpris, quand je lui dirai, que c’étoit uniquement une Femme abſente, dont les yeux avoyent cauſé chez le pauvre Prince une certaine tumeur, & qui s’étoit retirée dans le Païs ennemi, avant que cette tumeur ſe fut miſe à ſuppurer. Quel parti pouvoit prendre le malheureux Monarque, dans une conjoncture ſi délicate ? Il eut beau eſſaïer le remède preſcrit par un Poëte, qui ſoutient, la maladie, qu’une Femme nous cauſe, peut être guerie par toute autre Femme. Il n’en reçut pas le moindre ſoulagement ; par ce que, ſelon Lucrece,

Idque petit Corpus, mens unde eſt ſaucia amore,
Unde feritur, eo tendit, geſtitque coire.

La matiere entaſſée dans les vaſa ſeminalia s’enflamma bientôt, devint aduſte, ſe changea en bile, prit ſon cours vers le conduit ſpinal, & monta de-là dans le cerveau.

C’eſt ainſi que le même Principe, qui porte un Breteur à caſſer les vitres d’une Femme de mediocre vertu dont il a été la dupe, anime un grand Prince à mettre des Armées en Campagne, & à ne ſe remplir la tête que de Sièges, de Batailles, & de Victoires.

Cunnus teterrima belli
Cauſa

Mon ſecond exemple eſt un trait d’Hiſtoire que j’ai lu dans une Chronique très-ancienne. Le voici.

Il y avoit autrefois un Roi fort puiſſant, qui dans l’eſpace de trente années conſécutives s’étoit amuſé à prendre & à perdre des Villes, à battre des armées & à ſe laiſſer battre, à chaſſer les Princes de leurs Etats, à éfraïer les Enfans d’une maniere à leur faire tomber les tartines des mains ; en un mot, à bruler, à ravager, à dragonner, à ſaccager, à maſſacrer, ſujets & ennemis, mâles & femelles[3]. Les Philoſophes Contemporains de ce Prince mettoient leur eſprit à la gêne, pour trouver les cauſes Phyſiques, Politique, & Morales, dont il falloit déduire ce Phénomene ſurprenant. A la fin, la vapeur, qui troubloit le cerveau de ce Conquerant, s’étant miſe à circuler, ſe fixa ſur cet endroit du Corps humain ſi renommé, par ſon talent de produire la Zibeta Occidentalis[4] ; &, ſe raſſemblant-là dans une tumeur, laiſſa dans cet intervalle l’Univers en repos.

On voit par-là de quelle conſequence eſt le cours que prennent ces exhalaiſons, & comme il importe peu de quelle origine elles dérivent. Les mêmes fumées, qui, s’élevant vers le cerveau, ſont capables de conquerir des Roïaumes, n’ont qu’à ſe jetter ſur l’Anus, pour aboutir à une Fiſtule[5].

Paſſons à préſent à ces Grands Introducteurs de nouveaux Syſtèmes de Philoſophie : voyons de quelle Faculté de l’ame ſe leve l’inclination de pouſſer dans le monde, avec un zèle ſi opiniâtre, de nouvelles idées, à l’égard de certaines choſes, dont, de l’aveu de tout le monde, il eſt impoſſible de connoître la nature ; examinons, de quelle ſource dérive ce penchant, & à quelle proprieté de l’eſprit-humain ces Illuſtres doivent leur gloire, & leurs diſciples.

Il eſt certain, que pluſieurs des principaux d’entr’eux, tant anciens, que modernes, ont été pris par leurs adverſaires, &, ſi vous en exceptez leurs Partiſans, par tout le Genre humain, pour des gens qui avoient le cerveau bouleverſé. Il eſt ſûr même, qu’ils ſe ſont écartez extrémement des maximes du ſens-commun, dans leur maniere ordinaire d’agir & de parler ; & qu’ils ont été des types exacts de leurs legitimes Succeſſeurs, qui peuplent à préſent l’Univerſité moderne de Bedlam[6].

Tels ont été jadis Epicure, Diogene, Apollonius, Lucrece, Paracelſe, Deſcartes, qui, s’ils étoient dans le Monde à l’heure qu’il eſt, arachez, & ſeparez de leurs Diſciples, ſeroient expoſez ſans doute à la Phlebotomie, aux coups de nerfs de bœuf, aux tenebres, & à la paille. Auſſi, comment ſe peut-il qu’un homme, en ſuivant les ſimples & pures lumieres du bon ſens, ſe mette dans la tête de jetter les idées de tout le Genre-humain dans le moule de ſes propres conceptions ? C’eſt pourtant-là l’humble & l’obligeante prétenſion de tous les Innovateurs dans l’Empire de la Raiſon. Epicure, par exemple, eſperoit modeſtement, que, par un certain concours fortuit des opinions humaines, après un choc perpetuel des pointues & des unies, des legeres & des péſantes, des rondes & des quarrées[7], tous les hommes s’uniroient à la fin, par certaines inclinaiſons, dans les notions du vuide & des atomes, tout de même que ceux-ci ſe ſont accrochez, en formant cet Univers.

Il eſt évident que Deſcartes ne ſe flattoit pas moins, & qu’il contoit bien de voir, avant ſa mort, tous les Philoſophes, comme autant d’étoiles de moindre grandeur, attirez & abſorbez dans ſon propre tourbillon.

Or, je voudrois bien ſavoir, comment il eſt poſſible de rendre raiſon de pareilles Fantaiſies, ſans avoir recours à mon Syſtême des Vapeurs, qui, montant dans le cerveau, s’y condenſent & ſe diſtillent en certaines conceptions, que la ſterilité de notre langue ne ſauroit déſigner, que par les noms de Frénézie, & d’Extravagance.

Examinons à préſent d’où peut venir, qu’aucun de ces Innovateurs ne manque jamais de gagner à ſes nouvelles idées à un grand nombre de Diſciples prêts à recevoir les plus biſarres opinions par le moïen de la foi implicite. La raiſon en eſt auſſi facile à trouver qu’elle eſt ſolide. La voici.

Dans l’Harmonie de l’Entendement humain, il y a une certaine corde particuliere, qui, chez pluſiers individus ſoi-diſant raiſonnables, eſt montée préciſément ſur le même ton. Dès que quelqu’un eſt aſſez heureux, pour tirer du ſon de cette corde parmi les eſprits à l’uniſſon, il arrive par une ſimpathie néceſſaire, qu’ils produiſent les mêmes tons, avec la derniere exactitude. C’eſt en cela ſeul, que conſiſte tout le bonheur, ou toute l’habileté, de nos Auteurs de Syſtèmes ; car, ſi par hazard vous donnez quelque coup d’archèt en préſence de ceux dont la corde eſt montée trop haut, ou trop bas, pour s’accorder avec la vôtre, bien loin de gouter vos tons, ils vous traiteront de Fou, ils vous enchaineront, & vous mettront au pain & à l’eau. C’eſt par conſéquent une affaire fort délicate à menager ; & il faut une grande circonſpection, pour ajuſter ce talent, comme il faut, aux differentes conjonctures des tems, & aux differentes diſpoſitions des perſonnes. Ciceron a raiſonné fort juſte là-deſſus dans une Lettre, qu’il écrit à un de ſes Amis en Angleterre, ou, parmi d’autres avis très-importans, il le précautionne contre la fourberie des fiacres, qui étoient aparemment alors d’auſſi grands faquins, qu’ils le ſont à préſent.

Il ſe ſert dans cette Epitre de ces expreſſions très-remarquables, eſt quod gaudeas te in iſta loca veniſſe, ubi aliquid ſapere viderere  : vous êtes heureux d’être venu dans un Païs, où vous ne ſauriez manquer de paſſer pour un eſprit ſuperieur.

Cette Sentence eſt pleine de ſens, & de juſteſſe ; car, pour dire ici une verité un peu hardie, ſe peut-il un plus grand défaut de conduite, que d’aller paſſer dans une Compagnie pour un extravagant, quand on eſt le Maître de ſe faire conſidérer dans un autre comme un Philoſophe ? Je prens ici la liberté de conjurer quelques Meſſieurs de ma connoiſſance, de s’en ſouvenir en tems & lieux, comme d’un avertiſſement dont ils peuvent tirer de grands uſages.

Telle a été la faute de mon digne ami M. Wotton, un perſonnage deſtiné à former & à exécuter heureuſement les plus grands deſſeins, ſi l’on en peut juger par ſes Regards, & par ſon Génie. Plût au Ciel que ſes heureux Talens, perdus dans les ſpéculations d’une vaine Philoſophie, ſe fuſſent exercez ſur les ſonges, & ſur les viſions, où l’eſprit & l’air égarez ſont d’un ſi grand uſage. On auroit vu, que jamais homme ne ſe produiſit dans le public avec de plus grandes diſpoſitions de l’ame & du corps, pour l’établiſſement d’une nouvelle Religion. S’il avoit enfilé cette noble route, jamais le monde mediſant & calomniateur n’auroit oſé débiter, que le cerveau de ce grand homme eſt abſolument détracqué ; jamais ſes Freres les Modernes n’auroient pouſſé l’ingratitude j’uſqu’à s’entredire cette nouvelle à l’oreille, mais aſſez haut pourtant, pour que je le puiſſe entendre du Galetas où j’enfante ce Divin Traité.

Je reviens à mon Syſtême des Vapeurs. Quiconque réflechira ſur cette ſource de l’enthouſiaſme qu’elles produiſent dans le cerveau, & de laquelle dans tous les ſiécles ſont ſortis des ruiſſeaux ſi abondans, remarquera que les eaux en ſont auſſi troubles & auſſi chargées de bouës au commencement qu’au milieu de leur cours. Cette verité n’empêche pas, qu’il n’y ait rien de plus utile, qu’une forte doze de ces vapeurs, nommées par les hommes extravagance. Sans elle le Monde ne ſeroit pas privé ſeulement de ces deux grands avantages, les Conqêtes, & les Syſtémes ; mais, tout le Genre-humain ſeroit malheureuſement borné dans la même croïance touchant les choſes inviſibles

Après avoir prouvé, qu’il eſt indifferent de quelle origine les vapeurs ſuſ-dites procedent, mais qu’il importe beaucoup de quelle nature eſt le cerveau qu’elles accablent, & ſur quelle partie du cerveau elles ſe jettent, il me reſte encore à déveloper un point de la derniere delicateſſe. Il s’agit de faire voir au Lecteur curieux & ſubtil la raiſon propre & ſpécifique, pourquoi les mêmes exhalaiſons ſont capables de produire une ſi grande varieté d’effets, dans les cerveaux d’une differente Conſtitution : il s’agit d’entrer dans le détail des cauſes qui font ſortir des mêmes vapeurs les Caracteres d’un Alexandre le Grand d’un Jean de Leyden[8], & d’un Deſcartes. C’eſt-là la matiere la plus abſtraite, qui ait jamais occupé mes reflexions : elle exige de mon génie les derniers efforts ; & je conjure le Lecteur de me prêter l’attention la plus forte, & de ne me pas perdre un moment de vuë, pendant que je travaillerai à défaire ce Nœud Gordien.

Il y a dans le Genre-humain
 
 
hic multa deſderantur
 
 
Voilà juſtement la Solution

de cette Difficulté capable d’étonner tout autre Génie.

M’en étant débaraſſé avec tant de ſuccès, je ne doute point que le Lecteur ne m’accorde la concluſion où aboutiſſent tous mes raiſonnemens précédens ; ſavoir, que, ſi les Modernes entendent par Extravagance les troubles cauſez dans le cerveau par les vapeurs, c’eſt à l’Extravagance, qu’on eſt redevable de toutes les reſolutions, qui ſont jamais arrivées dans les Empires, dans la Philoſophie, & dans la Religion.

L’entendement humain, dans ſa ſituation calme & naturelle, porte l’homme à paſſer ſa vie uniment, ſans le moindre deſſein d’aſſujettir les autres à ſon pouvoir, à ſes raiſons, & à ſes chimeres. Plus quelqu’un s’applique à former ſon eſprit par l’érudition, & moins il a du penchant à procurer des Partiſans à ſes Opinions particulieres ; parce qu’elle l’inſtruit auſſi bien de ſa propre foibleſſe, que de la ſtupide ignorance du vulgaire.

Mais, quand la fantaiſie d’un homme ſe met à califorchon ſur ſa raiſon, quand ſon imagination fait le coup de poing avec ſes ſens, le pauvre ſens-commun eſt jetté par les fenetres. Cet homme devient lui-même ſon premier Proſelyte : &, des qu’il en eſt une fois venu à bout, il lui eſt fort aiſé d’en faire d’autres ; puiſqu’une forte illuſion opére avec autant de vigueur au dehors qu’en dedans. Car, le jargon, & les chimeres, procurent la même volupté aux oreilles & aux yeux, que le chatouillement produit ſur le tact ; & les divertiſſemens, qui nous cauſent dans la vie les plaiſirs les plus piquans, ſont préciſément ceux qui dupent nos ſens, & qui font des Tours de Gobelet devant eux.

Si nous examinons attentivement ce qu’on entend en general par bonheur, tant par raport à l’eſprit, qu’à l’égard des ſens, nous verrons évidemment, que toutes les proprietez en ſont renfermées dans cette courte définition.

Le bonheur eſt la poſſeſion tranquille du plaiſir d’être bien & duement trompé.

Par raport à l’eſprit, il eſt certain que la fiction a un avantage très-conſiderable ſur la verité ; & il n’en faut pas chercher la raiſon bien loin.

Quelque effort que faſſent la Nature & la Fortune, elles ne ſauroient jamais égaler, par leurs productions, les Phenomenes admirables, & les Revolutions merveilleuſes, que l’imagination eſt capable de produire. Et dans le fond l’homme eſt-il ſi fort à blâmer de préferer l’une aux autres ? La vérité place des notions dans la mémoire : la fiction introduit des idées dans l’imagination. Il s’agit ſeulement de ſavoir ſi les dernieres n’exiſtent pas auſſi réellement que les prémieres. Il n’eſt pas poſſible d’en diſconvenir : on peut ſoutenir même, que l’imagination l’emporte ſur la mémoire, parce qu’elle eſt, pour ainſi dire, la matrice des choſes, au lieu que l’autre n’en eſt que le tombeau.

Ma définition n’eſt pas moins juſte à l’égard des ſens. Quel air fade, & inſipide, ne trouvons-nous pas dans tous les objets qui ſe preſentent à nos yeux ſans l’envelope de l’illuſion ? Il n’y a rien de ſi plat, que tout ce que nous découvrons dans le miroir de la Nature ; &, ſi nous n’avions pas l’adreſſe de le relever par de faux jours, par du vernis, & par du fard, il n’y auroit dans la plus grande felicité de l’Homme, qu’une grande & ennuieuſe Uniformité. Si je pouvois perſuader au Genre-humain de faire là-deſſus de ſerieuſes réflexions, ils ne regarderoient plus, comme un des plus hauts degrès de Sageſſe, l’art d’expoſer aux yeux du public les côtez foibles, & les defectuoſitez, des choſes : ils y trouveroient autant d’impoliteſſe, que dans la brutalité d’aracher le maſque à quelqu’un ; ce qui paſſe pour un ſi grand affront parmi ceux qui ſavent leur monde.

Je vais plus loin. Dans la même proportion, que la credulité eſt une ſituation d’eſprit plus tranquille que la curioſité ; la Sageſſe, qui s’amuſe à la ſurface des choſes, doit être preferée à la Philoſophie, qui en pénétre les entrailles, & qui, pour toute découverte, s’en vient nous dire enſuite, avec beaucoup de gravité, que l’intérieur n’en vaut rien.

Les deux ſens, auxquels tous les objets s’adreſſent d’abord ; ſont la vûe, & le tact, qui n’examinent jamais que les qualitez que l’Art ou la Nature étalent ſur la ſuperficie de corps. Dans le tems qu’ils s’y amuſent, voilà la Raiſon impertinemment officieuſe, qui, munie d’outils propres à couper, trancher, percer, diſſéquer, s’offre à nous faire voir évidemment, que le dedans eſt fort différent du dehors.

Cela ne s’appelle-t-il pas pêcher groſſierement contre la Nature, qui, conformement à une de ſes Loix éternelles, ſe pare extérieurement de ce qu’elle a de plus beau. C’eſt pourquoi, je me crois obligé en conſcience de ſauver aux hommes les frais d’une pareille Anatomie, en les avertiſſant, que, dans cette occaſion, la Raiſon a le plus grand tort du monde ; puiſqu’il eſt certain, que tous les êtres corporels, autant que j’en connois, ne brillent que du côté de l’ajuſtement. Rien ne m’a confirmé d’avantage dans cette Opinion, que quelques Experiences, que j’ai faites depuis peu.

J’ai vû la ſemaine paſſée le corps d’une Femme, qu’on avait écorché ; & vous ne ſauriez croire, combien elle étoit miſe à ſon deſavantage, dans cette eſpece de deshabillé. Je fais dépouiller hier en ma préſence le cadavre d’un Petit-Maître ; & c’étoit une choſe étonnante de trouver un ſi grand nombre de defectuotez ſous un ſeul & même habit. J’en ouvris enſuite le cerveau, le cœur, & la ratte ; mais, je m’aperçus à chaque operation, que plus j’y allois en avant, & plus les défauts croiſſoient en nombre, & en volume. J’en conclus, qu’un Philoſophe, qui trouveroit l’art de pallier & de plarter les imperfections de la Nature, obligeroit le Genre-humain infiniment d’avantage, que ceux, qu’on eſtime tant, & dont tout le ſavoir conſiſte cependant à ouvrir ces playes, & à expoſer ces taches aux yeux de tout le Monde. Peut-on nier, qu’ils ne ſoient auſſi ridicules qu’un certain homme, qui ſoutenoit que l’Anatomie eſt le But principal de la Medecine ?

A mon avis, un homme, qui poſſederoit l’Art merveilleux & ſatisfaiſant dont je viens de parler ; & qui, avec Epicure, ſauroit ſe contenter de ces images, que la ſuperficie des choſes envoie vers nos ſens ; ſeroit ſeul digne du titre de Sage. Il écremeroit la Nature, & laiſſeroit à la Raiſon, & à la Philoſophie, à en avaler la lie. C’eſt-là ce qui s’appelle le véritable point de la Félicité humaine : voilà cette poſſeſſion tranquille du plaiſir d’être bien & duement trompé, qu’on peut nommer autrement la ſituation calme d’un fou environné de fripons.

Pour en revenir à l’Extravagance, il eſt évident, ſelon le Syſtême que j’ai etabli ſur tant de fortes raiſons, que chacune des differentes eſpeces doit ſon origine à l’abondance exceſſive de certaines vapeurs. Or, comme certaines frenezies redoublent la force des nerfs, d’autres augmentent la vigueur & la vivacité de l’imagination. Il arrive aſſez ſouvent, que ces eſprits actifs, qui en prennent poſſeſion, reſſemblent à certains eſprits folets, qui hantent d’autres habitations vuides, & qui, faute d’occupation, en diſparoiſſant, en emportent une partie avec eux, ou bien y reſtent pour jetter les maiſons par les fenêtres, piece à piece.

On peut conſiderer la conduite de ces Lutins comme un type des deux principales branches de l’Extravagance, que quelques Philoſophes, par une mépriſe groſſiére, ont attribuées, à deux cauſes differentes, ſavoir, à la diſette, & à l’abondance exceſſive des Eſprits ; au lieu que j’ai fait voir clairement, qu’elles doivent la naiſſance à une ſeule & même cauſe.

Il ſuit de-là manifeſtement, que pour être heureux dans ſon extravagance, toute l’habileté de l’homme conſiſte à fournir de l’exercice à cette abondance de vapeurs, & à leur donner l’eſſor dans le tems convenable. Conformement à cette verité, un homme, ſaiſiſſant une occaſion favorable, ſe jette dans un goufre ; c’eſt un Héros, c’eſt le Sauveur de la Patrie : un autre tente la même entrepriſe ; mais, il prend mal ſon tems, & le titre de Fou couvre ſa mémoire d’une honte éternelle. Fondez ſur une diſtnction ſi délicate, nous prononçons le Nom de Curtius avec tendreſſe & avec reſpect, mais celui d’Empedocle avec haine & avec mépris ; & nous concevons ſans peine, que Brutus ne fit l’extravagant, que pour le bien public. Quant à moi, je ſuis convaincu, que l’extravagance de ce grand homme étoit veritable, & que c’étoit une abondance de vapeurs mal appliquée juſqu’alors, que les Latins appellent ingenium per negotiis ; mais, que cette Frénéſie ne revetit les apparences de la Sageſſe, que quand elle trouva ſon veritable element dans les Affaires d’Etat.

Toutes ces raiſons importantes, & pluſieurs autres du même poids, quoi que moins curieuſes, me font ſaiſir cette occaſion de recommander un projet fort utile aux ſoins des Chevaliers Edouard Seymour, Chriflophle Muſgrave, Jean Bowls, & de M. How Ecuïer & d’autres Amateurs de la Patrie[9]. Je les conjure d’emploïer tout leur crédit, pour faire nommer des Commiſſaires deſtinez à avoir inſpection ſur Bedlam, & ſur les lieux voiſins, & autoriſez à examiner le mérite, les qualitez, les diſpoſitions, & la conduite de chaque Membre de cette illuſtre Societé. Si leſ-dits Commiſſaires ont ſoin d’en bien diſtinguer les differens talens, & de les emploïer à des occupations convenables, je ne doute point qu’on n’y trouve une pepiniere de ſujets admirables, pour remplir les Charges de l’Etat, Eccleſiaſtiques, Politiques, Civiles, & Militaires. On n’aura qu’à s’y prendre de la manière, que je vais indiquer ici ; & j’eſpere que le Lecteur benevole ne deſaprouvera pas le mouvement, que je me donne ici, pour faire réüſſir ce deſſein important, en faveur d’un corps renommé, dont j’ai eu autrefois le bonheur d’être membre indigne.

Si un Habitant de ce lieu jure, blaſphême, briſe ſa paille, & la met en pouſſiere, en jettant l’écume par la bouche ; s’il mord dans la grille de ſon cachot, & vuide ſon pot-de-chambre dans le nez des Spectateurs. Que Meſſieurs les Commiſſaires le mettent à la tête d’un Regiment de Dragons, & l’envoient en Flandre ; je réponds du ſuccès.

Un autre s’occupe ſans relâche à babiller, cacqueter, criailler, ſans produire aucun ſon articulé ; que de talens cachez ſous terre ! Qu’au plus vite on lui fourniſſe du papier, un ſac vert, & qu’avec trois ſols dans ſa pôche on l’envoïe vers la Sale de Weſtmunſter[10].

En voici un autre qui prend gravement les dimenſions de ſon appartement. Quoi que condamné à l’obſcurité, il a l’air pénétrant & prévoïant, il marche d’une maniere poſée, il vous demande l’aumone avec gravité & cérémonie ; il parle de la corruption du ſiécle, des taxes, & de la grande paillarde ; il barre ſa cellule préciſement à huit heures du ſoir ; la nuit il ne réve que d’incendies, de voleurs, de chalands de la Cour, & des lieux privilégiez pour les gens inſolvables. Quelle figure ne feroit pas cet homme pourvu de tant de qualitez éminentes, ſi on l’envoïoit au milieu de ſes Freres les Æoliſtes Négotians[11] ?

Prenez garde à ce quatriéme. Il ſemble enfoncé dans une ſerieuſe converſation avec lui-même ; il ſe mord les pouces à des intervalles reglez ; de grandes affaires, des projets, ſont peints dans toute ſa mine ; il marche d’un pas précipité, les yeux fixez ſur un papier : c’eſt un perſonnage, qui aime à épargner le tems ; il a l’ouie dure, la vuë courte, & peu de mémoire ; il eſt toûjours en hate, toûjours accablé d’affaires ; il a un talent merveilleux pour parler à l’oreille, du beau tems, & de la pluie : c’eſt un grand Partiſan des monoſyllabes, & des délays ; ſi prêt à donner ſa parole, qu’il ne la garde jamais ; il a oublié le ſens ordinaire de mots, mais il en retient admirablement bien le ſon ; jamais il ne s’atache long-tems aux mêmes ſujets, ſes grandes occupations l’en détournent à tout moment, ſemblable à un homme qui a pris medecine : ſi vous approchez de ſa grille dans ſes intervalles de familiarité, Monſieur, dit-il, donnez moi un ſou, & je vous chanterai un air, mais donnez moi le ſou auparavant ; dès qu’il a atrapé l’argent, il ſe replonge dans ſes diſtractions. Ne voila-t-il pas une deſcription complette de la Science de la Cour dans toutes ſes branches ; & n’eſt-ce pas dommage, que des diſpoſitions ſi merveilleuſes reſtent inutiles, faute d’être bien appliquées ?

Avancez vers un autre Cachot, mais aïez la précaution de vous boucher le nez auparavant, vous y découvirez un mortel ſombre, arrogant, & mauſſade, ſe vautrant dans ſes propres ordures. Ses alimens digerez font ſes mets les plus délicieux, qui, après une longue circulation, rentrent peu à peu dans le ſein de la matiere par exhalaiſon. Il a le teint d’un jaune tané, & une barbe foible, ſemblable à celle qui couvre ſa nourriture quand elle commence à perdre ſa fraicheur. Il eſt ſemblable à certains inſectes, qui empruntent la couleur & l’odeur de l’excrément, auquel ils doivent leur naiſſance, & leur nourriture : il eſt fort ſobre en paroles, mais en recompenſe fort prodigue de ſon haleine. Il tend ſa main pour recevoir votre ſou ; &, dès qu’il le tient, il ſe renfonce dans ſes occupations ordinaires. N’eſt-ce pas une choſe ſurprenante, que la Societé de Warwick-lane[12], ſe donne ſi peu de mouvemens, pour recouvrer un Membre, qui pourroit lui être d’une ſi grande utilité, & qui vraiſemblablement pourroit devenir un jour le plus grand ornement de cet illuſtre corps.

Un autre Citoïen ſe carre devant vous d’un air fier, il enfle ſes joues, ſes yeux lui ſemblent ſortir de la tête à force de vous régarder du haut en bas : il eſt pourtant aſſez gracieux pour vous donner ſa main à baiſer. Le Chatelain vous avertit de n’en avoir pas peur, & vous aſſure, que c’eſt un garçon qui ne ſait du mal à perſonne : auſſi eſt-il le ſeul qui ait la permiſſion de ſe promener dans l’antichambre. On vous apprend que ce fier perſonnage eſt un Tailleur, à qui l’orgueil a tourné la cervelle. Je paſſe ſous ſilence un grand nombre de ſes autres rares qualitez. J’en ai dit aſſez, pour vous faire comprendre, qu’il ſeroit fort propre à ſes airs & ſes manieres me trompent fort, ſi ce n’eſt pas là ſon veritable élement, & s’il n’y ſeroit pas une figure admirable[13].

Je n’entrerai pas dans un aſſez grand détail, pour faire voir le grand nombre de Petits-Maitres, de Muſiciens, de Poëtes, & de Politiques, que notre Nation gagneroit par une Réformation de cette nature. J’en ai dit aſſez, pour donner une idée du gain, que feroit la Societé, par l’acquiſition d’un grand nombre de perſonnes, dont les talens, enfoüis à preſent, ou du moins s’enrouillant faute d’exercice, pourroient être très-utilement emploïez.

Ce qu’il y a de plus conſiderable encore, c’eſt que toutes ces perſonnes ne manqueroient pas d’exceller chacun dans ſon genre, & de parvenir au plus haut point de perfection ; ce qui paroit clairement par ce que j’ai déja dit, & qui paroitra encore avec plus d’évidence, par un ſeul Exemple remarquable, que je vais vous alleguer. Le Lecteur benevole ſaura s’il lui plait, que moi-même, moi qui lui communique des veritez ſi importantes, je ſuis un perſonnage dont l’imagination, aïant la bouche fort dure, eſt extrémement ſujette à emporter à travers champs mon pauvre bon-ſens, qui, comme j’ai appris par une longue experience, eſt un aſſez mauvais Cavalier.

Mes Amis, qui me connoiſſent là-deſſus, n’oſent jamais me laiſſer ſeul, ſans me ſaire promettre ſolemnellement, que je donnerai de l’air aux exhalaiſons qui portent mon cerveau à prendre le mords aux dents, & que je les laiſſerai évaporer dans quelques ſpeculations utiles au public, & ſemblables à celle-ci. Quand je tiens ma parole, tout va bien, & je ſuis un des prêmiers hommes du monde.

Je m’imagine que le public, voïant les grandes choſes dont je ſuis capable, aura de la peine à ſe perſuader, que je ſois ſuſceptible de pareilles Extravagances, lorſque mes talens merveilleux ſortent de leur Sphere, & s’exercent ſur des ſujets qui ne leur conviennent pas.


Extrait, Sommaire, ou Abrégé
de ce qui fuit dans le Manufcript,
après la Section IX
.




C Omment Jean & Martin, s’étant ſeparez, reſolurent de faire chacun leurs affaires à part. Comment ils voïagerent par Monts, & par Vaux, rencontrerent de fort mauvaiſes avantures, ſoufrirent beaucoup pour la bonne cauſe, & luterent long-tems contre la diſette ; par où ils prétendirent prouver enſuite, qu’ils étoient les ſeuls Fils legitimes de leur Pere, & que Pierre n’étoit qu’un Batard. Comment, ne trouvant aucune reſſource dans les Domaines de Pierre, Martin tira du côté du Nord ; &, trouvant les Thuringiens & autres Peuples diſpoſez à le favoriſer, il dreſſa parmi eux un Théatre de Charlatan, décriant les poudres, les emplatres, les onguents, & les drogues de Pierre, qu’il avoit vendues juſque-là fort cher, ſans donner à Martin aucune part du profit, quoi qu’il eut été emploïé ſouvent à les débiter, & à leur donner Cours. Comment le bon Peuple, ravi d’épargner ſon argent, commença à ſe fier à Martin, & à lui donner ſa chalandiſe. Comment pluſieurs Seigneurs ſe laiſſerent emporter au courant, un entre autres[14], qui, n’aïant pas aſſez d’une ſeule Femme, & ſouhaitant d’en avoir une ſeconde, ſans vouloir donner, pour en avoir la permiſſion, le prix exorbitant que Pierre en demandoit, fit ſon marché avec Martin, qui prétendoit avoir le même droit de l’accorder, que Pierre. Comment pluſieurs autres Seigneurs du Nord, pour leurs propres intérêts, ſe ſeparérent avec leurs Familles de Pierre, & ſe lierent avec Martin. Comment Pierre, enragé de la perte de tous ces territoires & de leurs revenus, fulmina contre Martin, & envoia contre lui les plus terribles de ſes Taureaux, ſans beaucoup de ſuccès : & comment il le déclara rebelle & traitre, avec tous ſes adhérants ; ordonnant à tous les fidéles ſujets de ſon empire de prendre les armes, & les animant par de grandes promeſſes à tuer, brûler, & detruite ſes ennemis, ce qui fut l’origine de grandes & ſanglantes gueres.

Conment Henri Bravache Seigneur de la Paroiſſe d’Albion[15], un des plus grands Breteurs de ſon ſiécle, envoïa un Cartel à Martin, pour le défier au combat en champ clos ; d’où eſt venue la mode des Gladiateurs en Angleterre, ſi fameux dans ce païs-là, & ſi inconnus par tout ailleurs. Comment Martin, étant un hardi compere, accepta le défi : comment ils combatirent, au grand divertiſſement de Spectateurs ; & comment, après s’être donné maintes belles taillades, ils furent tous deux victorieux : exemple, qui a été pluſieurs fois imité par de fort habiles gens. Comment les partiſans de Martin le congratulerent ſur ſa victoire, & comment les Amis de Henri lui firent de pareils complimens, ſur-tout Mylord Pierre, qui, lui envoïa une belle Aigrette[16], pour être portée ſur ſon bonnet & ſur celui de ſes Succeſſeurs, en memoire du beau combat qu’il avoit ſoutenu pour les intérêts dudit Pierre.

Comment Henri, bouffi d’orgueil à cauſe de ſa prétendue victoire, commença à chercher noiſe à Pierre même ; & comment ils ſe querellerent, pour l’amour d’une Donzelle de médiocre vertu[17]. Comment quelques Sujets de Henri, aimant la nouveauté, commencerent à dire du bien de Martin, & comment ce Seigneur les chatia vigoureuſement ; comme il fit encore à l’égard de ceux, qui tenoient le parti de Pierre : & comment il chaſſa, brúla, & pendit, les uns & les autres[18].

Comment Henri Bravache, après pluſieurs fanfaronnades, querelles, & débauches, mourut, & fut ſuccedé par un bon Garçon[19] ; qui, ſe laiſſant emporter par la foule de ſes ſujets, permit à Martin de répandre ſes drogues par-tout Albion. Comment, après ſa mort, la Paroiſſe tomba entre les mains d’une Dame, qui étoit violemment amoureuſe de Pierre ; & comment elle réſolut de purger tout ſon domaine des Partiſans de Martin, & d’en exterminer juſqu’au nom[20]. Comment Pierre triompha, & débita de nouveau ſes poudres, emplatres, & onguents, comme les ſeuls véritables, ceux de Martin aïant été tous déclarez contrefaits. Comment pluſieurs des Amis de Martin abandonnerent le Païs, & voïageant dans les Regions étrangeres firent connoiſſance avec pluſieurs Partiſans de Jean dont ils prirent les modes & les manieres de vivre, qu’ils introduiſirent enſuite dans leur Paroiſſe, qui étoit alors tombée en partage à une autre Dame plus moderée & plus politique[21]. Comment elle fit de ſon mieux, pour entretenir Commerce en même tems, avec Pierre, & avec Martin, non ſans faire du bien à quelques Partiſans de Jean : & comment elle eſſaïa en vain de réconcilier les trois Freres ; parce que chacun d’eux vouloit faire le Maître, & défendre aux autres de débiter leurs onguents & leurs drogues.

Comment elle les chaſſa tous trois & leva elle-même une Boutique bien fournie de toutes ſortes de beaumes & onguens, tous bons & véritables, compoſez par des Medecins & des Apothicaires établis par elle-même, & qui en avoient dérobé les receptes dans les Livres de Pierre, de Martin, & de Jean. Comment, pour mieux débiter ce Pot-pourri de remedes, elle défendit la vente de ceux des trois Freres, ſur-tout de Pierre, des inventions duquel elle avoit le plus profité. Comment Dame Eliſe, pour mieux affermir ſon nouvel établiſſement, imitant ſagement ſon Pere, dégrada Pierre de ſon prétendu Droit d’Aineſſe, & ſe fit reconnoitre elle-même pour Chef de la Famille. Comment elle ne laiſſa pas pour cela de porter le beau Bonnet de ſon Pere, avec la belle Aigrette, qu’il avoit reçûe de Pierre, pour avoir combatu pour lui ; en quoi elle a été imitée par ſes Succeſſeurs, quoi qu’Ennemis jurez de Pierre, & de ſes partiſans. Comment Dame Eliſe, & ſes Medecins, informez du mauvais effet de pluſieurs de leurs remedes, reſolurent de reformer leur boutique, & de la purger d’une quantité de vilenies, & d’onguens pernicieux, compoſez d’après les receptes de Pierre ; & comme elle en fut empéchée par la mort.

Comment la Paroiſſe tomba en partage au Seigneur d’un petit Village dans le Nord[22], qui prétendit en faire mieux valoir les revenus qu’un autre, quoi qu’il fût à peine capable de bien adminiſtrer ſon pauvre petit Patrimoine. Comment ce nouveau Seigneur, pour montrer ſon adreſſe & ſa valeur, ſe batit contre des Enchanteurs, des Geants, & des Moulins-à-vent, & ſe vanta fort de ſes victoires, quoique, ſans le moindre danger, il fut ſouvent ſujet à inſulter la doublure de ſon haut de chauſſe[23].

Comment ſon Succeſſeur[24] ne fut pas plus ſage que lui, & cauſa de grands deſordres, par les nouvelles coutumes, qu’il vouloit introduire parmi ſes ſujets : comment il entreprit d’établir, dans le Village du Nord, une Boutique d’Apothicaire ſemblable à celle, qui avoit la vogue dans la Paroiſſe du Sud ; & comment il y échoua, a cauſe qu’on y avoit beaucoup de Foi pour les drogues de Jean.

L’Auteur ſe trouve embaraſſé ici, pour avoir fait entrer dans ſon Hiſtoire une Secte differente des trois dont il avoit reſolu de parler ; ce qui eſt fort contraire à ſon reſpect inviolable pour le nombre trois. Pour remédier à cet inconvenient, il prend le parti de ne plus parler de la Boutique de Martin, & de mettre celle de Madame Eliſe à la place ; avertiſſant le Lecteur, que deſormais, par les Partiſans de Martin, il faut entendre la nouvelle Secte fondée par ladite Dame. Ce point important étant duëment éclairci, il reprend le fil de ſon Hiſtoire, & nous décrit les grandes querelles & batailles de Jean & de Martin, dont tantôt l’un avoit le deſſus, & tantôt l’autre, à la grande déſolation de la Paroiſſe & comment ils s’accordérent à la fin à faire pendre le ſuſdit Seigneur, qui prétendit ſoufrir le Martire pour Martin, quoi qu’il eut été infidelle à l’un & à l’autre Parti, & fort ſoupçonné de favoriſer Pierre.


Abregé d’une Digression sur la nature,
l’utilité, & la nécessité des Guerres,
& des Querelles.




C ette matiere étant d’une grande importance, l’Auteur, reſolu de la traiter, d’une maniere étenduë, dans un Ouvrage à part, ſe contente ici d’en donner quelques idées.

L’état de Guerre eſt naturel à tous les Animaux ; & la Guerre n’eſt autre choſe, que le deſſein de prendre, par force, ce que d’autres ont, & que nous voudrions avoir. Chaque homme, pleinement convaincu de ſon merite, & ne le voïant pas aſſez conſideré des autres, a un droit naturel de leur aracher tout ce dont il ſe croit plus digne qu’eux ; & chaque Animal, croïant ſes beſoins les plus grands, eſt autoriſé par la nature à s’approprier tout ce qu’il croit propre à y ſatisfaire.

Les Brutes ſont plus modeſtes dans leurs prétenſions à cet égard ; que les Hommes ; & le vulgaire l’eſt d’avantage, que les gens de diſtinction. Plus un homme étend ces ſortes de prétentions, plus il fait de fracas dans le monde ; plus il a de ſuccès, & plus il merite le titre de Héros. Les ames les plus grandes, qui font de la ſuperiorité de leur merite la meſure de leurs beſoins, ont un droit abſolu de prendre chez le Peuple tout ce qui leur manque : c’eſt-là la baze de la Grandeur, & de l’Héroïſme, comme auſſi de leurs diſſerens dégrez. La guerre, par conſequent, eſt néceſſaire, pour établir la ſubordination parmi les hommes ; pour fonder les Villes, les Etats, & les Empires ; & pour purger les Corps Politiques des humeurs ſuperflues. Les Princes ſages ont toujours ſoin de nourrir les Guerres en dehors, pour avoir la Paix en dedans. La Guerre, la Famine, & la Peſte, ſont les remedes ordinaires de la corruption, que l’Abondance cauſe dans les Corps Politiques. L’Auteur promet un Panagyrique formel de chacune des trois. La plus grande partie du Genre-humain aime mieux la Guerre que la Paix ; c’eſt-là l’inclination generale des hommes : & ceux, qui n’ont pas le pouvoir, ou le courage, de faire la Guerre eux-mêmes, païent des gens, afin de la faire pour eux. Voilà ce qui entretient dans le Monde les Breteurs, les Braves, les Aſſaſſins de profeſſion, les Avocats, & les Guerriers. La plus grande partie des Metiers ſeroit inutile, dans une Paix perpetuelle. De-là vient que parmi les Brutes, il n’y a ni Forgerons, ni Procureurs, ni Ingenieurs, ni Magiſtrats, ni Chirugiens. Les Brutes, aiant des deſirs fort bornez, ſont incapables de perpetuer la Guerre contre leurs propres eſpeces, & de former des Armées pour les détruire. Ces prérogatives apartiennent à l’Homme ſeul. L’Excellence de la Nature humaine éclatte dans la multitude des deſirs, des paſſions, & des beſoins, dont nous ſommes environnez. L’Auteur ſe propoſe de traiter ce ſujet plus au long dans ſon Panegyrique du Genre-Humain.


Suite du Sommaire de l’Hiſtoire de Martin.




C omment Jean, aiant mis à la place du Vieux Seigneur un de ſes intimes Amis[25], ſe querella de nouveau avec Martin, le chaſſa de la Paroiſſe, pilla ſa Boutique, & la ruina de fond en comble. Comment le nouveau Seigneur fit du pis qu’il pouvoit, roua Pierre de coups, houſpilla Martin, & fit trembler tout le voiſinage. Comment les Amis de Jean ſe diviſerent en mille partis, mirent tout ſens-deſſus-deſſous, & ſe rendirent inſupportables à tout le monde. Comment ce Seigneur impétueux étant venu à mourir, Jean fut chaſſé de la Paroiſſe, à grands coups de pied, par le nouveau Seigneur[26] qui rétablit Martin, & lui laiſſa faire tout ce qu’il vouloit. Comment Martin, en récompenſe, reſolut de ſe conformer en tout aux déſirs de ce bon Seigneur, pourvu que Jean fut tenu bas. Differens eſſorts de Jean, pour relever la tête, mais tous ſans ſuccès, juſqu’à ce qu’après la mort dudit Seigneur, la Paroiſſe tomba entre les mains d’un grand Ami de Pierre[27], qui, pour humilier Martin, traita Jean avec aſſez de douceur. Comment Martin, enragé de cette Innovation, introduiſit dans l’Héritage un Etranger[28], aidé par Jean, qui haïſſoit mortellement le vieux Seigneur, à cauſe de ſes liaiſons étroites avec Pierre, dans les bras duquel ce pauvre exilé trouva bon de ſe jetter. Comment le nouveau Şeigneur rétablit Martin dans la pleine poſſeſſion de ſes droits, ſans lui permettre pourtant de détruire Jean, qu’il avoit toujours aimé. Comment Jean s’acquit dans le Nord une Province entiere, au grand déplaiſir de Martin, qui, voïant encore, que dans le Sud on permettoit aux Amis de Jean de gagner paiſiblement leur vie, fut très-mécontent du Seigneur étranger, qu’il avoit apellé à ſon ſecours. Comment ledit Seigneur mit ordre à la conduite de Martin, qui, de rage, tombant dans une fievre chaude, jura qu’il ſe pendroit, ou qu’il s’allieroit avec Pierre, à moins qu’on ne fit mourir de faim tous les Adherants de Jean. Pluſieurs projets, qu’on fit pour guerir Martin, & pour le reconcilier avec Jean, afin de les unir enſemble contre Pierre ; mais, rendus tous infructueux, par certains Amis de Pierre, qui ſe cachoient parmi ceux de Martin, & qui paroiſſoient les plus zélez pour ſes intérêts[29]. Comment Martin, dans un violent accès de ſa fiévre, s’étant échapé de ceux qui le gardoient, parut dans les rues ſi ſemblable à Pierre dans ſon air, dans ſes habits, & dans ſes diſcours, que les voiſins avoient de la peine à l’en diſtinguer ; ſur-tout lorſqu’il ſe fut couvert de la Cuiraſſe de Pierre, qu’il avoit empruntée pour combattre Jean. Quels remedes on emploïa, pour la gueriſon du pauvre Martin, &c.

NB. Certaines choſes qui ſuivent ceci ne ſe trouvent pas dans le Manuſcrit, & ſemblent avoir été écrites depuis pour remplir la place de ce qu’on ne trouva pas à propos de faire imprimer alors.


Remarque du Traducteur.

Pour moi, je crois plûtôt, que l’Abregé que nous venons de voir eſt un extrait en l’air ; & que l’Auteur du reste de l’Ouvrage n’a jamais fait un Diſcours, dont ce que nous venons de voir puiſſe être le Sommaire. L’Editeur Anglois place ce prétendu Diſcours après la Section 9. & le pouſſe juſqu’au tems du Roi Guillaume. Cependant dans la Section onziéme, l’Hiſtoire n’eſt étenduë que juſques au Regne de Jaques Second.

On dira peut-être, que c’eſt préciſement cette Section, que la petite Note de l’Editeur Anglois a en vuë, & que par conſequent elle ne ſe trouve point dans le Manuſcript ; mais, cette Objection ſeroit des plus frivoles, puiſquil eſt aiſé de remarquer, que c’eſt par-tout le même ſtile, le même tour d’eſprit, la même invention, qui brille dans tout le reſte de l’Ouvrage.

Il n’en eſt pas de même, à mon avis, du Sommaire. Il y a de l’eſprit infiniment ; mais, ce n’eſt pas la même ſorte d’eſprit ſi particulier à l’Auteur du Conte. L’Allegorie n’y est pas par-tout également bien ſoutenuë, & elle eſt de beaucoup trop développée pour répondre à tout le reſte. Toutes les Revolutions que la Religion a eſſuiées en Angleterre, y paroiſſent ſi clairement, qu’il ſuffit d’avoir une legere idée de l’Hiſtoire, pour n’y trouver rien d’Enigmatique ; ce qui eſt fort éloigné du tour, qui regne generalement dans le reſte de l’Ouvrage. Pour ce qui regarde la juſteſſe de l’Allegorie, je crois que tout le Public verra avec moi, que tous les troubles, & les changemens, qui ſont arrivez dans la Grande-Bretagne par raport à la Religion, ne ſont gueres appliquables à une ſimple Paroiſſe, bien moins encore à une Ferme, ou Métairie ; car, c’eſt l’idée dont on s’eſt ſervi dans l’Abregé Anglois. Ainſi, l’Auteur de cette Piece s’y trouve-t-il trop ſerré ; il en ſort plus d’une fois, & entre autres lorſqu’il parle d’une Province entiere dans le Nord, dont Jean s’étoit mis en poſſeſſion. Il dépeint le Corps de Doctrine de chacun des Freres, ſous l’Emblême d’une Boutique d’Apothicaire ; mais cet Emblême eſt trop borné : il s’y reſte pas, parce qu’il n’y ſauroit reſter, ſans donner viſiblement la torture à ſa matiere, & à ſon eſprit. Ce que j’en dis n’eſt pas pour rien ôter au merite de cet Extrait. Je le trouve plein de feu, & de fine plaiſanterie ; & je crois que le Public doit Savoir gré à l’Éditeur Anglois de le lui avoir communiqué, & à moi de l’avoir traduit. J’y ai laiſſé le même tour, qu’il a dans ſa Langue originale, & je n’ai pas craint de devenir ennuieux par l’uniformité des Periodes, qui commencent preſque toutes par Comment &c.

Il s’agit ici d’une eſpece de Roman ; & ceux, qui auront lu les Rolans, & les Amadis, ſe ſouviendront ſans doute, que les Sommaires, qui précédent chaque Livre de ces merveilleux Ouvrages, ſont écrits dans le même gout : Comme Laſcaris combatit le Dragon du Lac, &c. Comme le Damoiſel de l’ardente Epée défit en combat ſingulier, &c. Comme le Soudan Zair & l’Infante Abra ſa Sœur ſe firent chrétienner, &c.

J’avois même quelque démangeaiſon de traduire ce Sommaire en Gaulois, pour le relever davantage par le gout de ce vieux ſtile Romaneſque ; mais, je n’ai pas oſé le hazarder, parce que ce langage n’eſt pas conforme à celui que j’ai employé dans le reste de ma Traduction.

  1. Ce Prince eſt Henry IV. qui, peu de tems avant ſa mort, fit tous ces Préparatifs dont l’Auteur parle. On les attribua aux deſſeins les plus vaſtes, qui ſont dépeints ici ; mais, l’Auteur oublie un des Projets qu’on attribue à ce Grand Roi ; c’étoit d’établir une Paix perpetuelle dans le Monde, en mettant tous les états de l’Europe dans certaines bornes. C’eſt ce deſſein, qui dans nos jours a donné naiſſance à un Livre très-curieux, qui établit toutes les Maximes neceſſaires, pour parvenir à un but ſi ſouhaitable, & qui s’efforce d’applanir toutes les difficultez, qui pourroient s’y oppoſer. Cet Ouvrage merite d’être lu avec la plus grande attention. Quand il ſeroit deſtitué de ſolidité, ce que perſonne juſqu’ici n’a entrepris de faire voir, il nous donneroit toûjours la Chimere la mieux formée qu’on puiſſe s’imaginer. Il eſt de l’Abbé de St.Pierre,
  2. Des gens, qui raffinoient moins ſur les projets de Souverains, ont debité, que la cauſe de tous ces Préparatifs étoit la Princeſſe de Condé, qui avoit donné de l’amour à ce Monarque ſuſceptible, & qui, pour mettre ſon honneur à l’abri de ſes pourſuites, s’étoit retirée dans les Païs-Bas Catholiques. Ils prétendent, que ſon Amant avoit ramaſſé toutes ces forces redoutables, pour conquerir cette Maîtreſſe cruelle, en l’arrachant d’entre les mains des Eſpagnols. Le grand deſſein dont je viens de parler, & ce Projet bas & mépriſable, ne ſont pas incompatibles dans le fond.
  3. C’eſt Loüis XIV.
  4. Zibeta Orientalis, c’eſt le Muſc. Zibeta Occidentalis, c’eſt quelque choſe de fort contraire au Muſc, quoi qu’elle ſorte d’une ſource toute pareille.
  5. L’Auteur a en vuë la fameuſe Fiſtule de Loüis le Grand.
  6. L’Hôpital des Fous à Londres.
  7. Ce choc des opinions pointues, unies, rondes, quarrées, eſt fort inutile dans cette Allégorie ; n’en déplaiſe aux Admirateurs de cet Ouvrage, parmi leſquels je me range très-volontiers. Ce n’eſt pas le ſeul endroit où l’imagination de l’Auteur s’écarte de la juſteſſe d’eſprit, à force d’outrer les choſes.
  8. Ce Jean de Leyden étoit un Tailleur, qui ſe fit Chef d’une Secte de Fanatiques, dans le commencement de la Réformation. Soutenu d’une troupe nombreuſe de ſes partiſans, il s’empara de la Ville de Munſter, & prit le titre de Roi : il y ſoutint le Siege, avec beaucoup d’opiniatreté ; mais, la Ville étant priſe à la fin, il fut puni de mort, comme ſon Fanatiſme ambitieux l’avoit très bien merité.
  9. C’étoient dans ce tems les Chiens à grand Collier dans la Chambre des Communes.
  10. Qu’on en faſſe un Avocat. La Sale de Weſtmunſter eſt le lieu où l’on plaide : les jeunes Juris-Conſultes, qui frequentent cet endroit, y vont d’ordinaire quatre à quatre dans un fiacre, qui leur coute 3 ſols à chacun.
  11. Cet article fait alluſion aux gros Negocians, Quacres & Presbyteriens, auſſi graves dans leur contenance, & réguliers dans l’exterieur de leur conduite, qu’avides de Gain, & atachez à l’Argent.
  12. Aſſemblée de Médecins.
  13. L’Auteur ne s’explique point clairement ici. Si j’oſois hazarder une conjecture, je devinerois que le Caractere de cet Habitant de l’Hopital des Fous fait alluſion à quelque Favori qui l’orgueil avoit fait tourner la tête.
  14. Le Landgrave de Heſſe.
  15. Henri VIII. Roi d’Angleterre.
  16. Cette belle Aigrette eſt le Titre de Défenſeur de la Foi, que Henri VIII. n’a pas laiſſé de porter, lors même qu’il eut ſecoué le Joug du Pape, & dont les Succeſſeurs font encore parade aujourd’hui.
  17. Anne Boulen, cauſe de la rupture fameuſe entre ce Roi & le Pape.
  18. La Perſecution de Henri VIII., également furieuſe contre les Proteſtans, & contre ceux qui ne vouloient pas reconnoitre ſa Suprematie au lieu de celle du St. Pere.
  19. C’eſt le jeune Edouard, Prince, qui avoit de fort bonnes inclinations, mais qui ne regna pas aſſez long-tems pour faire le bonheur de ſes Peuples.
  20. C’eſt la Reine Marie, Femme de Philippe II. Roi d’Eſpagne, fort attachée au St. Siege, & perſecutrice cruelle des Proteſtans.
  21. La Reine Eliſabeth.
  22. Jaques Premier.
  23. Il a toûjours paſſé pour un Prince foible, & ſouverainement poltron.
  24. Charles Premier.
  25. Cromwel.
  26. Charles II.
  27. Jaques II
  28. Guillaume III.
  29. Il arrive aſſez ſouvent, que des Prêtres Papiſtes, & ſur-tout des Jéſuites, ſe mêlent parmi le Clergé Anglican ; & que, faiſant profeſſion de la Religion Proteſtante, ils ne négligent rien, pour ſapper ſourdement l’Etat & l’Egliſe.