Le Corset (1908)/02
CHAPITRE II
Le corset est appliqué sur cette partie du corps humain qu’on appelle le tronc. Celui-ci est divisé en une partie supérieure thoracique et une partie inférieure abdominale.
La partie supérieure ou thoracique est constituée par le squelette du thorax, et forme une cage osseuse qu’on appelle cage thoracique, elle renferme les poumons et le cœur.
La partie inférieure comprend la région abdominale proprement dite, qui renferme l’estomac, les reins, le foie, le pancréas, la rate, l’intestin et les organes génito-urinaires internes.
Le bassin est constitué par une ceinture osseuse protégeant les organes qui y sont contenus. La région abdominale proprement dite n’a d’autre squelette que la colonne vertébrale qui réunit l’un à l’autre en arrière le thorax et le bassin.
Le muscle diaphragme en forme de voûte à convexité supérieure, sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale.
Le squelette du thorax est formé en arrière par la partie dorsale de la colonne vertébrale, en avant par un os aplati d’avant en arrière, et qui est le sternum. La colonne vertébrale et le sternum sont réunis par des os plats de forme allongée et courbée, qui s& détachent de chaque côté de l’épine dorsale, et se dirigent à la façon d’arcades vers le sternum, et qu’on appelle les côtes.
En examinant la partie de la colonne vertébrale qui prend part à la constitution du squelette thoracique, nous trouvons que cette partie du rachis comprend douze os ou vertèbres, qui sont les vertèbres dorsales.
Ce qu’il faut bien retenir ici, c’est la direction de la colonne vertébrale. Celle-ci examinée dans le sens antéro-postérieur, présente quatre courbures : en avant, une convexité au cou (A), une concavité à la région dorsale (B), une convexité à la région lombaire (c), une concavité à la région sacro-coccygienne (D) ; à ces courbures de la partie antérieure correspondent en arrière des courbures en sens opposé.
Indépendamment des courbures antéro-postérieures, il existe au niveau des troisième, quatrième et cinquième vertèbres dorsales, une inclinaison ou plutôt une dépression latérale à concavité gauche ; cette dépression est due selon les uns, à la présence de la courbure de la grosse artère aorte, et selon Bichat, à l’habitude de se servir de la main droite, qui oblige à incliner la partie supérieure du tronc à gauche pour offrir un point d’appui et une espèce de contre poids à l’action du membre thoracique droit.
Le sternum, os de la poitrine par excellence, est une espèce de colonne osseuse aplatie, symétrique, qui occupe la partie antérieure et médiane du thorax, et forme en quelque sorte le sommet de la voûte que celui-ci représente. Il est situé entre les côtes au milieu desquelles il est comme suspendu, et qui le soutiennent à la manière d’arcs-boutants.
La direction du sternum n’est pas verticale, mais oblique de haut en bas, et d’arrière en avant. Cette inclinaison varie beaucoup suivant les sujets, les âges, et même les sexes, c’est pourquoi le sternum présente de nombreuses variétés d’aspect, qui d terminent les différentes for mes de la poitrine.
Le sternum est formé de plusieurs pièces dont l’inférieure ou abdominale s’appelle l’appendice xiphoïde, ou cartilage xiphoïde, parce qu’il reste cartilagineux parfois jusque dans la vieillesse. Cruveilhier et Sappey font remarquer la brièveté nu sternum chez la femme.
Les côtes sont au nombre de douze ; on les divise en vraies côtes au nombre de sept, et en fausses côtes au nombre de cinq. La différence entre les unes et les autres consiste en ce que les vraies côtes réunissent directement la colonne vertébrale au sternum, tandis que les fausses côtes ne se rattachent à ce dernier que par l’intermédiaire de cartilages. Les deux dernières fausses côtes même sont appelées cotes flottantes, car elles se détachent de la colonne vertébrale en arrière sans aller en avant se fixer en aucune façon au sternum.
La clavicule C (fig. 5) ainsi nommée parce qu’elle a été comparée à une petite clef, est un petit os allongé qui s’articule d’une part, par son extrémité interne avec la partie supérieure du sternum, et par son extrémité externe avec une partie de l’omoplate appelée acromion (o).
La clavicule présente deux courbures qui sont, en allant de dedans en dehors, à concavité postérieure, puis à concavité antérieure. Cette clavicule est située exactement sous la peau, et comme elle est placée entre le sternum et l’omoplate à la façon d’un arc boutant, il en résulte que cet os est très exposé aux fractures : fractures sans gravité le plus souvent, mais dont le cal — c’est-à-dire le point de soudure où l’os s’est réparé — apparaît chez les femmes, surtout chez les femmes maigres, comme une disgracieuse bosse osseuse.
Ainsi que pour la colonne vertébrale, dont les courbures augmentent la solidité, celles de la clavicule augmentent sa résistance au choc venant de dehors en dedans.
Le squelette du thorax que vous venons de décrire s’accroît surtout au moment de la puberté. Cet accroissement se poursuit d’ordinaire chez la femme jusqu’à vingt et vingt-cinq ans. C’est surtout pendant cette période qu’il faut éviter que le corset n’entrave le développement du thorax en prenant point d’appui sur lui et en l’enserrant d’une façon exagérée.
Des recherches de M. Charpy, il résulte que la poitrine de la femme est aussi large niais moins développée en épaisseur que celle de l’homme.
« De toutes manières, ajoute-t-il, je suis porté à croire que les différences sexuelles sont bien moins grandes que ne l’ont dit plusieurs observateurs quand ils affirment que la femme est naturellement conformée pour respirer par le type costo-supérieur. »
Quant à l’angle xiphoïdien il est différent chez l’homme et chez la femme. Cet angle qui est délimité par les cartilages des fausses côtes, et dont le sommet est à l’appendice xiphoïde mesure chez l’homme 70° et chez la femme 75°, on comprend la valeur de la notion de cet angle pour apprécier le degré de déformation imposée au thorax par la constriction.
La déformation du thorax par le corset trop serré est en effet un des plus constants résultats du port de ce vêtement, et Charpy l’exprimait, en 1884, d’une façon sévère dans la Revue d’Anthropologie, où il écrivait : « Ce n’est pas chose facile de trouver des poitrines de femmes de vingt-cinq à trente ans qui ne soient pas déformées par le corset ou les vêtements. »
En 1887. J. Dickinson a même essayé de déterminer la pression exercée sur le thorax par le corset en glissant sous celui-ci un sachet à air communiquant avec un tube manométrique. Il a trouvé que cette pression toujours notable était dans certains cas considérable. Malheureusement son système manquait un peu de précision et les expériences portaient sur trop peu de cas pour que les résultats fussent intéressants à connaître.
J’ai cité l’opinion l’Ambroise Paré sur la question, celle de Bonnaud n’en diffère guère puisqu’il écrivait en 1770, dans son travail : Dégradation de l’espèce humaine par les corps à baleines, que : « Les bossues, les bancroches, les rachitiques, toutes les personnes mal construites et mal bâties, ne sont communes que dans les grandes villes où l’on a la coupable manie d’emmailloter les enfants et de les mettre ensuite à la presse dans des corps à baleines. »
C’est au niveau des neuvième, dixième, onzième côtes que le corset produit son plus fort degré de constriction. De nos mensurations faites sur cent femmes, il résulte que le périmètre au niveau de la quatrième ou cinquième côte et le périmètre au niveau des huitième ou neuvième présente une différence de six à dix centimètres au détriment du dernier.
Il faut bien se souvenir d’ailleurs que les corsets modernes (nous parlons des corsets bien faits) sont plus courts qu’ils ne l’étaient autrefois ; ils commencent la constriction moins haut au-dessous des seins qu’ils soutiennent sans les comprimer ; ils serrent donc surtout la base du thorax au niveau des dixième et onzième côtes.
Sillon costal de la neuvième à la onzième côte avec fréquent évasement de la marge du thorax : tel est le premier stigmate du corset sur le tronc. Nous ne signalons que pour mémoire l’amaigrissement, l’atrophie de la paroi consécutifs à des constriction s exagérées et prolongées. Ce que l’on voit plus fréquemment c’est l’altération de la peau qui se ternit, prend une teinte sale et devient plus ou moins rugueuse.
Le second stigmate important c’est la diminution de l’angle xiphoïdien. Les côtes refoulées en dedans et en bas tendent à se rapprocher de la ligne médiane, à effacer l’angle xiphoïdien, pendant que leur courbure verticale s’accuse jusqu’à former une sorte d’angle en avant de la ligne axillaire. Dans un cas extrême, Engel a vu l’angle xiphoïdien réduit à la largeur d’un doigt. L’appendice peut disparaître sous les cartilages costaux. (Dr Chapotot).
On se rendra compte des déformations du thorax attribuées au corset en examinant les figures 6 et 7 empruntées à la collection du Magasin pittoresque (1833).
L’une reproduit d’une part le buste de la Vénus de Médicis qui présente un bel exemple de thorax normal, d’autre part, le squelette de ce thorax qui laisse voir les os dans leur position normale.
L’autre figure montre la disposition osseuse et l’apparence d’un thorax de jeune femme qui a longtemps porté un corset trop serré. Au niveau du maximum de constriction, la paroi antérieure est rapprochée de la paroi postérieure. Les cinq ou six dernières côtes sont repoussées en dedans et en haut. Les cartilages costaux sont refoulés en haut et rapprochés les uns des autres, en même temps que de ceux de l’autre côté. L’angle fait par la série des cartilages gauches avec la série des cartilages droits diminue considérablement et finit même, dans certains cas par disparaître complètement, comme Cruveilhier l’a observé chez une femme âgée qui, depuis l’âge de la puberté, se serrait dans son corset.
Le rapport de M. Brouardel sur un mémoire de M. Hamy : Contribution à l’étude des déformations du thorax, rapport lu à la séance de l’Académie de médecine du 31 décembre 1901, décrit ainsi des déformations thoraciques rapportées au port du corset : la dame qui fait le sujet de l’observation était née en 1753 ; elle appartenait à une famille bourgeoise et avait subi comme ses contemporaines, les modes extravagantes qui réglaient alors le costume féminin. Elle avait eu à mouler son corps dans le cône étroit et allongé d’un de ces corps busqués et baleinés dont on voit les figures dans les vieux journaux de modes et les originaux dans quelques musées, et c’est la poitrine étriquée par cette déformation artificielle qui constitue le trait caractéristique du sujet que présente M. Hamy.
Le sternum n’est pas notablement déformé ; il est seulement plus courbé qu’à l’ordinaire suivant son axe, et sa moitié inférieure s’enfonce entre les cartilages costaux qui se relèvent des deux côtés du corps de l’os en faisant d’épais bourrelets symétriques.
Les cartilages ainsi tordus en demi-cercle un peu en dehors de leur articulation costale prolongent jusqu’à la huitième côte leurs reliefs que limite vers ce niveau un angle saillant et arrondi.
Les trois paires de côtes supérieures n’offrent rien de particulier, mais à partir de la quatrième, la courbure normale se modifie profondément. Les arcs osseux sont refoulés de bas en haut et de dehors en dedans par une pression énergique, et la partie moyenne de chaque côte, de la quatrième à la neuvième, se trouve verticalement déplacée, tandis que l’extrémité antérieure s’infléchit sensiblement en dedans et en bas.
Les côtes flottantes n’offrent de remarquable qu’un certain degré d’atrophie ; la onzième et surtout la douzième côtes sont considérablement réduites.
Toutes ces altérations ont pour résultat de donner à la cage thoracique une forme spéciale comparée par J. Cruveilhier à celle d’un baril.
La cavité est très réduite, surtout en travers. Ainsi, la largeur qui est à peu près la même au niveau des côtes de la quatrième à la neuvième, ne dépasse pas 0 m. 17, quand sur une femme de même taille (1 m. 55), normalement conformée, Sappey a trouvé 0,235. Le rétrécissement atteint donc plus de 27 %.
La taille de cette femme de soixante-huit ans ne devait guère dépasser 0 m. 15 à 0 m. 16 d’épaisseur ; par contre, l’ampleur de ses hanches se chiffrait par 27 ou 28. Elle avait donc possédé ce genre de disproportion si recherché des élégantes de son temps, et dont le corset et les paniers étaient chargés d’exagérer encore les grâces (Brouardel, Hamy).
Les déformations produites par les corps étaient non seulement signalées depuis longtemps, ainsi que je l’ai montré, mais depuis longtemps aussi on les a discutées, et depuis longtemps on a cherché à les éviter. « Un artisan obscur, un simple tailleur de Lyon, nommé Reisser, estimé de Pouteau, qui mettait souvent son talent à contribution, osa se mesurer avec Winslow et J.-J. Rousseau, et le fit parfois avec succès. Il montra que parmi les inconvénients reprochés aux corps il en était que l’on évitait aisément en apportant plus de soin à leur construction ; que d’autres dépendaient de la manière défectueuse dont on en faisait l’application ; enfin qu’on leur attribuait à tort certains effets à la production desquels ils étaient complètement étrangers. »
Au corps, dont il était le dérivé et, en quelque sorte, le diminutif, succéda le corset qui, composé d’étoffe, d’un buse et de minces baleines, constitue le vêtement-encore en usage.
Par un singulier anachronisme, dit Bouvier, la plupart des médecins paraissant méconnaître cette transformation, continuèrent à fulminer dans leurs écrits, à l’occasion des corsets, l’anathème classique qui avait frappé les corps baleinés du dernier siècle.
N’est-il pas manifeste qu’une distinction est ici indispensable et que la critique ne saurait confondre justement dans la même réprobation et l’antique cuirasse de Catherine de Médicis et le léger corsage des femmes de nos jours.
En exagérant les dangers des corsets, a dit Fonssagrives, on a dépassé le but ; ce n’est pas ainsi que l’on diminuera les inconvénients attachés à leur usage. Ceci est, je crois, particulièrement vrai quand il s’agit de l’influence du corset sur le thorax, car on a non seulement exagéré, mais encore on a souvent raisonné à faux en partant d’un point de départ inexact.
Dirigeant, il y a quelques années, un cours public d’hygiène, je m’adjoignis un hiver deux de mes confrères pour donner quelques conférences supplémentaires ; l’un d’eux traita un soir du vêtement féminin à bicyclette, et je me souviens qu’il s’éleva en termes très vifs contre l’usage du corset dont, disait-il, la forme était en complet désaccord avec celle du thorax. Pour mieux faire comprendre sa pensée, il dessina au tableau noir deux figures géométriques, deux troncs de cônes, l’un à sommet supérieur, l’autre à sommet inférieur.
La figure A représentait le schéma de la cage thoracique, la fig. B le schéma du corset. Considérez ces deux figures, disait le conférencier, et demandez-vous s’il est possible d’introduire dans les lignes de la figure B la figure A ? Vous penserez que cela, est impossible sans déformer A. Eh bien ! c’est ce que l’on fait chaque jour avec le corset. Cette démonstration était claire, brève, et le schéma qui l’accompagnait parlait aux yeux ; malheureusement démonstration et schéma sont inexacts.
Déjà en 1772, dans ses Recherches sur les habillements des femmes et des enfants, Leroy écrivait : « Le corset représente la forme d’un cône dont la base est en haut et la pointe en bas, structure diamétralement opposée à celle de la poitrine, évasée du bas, rétrécie du haut. »
Ces comparaisons, je le répète, sont inexactes : tout d’abord le schéma d’un corset cambré sur les côtés doit être le schéma C et non le schéma B. Ensuite le schéma A thorax est incomplet.
Prenons en effet, une cage thoracique composée seulement de ses côtes, de sa colonne dorsale et de son sternum ; puis à droite et à gauche des points où les côtes sont les plus éloignées du rachis, menons deux tangentes ; nous avons les lignes SX et SY qui vont se croiser à l’intérieur de la tête. (Sur la fig. ces lignes semblent aboutir à la racine du nez). Si la figure A représentait exactement un thorax, il ne serait pas possible schématiquement de tirer les deux lignes TX′ et TY′ tangentes aux côtes.
Aux points d’intersection des lignes TY′, SX et SY, TX′, menons la ligne MN, nous décomposons la figure en deux parties. Le thorax prend alors la forme schématique d’un baril GHOR (fig. 10).
Notons maintenant sur la fig. 11 le schéma 9 par des lettres placées à chacun de ses angles, et nous obtenons la figure G′H′O′R′. Cette figure (fig. 11, 2e schéma) coupée par le plan M′N′, comprend elle aussi deux parties L et L′ comme le schéma du thorax comprend les parties P et P′.
Ce n’est plus maintenant la partie A de la figure 8 qu’il faut introduire dans la partie B au prix de déformations obligatoires, mais tout simplement la partie P′, partie inférieure du thorax, qu’il faut introduire dans la partie L, partie supérieure du corset ; or, ces deux parties P′ et L ayant les mêmes lignes schématiques, il suffira que L soit plus grand que P′ pour que le thorax puisse être vêtu d’un corset.
Cette comparaison des deux troncs de cône n’était, du reste, que le résultat des descriptions données par les anatomistes. Il est dit, dans nos traités classiques d’anatomie, que les corsets donnent à la poitrine, la figure d’un ovale, d’un petit tonneau ou d’un baril, au lieu de la forme conique qui lui est propre.
Et pour Mme Gaches-Sarraute chaque fois que la cage thoracique amoindrie se termine à la base en forme de cône tronqué à sommet inférieur c’est qu’une cause plus ou moins intense a déformé le thorax (Le Corset. p. 9).
Cette assertion ainsi généralisée repose évidemment sur une erreur. Le thorax n’est point conique, car sa partie inférieure n’est pas le point où il offre le plus d’étendue, puisque sa circonférence va en diminuant à partir des fausses côtes. Il est donc, en réalité, dans les deux sexes, en forme de baril ou doliforme : Figura thoracis, dit Haller,… aut dolium aut corpus elliptoides œmulatur, quod et superne angustior sit et inferne, medius latescat.
Mais ce n’est pas tout : d’après les recherches de Sœmmering, qu’on ne soupçonnera pas d’être trop favorable aux corsets, cette disposition serait naturellement plus marquée chez la femme bien conformée que chez l’homme, indépendamment de toute influence extérieure. Cette forme du thorax est-elle encore exagérée par l’usage des corsets comme elle l’était par les corps au rapport de Winslow, et abstraction faite des abus partiels dont j’ai rappelé plus haut les suites ? C’est là une question que nos traités modernes d’anatomie ne peuvent résoudre, puisque l’on n’y a pas tenu compte du resserrement normal de la partie inférieure de la poitrine.
À la vérité, Cruveilhier, dans son Traité d’anatomie, Hourman et Dechambre, dans les Archives générales de médecine, ont décrit comme résultant de l’usage des corsets des déformations trop prononcées pour pouvoir être rapportées à l’état normal ; mais leur origine est loin d’être toujours évidente. D’abord, toutes ces observations ont été faites à l’hospice de la Salpêtrière, de sorte que l’état sénile complique tous les faits, et qu’il n’est pas facile de distinguer son Influence de celle des vêtements eux-mêmes. Hourman et Dechambre attribuent à la première cause l’aplatissement latéral du haut du thorax, qu’ils ont rencontré sur beaucoup de sujets. Pourquoi la même circonstance ne produirait-elle pas également le rétrécissement de sa partie inférieure qu’ils rapportent à l’usage du corset ? L’inclinaison du rachis en avant exerce ici une influence qui me semble avoir été en partie méconnue. Cette inclinaison abaisse les côtes, change leur forme, les déprime latéralement, les allonge en avant et, par la direction nouvelle qu’elle donne à l’axe de la poitrine, applique plus fortement sa base sur la face convexe du foie.
Les observateurs que j’ai cités n’ont d’ailleurs rien dit du genre de vêtements des femmes soumises à leur examen. Cela est d’autant plus regrettable qu’il est à présumer qu’un certain nombre d’entre elles n’avaient jamais porté de corsets, que la plupart devaient les avoir quittés depuis longtemps, et que les plus âgées pouvaient s’être servies de corps à baleine dans leur jeunesse.
Hourman et Dechambre ont rencontré, dans beaucoup de cas, peut-être dans le plus grand nombre, au lieu d’un resserrement des dernières côtes donnant au thorax la forme d’un baril, un rétrécissement circulaire situé à peu près au niveau de la partie antérieure de la huitième côte et au-dessous duquel la base du thorax était au contraire évasée, déjetée en dehors, saillante même à son rebord cartilagineux. « De cette façon le thorax dans son ensemble serait plutôt comparable à ces vases antiques à pied élargi et séparé du reste par un col plus ou moins rétréci. »
Cette déformation paraît, en effet, la plus commune d’après les observations de la plupart des médecins de la Salpétrière, parmi lesquels Ferrus et d’après celles faites par Bouvier au même hospice. Celui-ci estime que l’espèce d’empreinte circonscrite qui la caractérise, semble bien dénoter l’action d’une pression extérieure. Mais il pense que la pression d’un corset, tel du moins qu’en portent nos dames ne se fut pas bornée à la ceinture, et l’on doit chercher ailleurs la cause de ce phénomène, alors surtout qu’il faut presque toujours remonter plus ou moins haut dans l’existence de ces femmes, pour retrouver l’époque où elles ont employé ce vêtement.
Cet effet ne serait-il pas plutôt produit, dit l’auteur, par d’autres parties de l’habillement que les femmes conservent toute leur vie, par cette multitude de cordons qui les étreignent précisément dans le point indiqué, au-dessous du sein, par ces corsages ou camisoles serrés à la ceinture, dont le nombre, loin de diminuer avec les années, semble s’accroître en raison directe de l’âge ?
La même chose arrive chez les hommes par des causes analogues, et Woillez dans ses recherches si consciencieuses sur la mensuration de la poitrine dans le sexe masculin a noté sur un sujet, deux dépressions transversales à la hauteur de la partie antérieure des hypochondres, produites, dit-il, évidemment par l’usage de vêtements trop serrés au niveau de la ceinture.
Pour suppléer au silence des anatomistes, sur la largeur comparative de la portion abdominale du thorax, Bouvier a mesuré à différentes hauteurs le diamètre transversal de cette cage osseuse sur cent cinquante sujets des deux sexes, de différents âges, placés dans des conditions sociales diverses. Ce diamètre a été constamment moindre au niveau de la onzième côte, que dans l’espace compris entre la quatrième et la huitième, où se rencontrait, tantôt plus haut, tantôt plus bas, la plus grande étendue transversale cm thorax. Il existait, terme moyen, entre ce grand diamètre et le diamètre inférieur près de la onzième côte, une différence de deux a quatre centimètres.
Déjà Hourman et Dechambre mesurant la poitrine dans un autre but, avaient trouvé chez la femme adulte et dans leur seconde catégorie de vieilles femmes, près de trois centimètres de moins au niveau de la huitième côte qu’à la hauteur des seins.
Voici, d’après l’analyse des observations de Bouvier, les conditions principales des différences que présente l’écartement des côtes abdominales, d’un côté à l’autre :
1° Sexe : Les fausses côtes sont un peu plus rapprochées dans le sexe féminin comme l’avait vu Sœmmering. La différence moyenne des deux diamètres transverses indiqués plus haut, s’est trouvée plus forte, de près d’un demi-centimètre, chez les femmes que chez les hommes.
2° Âge : La conformation propre à la jeunesse, augmente la différence des deux diamètres et contre-balance l’influence du sexe, de sorte que, le jeune homme aux formes élancées, a souvent le bas de la poitrine aussi resserré que la jeune fille à la taille svelte. La vieillesse rapproche également les deux sexes, mais par une raison opposée, parce que dans l’un et dans l’autre, la différence des deux diamètres s’efface en partie.
3° Constitution physique : Le degré d’écartement des fausses côtes étant lié au plus ou moins de développement de l’abdomen, le rapport de cette cavité au thorax détermine le rapport du diamètre bi-costal inférieur au supérieur. Ainsi, une poitrine large et bien développée, réunie à un abdomen peu volumineux, augmente la différence de ces deux diamètres qui diminue au contraire, si la poitrine est étroite et la cavité abdominale spacieuse. Il suit de là que la proportion du tissu graisseux contenu dans l’abdomen, influe d’une manière marquée sur le rapport des deux diamètres.
4° Grossesse : Les femmes qui ont eu une et surtout plusieurs couches, présentent plus d’étendue du diamètre bi-costal inférieur, par rapport au supérieur, que celles qui n’ont pas eu d’enfants. C’est une conséquence des changements que l’abdomen éprouve après une ou plusieurs grossesses.
5° Corsets : L'influence de ce vêtement n’a pas été sensible chez la plupart des femmes. Cependant, chez quelques-unes, une grande disproportion des diamètres supérieurs et inférieurs du thorax a coïncidé avec une forte constriction habituelle du tronc, et chez d’autres, également en petit nombre, le peu de différence de ces diamètres a coïncidé avec l’habitude de ne pas porter de corsets. Aucune n’a présenté la dépression circulaire observée sur les femmes de la Salpétrière.
Ces faits tendent donc à établir que la poitrine n’est pas en général sensiblement déformée par les corsets modernes et que ses variétés d’ampleur dépendent le plus ordinairement d’autres causes. Néanmoins Bouvier a constaté plusieurs fois dans le cours de ses recherches, que les dernières fausses côtes sont manifestement rapprochées de l’axe du corps par l’action immédiate d’un corset, même médiocrement serré, de sorte que, si cet état de rapprochement ne devient pas permanent, il faut l’attribuer à la grande mobilité de ces côtes ramenées chaque jour à leur position naturelle, par la réaction des muscles et l’élasticité des ligaments, aussitôt que le corset est enlevé. Cette situation momentanée des fausses côtes ne modifie aucune fonction.
Plus près de nous, M. Merlin écrit que la courbe du cône thoracique s’élargit rapidement de la première à la troisième ou quatrième côte, puis lentement et progressivement, de celle-ci à la huitième ou neuvième, et se rétrécit ensuite, mais d’une manière insensible au niveau des dernières ; il donne comme diamètres transverses :
Au niveau des 8e et 9e côtes . . . . . | 0m26 |
Au niveau de la 12e côte . . . . . . . | 0m22 |
Chez la femme ces deux dernières moyennes doivent être abaissées de plusieurs centimètres.
M. Chapotot ayant mesuré très exactement cent thorax de femmes, a trouvé :
Circonférence | 4e côte . . . . | 80 cm. | 6621 |
Circonférence | 8e côte . . . . | 75 cm. | 568 |
Circonférence | 12e côte . . . . | 71 cm. | 568 |
ce qui ramène sur le sujet revêtu des parties molles, les diamètres moyens à ceux-ci :
Diamètre transverse à la | 4e côte . . . . | 26 cm. 89 |
Diamètre transverse à la | 8e côte . . . . | 25 cm. 19 |
Diamètre transverse à la | 12e côte . . . . | 23 cm. 85 |
Il faut donc conclure de ces mensurations, que le thorax se compose de deux cônes juxtaposés par leurs bases, et non d’un cône unique à base inférieure. Pour M. Chapotot, il ne s’agirait pas là, d’un type physiologique pur mais simplement d’un type moyen, que l’on peut prendre en considération puisqu’il est établi d’après cent thorax de femmes, dont quelques-unes seulement se sont beaucoup serrées.
À l’encontre de cet auteur, qui estime que sur ce nombre de cent thorax, bien peu étaient normaux, j’estime qu’il faut considérer ces mesures comme ayant une grande valeur, parce qu’elles ont été prises sur des femmes ayant comme âge de 17 à 60 ans, c’est-à-dire sur toutes sortes de thorax.
Pour infirmer ces chiffres donnés comme mesure des diamètres thoraciques, il faudrait mesurer cent femmes de 17 à 60 ans, n’ayant jamais porté de corset, et trouver des mesures sensiblement différentes des précédentes.
Il me paraît donc déjà établi que le corset moderne ne peut en aucune façon produire les désordres provoqués par les anciens corsets à baleines, et cela parce qu’il n’enserre le thorax, ni aussi complètement, ni aussi violemment.
Néanmoins je ne veux pas m’en tenir à une démonstration théorique, ni même à des mensurations.
Si mathématique que soit la première, on pourra m’objecter qu’elle peut être fausse parce que je l’établis au moyen de figures géométriques dont les lignes elles-mêmes peuvent être inexactes, puisqu’elles sont tracées seulement sur un dessin de thorax et que ce dessin peut malgré toute la sincérité de l’artiste, n’être pas l’absolue représentation, de la réalité.
Quant aux mensurations, on pourra m’objecter leur petit nombre relatif, et la possibilité d’erreurs dans l’appréciation des diamètres vu la difficulté de faire cette évaluation en des points toujours exactement correspondants sur les différents thorax examinés.
Pour devancer ces objections possibles et pour les réfuter en même temps, j’ai appelé à mon aide deux auxiliaires précieux, la, photographie et la radiographie.
Prenant trois squelettes différents, j’ai photographié de l’un, la face antérieure ; de l’autre, la face postérieure ; du troisième, une face latérale. On ne peut nier que ces épreuves soient l’exacte reproduction de la réalité et que les thorax placés sous nos yeux représentent réellement la forme du thorax humain.
Sur le thorax vu de face la forme en baril apparaît très nettement ; de la première à la quatrième côte, le thorax va s’élargissant progressivement, de la quatrième côte à la cinquième, l’élargissement est très peu sensible ; la largeur de la cage thoracique paraît stationnaire de la cinquième côte environ jusque vers la dixième, après laquelle le diamètre thoracique diminue à nouveau.
Sur le thorax vu de dos, l’on distingue moins facilement l’élargissement progressif de la partie supérieure, les omoplates cachant les premières côtes ; au contraire on se rend bien compte du rétrécissement de la partie inférieure de la cage osseuse.
Quant à la figure vue latéralement, il suffit de regarder le profil antérieur et le profil postérieur des-côtes pour que l’aspect doliforme du thorax apparaisse immédiatement.
Déjà ces photographies précisent ma démonstration théorique ; par celle-ci j’ai établi un premier point, à savoir que le thorax n’était pas tronc-conique mais qu’il était formé de deux troncs de cône accolés par leur base. Ainsi acceptée, la démonstration a une rigueur géométrique dont la simplicité ne correspond pas absolument à la réalité anatomique. Nous voyons en effet, que les photographies du thorax montrent que celui-ci est formé de trois parties : une supérieure, ayant la forme d’un tronc de cône à base inférieure, une moyenne d’aspect cylindrique, une inférieure, ayant la figure d’un tronc de cône à base supérieure.
Pour rendre plus sensible cette division, j’ai choisi deux autres squelettes sur lesquels j’ai appliqué au niveau du thorax des baguettes de bois tangentes à la face externe des côtes.
Si le thorax allait s’élargissant d’une façon continue, du sommet vers sa base, deux tiges latérales suffiraient pour indiquer ses bords ; or il n’en est rien. Si le thorax était seulement composé de deux troncs de cône accolés par leur base, il faudrait de chaque côté de la cage thoracique, appliquer deux baguettes, une supérieure, et une inférieure, se coupant à angle plus ou moins aigu vers la partie : moyenne du thorax ; or quatre baguettes ainsi disposées deux à deux, n’épousent pas les contours thoraciques ; il faut absolument pour suivre ceux-ci, l’emploi de plusieurs réglettes formant entre elles des angles d’ouverture variable.
Examinons les deux squelettes reproduits photographiquement ici, après adjonction et fixation aux parois costales de plusieurs tiges de bois.
Sur le premier thorax — l’anomalie de division antérieure de la 5e côte gauche n’a rien à voir avec la démonstration — nous voyons de chaque côté les tiges A et B et A’B’ faire un angle avec les tiges BC et B’C’ au niveau de la deuxième côte. Nouvel angle sur les quatrièmes et cinquième côtes entre les tiges BC, B’C’ et CD, C’D’, puis la baguette de bois reste alors rectiligne jusqu’aux deux ou trois dernières côtes où elle fait un dernier angle, les lignes DE et D’E’, ayant alors une direction inverse des lignes AB et A’B’.
Sur le 2e thorax la démonstration est plus évidente encore, parce : que l’ensemble de la figure est plus symétrique que précédemment, et que les baguettes sont plus nettes parce que placées — surtout celles du côté gauche de la figure — sur un plan un peu plus antérieur que sur la figure qui précède. Cette photographie étant très claire, je n’y ajouterai aucune description.
Si je sépare du reste de la figure les deux lignes brisées LNOPR et STUVX et que je les reporte sur une feuille de papier blanc réduisant pour la simplicité, leur tracé à la ligne brisée LOPR, et à la ligne brisée SUVX ; je puis dans l’intérieur de ces lignes, inscrire tangentiellement la figure d’un tonneau et je constate alors que cette adaptation est schématiquement complète, (en pointillé se trouvent établies deux lignes qui complètent les lignes brisées entières relevées sur le second thorax), ce qui démontre d’une façon précise et nette la citation de Haller rapportée plus haut.
Je crois qu’une telle démonstration parle aux yeux et que sa clarté ainsi que sa vérité sont indiscutables. Toutefois bien que les squelettes photographiés aient été choisis absolument au hasard, une objection peut m’être présentée, que je me suis faite à moi-même : en adaptant aux diverses parties osseuses les pièces métalliques qui servent à les réunir, de façon à monter un thorax, le préparateur a-t-il très exactement donné à chacune des côtes, à chacun des os, leur inclinaison, leur position chez le vivant ? Un seul procédé d’investigation permet de répondre à cette objection. Ce procédé nouveau, merveilleuse méthode, consiste dans l’emploi des rayons X.
Ce n’est pas ici le lieu d’écrire en détail la genèse des rayons de Röntgen, je rappellerai seulement en quelques mots ce que sont les rayons X.
Vers la fin de l’année 1895, le Dr Röntgen, professeur de physique à l’Université de Wurzbourg, faisant passer un courant électrique dans un tube de Crookes c’est-à-dire dans un tube où le vide est fait au millionième d’atmosphère par des procédés spéciaux, s’aperçut que le Platino-cyanure de baryum, devenait luminescent quand on l’approchait de ce tube, même lorsque celui-ci était entouré d’une enveloppe de carton qui cachait complètement la lueur électrique.
Ce qu’il remarqua ensuite, fut plus surprenant ; ayant en effet interposé entre le tube et le platino-cyanure de baryum, l’une de ses mains, il en distingua nettement le squelette, les chairs apparaissant seulement esquissées. La radioscopie était découverte !
Le professeur Röntgen constata encore, que si l’on expose une plaque photographique, même dans l’obscurité complète, même enfermée dans son châssis, à la lueur de l’ampoule électrique, l’image des objets interposés entre la plaque et le tube apparaît sur la plaque sensible photographique avec la transparence ou l’opacité propre à chacun des objets ; c’était la fixation de l’image radioscopique ; c’était l’avènement de la radiographie !
Étant donné que ces rayons ne se réfléchissent, ni ne se réfractent et ne pouvant leur assigner une place certaine dans la nomenclature officielle, le professeur Röntgen, les appela : rayons X.
Que faut-il pour produire, que faut-il pour utiliser ces rayons qui, suivant l’heureuse expression du professeur Ollier au XIe Congrès de chirurgie, permettent de faire une véritable autopsie des os sur le vivant, de les voir aussi distinctement que si nous les avions sous les yeux ? Il faut un courant électrique donné par une forte batterie ou par un conducteur d’une usine électrique, une puissante bobine d’induction, une ampoule où a été fait le vide et, soit un écran au platino-cyanure de baryum, si l’on veut faire de la radioscopie, soit une plaque photographique, si l’on veut faire de la radiographie.
C’est grâce à l’obligeance de la maison Ducretet, qui a mis à ma disposition ces divers appareils et parmi eux une bobine de Rumkorff, donnant des étincelles de vingt-cinq centimètres que j’ai pu faire mes recherches radiographiques.
Mieux qu’une description les figures montrent comment le sujet couché sur la plaque photographique renfermée dans son châssis, est placé par rapport aux divers appareils. La distance de l’ampoule à la surface du corps a été pour les épreuves reproduites de 1 mètre et le temps de pose a varié de 4 à 6 minutes.
Malgré la perfection des appareils employés, malgré la science éprouvée de l’opérateur qui manœuvrait ces appareils, c’est très difficilement que des épreuves satisfaisantes ont été obtenues. La plupart des corsets, surtout des corsets anciens, offraient de par leur tissu, une grande résistance au passage des rayons X, si bien que la majeure partie des épreuves a dû être recommencée plusieurs fois ; aussi le lecteur se tromperait-il étrangement, en pensant qu’il suffit de posséder des appareils radio-graphiques pour obtenir certainement et facilement des clichés réussis et qu’une compétence spéciale, scientifique et médicale, n’est pas indispensable.
Dans son traité de radiographie (d’où j’extrais la fig. 23) M. Foiveau de Courmelles écrit que la reine de Portugal voulut dès l’apparition des rayons X constater l’action du corset sur les organes qu’il enserre. Les journaux politiques eux-mêmes parlèrent, au cours de l’année 1897, de cette curiosité scientifique de la reine. Plus tard, Mme le Dr Gaches-Sarraute, présenta à la Société d’hygiène publique et de médecine professionnelle, un corset de son invention, qu’elle accompagnait de figures, mais ces figures n’étaient que des dessins faits d’après des radioscopies.
Ici, il en est tout autrement, ce que je reproduis, ce sont des radiographies. Voici plusieurs années que ces recherches et que ces travaux radiographiques ont été commencés je les continuerai et j’obtiendrai j’en suis convaincu, des résultats de plus en plus précis, de plus en plus nets. J’ai communiqué une partie de mes travaux, à la fin de l’année 1902, à la Société française d’Hygiène et au commencement de l’année 1903 à la Société médicale des Praticiens et je crois, non sans raison, être le premier qui ai présenté à une société savante un travail d’ensemble sur le corset, travail accompagné de reproductions des radiographies obtenues directement soit sur des sujets sans corsets, soit sur des sujets revêtus de différents corsets. Mes premières épreuves ont été obtenues en 1901. Je n’ai pu toutefois les reproduire toutes. En effet quand il s’agissait de corsets d’un tissu très épais, tels que certains corsets anciens, j’obtenais une épreuve radiographique suffisamment nette comme photographie, mais insuffisamment accentuée pour en obtenir une retouches une bonne épreuve de photogravure. J’indiquerai néanmoins comment j’opérais : Les corsets utilisés pour ces recherches radiographiques subissaient une sorte de préparation qui n’altérait en rien leur forme et ne modifiait nullement leur application ou leur action sur le corps du sujet ; cette préparation consistait à coudre à l’aide d’un surjet un fil de métal tout le long des bords supérieur et inférieur du corset et à fixer sur l’étoffe au niveau même des buses et des baleines contenus dans le corset des bandes de papier-carton recouvertes d’une feuille métallique ; les bords du corset et les baleines apparaissaient ainsi sur la radiographie. (Voir Le Corset, T. 1. p. 187, fig. 162, 163, 164).
M. Abadie Léotard, que j’ai eu le plaisir de compter parmi ceux qui s’intéressaient à mes recherches a utilisé depuis ce procédé ! que j’indique et a eu l’ingénieuse idée de remplacer les cordons de corset par un fil métallique.
Quels renseignements les rayons X nous ont-ils donné sur l’action exercée par le corset sur la cage thoracique ?
Radiographié depuis la troisième côte, le thorax d’une fillette apparaît s’élargissant progressivement jusque vers la huitième côte, puis la circonférence diminue très rapidement au niveau des côtes flottantes. Sur cette épreuve, on peut donc voir très nettement la forme en baril de la cage thoracique. (Fig. 24).
Il serait néanmoins inexact de conclure d’après cette épreuve radiographique, car ainsi que je l’ai dit plus haut, le thorax se développant surtout au moment de la puberté, il est nécessaire de vérifier si l’aspect doliforme de la cage thoracique se retrouve encore chez l’adulte. Cette vérification, je l’ai faite tant avec des radiographies que j’ai trouvées dans les collections mises à ma disposition qu’avec des radiographies exécutées sous ma direction.
Considérez, en effet, les radiographies des fig. 25 et 26. Elles représentent un thorax féminin, l’un sans corset, l’autre avec un corset. La première de ces deux figures montre un thorax tel, qu’en menant par la pensée tant à droite qu’à gauche, une ligne tangente au point le plus saillant de chaque côte on obtient deux lignes courbes qui semblent appartenir à un ellipse, coupons celle-ci à ses extrémités par de petites Figues droites et nous dessinons un baril sur le thorax soumis à l’examen des rayons X.
Sur la figure 26 la femme porte un corset et j’imagine que ce corset devait être très serré si j’en juge par la déformation profonde qu’il apporte à la configuration thoracique.
Cette épreuve ne contredit pas cependant notre thèse car si l’on examine cette figure dans la partie où le corset cesse d’exercer une pression même minime, c’est-à-dire dans toute la région située au-dessus des deux œillets métalliques supérieurs, on voit que déjà les trois côtes situées immédiatement au-dessus de ces œillets commencent un mouvement d’inclinaison en dedans qui va s’accentuant brutalement sous la pression des baleines et du lacet.
Cette épreuve prouve, en outre, qu’en se serrant dans son corset une femme peut modifier singulièrement et dangereusement sa cage thoracique, et je tiens à mettre ceci en évidence, car si je veux établir qu’un corset bien mis et bien fait ne peut troubler la fonction respiratoire, je veux prouver aussi et la suite le démontrera que la constriction exagérée d’un corset modifie profondément l’expansion et la capacité des poumons.
À une autre collection, j’ai emprunté une radiographie thoracique et j’ai choisi alors la moins probante des figures que j’ai trouvées, celle où l’aspect doliforme fut le moins prononcé ; eh bien, sur cette épreuve même, on voit cependant que le thorax va s’élargissant de la première vers la cinquième ou sixième côte, puis que son diamètre reste stationnaire jusqu’aux dernières côtes ; encore n’aperçoit-on pas sur cette épreuve les côtes flottantes au niveau desquelles chacun admet que le diamètre thoracique est particulièrement réduit (fig. 27).
Enfin, je reproduis une autre radiographie faite encore selon mes indications ; elle est précédée de la photographie du tronc du sujet examiné.
Si l’on considère le thorax photographié, il apparaît comme celui d’une personne normale. C’est, en effet, le thorax d’une femme jeune, bien constituée et en bonne santé. La profession de modèle qu’elle exerce implique que le sujet ne se livre pas à un travail capable de déformer son corps.
Si l’on examine ensuite la radiographie de la cage thoracique, les rayons X nous montrent celle-ci sous un aspect doliforme absolument net.
L’on m’objectera certainement que cette femme porte habituellement un corset. Cela est vrai, mais par profession elle porte ce vêtement relativement peu d’heures par jour.
L’on ne manquera pas d’ajouter qu’elle serrait son corset. À cela, je réponds par la négative, n’ayant constaté sur ce modèle aucun stigmate, n’ayant observé aucun symptôme morbide qu’il fût possible de rapporter à une constriction par le corset.
Certes, la radiographie d’une femme n’ayant pas porté de corset serait sinon plus probante du moins plus indiscutable mais pour que la démonstration fût absolue, il faudrait trouver une femme adulte d’une constitution irréprochable, d’une excellente santé n’ayant jamais revêtu un corset.
Or, un sujet réunissant ces trois qualités, d’une façon absolue s’entend, je ne l’ai point trouvé et je doute qu’on le trouve facilement.
Pour en revenir à la dernière radiographie reproduite ci-dessus, j’ajouterai que le modèle en question étant revêtu d’un corset tout moderne et fait sur mesure par une de nos meilleures corsetières fut examinée à l’écran radioscopique et le thorax n’apparut pas modifié. Mais tandis que l’on continuait l’examen radioscopique, les lacets du corset étaient progressivement serrés jusqu’à provoquer une gêne très grande de la respiration du sujet, on voyait alors la base du thorax se rétrécir sous l’influence de la constriction exagérée.
Une fois de plus, je pouvais conclure que le corset sagement appliqué ne modifiait pas les contours thoraciques, mais qu’employé d’une façon abusive, il devenait dangereux, puisqu’il diminuait le diamètre inférieur de la cage thoracique. Cette conclusion, l’étude que je fais plus loin de l’influence du corset sur la fonction respiratoire, la mettra davantage en, lumière.
Toutefois je puis dès maintenant appuyer ce résultat de mes recherches par celui des travaux de M. Abadie Léotard sur la même question.
Dans son étude sur Le Corset Ligne, brochure publiée chez Naud en 1904 je trouve aussi des radiographies de corsets ; j’en choisis quatre qui représentent une femme vêtue du corset-ligne, invention de l’auteur et une autre vêtue du corset cambré, les deux radiographies sont vues chacune de face et de dos. Les contours de ces épreuves fig. 31, 32, 33, 34 ont toutefois été accentués pour la reproduction.
Sur les deux radiographies du corset-ligne placé bas et lacé obliquement, on voit très nettement que la partie inférieure du thorax se rétrécit naturellement et sur les deux radiographies du corset cambré placé beaucoup plus haut que le corset précédent et lacé horizontalement, l’on voit nettement les côtes pressées chevaucher l’une sur l’autre.
Ceci prouve — les deux corsets étant également serrés — que le fait seul de placer convenablement le corset suffit à changer complètement le mode d’action de celui-ci. Trop serré, ai-je dit, le corset déforme ; j’ajoute maintenant placé trop haut il porte dangereusement sur les dernières côtes.
Cette première conclusion l’examen radioscopique du modèle (fig. 28) examinée pendant qu’on serrait son corset l’établissait.
M. Abadie Léotard a souligné d’intéressante façon la seconde conclusion en superposant deux radiographies l’une de son corset droit, l’autre d’un corset cambré (voir les planches I. II. III). « Les contours des parties fixes, bassin, colonne vertébrale sont exactement superposables et peuvent servir de points de repère pour apprécier les changements de position des parties mobiles c’est-à-dire des côtes. Les contours de ces dernières ne coïncident plus sur les deux épreuves en raison même de leur déplacement. Avec le corset cambré (planche 3 lignes pointillées) on constate qu’à la base du thorax la 11e et la 12e côtes sont très déviées. La 11e côte présente une inclinaison beaucoup plus accentuée que normalement son extrémité antérieure n’est plus sur le cliché séparée de la crête iliaque que par un faible espace de 2 cm 3/4, elle est donc chassée par la pression qui s’exerce à son niveau et repoussée vers la colonne vertébrale dont elle ne s’écarte que de 9 centimètres.
La 10e côte est également très déviée par la pression très forte, directe à son niveau, à tel point que son extrémité au lieu d’être superposée à celle de la 11e côte chevauche sur elle et elle est reportée encore beaucoup plus en dedans qu’elle.
On peut au contraire facilement se rendre compte sur la radiographie du corset ligne que la 10e et la 11e côte présentent une inclinaison beaucoup plus faible, que leurs extrémités superposées et non chevauchantes sont à la fois plus distantes de la crête iliaque (4 cm 3/4 au lieu de 2 cm 3/4) et de la colonne vertébrale (11 cent, au lieu de 9), qu’elles n’ont donc subi ni pression, ni torsion comme avec l’ancien corset cambré. »
Les côtes inférieures sont libres de toute pression et si la base du thorax se rétrécit de plus en plus jusqu’à la dernière côte c’est que le thorax affecte là sa forme normalement rétrécie, son aspect doliforme.
D’autres observations plaident encore en faveur de mes idées sur la forme du thorax, forme non pas géométriquement absolue, car il n’y a pas d’absolue mathématique en anatomie, mais sur l’aspect doliforme si fréquent de la cage thoracique et sur l’erreur que l’on commet en attribuant au corset même bien fait et porté sans abus, tant de déformations thoraciques.
Récemment appelé auprès d’un homme atteint d’accidents dus à l’abus de l’alcool, je constatais au niveau de la huitième côte un étranglement thoracique tel, qu’il semblait qu’avec une corde on eût longtemps exercé une constriction à ce niveau ; or, ce malade portait des bretelles pour soutenir son pantalon. Au-dessous de ce rétrécissement si accentué, le thorax allait en s’élargissant d’une façon très prononcée. Si ce cas se fût présenté chez une femme, on n’eût pas manqué de l’attribuer au corset, alors que chez ce sujet l’augmentation du volume du foie repoussant les côtes me paraît devoir être seule incriminée. Ayant été appelé auprès clé ce malade en l’absence de son médecin traitant, je n’eus pas à le revoir et n’ai pu, malheureusement, lui demander de me laisser prendre de lui la photographie et la radiographie de son thorax.
L’épreuve photographique sur laquelle serait apparu le rétrécissement en question eut été probante, l’épreuve radiographique ne l’eût probablement pas été autant. C’est, qu’en effet, la radiographie ne reproduit pas ce que l’on constate à la radioscopie et tel thorax, par exemple, qui, examiné partie par partie, point par point à l’écran fluorescent apparaît très nettement doliforme, ne donne pas sur le cliché radio-photographique l’image constatée sur l’écran, celle-ci est déformée ; aussi ne me suis-je pas étonné que, lors de mes premières recherches, lorsque j’ai présenté à des sociétés savantes mes premières radiographies de thorax vraiment en forme de baril, certains de mes confrères ne les aient pas considérées comme très nettes et tout à fait d’accord avec l’exposé de mes idées. À force de patience et après des essais nombreux ayant soin de radiographier les thorax jusqu’en dessous de la dernière côte flottante, je suis arrivé à obtenir des images radiographiques se rapprochant davantage de la réalité et pouvant prouver soit à mes auditeurs, soit à mes lecteurs, l’exactitude de mes descriptions anatomiques faites d’après des mensurations, des photographies, des radioscopies.
Pour que les images radioscopiques ne soient pas déformées lorsqu’elles sont fixées par la radiographie, il faudrait que chaque point du thorax fût éclairé normalement, que le thorax fût irradié par un faisceau parallèle perpendiculaire au plan frontal du corps et à l’écran fluorescent.
Or, il n’en est pas ainsi, car les images radiographiques obtenues sont les résultats de projections coniques, c’est-à-dire de projections qui donnent des résultats déformés.
L’inexactitude des images radiographiques du thorax obtenues par incidence conique est bien prouvée par la figure 35 (empruntée à MM. Radiguet et Massiot) qui montre la différence d’aspect de la région supérieure droite du thorax, suivant qu’elle est éclairée normalement ou obliquement. Dans une note de M. Guilleminot présentée à l’Académie des sciences par le professeur Bouchard, le 24 juin 1902, l’auteur, s’exprime ainsi :
« On sait que l’aspect d’une région varie suivant l’incidence. Ainsi, si nous observons le sommet droit en plan frontal lorsque l’écran est appliqué sur la poitrine et que le tube, placé en arrière du sujet, éclaire normalement le milieu de la clavicule droite, nous voyons l’ombre de la portion rachidienne de la quatrième côte. Si, au contraire, nous transposons le tube de manière à éclairer normalement l’angle inférieur de l’omoplate gauche, nous voyons l’ombre de la clavicule recouvrir le quatrième espace ou même la portion rachidienne de la cinquième côte, pour une hauteur du cône d’émission de plus de 50 cent.
« Des divers aspects d’une région, le plus utile est celui qui est donné par la projection normale, d’abord parce qu’il comporte le minimum de déformation, ensuite parce que, s’il s’agit de localiser, de repérer une ombre portée, il nous donne les rapports simples des ombres antérieures et postérieures du thorax. Aussi, si l’on veut inscrire sur une fiche la situation des anomalies observées, il est à désirer que ces anomalies soient toujours éclairées normalement au moment où l’on étudie leurs rapports, et que la fiche sur laquelle on les transcrit soit un sciagramme orthogonal, je veux dire un sciagramme obtenu par la projection orthogonale d’un thorax moyen.
« Je présente ici une double fiche d’observations répondant à ce desidératum. Chez un sujet de taille moyenne, cinq radiographies ont été prises en position frontale et incidence postérieure, le point d’incidence normale étant, pour la première, le milieu de la clavicule droite, pour la deuxième, le milieu de la clavicule gauche, pour la troisième, le milieu de la cinquième dorsale, pour la quatrième, l’angle inférieur de l’omoplate droite, et, pour la cinquième, l’angle inférieur de l’omoplate gauche.
Trait pointillé Projection conique
d’après MM. Radiguet et Massiot
Fig. 35. — Fiche d’observation
« Ces radiographies, dont l’exécution a été très soignée par MM. Radiguet et Massiot, m’ont permis d’obtenir par calque le contour exact du cœur, du diaphragme, de toutes les parties osseuses du thorax, etc., dans chacune de ces positions. Cela fait, partant de la cinquième épreuve, j’ai déterminé sur elle le point où se seraient projetés les repères de chacune des quatre autres, si, au lieu d’être éclairés obliquement, ils l’étaient normalement, et, au moyen de ces quatre repères ainsi établis, j’ai rapporté les portions correspondantes des quatre autres calques.
« Dès lors, il était facile de corriger les écarts minimes des zones intermédiaires et d’obtenir ainsi une projection totale du thorax, correspondant très approximativement à la projection orthogonale.
« On obtient de même une fiche d’incidence antérieure qui, d’ailleurs, est l’homothétique de la précédente. »
Un exemple fait bien voir comment un thorax nettement doliforme à la vue et à la photographie et nettement doliforme d’après les mensurations et les examens radioscopiques partiels et successifs de chacun de ses points n’apparaît pas sur le cliché radiographique avec l’aspect que rendent la description anatomique, les mensurations, l’examen direct et la photographie.
Cet exemple consistera à reproduire ici le buste d’un sujet masculin de 31 ans dont la taille est de 1 m. 72 et le poids de 71 kilogs, n’ayant subi aucune constriction thoracique du fait d’un corset ou de tout autre appareil, n’ayant jamais fait de maladie générale sérieuse, ayant un appareil pulmonaire actuellement en parfait état et une capacité respiratoire de cinq litres. La reproduction du thorax de ce sujet est donnée deux fois par la photographie, une fois, par la radiographie.
Les mensurations faites sur le thorax ont donné les chiffres suivants :
Circonférence au niveau des aisselles 0 m. 88.
Circonférence à douze centimètres au-dessous de la fourchette sternale, 0 m. 91 c. 1/2.
Circonférence à treize centimètres au-dessous de la précédente, 0 m. 85 c. 1/2.
Circonférence à neuf centimètres au-dessous de la précédente au niveau des côtes flottantes, 0 m. 72.
Toutes ces mensurations étant faites sur les parties molles, sont nécessairement plus grandes que les circonférences que l’on obtiendrait en mesurant la même cage thoracique squelettique, mais les chiffres n’en sont pas moins comparables entre eux ; et l’on peut constater que le plus grand diamètre thoracique n’est pas à la base Bien plus si l’on examine la photographie sur laquelle le sujet a les bras relevés on voit que les muscles du creux de l’aisselle, grand pectoral pour la paroi antérieure et grand rond et grand dorsal pour la paroi postérieure, forment une couche musculaire très épaisse et que le chiffre de 88 centimètres trouvé pour la circonférence thoracique à ce niveau est particulièrement augmenté par l’épaisseur des parties molles. Si donc, cette mensuration de 88 centimètres était ramenée à ses chiffres exacts, l’aspect doliforme de ce thorax masculin serait encore plus accentué.
Cet aspect est bien souligné sur la seconde photographie, en effet, considérez la partie du buste (ce thorax étant en légère inspiration) située entre la ligne AB tracée au niveau des aisselles et la ligne CD qui passe au niveau de la dernière côte flottante sur l’extrémité de laquelle le sujet appuie légèrement les pouces et dites si la région ainsi délimitée n’a pas nettement la forme d’un baril ?
L’aspect doliforme est évident et le baril thoracique paraîtrait plus étroit encore au sommet, si le diamètre AB, au lieu d’être tracé au niveau des aisselles, joignait la deuxième côte droite à la deuxième côte gauche.
Cela s’aperçoit bien sur la radiographie de ce thorax.
Pour exécuter cette radiographie, l’ampoule électrique était placée au-dessus du sujet à une, distance de 0 m. 68 cent, de la plaque photographique sur laquelle celui-ci était couché ; la durée de pose a été de sept minutes.
Sur cette épreuve radiographique, due à mon aimable confrère M. L. Dumont, le thorax apparaît nettement, s’évasant du sommet jusque vers la septième côte ; mais l’on aperçoit moins nettement que, vers la base, le thorax se rétrécit et cependant, mensurations et photographie témoignaient bien que la cage thoracique du sujet en expérience, avait la forme d’un baril.
Sur l’épreuve radiographique, on voit que latéralement, les images des côtes semblent chevaucher les unes sur le& autres, ce qui embrouille les détails du cliché et dans la partie inférieure de la figure, entre le deuxième et le troisième diamètre, dessiné par des fils métalliques entourant le thorax sans le serrer (le dernier diamètre ; étant pris au niveau de la dernière côte), on aperçoit mal, en raison de la présence de la masse viscérale, la structure de la cage thoracique.
La radiographie, on le voit, ne peut donc apporter, surtout pour le profane, un contrôle précis, absolu, et d’un examen facile ; néanmoins, ce qu’elle permet d’apercevoir suffit à affirmer, une fois encore, l’aspect doliforme d’un thorax normal, et m’autorise à conclure que cette disposition des côtes et du sternum semble bien être indépendante du port du corset dont la constriction exagérée peut toutefois l’accentuer.
Ce vêtement a-t-il une influence sur les autres parties de la cage thoracique, c’est ce que je vais examiner maintenant.
Les côtes et le sternum ne sont pas, en effet, les seules parties osseuses du thorax, auxquelles le port du corset pourrait nuire.
On a répété bien des fois, depuis Galien et A. Paré, que la constriction circulaire du tronc, telle que celle qu’exerçaient les corps ou corsets modernes, était une cause fréquente de difformité de la colonne vertébrale.
J’ignore, écrit Bouvier dans son magistral mémoire, si les corps d’autrefois produisaient des courbures de l’épine, l’irrégularité des épaules et de véritables gibbosités ou bosses, comme l’ont affirmé beaucoup d’auteurs. Je n’ai trouvé dans leur récits que des assertions et des raisonnements sans preuves certaines de ce fait ; car on ne regardera pas comme telle cette remarque si souvent citée de l’anatomiste Riolan, premier médecin de Marie de Médicis, qu’en France, surtout parmi les nobles, sur cent filles, on en eût trouvé, de son temps, à peine dix qui n’eussent pas l’épaule droite plus élevée et plus grosse que la gauche. Riolan lui-même était loin d’avoir reconnu que cette conformation fut l’effet des corps ; il propose plusieurs autres explications du fait en même temps que celle-ci et ne se décide pour aucune.
Ceux qui depuis, à l’exemple de Winslow, n’ont point imité cette réserve, n’ont pas produit de raisons plus convaincantes à l’appui de leur opinion. Je ne nie pas que la gêne causée par les corps n’ait pu donner lieu à des attitudes vicieuses suivies de courbure latérale de l’épine, que leur emploi dans l’enfance n’ait pu entraîner une débilité favorable à la formation d’une semblable courbure ; mais les observations manquent pour établir ce que ces suppositions peuvent avoir de fondé.
Quant aux corsets d’aujourd’hui, on n’a fait, — sous ce rapport, que redire à leur égard ce que l’on avait dit des corps. C’est ainsi que l’on prétend, comme autrefois, déduire l’influence de ce vêtement sur des déformations du rachis, de leur plus grande fréquence chez les femmes que chez les hommes, chez les habitants des villes que dans les campagnes, dans la classe riche que dans les familles pauvres, parmi les peuples de la vieille Europe que dans beaucoup de colonies européennes, comme si les individus ainsi mis en regard ne différaient que par cette seule conditions savoir : le plus ou moins d’usage qu’ils font des corsets ; comme si leurs différences de constitution, de force physique, de genre de vie, de disposition héréditaire, de maladies, de race, etc., ne fournissaient pas autant de causes bien capables de rendre raison de leur dissemblance au point de vue de la régularité du développement du rachis. Aujourd’hui d’ailleurs qu’on ne met généralement de corsets aux filles que vers l’âge de la puberté, il est impossible d’attribuer à leur influence des déformations qui commencent presque toujours avant cette époque.
Et l’auteur ajoute, au point de vue orthopédique :
J’ai vu quelquefois les courbures latérales se développer avec plus de rapidité parce qu’on n’avait pas employé de corsets en temps utile ; je n’ai jamais observé, au contraire, que leur usage fût pour rien dans la production de cette difformité. Au reste, il est à remarquer que par une contradiction assez singulière, ceux-là mêmes qui ont mis sur le compte des corps ou des corsets les déformations du tronc si communes dans le sexe féminin tels que Paré, Platner, Winslow, etc., reconnaissent pour la plupart l’utilité de ces mêmes corps pour remédier à la déviation des vertèbres une fois qu’elle s’est produite.
De nos jours un médecin allemand est allé plus loin et s’est fait le champion de la réhabilitation du corset.
À la suite de l’exposition, à Dresde, des œuvres de Lucas Cranach le Vieux (1472-1553), ce médecin, le docteur Schlanz a été frappé d’y voir qu’Ève, Lucrèce et les déesses mêmes avaient le dos rond. Il en ressentit une tristesse qu’il divulgua dans la Semaine médicale allemande. L’infirmité de ces figures n’est pas un caprice dépravé de Cranach ; car ses portraits de femmes sont également rachitiques « toutes ont l’aspect infantile, la figure jeune d’une impubère, les seins non développés, le corps gracile, les membres maigres et longs, la poitrine mince et étroite. Ce qui choque le plus, c’est la forte cambrure des reins, qui fait proéminer le ventre en avant et porte le haut du corps en arrière. La taille est mince, mais tandis que nous apprécions aujourd’hui cet amincissement lorsqu’il est au-dessus des hanches, ici, il intéresse la partie inférieure de la poitrine, au-dessous des seins et va jusque vers l’ombilic ».
Schlanz a reconnu que toutes ces beautés sont des déviées, et a trouvé que le portrait de la duchesse Catherine présente un cas de scoliose bien accentué.
Il a même vu qu’Albert Dürer (1471-1528), en quelques-uns de ses portraits, notamment dans Adam et Ève, infléchit aussi l’épine dorsale d’Ève. Comme on ne peut douter de la sincérité de ces maîtres, on doit avouer que la femme allemande de la Renaissance avait l’échine tordue.
Pareillement une Eve peinte sur un triptyque par Hans Memling (1425-1595) et reproduite dans le Correspondant médical, présente les mêmes déformations, le bas de la poitrine est enserré et le ventre est proéminent à partir du nombril.
Schlanz a voulu trouver la cause d’une si grande disgrâce dans le costume, qui était bien moins soutenu qu’aujourd’hui de baleines et d’acier. Là serait la cause de dégénérescence du type féminin. Poursuivant ses études sur d’autres époques, l’auteur est arrivé à cette formule générale que toutes les générations sans corset avaient le dos voûté.
C’est là une opinion extrême ; je ne la défendrai pas plus que celle qui accuse le corset de toutes les déviations du rachis.
J’estime qu’un corset moderne ne peut produire sur la colonne vertébrale les dégâts extraordinaires dont on l’a accusé d’être cause, alors même que ces déviations seraient le résultat indirect de l’action des muscles troublés dans leur contraction par le port du corset.
Celui-ci entraînerait, en effet, l’inactivité et, à la longue, l’affaiblissement et l’atrophie des muscles qui commandent les mouvements du rachis (muscles longs du dos, Winslow).
En arrière, écrit d’autre part Mme Gaches-Sarraute, le corset est généralement formé par une surface plane, très étendue de haut en bas, destinée à appuyer sur la partie postérieure du thorax pour en diminuer autant que possible la largeur, et atténuer la saillie des omoplates.
Et elle ajoute : le rétrécissement au thorax n’est pas difficile à obtenir, il n’y a qu’à le comprimer ; mais pour obtenir l’effacement des os, ce n’est pas par ce moyen qu’on peut y parvenir. En comprimant les muscles, on les atrophie, et comme ils ont pour fonction le redressement de la colonne vertébrale et l’accolement de l’omoplate sur le thorax, s’ils sont gênés, c’est-à-dire paralysés artificiellement, les saillies osseuses s’accentuent.
L’action du corset en arrière en diminuant l’action des muscles dorsaux, gêne le redressement du buste. La partie postérieure du dos s’allonge donc en s’incurvant au détriment de la paroi antérieure qui se raccourcit.
Cette conclusion est logique a priori, mais à bien discuter les arguments fournis, elle semble alors trop sévère. Lorsqu’une colonne vertébrale dévie, lorsqu’une omoplate fait saillie, « il faut s’attacher avant tout à mettre les muscles du dos en état de redresser la colonne vertébrale et s’opposer à l’inclinaison du tronc en avant. Mais tant que ce résultat n’est point obtenu, un soutien artificiel prévient l’aggravation du mal, la fatigue et l’élongation des muscles, ainsi que l’affaissement de la partie antérieure des disques intervertébraux et des vertèbres elles-mêmes. L’usage du corset ne conduit pas alors, comme on l’a dit, à l’inertie des muscles, lorsqu’il n’exerce sur eux qu’une pression modérée favorable, au contraire, à leur contraction, et quand des exercices convenables alternent avec l’application de ce vêtement ».
J’ajoute que la durée de compression des muscles dorsaux est « de beaucoup moins longue que la période pendant laquelle ces muscles sont décomprimés et que, d’autre part, lorsque la femme use mal à propos de son corset en se serrant fortement la taille, elle le fait le plus souvent à un âge où ses muscles sont développés et suffisamment robustes pour résister à cette compression ; ce qui, certes, ne veut pas dire qu’il y a lieu de recommander la constriction du thorax par le corset.
Je ne puis terminer cette partie de mon travail sans répondre à une objection bien souvent élevée sous des formes diverses contre le port du corset. Comparez, dit-on, le buste de la Vénus de Milo avec celui d’une Parisienne de nos jours, et voyez si le thorax de celle-ci, infiniment plus petit que celui de la célèbre statue, n’est pas là pour prouver que le corset est une cause de déformation thoracique.
Et, dit M. Butin en d’autres termes, quand une jeune fille se vante d’avoir 58, 55, 50 et même 45 centimètres de tour de taille comme certains mannequins de nos grands couturiers, il est bien facile de diagnostiquer le rétrécissement du thorax si on se rappelle que la Vénus de Médicis a environ 80 centimètres de tour de taille.
Que ces arguments sont donc peu scientifiques, et qu’ils ont peu de valeur ! Il faut les réfuter cependant parce qu’ils sont toujours donnés comme irréfutables et souvent acceptés comme tels.
D’abord une statue, en admettant qu’elle soit la reproduction exacte d’un seul corps féminin, même irréprochable, n’est pas pour cela le type unique et immuable d’après lequel doit être construit, pour prétendre à la beauté des formes, tout autre corps de femme.
C’est ainsi que M. Charpy, professeur d’anatomie à Toulouse, admet trois types de thorax féminins :
1o Le type large, carré, ayant la transversalité du thorax mâle, des épaules bien entablées, une taille pleine, les reins plutôt en disque étalé. À diamètre transverse égal, il a plus d’étendue de l’avant… une capacité thoracique plus considérable. C’est le type des grandes déesses antiques, c’est celui des Toscanes, des Ligures, des Romaines du Transtevère ; c’est celui qu’affectionnaient les anciens Grecs ; ils l’avaient même exagéré dans leurs sculptures comme ils l’ont fait pour l’angle facial.
2° Le type rond avec des formes très tournantes et potelées, type plus fin, plus sexualisé, plus rare. À l’inverse de ce que l’on pourrait croire, son diamètre antéro-postérieur qui paraît si saillant est moindre que dans le type large, mais plus détaché et en valeur. Je lui rapporterai plus volontiers les Vénitiennes, les blondes.
3° Un type long qui a probablement autant d’ampleur totale que les autres. Je crois le retrouver dans les Anglaises, les Artésiennes, les brunes aux épaules tombantes, au port élégant et gracieux.
Eh bien, pourrait-t-on comparer deux femmes exceptionnellement belles, mais l’une à thorax du type carré, et l’autre à thorax du type long, et dire que l’une est déformée parce qu’elle n’a pas l’aspect de l’autre ?
La Vénus de Boticelli est mince et élancée, a des épaules tombantes, un cou long et mince, un thorax étroit, des seins bas et rapprochés, cela prouve simplement qu’elle présente un type allongé ou longiline ; il y a dans la race humaine comme dans les races animales (le professeur Baron d’Alfort a beaucoup insisté sur ce point), des beautés minces, allongées, comme celles de Boticelli. Il existe à l’opposé des beautés larges et trapues comme les beautés italiennes ou flamandes de la Renaissance (docteur Félix Regnault).
D’autre part, il semble bien que, de tout temps, les artistes aient pris comme modèles des sujets dont les formes fussent remarquablement belles lorsqu’il s’agissait de figurer dans tout son éclat la beauté physique. Et même quand ils n’ont pas trouvé 1-e modèle qui résume en lui toutes les perfections physiques, quand ils n’ont pas trouvé le modèle suffisamment parfait pour « poser l’ensemble », ils créent une femme idéale qui réunit les beautés de plusieurs modèles dont l’un pose la tête, un autre les bras, un autre la gorge…, etc. Ainso Zeuxis, pour l’exécution de son Hélène courtisane, fit poser nues les cinq plus belles filles d’Agrigente. Est-il donc juste et exact de comparer avec le buste sculptural d’une statue antique, reproduction d’une femme particulièrement bien faite, peut-être même synthèse des perfections de plusieurs modèles, celui d’une femme de nos jours que l’on aura choisie, particulièrement déformée par un usage excessif du corset ?
En résumé, j’envisagerai l’influence du corset sur les différentes parties de la cage thoracique comme beaucoup moins néfaste qu’on ne s’est plu à la décrire. D’un côté, il n’y a pas lieu un instant de comparer la compression exagérée et étendue exercée sur le thorax par les rigides armatures des anciens corps à baleines avec les résultats que peut provoquer l’application d’un corset moderne, léger, fait sur mesure et pas serré. D’un autre côté, si les anciens corps à baleines, bien que portant sur tout le buste, pouvaient en raison de leur large surface d’appui sur toutes les parties de la poitrine, être appelés corsets thoraciques. Il n’en est pas de même du corset moderne qui mérite surtout le qualificatif d’épigastrique, puisqu’il agit, je le montrerai dans la suite, comme un lien placé sur l’estomac.
Enfin, la région du thorax, avec laquelle le corset moderne est en rapport, est la région inférieure plutôt rétrécie qui affecte la forme contraire à celle de la partie supérieure évasée du corset.
Si donc quelque déformation de la cage thoracique est produite par un corset, « elle résulte de l’abus que les femmes ont fait du corset ordinaire serré d’une manière exagérée et appliqué sur le thorax dès l’enfance » ; c’est ce que je traduirai encore avec Mme Gaches-Sarraute, qui ne peut être suspectée de tendresse pour le corset moderne (je ne parle pas du type qu’elle a créé) ; la constriction de la cage thoracique a une importance capitale sur la direction du développement osseux, et ce sont les femmes qui se sont serrées pendant longtemps sur une grande étendue, depuis la taille jusque sous les bras, qui présentent un thorax dont la circonférence est très amoindrie, la région dorsale bombée, la région pectorale aplatie et des côtes incurvées vers le bas. Ce sont les corsets hauts et trop serrés qui en déformant le thorax amènent forcément un arrêt dans le développement normal des poumons qui deviennent ainsi plus sensibles aux influences pathogènes.
Les professeurs de chant sont bien à même de se rendre compte de la gêne qu’apporte un corset trop serré dans les exercices respiratoires qu’ils enseignent.
Les conclusions du chapitre thorax de la thèse, consacrées par M. Butin au corset se rapportent, elles aussi, selon leur auteur, au corset trop serré.
Et pour Bouvier, les corsets ne produisent que dans des cas exceptionnels un rétrécissement permanent de la base de la poitrine, c’est sans preuve qu’on les a accusés de déformer la colonne vertébrale.
Toutes réflexions, on le voit, qui incriminent non l’usage, mais l’abus des corsets.
Cependant si les raisonnements, appuyés sur les mensurations et sur les faits démontrent qu’un bon corset ne saurait avoir sur le thorax une influence dangereuse, peut-être n’en est-il pas de même si au lieu de considérer seulement son action sur la cage thoracique l’on considère son action sur les viscères qui y sont enfermés, c’est-à-dire sur les poumons et sur le cœur. Je vais donc étudier maintenant l’influence du corset sur la respiration, j’étudierai ensuite son influence sur la circulation.
(La partie gauche de la figure montre les ramifications de plus en plus petites des bronches dans le poumon dont on a enlevé la substance. À droite le poumon est intact. Les côtes ont été coupées de chaque côté.)
Les poumons sont les organes essentiels de l’appareil respiratoire. C’est en effet dans leur épaisseur que s’accomplit, sous l’action de l’air atmosphérique que leur apportent incessamment les bronches, l’important phénomène de l’hématose, c’est-à-dire la transformation du sang veineux en sang artériel.
Les poumons sont au nombre de deux, l’un droit, l’autre gauche, ils sont suspendus aux deux branches de bifurcation de la trachée-artère ou grosses bronches ; la trachée-artère communiquant avec la bouche par le larynx.
Ils sont enveloppés d’une membrane appelée plèvre, composée de deux feuillets qui peuvent glisser l’un sur l’autre grâce à la sérosité qui les enduit entièrement sur leur face interne.
Les poumons sont séparés des viscères abdominaux par la cloison que constitue le diaphragme, entre eux se trouvent une série d’organes : nerfs, veines ou artères, et le cœur. Au niveau du cœur la paroi pulmonaire se déprime pour recevoir ce viscère, mais comme le cœur est fortement incliné de droite à gauche, il s’ensuit que la dépression cardiaque est notablement plus prononcée sur le poumon gauche que sur le poumon droit ; c’est à cette dépression du poumon gauche qu’on donne le nom de lit du cœur.
Les parois externe et postérieure du poumon tant à droite qu’à gauche, sont en rapport avec la surface interne de la cage thoracique qui est représentée par la paroi interne des côtes et de la colonne dorsale.
Les bases pulmonaires larges et concaves répondent aux parties latérales du dôme formé par le diaphragme, dôme sur lequel elles se moulent.
Par l’intermédiaire du diaphragme la base du poumon droit répond à la partie droite du foie, la base du poumon gauche est en rapport avec le lobe gauche du foie, avec la grosse tubérosité de l’estomac et avec la rate.
Ces rapports sont très importants à connaître pour la question du corset et j’y reviendrai pour chacun des organes précités.
Pour bien faire comprendre le mécanisme de la respiration, il me faut décrire en quelques mots le muscle diaphragme.
Ce muscle — muscle impair et non symétrique — s’attache à la fois à la colonne vertébrale, au sternum et aux côtés. Il s’attache au rachis par deux piliers qui naissent des premières vertèbres lombaires, c’est-à-dire des vertèbres situées au-dessous des douze vertèbres dorsales.
Toutes les insertions du diaphragme vertébrales, sternales ou costales, après être devenues de fibreuses musculaires, convergent vers le centre du muscle — vers le centre du dôme — où redevenues fibreuses elles constituent le centre phrénique.
Pour compléter ces notions d’anatomie, il faut ajouter que les côtes sont réunies deux à deux par des muscles dits muscles intercostaux et qui sont au nombre de deux entre chaque côte, l’un de ces muscles dit muscle intercostal interne étant recouvert par un autre muscle dont les fibres sont en sens inverse et qu’on appelle muscle intercostal externe.
Les poumons se trouvent donc enfermés dans une cavité bien close en bas par le diaphragme, en haut par les tissus qui réunissent entre eux les divers* organes se rendant au cou, en arrière par la colonne vertébrale, en avant par le sternum et latéralement par les côtes et les muscles intercostaux.
En faisant par une inspiration entrer dans le larynx l’air atmosphérique qui a traversé la bouche et les fosses nasales, celui-ci pénètre par la trachée-artère et par les bronches dans les poumons, qui en se remplissant d’air, se distendent, aussi leur faut-il un espace plus grand que celui qu’ils occupaient avant l’inspiration ; or, ils ne peuvent franchir les diverses parois, les diverses limites de la cage thoracique ; celle-ci va-t-elle donc s’agrandir ? Oui et de plusieurs façons, dans ses deux principales dimensions, horizontale et verticale.
En effet, grâce à l’action des muscles inspirateurs, les côtes qui constituent des arcs osseux obliques de haut en bas, d’arrière en avant et de dedans en dehors, se soulèvent en ayant pour point fixe leur articulation avec la colonne vertébrale ; il en résulte que leur extrémité antérieure, se porte en avant et que leur convexité externe se porte en dehors, la cage thoracique s’agrandit donc dans son diamètre antéro-postérieur et dans son diamètre transversal.
« On voit notamment que le sternum doit s’éloigner de la colonne vertébrale ; le sternum et la colonne vertébrale réunis par les côtes forment comme les deux montants d’une échelle à échelons obliques, et lorsque ces échelons se rapprochent de l’horizontale, les deux montants s’éloignent l’un de l’autre, d’où dilatation antéro-postérieure. Enfin le plan incliné de dedans en dehors et dé haut en bas que forme la côte, se relève en tournant autour d’un axe oblique qui va du sternum à la colonne vertébrale et qui représente la corde de l’arc formé par la côte, la convexité de celle-ci se porte donc en dehors, d’où dilatation transverse du thorax. Le professeur Fredericq de Liège a construit un ingénieux appareil, reproduit ici, avec lequel il est facile d’imiter les mouvements des côtes et du sternum et de se rendre compte de tous les détails de leur mécanisme. »
L’agrandissement du diamètre vertical se produit par le jeu du diaphragme. Ce muscle constitue la base de la cavité thoracique, de sorte qu’en s’abaissant il modifie considérablement la capacité de cette cavité.
« On peut comparer jusqu’à un certain point son action à celle d’un piston dans un corps de pompe. Mais il faut tenir compte de ce que ce muscle a la forme d’une voûte et que, par conséquent, on peut supposer qu’en se contractant, il redresse sa courbure et qu’ainsi seulement il augmente le diamètre vertical de la cavité dont il forme la base, base qui serait convexe vers le haut pendant le repos du muscle et presque plane pendant sa contraction. Il est cependant à remarquer que la courbure du diaphragme est moulée exactement sur celle des viscères abdominaux et par exemple à droite sur celle du foie ; donc, quand le muscle se contracte, il ne peut que faiblement modifier cette courbure, cette convexité, qu’il déplace plutôt de haut en bas en refoulant les viscères devant lui dans le même sens ; aussi voyons-nous les parois abdominales se soulever à chaque dilatation inspiratrice du thorax. «
En outre, comme le diaphragme est fixé au pourtour des côtes et que celles-ci sont mobiles, il les relève en se contractant, si bien que le diaphragme agrandit le diamètre antéro-postérieur de la cage thoracique en même temps que par l’aplatissement de sa voûte il agrandit sa capacité dans le sens vertical ; l’abaissement du muscle se produit en effet juste au moment où les côtes se relèvent, au moment de l’inspiration ; l’espace que peuvent occuper les poumons se trouve simultanément agrandi dans ses trois dimensions.
À l’introduction de l’air dans les poumons succède bientôt l’expulsion de l’air en un courant de sens inverse, à l’inspiration succède l’expiration qui se produit par le retour sur lui-même du tissu pulmonaire élastique qu’a distendu momentanément l’air introduit dans ses cavités.
Comme on le voit la respiration met en mouvement les côtes et le diaphragme ; or, chez tous les individus la part prise à ce travail par le diaphragme et par les côtes n’est pas la même. Certains sujets respirent surtout parce qu’ils agrandissent leur cavité thoracique au moyen du muscle diaphragmatique, on dit que la respiration de ces sujets est du type abdominal ou costo-inférieur ; d’autres au contraire dilatent leur cavité thoracique surtout par le relèvement des côtes, on dit alors que le type respiratoire est costo-supérieur.
Ceci est très important pour notre sujet.
Un corps à baleine enserrant toute la poitrine et étant très rigide, est néfaste pour la fonction respiratoire puisqu’il entrave considérablement l’expansion thoracique, cela me paraît un fait trop net pour que l’on s’y arrête, c’est donc en même temps accepter qu’un corset qui monte très haut sur la poitrine gêne la respiration.
Je veux seulement indiquer ce qui peut se produire avec un corset actuel ayant de justes proportions.
Ce corset, je l’ai montré par les radiographies qui précèdent, entoure en général le thorax seulement à sa base. Si la femme a un type respiratoire qui met en jeu surtout les parois thoraciques supérieures, un corset moderne — à moins que trop serré il ne refoule fortement les viscères abdominaux sous le diaphragme, — ne saura gêner l’expansion des poumons. Si au contraire le type respiratoire féminin est abdominal, un corset, quelque peu serré soit-il, sera gênant du moment qu’il produira une compression quelconque.
Pilson déclare qu’il y a une diminution de l’expansion pulmonaire même avec les corsets des enfants ou avec la compression la plus légère.
Quel est le type respiratoire féminin ? Il semblerait que la plupart des femmes civilisées respirent surtout, d’après les auteurs, en dilatant la partie supérieure du thorax, ayant ainsi une respiration à type costo-supérieur. Si ce dernier type de respiration prédomine chez ces femmes, la faute, dit M. Butin, en est au corset qui le détermine par l’opposition qu’il apporte à la libre dilatation de la partie inférieure du thorax.
Pour le professeur Mathias Duval l’existence de ce type de respiration costo-supérieur est dû à une toute autre cause et voici ce qu’il en dit dans son Cours de Physiologie : « Il faut attribuer au diaphragme la plus grande part dans les mouvements de l’inspiration, surtout chez les jeunes sujets et chez l’homme ; les femmes à partir de l’âge de la puberté font jusqu’à un certain point exception à cette règle et chez elles le type respiratoire, au lieu d’être abdominal (diaphragmatique) ou costo-inférieur, se caractérise plutôt par une forme costo-supérieure ; sans doute cette absence du jeu diaphragmatique est en rapport avec les fonctions génitales, vers l’époque de la gestation le diaphragme ne pouvant sans inconvénient presser sur l’utérus gravide ».
Dans les Archives générales de médecine, Beau et Maissiat disent avoir trouvé le type de respiration costo-supérieure chez les femmes n’ayant jamais fait usage de corset et ils écrivent qu’il faut toutefois reconnaître que si le corset n’est pas la cause de la respiration costo-supérieure de la femme, il fait exagérer les mouvements de ce mode de respiration en empêchant tous les autres mouvements qui pourraient se l’aire à la base de la poitrine ; ils ajoutent un peu plus loin : « On peut presque avancer que les femmes sont pour ainsi dire organisées pour l’usage du corset. » Et Mme le Dr Tylicka de s’écrier avec indignation : « On ne trouverait nulle part un pareil sophisme. »
Mays, de Philadelphie, en observant un grand nombre d’Indiennes qui n’avaient jamais porté de corset, a vu que chez elles pendant la respiration la poitrine se soulève aussi bien en bas qu’en haut.
M. Marey a étudié les mouvements respiratoires de la femme au moyen de la chrono-photographie. Les images qu’il a obtenues montrent que chez la femme sans corset le diaphragme agit aussi bien que les côtes supérieures et que la poitrine se déplace, se dilate, en haut comme en bas !
Entre ces deux opinions extrêmes qui attribuent à la femme l’une un type respiratoire semblable en tout à celui de l’homme, l’autre un type respiratoire spécial, il y a lieu de placer un troisième avis, celui du professeur Mathias Duval, qui dans son Cours de Physiologie montre par une figure empruntée à John Hutchinson, médecin anglais (1811-1861), que dans la respiration ordinaire, la femme respire surtout avec ses côtes et moins avec son diaphragme bien qu’aussi avec ses côtes, mais que dans l’inspiration forcée le diaphragme de la femme augmente son travail et les côtes de l’homme leur dilatation, si bien alors que les deux types respiratoires se confondent
Les figures reproduites ici d’après Hutchinson, représentent la silhouette d’un homme et d’une femme. « Le profil de la face antérieure du tronc dans la respiration ordinaire est marquée par un large trait noir, qui indique par ses deux bords les limites de l’inspiration et de l’expiration. On y a surajouté un profil en ligne pointillée qui répond à l’inspiration forcée pendant laquelle l’homme lui-même prend nettement le type costo-supérieur ; enfin le contour même de la silhouette en noir répond à l’expiration forcée. »
Mais est-ce bien sur les variations du type respiratoire qu’il y a lieu d’étudier l’influence du corset sur la respiration ; car de même que pour les dimensions du thorax, les conditions d’existence, de milieu, de race, etc., peuvent différencier le type respiratoire ; il n’est pas rigoureusement exact de dire : voyez les Indiennes observées par Mays, elles respirent de telle façon ; donc, si nos concitoyennes ne respirent pas de façon semblable, c’est que le corset est venu perturber leur fonction respiratoire ? Ce qu’il faudrait, pour se prononcer en parfaite connaissance de cause, ce serait choisir des femmes de diverses races, de divers pays, de diverses conditions, d’en former deux groupes, l’un n’ayant jamais porté de corset, l’autre en faisant usage et de comparer alors les résultats entre eux, groupe à groupe.
Une telle expérience ainsi entendue est bien difficile pour ne pas dire impossible ; j’en ai réalisé toutefois une partie intéressante qui consiste à étudier sur des femmes de même race, mais de taille, de santé, de condition, de profession différentes, les variations de la capacité respiratoire, lorsque ces femmes ont un corset et lorsqu’elles ont enlevé ce vêtement. Ce sont ces recherches inédites que je rapporte ici.
La quantité d’air que l’on peut successivement introduire dans le poumon et en chasser ensuite en faisant les mouvements les plus énergiques de respiration, constitue ce que l’on appelle la capacité pulmonaire ou mieux encore la capacité respiratoire.
Cette capacité respiratoire varie avec chaque sujet. La taille de l’individu est, de toutes les conditions qui font varier le chiffre de la capacité pulmonaire, celle qui joue le rôle le plus considérable.
Il résulte des recherches de Hutchinson sur plusieurs milliers de sujets, que la stature est en rapport direct avec ; la capacité du poumon. Le poids du corps donne une notion moins exacte que la taille, de même que la circonférence de la poitrine est sans aucun rapport avec le volume d’air expiré. L’âge n’apporte que peu de modification. Il suffit donc de tenir compte de la taille de l’individu pour juger de sa capacité pulmonaire. Hutchinson a trouvé que la capacité vitale pour un homme de 1 m. 50 était égale à 2.085 centimètres cubes, que cette capacité augmentait de 25 centimètres cubes par centimètres de taille (Dr M. Dupont). Pour le Dr Charlier cette capacité serait de 2, 735 et elle augmenterait de 15 centimètres cubes par chaque centimètre de taille.
Je ne m’occuperai cependant pas des tables de mensuration que Hutchinson a publiées sur cette question car il ne s’agit pas ici de savoir si la respirai ! on des sujets est normale, si leur capacité respiratoire est en rapport avec leur poids et avec leur taille ce que l’on pourra trouver étudié dans les communications du Pr Gréhant et de M. Charlier au Congrès international de la Tuberculose (octobre 1905), mais seulement d’étudier sur un même sujet les variations de la capacité pulmonaire sous l’influence du corset et de comparer cette même influence sur divers sujets.
Le problème à résoudre, est en effet le suivant :
1° Étant donné une femme faisant usage du corset rechercher quelle est sa capacité pulmonaire : et lorsque son thorax est vêtu d’un corset et lorsqu’elle ne porte pas de corset.
2° Étant donné plusieurs femmes, rechercher si l’action du corset est analogue sur chacune d’elles.
La première expérience consiste, à faire respirer la femme qui a revêtu son corset selon ses quotidiennes habitudes, je mesure alors sa capacité respiratoire ; puis la femme ayant serré son corset, je mesure une deuxième fois cette capacité. Enfin, je mesure sa capacité pulmonaire, lorsque dans la troisième expérience la femme a enlevé son corset.
Les trois chiffres obtenus permettront de juger mathématiquement l’influence du corset sur la respiration.
On mesure la capacité pulmonaire au moyen d’un appareil qu’on appelle spiromètre. « Le plus connu des spiromètres est celui d’Hutchinson modifié par Wintrich d’abord puis par Schnepf. Dans ces dernières années celui qui s’est le plus répandu est peut-être le spiromètre de Galante. À ces instruments un peu délicats et dont les indications manquent souvent de précision… » mon confrère et ami le Dr Maurice Dupont a substitué un appareil à la fois simple et précis.
Cet appareil soumis à l’appréciation de l’Académie de Médecine, est décrit comme suit par son auteur dans un travail sur le Traitement de la tuberculose par les inhalations décide carbonique : le spiromètre se compose de deux vases A et B munis chacun des deux tubulures AT, TA, TB, TB′ ils ont une capacité égale à 5.000 centimètres cubes. La tubulure TB′ reste ouverte et met le vase B en communication avec l’extérieur.
Les tubulures TB, TA, sont fermées par des bouchons de caoutchouc, à travers lesquels on introduit deux tubes de verre SS′ de deux centimètres de diamètre ; on fait descendre ces deux tubes, de verre SS′ jusqu’à un centimètre du fond du vase ; ces deux tubes recourbés dans leur partie supérieure sont réunis par un tuyau en caoutchouc qui embrasse leur extrémité. La réunion du tube de caoutchouc et des deux tubes de verre constitue un siphon qui met les deux vases en communication.
La tubulure AT, est fermée par un bouchon en caoutchouc traversé par un tube de verre U de 10 millimètres de diamètre, auquel est adapté un tuyau de caoutchouc terminé par une embouchure que précède un robinet.
Le vase A est gradué de haut en bas de zéro à 5.000 centimètres cubes par fraction de 25 centimètres cubes.
Pour faire fonctionner l’appareil, on remplit d’eau le vase B, on ouvre le robinet R, puis à l’aide du siphon, on fait passer l’eau dans le vase A jusqu’à ce que le niveau supérieur affleure le zéro on ferme alors le robinet. On verse ensuite dans le vase B la quantité d’eau nécessaire pour que l’extrémité inférieure du tube S’ y soit toujours plongée, puis on place le vase B à un niveau inférieur à celui du vase A.
Le siphon étant amorcé on peut faire facilement passer l’eau de A en B en ouvrant le robinet R. Il suffit de fermer le robinet pour arrêter immédiatement l’écoulement.
Voici comment on apprécie la capacité pulmonaire :
On recommande au sujet de faire une large inspiration, puis avant que l’expiration commence on adapte l’embouchure à la bouche du sujet et en même temps on ouvre le robinet. Le sujet prolonge l’expiration autant qu’il le peut et au moment où elle cesse, l’écoulement s’arrête. On ferme rapidement le robinet. L’air de la respiration a repoussé l’eau du vase A qui s’est écoulé dans le vase B et le chiffre correspondant au niveau de l’eau exprime le volume de l’air expiré. Grâce au fonctionnement du siphon l’expiration se fait sans effort, sous l’unique influence de l’air atmosphérique pressant sur les parois dut thorax ; l’air contenu dans le poumon s’écoulant comme l’eau du siphon est en réalité aspiré par le vase A et le poumon se trouve ainsi vidé plus complètement que par l’expiration la plus énergique.
Pour mes recherches j’ai utilisé un appareil plus simple qui est le résultat de la transformation par M. Dupont de son spiromètre à siphon en un spiromètre à vases communicants. L’appareil se compose de deux vases A et B dont les tubulures inférieures sont réunies par un tube de caoutchouc CD, l’analogue du tube SS′ sur le modèle précédent. Le vase A est gradué de haut en bas de 0 à 5.000 il porte à son extrémité supérieure un tube de caoutchouc, qui sera utilisé par le sujet en expérience. On verse dans l’appareil cinq litres d’eau, deux litres et demi se trouvent alors dans chaque vase au moment où l’on va disposer l’appareil pour les recherches.
Au moment d’utiliser le spiromètre, on élève le récipient B de façon à ce que le liquide passe dans le vase A, on ferme le robinet R du tube T et on replace le vase B à côté de A qui se trouve alors contenir de l’air jusqu’à la division zéro.
Le sujet on expérience embouche la tubulure du tube T après avoir fait une forte inspiration ; alors en même temps qu’il va expulser par le tube T dans le vase A l’air inspiré, le sujet ouvre le robinet R qu’il referme aussitôt qu’il ne peut plus expirer d’air. Le niveau auquel se trouve l’eau dans le vase A indique la capacité respiratoire du sujet. Si le dispositif que je viens de décrire peut au point de vue absolu présenter quelque cause d’erreur, il donne pour des recherches comparatives des résultats très satisfaisants.
Ces recherches ont été poursuivies de la façon suivante :
1° Mesure de la capacité respiratoire de la femme vêtue de son corset, tel qu’elle le portait en entrant dans mon cabinet et sans qu’elle ait été prévenue des expériences auxquelles elle se prêterait (colonne I).
2° Mesure de la capacité respiratoire du même sujet dont le corset a été fortement serré (colonne II).
3° Mesure de la capacité respiratoire de la femme ayant enlevé son corset (colonne III).
Afin de diminuer les chances d’erreur, l’expérience était répétée trois fois pour chaque cas et ce sont les moyennes des trois chiffres obtenus qui ont été comparées entre elles.
Soixante pour cent des personnes examinées portaient des corsets confectionnés, les autres des corsets sur mesure. Pour presque toutes, la forme du corset était droite devant en tous cas peu cambrée ; il faut toutefois ne pas perdre de vue que le corset droit cambre d’autant plus qu’il est plus serré et qu’alors à la gêne de la respiration produite par les cambrures latérales vient s’ajouter la gêne de la pression abdominale.
Voici les chiffres obtenus :
I | II | III | Taille du sujet | ||
1 — | Pr. | 2.400 | 1.750 | 2.400 | 1 55 |
2 — | No. | 1.900 | 1.400 | 1.900 | » » |
3 — | Ho. | 2.300 | 2.100 | 2.350 | 1 55 |
4 — | Re. | 2.800 | 2.300 | 2.800 | 1 65 |
5 — | Sou. | 1.800 | 1.450 | 1.800 | » » |
6 — | la. | 2.350 | 2.200 | 2.400 | 1 60 |
7 — | Pl. | 1.800 | 1.500 | 1.750 | » » |
8 — | Ga. | 2.475 | 2.225 | 2.500 | 1 59 |
9 — | Ro. | 2.580 | 2.480 | 2.475 | » » |
10 — | G. | 1.000 | 810 | 1.075 | 1 48 |
11 — | T. | 2.150 | 1.900 | 2.200 | 1 54 |
12 — | M. | 2.100 | 1.600 | 2.150 | » » |
13 — | L. | 2.200 | 1.950 | 2.300 | » » |
14 — | A. | 2.200 | 2.100 | 2.125 | 1 55 |
15 — | V. | 2.160 | 1.660 | 2.100 | 1 57 |
16 — | A. | 2.175 | 1.800 | 2.225 | » » |
17 — | Du. | 2.830 | 2.510 | 2.930 | » » |
18 — | Ro. | 2.100 | 1.500 | 2.200 | » » |
19 — | La | 2.160 | 1.500 | 2.180 | » » |
20 — | M. | 2.650 | 2.050 | 2.600 | » » |
21 — | C. | 1.900 | 1.830 | 1.960 | 1 54 |
22 — | Mo. | 2.460 | 2.030 | 2.415 | 1 60 |
23 — | Mar. | 2.300 | 2.100 | 2.250 | » » |
24 — | Tr. | 2.700 | 2.423 | 2.750 | 1 61 |
25 — | Le. | 2.800 | 1.800 | 2.750 | 1 60 |
26 — | Du. | 2.800 | 2.600 | 2.900 | 1 65 |
27 — | Gu. | 2.670 | 2.350 | 2.680 | 1 57 |
28 — | Ga. | 2.850 | 2.430 | 2.800 | 1 60 |
29 — | De. | 2.760 | 2.700 | 2.760 | 1 58 |
30 — | Ch. | 2.900 | 2.600 | 2.870 | 1 56 |
31 — | FI. | 2.100 | 1.780 | 2.100 | » » |
32 — | G. I. | 2.300 | 2.250 | 2.400 | 1 62 |
33 — | E. R. | 2.190 | 1.630 | 2.150 | 1 50 |
34 — | B. B. | 1.800 | 1.770 | 1.800 | 1 46 |
35 — | N. A. | 1.570 | 1.430 | 1.600 | 1 55 |
36 — | J. M. | 2.085 | 1.830 | 2.100 | 1 50 |
37 — | M. J. | 2.650 | 2.485 | 2.725 | 1 63 |
38 — | F. P. | 2.700 | 2.385 | 2.900 | 1 51 |
39 — | H. B. | 2.300 | 2.050 | 2.300 | » » |
40 — | Ta. | 2.400 | 2.375 | 2.400 | » » |
Il faut maintenant commenter les chiffres fournis par ce tableau :
Je vais d’abord comparer les chiffres de la première colonne avec ceux de la troisième, c’est-à-dire les chiffres fournis quand le sujet se présente avec un corset qui, selon son opinion, maintient seulement la taille, avec ceux fournis par le sujet respirant sans corset.
Sur les quarante cas notés ici, je trouve que :
1o Neuf fois, il n’y a pas de différence entre les deux mesures de capacité respiratoire.
2o Onze fois, les chiffres de la troisième colonne sont inférieurs à ceux de la première. La différence est comprise entre 105 centimètres cubes et 30 centimètres cubes ; la moyenne est de 55 centimètres cubes.
3o Vingt fois les chiffres de la troisième colonne sont supérieurs à ceux de la première. La différence est comprise entre 200 centimètres cubes et 10 centimètres cubes, la moyenne est de 65 centimètres cubes 5.
Ainsi donc dans près d’un quart des cas, la capacité respiratoire n’a pas été modifiée, et dans un peu plus d’un quart des cas, la femme a respiré plus facilement avec son corset. Dans l’autre moitié des observations, la capacité pulmonaire a été diminuée, par le port du corset, de 65 centimètres cubes 5 en moyenne ; encore cette moyenne serait-elle abaissée, si ne figuraient certainement pas dans la 1re colonne des femmes qui « mettant leur corset comme d’habitude », étaient serrées par lui et n’en étaient pas seulement vêtues, ce qui est bien différent.
Si je compare en effet maintenant les chiffres des colonnes 1 et 2, je trouve que dans tous les cas, le corset serré a abaissé si notablement la capacité respiratoire que l’on trouve entre les chiffres des colonnes 1 et 2 des différences atteignant 300, 430, 600, 650, 1.000 centimètres cubes, et telles au total que la moyenne de la diminution de la capacité respiratoire atteint plus de 315 centimètres cubes.
Les résultats de ces mensurations spirométriques sont donc tels que les faisaient prévoir l’étude de l’influence du corset sur la cage thoracique et ils seraient encore plus probants si toutes les femmes examinées portaient un corset fait exprès pour chacune d’elles, ou si plus simplement encore chacune d’elles, ayant un corset fait ou non sur mesure, le plaçait et le laçait rationnellement comme je l’indiquerai dans la suite.
L’étude de l’influence du corset tant sur les organes pulmonaires que sur le fonctionnement de l’appareil respiratoire permet de conclure que le port d’un corset ne peut entraver sérieusement la fonction respiratoire que lorsque ce vêtement est serré.
La diminution de la capacité respiratoire que le corset serré produit alors n’est pas due seulement à la compression du thorax, mais encore, et je le démontrerai plus loin, à l’action du corset sur les viscères abdominaux.