Le Dialogue (Hurtaud)/12

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 46-49).


CHAPITRE XI

(12)

Rappel de quelques choses déjà dites, et comment Dieu promet la consolation à ses serviteurs et la réforme de l’Église par le moyen de grandes souffrances.

Tu l’as donc vu, Moi, la Vérité, je t’ai exposé la vraie doctrine par laquelle tu peux acquérir et conserver la grande perfection. Je t’ai expliqué pareillement de quelle manière l’on satisfait à la faute et à la peine, pour soi et pour le prochain, en te disant que les souffrances endurées par les créatures pendant quelles sont dans le corps mortel, ne sont pas suffisantes à elles seules pour satisfaire à la faute et à la peine, si elles ne sont pas unies au sentiment de la charité et de la douleur de la faute commise. Cette charité est acquise par la lumière de l’intelligence, par un cœur pur et généreux, qui n’a d’autre objet que moi qui suis la Charité même. Je t’ai expliqué tout cela, quand tu me demandais à souffrir.

Je te l’ai exposé, pour que toi et mes autres serviteurs sachiez en quelle mesure et de quelle manière vous me devez faire le sacrifice de vous-mêmes : sacrifice intérieur et extérieur tout à la fois, unis ensemble, comme la coupe et l’eau que l’on offre au maître. L’on ne pourrait présenter l’eau sans la coupe, et le maître ne saurait avoir pour agréable qu’on lui présentât la coupe sans l’eau. Ainsi, vous dis-je, devez-vous m’offrir la coupe de vos nombreuses peines extérieures, de quelque manière que je vous les envoie, sans choisir ni le temps, ni le lieu, ni la mesure qui vous conviennent, mais en les acceptant comme je vous les donne. Cette coupe doit être pleine, et elle sera remplie, si vous recevez toutes ces épreuves par sentiment d’amour, si vous supportez tous les défauts de votre prochain, avec une véritable patience, accompagnée de la haine et détestation du péché. Ces peines sont ainsi comme une coupe remplie de l’eau de ma grâce qui donne à l’âme la vie, et dès lors j’agrée ce présent de mes chères épouses, c’est-à-dire de toute âme qui me sert bien : j’accueille leurs angoisses, leurs désirs, leurs larmes, leurs humbles soupirs et leurs continuelles oraisons ; toutes choses qui sont un moyen d’obtenir que, par amour, j’apaise ma colère contre mes ennemis, et contre les hommes d’iniquité, qui m’offensent si gravement.

Souffrez ainsi virilement, jusqu’à la mort : ce sera pour moi le signe que vous m’aimez. N’allez pas regarder en arrière en tournant le dos à la charrue, par crainte des créatures ou des tribulations : c’est dans les tribulations que vous devez vous réjouir. Le monde prend plaisir à vous faire mille injustices ; ne vous attristez des injustices du monde que parce qu’elles sont des offenses qu’elle me fait : car en m’offensant, elles vous offensent, et en vous offensant, elles m’offensent, Moi qui suis devenu une même chose avec vous.

Tu le sais bien, Je vous ai donné mon image et ressemblance, mais vous avez perdu la grâce par le péché. Pour vous rendre cette vie de la grâce, j’ai uni ma nature à vous, en la couvrant du voile de votre humanité. Ainsi, à vous, mon image, j’ai emprunté votre ressemblance en prenant la forme humaine. Je suis une seule chose avec vous, tant que l’âme ne se sépare pas de moi par le péché mortel ; car celui qui m’aime demeure en moi et moi en lui. Mais celui-là sera persécuté par le monde, parce que le monde n’est pas en conformité avec moi. C’est pour cela qu’il a poursuivi mon Fils unique jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. Ainsi fait-il à vous-même : il vous persécute, et il vous persécutera jusqu’à la mort, parce qu’il ne m’aime pas. Si le monde m’aimait, il vous aimerait aussi, mais réjouissez-vous, car votre joie sera grande dans le ciel.

En vérité je te le dis, plus abondera la tribulation dans le corps mystique de l’Église plus il abondera lui-même en douceur et en consolation. Elle sera, cette douceur, la réforme des saints et bons pasteurs, lesquels sont des fleurs de gloire. Ce sont eux qui rendent gloire et honneur à mon nom et font monter vers moi le parfum d’une vertu fondée dans la vérité. Ce sont mes ministres, ce sont les Pasteurs qui seront réformés. Mais le fruit de l’Église mon épouse n’a pas besoin de réforme : il n’est ni corrompu, ni amoindri par les fautes des ministres. Réjouis-toi donc dans la douleur, avec le père de ton âme et mes autres serviteurs, puisque je vous ai promis, moi la Vérité éternelle, de vous donner la joie. Après que vous aurez souffert, je mêlerai la consolation à vos dures épreuves, par la réformation de la sainte Église.