Le Fondement de la morale/Jugement de la Société Royale du Danemark

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Traduction par Auguste Burdeau.
Germer Baillière et Cie (p. 194-195).

JUDICIUM REGIÆ DANICÆ SCIENTIARUM SOCIETATIS.

Quæstionem anno 1837 propositam, « utrum philosophiæ moralis fons et fundamentum in idea moralitatis, quæ immediate conscientia contineatur, et ceteris notionibus fundamentalibus, quæ ex illa prodeant, explicandis quærenda sint, an in alio cognoscendi principio », unus tantum scriptor explicare conatus est, cujus commentationem, germanico sermone compositam et his verbis notatam : « Moral predigen ist leicht, Moral begründen ist[1] schwer », præmio dignam judicare nequivimus. Omisso enim eo, quod potissimum postulabatur, hoc expeti putavit, ut principium aliquod ethicæ conderetur, itaque eam partem commentationis suæ, in qua principii ethicæ a se propositi et metaphysicæ suæ nexum exponit, appendicis loco habuit, in qua plus quam postulatum esset præstaret, quum tamen ipsum thema ejusmodi disputationem flagitaret, in qua vel præcipuo loco metaphysicæ et ethicæ nexus consideraretur. Quod autem scriptor in sympathia fundamentum ethicæ constituere conatus est, neque ipsa disserendi forma nobis satisfecit, neque reapse, hoc fundamentum sufficere, evicit ; quin ipse contra esse confiteri coactus est. Neque reticendum videur, plures recentioris ætatis summos philosophos tam indecenter commemorari, ut justam et gravem offensionem habent[2].


  1. Ce second « ist »[NdT 1], c’est l’Académie qui de sa grâce l’a ajouté pour donner une preuve de cette théorie de Longin (de Sublim., c. xxxix), que l’addition ou le retranchement d’une syllabe peut suffire pour détruire toute la force d’une sentence.
    1. Schopenhauer avait mis : « Prêcher la morale, c’est chose aisée ; la fonder, voilà le difficile. » L’Académie met : « Il est aisé de prêcher la morale ; il est difficile de la fonder. » (TR.)
  2. La question proposée pour l’année 1837 était celle-ci : « L’origine et le fondement de la morale doivent-ils être cherchés dans l’idée de la moralité, qui est fournie directement par la conscience, et dans les autres notions premières qui dérivent de cette idée, ou bien dans quelque autre principe de la connaissance ? » Un seul auteur a essayé d’y répondre : sa dissertation est en allemand, et porte cette devise : « Il est aisé de prêcher la morale, il est difficile de fonder la morale. » Nous n’avons pu la trouver digne du prix. L’auteur en effet a oublié le vrai point en question, et a cru qu’on lui demandait de créer un principe de morale ; par suite, s’il a, dans une partie de son mémoire, exposé le rapport qui unit le principe de la morale, tel qu’il le propose, avec sa métaphysique, c’est sous la forme d’un appendice ; en quoi il pense donner plus qu’on ne lui demande ; or c’était là justement la discussion qu’on voulait voir traiter, une discussion portant principalement sur le lien entre la métaphysique et l’éthique. L’auteur, de plus, a voulu fonder la morale sur la sympathie : or ni sa méthode de discussion ne nous a satisfaits, ni il n’a réussi réellement à prouver qu’une telle base fût suffisante. Enfin, nous ne devons pas le taire, l’auteur mentionne divers philosophes contemporains, des plus grands, sur un ton d’une telle inconvenance, qu’on aurait droit de s’en offenser gravement. » (TR.)