Le Croyant/XXXIX

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Despret frères (p. 48-49).


Perçant le blanc réseau d’une vapeur légère,
Le soleil du printemps épanche sa lumière ;
Sur les bords du Farfar 4 on voit s’épanouir
Mille fleurs qu’en passant caresse le zéphyr ;
Les abondants figuiers étalent leur verdure ;
La terre a revêtu sa nouvelle parure ;
Déjà du caroubier les rameaux renaissants
Offrent leur frais asile aux oiseaux caressants ;
Les térébinthes verts réjouissent la vue ;
Les cèdres du Liban s’élèvent vers la nue :
Mais toi, Jérusalem, hélas ! sur ton coteau,
La nature est plus morne et le printemps moins beau !
Près de Gethsémani, la bocagère hysope,
De son calice à peine a brisé l’enveloppe ;
La violette y croît sans parfum, sans couleur,
Et semble de ces lieux partager la douleur ;
Car autour de Sion, le regret, la tristesse,
Depuis la mort du Christ, hélas ! règnent sans cesse !

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Traversant le désert avec rapidité,
Nous en avons bientôt franchi l’immensité.
Mais voici le Liban ; au-dessus de la nue,
Le Sannin, près de nous, lève sa tête nue ;
On dirait un géant assis au bord des mers,
Dont le regard perçant contemple l’univers.
Voici le front altier de ces cèdres antiques
D’où, s’élançant vers Tyr, les aigles prophétiques,
En foule s’abattaient sur ses riches palais.
Ô reine du désert, Balbeck, tu m’apparais ;
Sur des blocs de granit subsiste encor l’emblème
Qui jadis de tes rois marquait le rang suprême.
Par un vent d’occident notre char emporté
Plane majestueux sur la sainte cité.
Le Nébo, le Thabor, les hautes Pyramides,
Le Nil fertilisant des campagnes arides,
À mes yeux enchantés se sont montrés soudain ;
Vers le sud j’aperçois le paisible Jourdain,
Le Jourdain qui versa le trésor de son onde
Sur le front adoré du Rédempteur du monde ;
Ici de la Mer Morte en paix dorment les eaux,
Que n’éveilla jamais le cri des matelots ;
C’est en ces lieux maudits que tombèrent ces villes
Où l’homme, esclave impur de ses passions viles,
Et consumant sa vie en insultant les Cieux,
Jour et nuit se livrait à des plaisirs honteux :
Tandis que dans le feu leurs palais s’engloutirent,
Dans un gouffre béant leurs habitants périrent.
Mais voici Chanaan : ses prés toujours en fleurs,
Aux rayons du soleil étalent leurs couleurs ;
Le jasmin, l’aloës, la rose parfumée,
L’oranger succulent, le blanc lys d’Idumée
Y naissent sans culture, et d’abondants guérets
Prodiguent le trésor de leurs épis dorés,
Et la vigne qui naît au penchant des collines,
Fléchit sous le fardeau des grappes purpurines.
Voilà les verts coteaux de l’antique Ephraïm,
Que Jésus franchissait pour se rendre à Naïm.