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Le Docteur Gilbert/Chapitre XIV

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Boulé (p. 57-58).


XIV.


— Ainsi donc tout est vrai ! soupira Mathilde en élevant ses mains tremblantes. Il me trompe… Ah ! quelle hypocrisie !… quelle atrocité !… Mais je lui rendrai larme pour larme, outrage pour outrage !

Et sa voix était pleine de sanglots ; son visage pâle ruisselait de larmes. Elle prit son mouchoir et les essuya.

— Pauvre maîtresse ! dit Mariane en rentrant, comme elle est triste !

Mathilde leva les yeux et vit sa femme de chambre qui la regardait douloureusement.

— Ma bonne Mariane, dit-elle en lui pressant la main avec affection, je te fais de la peine !… mais je n’ai rien, va… sois tranquille. C’est un peu de fatigue ; il n’y paraîtra plus demain.

— Oh ! je l’espère bien, madame.

— Mariane, il est déjà tard, continua Mathilde en dirigeant ses yeux vers la pendule. Tu dois avoir besoin de repos, va te mettre au lit. Moi, j’ai une lettre importante à écrire avant de me coucher,

— Eh bien ! je vous attendrai, madame.

— Non, ma bonne Mariane, je ne veux pas que tu m’attendes ; à ton âge, le sommeil est trop nécessaire. D’ailleurs, ne t’inquiète pas, je me déshabillerai bien toute seule… je n’ai pas de lacets à défaire… Va, va, je t’en prie… si tu m’attendais, je serais préoccupée, et je ne pourrais pas écrire ma lettre.

— Puisque vous le voulez, madame, je vous obéis, dit Mariane avec émotion.

— Allons, adieu, chère Mariane ! dit Mathilde en l’embrassant, passe une bonne nuit.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria Mariane, comme vos mains sont froides, comme vous tremblez !…

— Ce n’est rien, Mariane, il fait un peu froid dans cette chambre. Avant de sortir, mets une bûche dans la cheminée, car le feu s’éteint… Allons, adieu, Mariane,

— Adieu, madame… répondit la vieille bonne d’une voix étouffée ; et, serrant encore une fois les mains de Mathilde avec affection, elle tourna sur elle un regard plein d’une amère et tendre sollicitude ; puis elle se retira.