Le Fantôme de l’Opéra/Épilogue

La bibliothèque libre.
Société d’éditions et de publication (p. 74-78).

épilogue




Telle est la véridique histoire du Fantôme de l’Opéra. Comme je l’annonçais au début de cet ouvrage, on ne saurait douter maintenant qu’Erik ait réellement vécu. Trop de preuves de cette existence sont mises aujourd’hui à la portée de chacun pour qu’on ne puisse suivre, raisonnablement, les faits et les gestes d’Erik à travers tout le drame des Chagny.

Il n’est point besoin de répéter ici combien cette affaire passionna la capitale. Cette artiste enlevée, le comte de Chagny mort dans des conditions si exceptionnelles, son frère disparu et le triple sommeil des employés de l’éclairage à l’Opéra !… Quels drames ! quelles passions ! quels crimes s’étaient déroulés autour de l’idylle de Raoul et de la douce et charmante Christine !… Qu’était devenue la sublime et mystérieuse cantatrice dont la terre ne devait plus jamais, jamais entendre parler ?… On la représenta comme la victime de la rivalité des deux frères, et nul n’imagina ce qui s’était passé ; nul ne comprit que puisque Raoul et Christine avaient disparu tous deux, les deux fiancés s’étaient retirés loin du monde pour goûter un bonheur qu’ils n’eussent point voulu public après la mort inexpliquée du comte Philippe… Ils avaient pris un jour un train à la gare du Nord du Monde… Moi aussi, peut-être, un jour je prendrai le train à cette gare-là et j’irai chercher autour de tes lacs, ô Norvège ! ô silencieuse Scandinavie ! les traces peut-être encore vivantes de Raoul et de Christine, et aussi de la maman Valérius, qui disparut également dans le même temps !… Peut-être un jour, entendrai-je de mes oreilles l’Écho solitaire du Nord du Monde, répéter le chant de celle qui a connu l’Ange de la Musique ?…

Bien après que l’affaire, par les soins inintelligents de M. le juge d’instruction Faure, fut classée, la presse, de temps à autre, cherchait encore à pénétrer le mystère… et continuait à se demander où était la main monstrueuse qui avait préparé et exécuté tant d’inouïes catastrophes ! (Crime et disparition.)

Un journal du boulevard, qui était au courant de tous les potins de coulisses, avait été le seul à écrire :

« Cette main est celle du Fantôme de l’Opéra. »

Et encore il l’avait fait naturellement sur le mode ironique.

Seul le Persan qu’on n’avait pas voulu entendre et qui ne renouvela point, après la visite d’Erik, sa première tentative auprès de la Justice, possédait toute la vérité.

Et il en détenait les preuves principales qui lui étaient venues avec les pieuses reliques annoncées par le Fantôme…

Ces preuves, il m’appartenait de les compléter, avec l’aide du daroga lui-même. Je le mettais, au jour le jour, au courant de mes recherches et il les guidait. Depuis des années et des années il n’était point retourné à l’Opéra, mais il avait conservé du monument le souvenir le plus précis et il n’était point de meilleur guide pour m’en faire découvrir les coins les plus cachés. C’est encore lui qui m’indiquait les sources où je pouvais puiser, les personnages à interroger ; c’est lui qui me poussa à frapper à la porte de M. Poligny, dans le moment que le pauvre homme était quasi à l’agonie. Je ne le savais point si bas et je n’oublierai jamais l’effet que produisirent sur lui mes questions relatives au fantôme. Il me regarda, comme s’il voyait le diable et ne me répondit que par quelques phrases sans suite, mais qui attestaient (c’était là l’essentiel) combien F. de l’O. avait, dans son temps, jeté la perturbation dans cette vie déjà très agitée (M. Poligny était ce que l’on est convenu d’appeler un viveur).

Quand je rapportai au Persan le mince résultat de ma visite à M. Poligny, le daroga eut un vague sourire et me dit : « Jamais Poligny n’a su combien cette extraordinaire crapule d’Erik (tantôt le Persan parlait d’Erik comme d’un dieu, tantôt comme d’une vile canaille) l’a fait « marcher ». Poligny était superstitieux et Erik le savait. Erik savait aussi beaucoup de choses sur les affaires publiques et privées de l’Opéra.

Quand M. Poligny entendit une voix mystérieuse lui raconter, dans la loge n° 5, l’emploi qu’il faisait de son temps et de la confiance de son associé, il ne demanda pas son reste. Frappé d’abord comme par une voix du Ciel, il se crut damné, et puis, comme la voix lui demandait de l’argent, il vit bien à la fin qu’il était joué par un maître chanteur dont Debienne lui-même fut victime. Tous deux, las déjà de leur direction pour de nombreuses raisons, s’en allèrent, sans essayer de connaître plus à fond la personnalité de cet étrange F. de l’O., qui leur avait fait parvenir un si singulier cahier des charges. Ils léguèrent tout le mystère à la direction suivante en poussant un gros soupir de satisfaction, bien débarrassés d’une histoire qui les avait fort intrigués sans les faire rire ni l’un ni l’autre.

Ainsi s’exprima le Persan sur le compte de MM. Debienne et Poligny. À ce propos, je lui parlai de leurs successeurs et je m’étonnai que dans les Mémoires d’un Directeur, de M. Moncharmin, on parlât d’une façon si complète des faits et gestes de F. de l’O., dans la première partie, pour en arriver à ne plus rien en dire ou à peu près dans la seconde. À quoi le Persan, qui connaissait ces Mémoires comme s’il les avait écrits, me fit observer que je trouverais l’explication de toute l’affaire si je prenais la peine de réfléchir aux quelques lignes que, dans la seconde partie précisément de ces Mémoires, Moncharmin a bien voulu consacrer encore au Fantôme. Voici ces lignes, qui nous intéressent, du reste, tout particulièrement, puisqu’on y trouve relatée la manière fort simple dont se termina la fameuse histoire des vingt mille francs :

« À propos de F. de l’O. (c’est M. Moncharmin qui parle), dont j’ai narré ici même, au commencement de mes Mémoires, quelques-unes des singulières fantaisies, je ne veux plus dire qu’une chose, c’est qu’il racheta par un beau geste tous les tracas qu’il avait causés à mon cher collaborateur et, je dois bien l’avouer, à moi-même. Il jugea sans doute qu’il y avait des limites à toute plaisanterie, surtout quand elle coûte aussi cher et quand le commissaire de police est « saisi », car, à la minute même où nous avions donné rendez-vous dans notre cabinet à M. Mifroid pour lui conter toute l’histoire, quelques jours après la disparition de Christine Daaé, nous trouvâmes sur le bureau de Richard, dans une belle enveloppe sur laquelle on lisait à l’encre rouge : De la part de F. de l’O., les sommes assez importantes qu’il avait réussi à faire sortir momentanément, et dans une manière de jeu, de la caisse directoriale. Richard fut aussitôt d’avis qu’on devait s’en tenir là et ne point pousser l’affaire. Je consentis à être de l’avis de Richard. Et tout est bien qui finit bien. N’est-ce pas, mon cher F. de l’O. ? »

Évidemment, Moncharmin, surtout après cette restitution, continuait à croire qu’il avait été un moment le jouet de l’imagination burlesque de Richard, comme, de son côté, Richard ne cessa point de croire que Moncharmin s’était, pour se venger de quelques plaisanteries, amusé à inventer toute l’affaire du F. de l’O.

N’était-ce point le moment de demander au Persan de m’apprendre par quel artifice le Fantôme faisait disparaître vingt mille francs dans la poche de Richard, malgré l’épingle de nourrice. Il me répondit qu’il n’avait point approfondi ce léger détail, mais que, si je voulais bien « travailler » sur les lieux moi-même, je devais certainement trouver la clef de l’énigme dans le bureau directorial lui-même, en me souvenant qu’Erik n’avait pas été surnommé pour rien l’amateur de trappes. Et je promis au Persan de me livrer, aussitôt que j’en aurais le temps, à d’utiles investigations de ce côté. Je dirai tout de suite au lecteur que les résultats de ces investigations furent parfaitement satisfaisants. Je ne croyais point, en vérité, découvrir tant de preuves indéniables de l’authenticité des phénomènes attribués au Fantôme.

Et il est bon que l’on sache que les papiers du Persan, ceux de Christine Daaé, les déclarations qui me furent faites par les anciens collaborateurs de MM. Richard et Moncharmin et par la petite Meg elle-même (cette excellente Mme Giry étant, hélas ! trépassée) et par la Sorelli, qui est retraitée maintenant à Louveciennes — il est bon, dis-je, que l’on sache que tout cela, qui constitue les pièces documentaires de l’existence du Fantôme, pièces que je vais déposer aux archives de l’Opéra, se trouve contrôlé par plusieurs découvertes importantes dont je puis tirer justement quelque fierté.

Si je n’ai pu retrouver la demeure du Lac, Erik en ayant définitivement condamné toutes les entrées secrètes (et encore je suis sûr qu’il serait facile d’y pénétrer si l’on procédait au dessèchement du lac, comme je l’ai plusieurs fois demandé à l’administration des beaux-arts)[1], je n’en ai pas moins découvert le couloir secret des communards, dont la paroi de planches tombe par endroits en ruine ; et, de même, j’ai mis au jour la trappe par laquelle le Persan et Raoul descendirent dans les dessous du théâtre. J’ai relevé, dans le cachot des communards, beaucoup d’initiales tracées sur les murs par les malheureux qui furent enfermés là et, parmi ces initiales, un R. et un C. — R C ? Ceci n’est-il point significatif ? Raoul de Chagny ! Les lettres sont encore aujourd’hui très visibles. Je ne me suis pas, bien entendu, arrêté là. Dans le premier et le troisième dessous, j’ai fait jouer deux trappes d’un système pivotant, tout à fait inconnues aux machinistes, qui n’usent que de trappes à glissade horizontale.

Enfin, je puis dire, en toute connaissance de cause, au lecteur : « Visitez un jour l’Opéra, demandez à vous y promener en paix, sans cicerone stupide, entrez dans la loge n° 5 et frappez sur l’énorme colonne qui sépare cette loge de l’avant-scène ; frappez avec votre canne ou avec votre poing et écoutez… jusqu’à hauteur de votre tête : la colonne sonne le creux ! Et après cela, ne vous étonnez point qu’elle ait pu être habitée par la voix du Fantôme ; il y a, dans cette colonne, de la place pour deux hommes. Que si vous vous étonnez que lors des phénomènes de la loge n° 5 nul ne se soit retourné vers cette colonne, n’oubliez pas qu’elle offre l’aspect du marbre massif et que la voix qui était enfermée semblait plutôt venir du côté opposé (car la voix du fantôme ventriloque venait d’où il voulait). La colonne est travaillée, sculptée, fouillée et trifouillée par le ciseau de l’artiste. Je ne désespère pas de découvrir un jour le morceau de sculpture qui devait s’abaisser et se relever à volonté, pour laisser un libre et mystérieux passage à la correspondance du Fantôme avec Mme Giry et à ses générosités. Certes, tout cela, que j’ai vu, senti, palpé, n’est rien à côté de ce qu’en réalité un être énorme et fabuleux comme Erik a dû créer dans le mystère d’un monument comme celui de l’Opéra, mais je donnerais toutes ces découvertes pour celle qu’il m’a été donné de faire, devant l’administrateur lui-même, dans le bureau du directeur, à quelques centimètres du fauteuil : une trappe, de la longueur de la lame du parquet, de la longueur d’un avant-bras, pas plus… une trappe qui se rabat comme le couvercle d’un coffret, une trappe par où je vois sortir une main qui travaille avec dextérité dans le pan d’un habit à queue-de-morue qui traîne…

C’est par là qu’étaient partis les quarante mille francs !… C’est aussi par là que, grâce à quelque truchement, ils étaient revenus…

Quand j’en parlai avec une émotion bien compréhensible au Persan, je lui dis :

« Erik s’amusait donc simplement — puisque les quarante mille francs sont revenus — à faire le facétieux avec son cahier des charges ?… »

Il me répondit :

« Ne le croyez point !… Erik avait besoin d’argent. Se croyant hors de l’humanité, il n’était point gêné par le scrupule et il se servait des dons extraordinaires d’adresse et d’imagination qu’il avait reçus de la nature en compensation de l’atroce laideur dont elle l’avait doté, pour exploiter les humains, et cela quelquefois de la façon la plus artistique du monde, car le tour valait souvent son pesant d’or. S’il a rendu les quarante mille francs, de son propre mouvement, à MM. Richard et Moncharmin, c’est qu’au moment de la restitution il n’en avait plus besoin ! Il avait renoncé à son mariage avec Christine Daaé. Il avait renoncé à toutes les choses du dessus de la terre. »

D’après le Persan, Erik était originaire d’une petite ville aux environs de Rouen. C’était le fils d’un entrepreneur de maçonnerie. Il avait fui de bonne heure le domicile paternel, où sa laideur était un objet d’horreur et d’épouvante pour ses parents. Quelque temps, il s’était exhibé dans les foires, où son impresario le montrait comme « mort vivant ». Il avait dû traverser l’Europe de foire en foire et compléter son étrange éducation d’artiste et de magicien à la source même de l’art et de la magie, chez les Bohémiens. Toute une période de l’existence d’Erik était assez obscure. On le retrouve à la foire de Nijni-Novgorod, où alors il se produisait dans toute son affreuse gloire. Déjà il chantait comme personne au monde n’a jamais chanté ; il faisait le ventriloque et se livrait à des jongleries extraordinaires dont les caravanes, à leur retour en Asie, parlaient encore, tout le long du chemin. C’est ainsi que sa réputation passa les murs du palais de Mazenderan, où la petite sultane, favorite du sha-en-shah, s’ennuyait. Un marchand de fourrures, qui se rendait à Samarkand et qui revenait de Nijni-Novgorod, raconta les miracles qu’il avait vus sous la tente d’Erik. On fit venir le marchand au Palais, et le daroga de Mazenderan dut l’interroger. Puis, le daroga fut chargé de se mettre à la recherche d’Erik. Il le ramena en Perse, où pendant quelques mois il fit, comme on dit en Europe, la pluie et le beau temps. Il commit ainsi pas mal d’horreurs, car il semblait ne connaître ni le bien ni le mal, et il coopéra à quelques beaux assassinats politiques aussi tranquillement qu’il combattit, avec des inventions diaboliques, l’émir d’Afghanistan, en guerre avec l’Empire. Le sha-en-shah le prit en amitié. C’est à ce moment que se placent les heures roses de Mazenderan, dont le récit du daroga nous a donné un aperçu. Comme Erik avait, en architecture, des idées tout à fait personnelles et qu’il concevait un palais comme un prestidigitateur peut imaginer un coffret à combinaisons, le sha-en-shah lui commanda une construction de ce genre, qu’il mena à bien et qui était, paraît-il, si ingénieuse que Sa Majesté pouvait se promener partout sans qu’on l’aperçût et disparaître sans qu’il fût possible de découvrir par quel artifice. Quand le sha-en-shah se vit le maître d’un pareil joyau, il ordonna, ainsi que l’avait fait certain Tsar à l’égard du génial architecte d’une église de la place Rouge, à Moscou, qu’on crevât à Erik ses yeux d’or. Mais il réfléchit que, même aveugle, Erik pourrait construire encore, pour un autre souverain, une aussi inouïe demeure, et puis, enfin, que, Erik vivant, quelqu’un avait le secret du merveilleux palais. La mort d’Erik fut décidée, ainsi que celle de tous les ouvriers qui avaient travaillé sous ses ordres. Le daroga de Mazenderan fut chargé de l’exécution de cet ordre abominable. Erik lui avait rendu quelques services et l’avait bien fait rire. Il le sauva en lui procurant les moyens de s’enfuir. Mais il faillit payer de sa tête cette faiblesse généreuse. Heureusement pour le daroga, on trouva, sur la rive de la mer Caspienne, un cadavre à moitié mangé par les oiseaux de mer et qui passa pour celui d’Erik, à cause que des amis du daroga avaient revêtu cette dépouille d’effets ayant appartenu à Erik lui-même. Le daroga en fut quitte pour la perte de sa faveur, de ses biens, et pour l’exil. Le Trésor persan continua cependant, car le daroga était issu de race royale, de lui faire une petite rente de quelques centaines de francs par mois, et c’est alors qu’il vint se réfugier à Paris.

Quant à Erik, il avait passé en Asie Mineure, puis était allé à Constantinople où il était entré au service du sultan. J’aurai fait comprendre les services qu’il put rendre à un souverain que hantaient toutes les terreurs, quand j’aurai dit que ce fut Erik qui construisit toutes les fameuses trappes et chambres secrètes et coffres-forts mystérieux que l’on trouva à Yildiz-Kiosk, après la dernière révolution turque. C’est encore lui[2] qui eut cette imagination de fabriquer des automates habillés comme le prince et ressemblant à s’y méprendre au prince lui-même, automates qui faisaient croire que le chef des croyants se tenait dans un endroit, éveillé, quand il reposait dans un autre.

Naturellement, il dut quitter le service du sultan pour les mêmes raisons qu’il avait dû s’enfuir de Perse. Il savait trop de choses. Alors, très fatigué de son aventureuse et formidable et monstrueuse vie, il souhaita de devenir quelqu’un comme tout le monde. Et il se fit entrepreneur, comme un entrepreneur ordinaire qui construit des maisons à tout le monde, avec des briques ordinaires. Il soumissionna certains travaux de fondation à l’Opéra. Quand il se vit dans les dessous d’un aussi vaste théâtre, son naturel artiste, fantaisiste et magique, reprit le dessus. Et puis, n’était-il pas toujours aussi laid ? Il rêva de se créer une demeure inconnue du reste de la terre et qui le cacherait à jamais au regard des hommes.

On sait et l’on devine la suite. Elle est tout au long de cette incroyable et pourtant véridique aventure. Pauvre malheureux Erik ! Faut-il le plaindre ? Faut-il le maudire ? Il ne demandait qu’à être quelqu’un comme tout le monde ! Mais il était trop laid ! Et il dut cacher son génie ou faire des tours avec, quand, avec un visage ordinaire, il eût été l’un des plus nobles de la race humaine ! Il avait un cœur à contenir l’empire du monde, et il dut, finalement, se contenter d’une cave. Décidément il faut plaindre le Fantôme de l’Opéra !

J’ai prié, malgré ses crimes, sur sa dépouille et que Dieu l’ait décidément en pitié ! Pourquoi Dieu a-t-il fait un homme aussi laid que celui-là ?

Je suis sûr, bien sûr, d’avoir prié sur son cadavre, l’autre jour quand on l’a sorti de la terre, à l’endroit même où l’on enterrait les voix vivantes ; c’était son squelette. Ce n’est point à la laideur de la tête que je l’ai reconnu, car lorsqu’ils sont morts depuis si longtemps, tous les hommes sont laids, mais à l’anneau d’or qu’il portait et que Christine Daaé était certainement venue lui glisser au doigt, avant de l’ensevelir, comme elle le lui avait promis.

Le squelette se trouvait tout près de la petite fontaine, à cet endroit où pour la première fois, quand il l’entraîna dans les dessous du théâtre, l’Ange de la Musique avait tenu dans ses bras tremblants Christine Daaé évanouie.

Et maintenant, que va-t-on faire de ce squelette ? On ne va pas le jeter à la fosse commune ?… Moi, je dis : la place du squelette du Fantôme de l’Opéra est aux archives de l’Académie nationale de musique ; ce n’est pas un squelette ordinaire.


FIN
  1. J’en parlais encore quarante-huit heures avant l’apparition de cet ouvrage à M. Dujardin-Beaumetz, notre si sympathique sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts, qui m’a laissé quelque espoir, et je lui disais qu’il était du devoir de l’État d’en finir avec la légende du Fantôme pour rétablir sur des bases indiscutables l’histoire si curieuse d’Erik. Pour cela, il est nécessaire, et ce serait le couronnement de mes travaux personnels, de retrouver la Demeure du Lac, dans laquelle se trouvent peut-être encore des trésors pour l’art musical. On ne doute plus qu’Erik fût un artiste incomparable. Qui nous dit que nous ne trouverons point dans la Demeure du Lac, la fameuse partition de son Don Juan triomphant ?
  2. Interview de Mohamed-Ali bey, au lendemain de l’entrée des troupes de Salonique, à Constantinople, par l’envoyé spécial du Matin.