Le Croyant/I

La bibliothèque libre.
Despret frères (p. 1-7).


Au Lecteur.






Il y a quelques années, frappé d’admiration à la vue du dévouement dont le Croyant fait preuve dans toutes les circonstances de la vie, nous avions écrit, en l’honneur de ce vaillant soldat du Christ, une pièce de vers de peu d’étendue ; un homme de goût auquel nous en fîmes la lecture, nous donna des encouragements et nous engagea à continuer une œuvre que nous n’avions fait qu’ébaucher. Depuis lors, nous étant senti captivé par les attraits de notre sujet, nous nous sommes laissé entraîner bien au-delà des limites que nous nous étions assignées, et au lieu de tracer comme nous l’avions projeté, un seul tableau du Croyant, nous avons fait une galerie de portraits que nous allons exposer aux regards du public, qui voudra bien, nous l’espérons, nous accorder l’indulgence dont nous avons besoin en traitant un sujet aussi vaste et aussi sublime.

Un jour, un homme de génie, changeant le plan que nous avons suivi, en agrandira les proportions, et fera, au lieu d’une esquisse, un riche et brillant tableau, qu’il enluminera des plus fraîches couleurs de la poésie. Nous, aujourd’hui, nous nous contenterons de montrer le courage du Croyant et, son saint dévouement à l’humanité ; nous ferons briller son ardente charité pour les malheureux, la grandeur et la générosité de son âme ; on le verra rechercher toutes les occasions de faire le bien ; on le verra visiter les lieux les plus arides et les retraites les plus cachées, pour y découvrir des larmes à tarir et des cœurs à consoler.

Transporté en esprit sur le char lumineux d’un ange, nous irons, sous la tutelle de ce divin conducteur, visiter les ruines de la Grèce, les champs où fut Troie, les murs de l’antique Byzance ; puis, suivant à travers le désert la route triomphale que prirent nos aïeux sous la conduite de Godefroid de Bouillon, ce Croyant d’un autre âge, nous jetterons un rapide regard sur Nicée, Antioche et d’autres lieux illustrés par leur vaillance ; reprenant ensuite notre vol à travers les airs, nous irons planer au-dessus de Jérusalem, nous décrirons l’aspect des Lieux Saints, la plaine où campèrent les soldats de la Croix et les murs qu’ils franchirent en vainqueurs pour délivrer le tombeau du Prince des Croyants, le tombeau de Celui qui planta sur le Golgotha le premier arbre de Liberté qu’on osa élever sur la terre ; le tombeau de celui qui mourut la victime innocente du despotisme de ses ennemis ! Enfin, nous essaierons de célébrer les bienfaits que la foi répand dans le cœur du chrétien en toutes les circonstances de sa vie agitée.

Ah ! quand la mauvaise presse abaisse le niveau de l’intelligence humaine ; quand elle attise le feu des passions les plus cruelles et les plus brutales ; quand elle se plaît à séduire la candide innocence ; quand elle soulève le peuple contre l’autorité légitime, il nous a semblé que le moment était venu d’élever la voix contre les corrupteurs du genre humain, et de proposer à nos frères le Croyant comme le plus beau modèle qu’ils puissent imiter.

Il y a déjà bien longtemps que des hommes impies cherchent à pervertir la société. Dès les premiers âges du monde, des esprits dégradés ont tenté de le faire ; mais jamais les écrivains pervers, jamais l’impiété, jamais les novateurs ne mirent plus d’ardeur qu’aujourd’hui à fausser les consciences : au théâtre, sur la place publique, dans les carrefours, au cabaret, dans leurs chansons bachiques, ils ont appris au peuple à insulter l’Évangile.

Nous, nous avons voulu relever sous leurs tables d’orgies ce livre divin, et montrer à ceux qu’ils ont égarés que c’est là, et là seulement, que l’homme peut puiser ses consolations et ses espérances ; nous avons voulu leur apprendre à se réjouir à la lecture de ce code immortel, de ce testament que nous a laissé, comme un témoignage de son amour, un père affectueux, un ami dévoué le frère le plus tendre !

L’Évangile ! mais c’est la voix de l’avenir ; c’est la colonne de feu qui doit éclairer aujourd’hui les pas des nations égarées dans les ténèbres de la nuit ; c’est cette colonne qui doit illuminer les sentiers les plus obscurs de la vie, et guider l’humanité à travers les embûches et les périls de tous genres, vers la terre promise des croyants.

Frères, vous qui, dans les malheurs de ce vallon de larmes, jetez encore un regard consolant sur les joies et les récompenses d’un monde meilleur ; vous qui connaissez un baume pour tous les maux qui nous affligent ; vous pour qui c’est un bonheur de trouver l’occasion de faire le bien ; qui avez sondé toutes les blessures ; qui avez compassion de toutes les infortunes, ah ! unissons-nous pour travailler au bonheur des hommes selon la mesure de nos forces. Tachons surtout de guérir ces terribles maladies qui accablent leurs âmes : le doute, l’incrédulité et les passions effrénées qui font tant de ravages ; efforçons-nous de resserrer les nœuds de cette fraternité chrétienne qui peut faire de toutes les nations du monde une seule et grande famille d’amis et de frères qu’un même berceau a vus naître !

Belgique, ô mon beau pays ! ô toi qui as su te soustraire jusqu’à ce jour aux coups de l’orage qui a désolé la plupart des contrées de l’Europe, et qui gronde encore à notre horizon du midi ; toi qui, par ta sagesse et ta prudence, as su te préserver jusqu’à présent de la contagion de vaines et désolantes doctrines, continue, ô mon pays, en marchant dans la voie du progrès, à résister à la séduction de tes ennemis ; reste ferme et debout au milieu des ruines amoncelées autour de toi ; marche et persévère dans les voies de la civilisation chrétienne ; marche, marche toujours ; espère en des temps meilleurs, mais veille constamment et avec attention ; veille, car l’ennemi est à tes portes ; prends garde qu’il ne s’introduise dans la place… il serait intraitable ! Ô ma Belgique, ce serait fait de tes belles institutions, de ton bonheur et de tes libertés !

Mais j’ai espoir en cette génération nouvelle, qu’on élève à l’ombre de ces écoles populaires que la Belgique a ouvertes à l’indigence en 1842 ! Instituteurs de ma patrie, j’ai une entière confiance en vous ! Ah ! vous la justifierez, je l’espère, en formant des citoyens utiles, qui respecteront nos lois, ces sages gardiennes de la tranquillité et de la prospérité publiques ; des citoyens qui chériront le sol qui les a vus naître, et qui suivront les nobles enseignements de cette religion d’amour que le Christ a révélée à la terre pour sauver l’humanité et pour la rendre heureuse !

Et vous, voyageurs attardés dans les voies de la civilisation chrétienne, novateurs qui nous promettez un bonheur sans mélange, un bonheur qu’il ne nous est point donné de trouver ici-bas ; qui voulez subordonner l’esprit à la chair, à la chair qui s’est révoltée contre l’esprit ; vous qui accusez la société de tous les crimes ; qui abandonnez l’individu à ses instincts vicieux, et n’exigez de lui aucun effort pour les vaincre ; vous qui avez profané le nom sacré de Liberté en déchaînant toutes les passions humaines ; qui voulez anéantir les institutions les plus saintes, pour laisser vivre l’homme, ce roi de la création, comme les quadrupèdes de nos forêts, sans lois et sans frein ; vous qui voulez ravir à ceux que vous nommez les envahisseurs de la terre, les fruits d’un long et pénible labeur et les fruits des travaux du père de leurs pères, ô frères, puisse le Croyant vous inspirer quelques pensées salutaires et vous rendre plus dociles à la voix d’une aimable consolatrice qui a des remèdes pour toutes les douleurs !

Revenez à nous, revenez à nous ; abjurez de révoltantes doctrines. Ce que vous appelez philanthropie, nous l’appelons Charité ; c’est la bienfaitrice des infortunés. Frères, venez vous éclairer aux rayons vivifiants de notre beau soleil, du soleil de la Foi ; venez, ils ranimeront votre courage et vos espérances ; venez, et alors vous connaîtrez le bonheur, le seul qu’il soit donné à l’homme de goûter en l’exil de la terre. Ah ! si nous pouvions captiver votre sympathie ; si nous pouvions, même pour une faible part, contribuer à ramener la paix dans les empires et surtout dans vos cœurs, nos efforts seraient dignement récompensés.

Pardonnez si, quelquefois, mais sans intention, nous avons pu vous offenser par la rigueur de notre langage. Croyez-le bien, nous avons écrit ces vers sans colère, sans haine et sans esprit de parti, mais en obéissant à des convictions profondes et à de bonnes et loyales intentions ; car nous avons horreur de l’hypocrisie, quel que soit le voile sous lequel elle se cache ; le vrai Croyant ne doit point l’aimer : que ceux-là mêmes qui ne partagent pas nos convictions, nous jugent donc sans partialité, et qu’ils sachent bien que si nous détestons les mauvaises doctrines, nous aimons cependant tous les hommes, car tous les hommes sont nos frères.

Si nous parvenons à captiver l’attention de quelques âmes, de ces âmes soucieuses, qui déplorent avec nous les malheurs de notre époque ; si nous sommes assez heureux pour ajouter une fleur, quelque pâle qu’elle soit, à la couronne littéraire de notre pays, ah ! alors, nous remercierons le Ciel de nous avoir inspiré ; car, nous le savons bien, lorsqu’une lyre chrétienne rend d’harmonieux accords, c’est qu’une main divine en fait vibrer les cordes.