Le Gabon/03

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Troisième livraison
Le Tour du mondeVolume 12 (p. 305-310).
Troisième livraison

Bananiers fétiches de la rivière Ogo-Wai (voy. p. 315). — Dessin de Thérond d’après un croquis de M. Griffon du Bellay.


LE GABON,


PAR LE Dr GRIFFON DU BELLAY[1], MÉDECIN DE LA MARINE.


1861-1864. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Visite aux Fans ou Pahouins. — Simplicité du costume. — L’Ito. — Armes singulières. — Flèches empoisonnées. — Danses guerrières. — Cannibalisme. — Le gorille. — Chasse aux éléphants.

Des villages bakalais aux villages pahouins il n’y a qu’un pas. Le premier que je visitai en 1862, en compagnie de deux officiers de la division navale, venait de s’établir tout récemment sur les bords d’un canal tortueux affluent de la rivière Como.

Après mille détours dans cette espèce d’arroyo, nous arrivâmes devant une pointe culminante. Une case qui s’y trouvait pouvait passer pour la hutte de quelque indigène ami de la solitude, mais était en réalité le poste avancé d’un village que les arbres nous cachaient encore et qui se tenait sur la défensive. On nous avait bien dit que les Pahouins, race véritablement guerrière, étaient toujours sur leurs gardes et difficiles à surprendre. En effet le tertre se couronna subitement d’une multitude de guerriers, grands et petits, car les enfants eux-mêmes accouraient maniant des sagayes proportionnées à leur taille. Au milieu d’eux apparut le chef portant en javelines et couteaux de guerre tout un arsenal. C’était un homme d’une quarantaine d’années environ, grand, vigoureux, le visage osseux, le front saillant, les tempes aplaties et élargies par la section des cheveux, bien bâti quoique avec des bras longs et grêles, et la poitrine tatouée de fort laides cicatrices. Pour tout costume il portait une peau de bête fauve à la ceinture. Son accueil fut plus que froid, mais l’éloquence de notre interprète et surtout l’espoir de quelques cadeaux déridèrent sa physionomie. D’ailleurs, si ces gens n’avaient jamais vu de blancs, ils n’ignoraient pas notre existence, et notre visite sans être attendue ne les surprenait qu’à demi. Quelques feuilles de tabac distribuées à la ronde mirent tout le monde de bonne humeur ; les visages s’épanouirent et nous montrèrent de formidables rangées de dents limées et pointues, dont l’aspect s’accommodait on ne peut mieux à la réputation cannibale des gens qui en étaient armés. La glace était rompue, et le cercle farouche s’ouvrit devant nous.

Le village, qui était à deux pas de là, pouvait passer comme du reste la plupart de ceux des Pahouins pour une espèce de forteresse. Les deux ou trois cents cases qui le composaient faisaient deux lignes continues parfaitement parallèles, bordant une large rue dont un corps de garde barricadait chaque extrémité. Sa population était vraiment remarquable et d’un type tout particulier. Il est impossible d’ailleurs de ne pas être frappé tout d’abord de l’originalité de cette race pahouine.

Les enfants sont vifs, espiègles, intelligents, d’une figure régulière et agréable. Leur tête est allongée, leur front large et proéminent ; leurs yeux sont grands et doux. Malheureusement cette physionomie sympathique se modifie quand ils arrivent à l’âge adulte. Vers quinze ou seize ans, à l’époque où les passions se développent, le type de race s’accentue. L’embonpoint disparaît, les pommettes deviennent extrêmement saillantes, les tempes s’excavent, le front acquiert de plus en plus une proéminence qui donne aux Pahouins un cachet tout particulier, et ne permet jamais de les confondre avec les M’Pongwés ou toute autre tribu gabonaise.

Les femmes ont aussi la tête allongée et le front saillant ; mais elles ont rarement le visage osseux et amaigri du Pahouin. Elles ont de l’embonpoint, trop peut-être, sans jamais arriver à l’obésité, infirmité à peu près inconnue aux races noires. Leur main étonne souvent par sa petitesse et la finesse de son attache. Ce qui n’empêche pas ces beautés charnues et peu vêtues d’être parfaitement laides à de rares exceptions près ; et malheureusement chez elles l’art vient bien mal en aide à la nature. Ce n’est pas qu’elles ne soient coquettes. Elles couvrent leur poitrine de colliers comme les Gabonaises, et attachent à leurs cheveux une multitude de grappes de perles blanches très-fines qui tombent sur leurs épaules ou descendent devant leurs yeux et leur fouettent le visage, parure originale et d’un bon effet. Leurs bras et leurs jambes sont garnis de bracelets en cuivre ou en fer poli qui ressemblent ordinairement à de longs ressorts à boudin. Les jeunes mères s’enlaidissent à plaisir en se barbouillant des pieds à la tête, et je ne sais trop pourquoi, avec une décoction de bois rouge. Elles portent un large baudrier tout couvert de coquilles de cauris, et dans l’anse duquel repose leur enfant à la mamelle. De vêtements proprement dits, ces dames n’en ont point, et je n’en parle que pour mémoire.

Mais elles ont l’ito, un ornement qui est bien à elles. C’est un morceau d’écorce rouge plissée qui se passe sous la ceinture, et dont l’extrémité s’étale en éventail au milieu du dos, comme la queue épanouie d’un dindon qui fait la roue. Si ce volatile existait dans le pays, on croirait volontiers qu’il a servi de modèle à l’inventeur de ce bizarre accoutrement. Cette étoffe souple et résistante, teinte en rouge avec une décoction de bois de santal, est empruntée à l’emvien, qui n’est autre chose qu’un figuier ; cet arbre qui d’après la tradition, a fourni jadis des vêtements à nos premiers pères, habille donc encore aujourd’hui des gens presque aussi voisins qu’eux de l’état de nature.

Telle était la population singulière au milieu de laquelle je me trouvais pour la première fois. Je l’ai revue fréquemment depuis, mais surtout dans les villages moins éloignés de nos établissements, où elle commence déjà à perdre son originalité. Chasseurs et guerriers, la première chose que les Pahouins empruntent aux Européens, ce sont des fusils, puis des étoffes et les oripeaux grotesques qui ont fait de tout temps le bonheur des peuples noirs. C’est dans un de ces villages pervertis en quelque sorte par notre contact que M. Houzé de l’Aulnoit a pris les types que nous présentons plus loin à nos lecteurs. Le chef dont la tête est coiffée d’un kolbach, a bien les caractères physiques de sa race, mais combien est préférable à son ridicule accoutrement la vraie tenue de guerre du Pahouin primitif !

Les armes de ce peuple ne sont pas moins caractéristiques que son costume. Habile à travailler le fer, industrie inconnue aux autres tribus, il en fait des sagayes, de grands couteaux de combat à pointe très-aiguë et d’un dessin élégant, arme qui doit être terrible entre les mains d’un homme courageux ; des couteaux plus courts destinés à divers usages ; des herminettes, des haches excellentes et d’une forme remarquable ; et enfin une arme singulière, hache ou couteau comme on voudra l’appeler, qui représente tout à fait le profil d’une tête d’oiseau emmanchée sur un cou fortement cambré ; une rainure qui divise le bec en deux parties et un trou qui représente un œil ne laissent aucun doute sur l’intention du dessinateur. M. du Chaillu dit que ce bizarre instrument se lance à distance à la tête des ennemis. J’ai entendu dire de mon côté que c’était une sorte de couteau sacrificateur destiné à immoler des victimes humaines, victimes sacrifiées non pas aux dieux d’une religion féroce, mais tout simplement à l’appétit des officiants. Un coup de pointe appliqué sur la tempe fait une blessure mortelle, et la partie courbe sert ensuite à pratiquer la décollation de la tête.

Toutes ces lames sont d’un bon travail, et bien supérieures à la plupart des sabres ou couteaux que le commerce fournit habituellement aux populations africaines. Elles sont en outre ornées de dessins gravés, de nervures et parfois même d’incrustations de cuivre qui témoignent du bon goût de l’ouvrier. L’outillage de leurs forgerons est des plus simples. Il se compose en somme de deux petites enclumes à main, l’une fichée en terre et l’autre servant de marteau ; ils chauffent le fer à un feu de bois animé par un soufflet à double courant assez ingénieux. C’est un bloc de bois de quelques centimètres de hauteur dans lequel sont pratiquées deux cavités cylindriques parallèles munies chacune à leur partie inférieure d’un tube porte vent. Chaque cavité est recouverte par une peau très-mobile à laquelle s’adapte un manche de bois. Cet opercule en s’élevant et s’abaissant successivement, aspire l’air et le rejette. Ce sont donc deux corps de pompe combinés dont le jeu alternatif donne une machine soufflante à effet continu. Ce soufflet simple et commode paraît d’ailleurs être connu de tout le continent africain, car le capitaine Speke l’a trouvé parmi les populations de la côte orientale, et le Tour du Monde en a donné un très-bon dessin (page 293, année 1864).

Mais l’arme la plus dangereuse peut-être du Pahouin et qui lui est plus spéciale que toute autre, est une arbalète avec laquelle il lance des petites flèches de bambou empoisonnées. Cette arme exige de celui qui s’en sert une grande vigueur, car il faut l’effort du corps tout entier pour l’armer ; mais comme elle se détend sous une légère pression et peut s’épauler comme un fusil, elle ne manque pas de justesse. Quant au poison dont la flèche est enduite, ses effets sont terribles. On doit toujours accueillir avec une certaine réserve les récits des naturels et même ceux des voyageurs sur de pareils sujets. Mais un habile physiologiste, M. Pélikan, me vient très-à-propos en aide, par une communication qu’il a faite récemment à l’Académie des sciences. Il a expérimenté cette substance, dont j’ai déposé des échantillons à l’Exposition coloniale, et reconnu en elle un des poisons qui agissent sur le cœur avec le plus de violence. Il s’extrait des graines d’une plante grimpante nommée inée ou onaye, qui appartient à la famille des apocynées, peut-être au genre échites, et qui est très-rare, du moins autour de nos comptoirs.

L’arc avec sa flèche empoisonnée est plutôt une arme de chasse que de combat, car la nécessité de s’asseoir pour l’armer la rendrait incommode dans une lutte.

Quand nous eûmes parcouru le village, mes compagnons et moi, furetant dans toutes les cases, et y rencontrant à chaque pas des armes ou des objets inconnus aux Gabonais, nous revînmes à la case du chef. Des tamtams arrivèrent en toute hâte avec d’autres instruments de musique, basés sur le principe de l’harmonie, et tout le village entra en danse. Les femmes qui portaient l’ito avaient mis un soin tout particulier à en étaler l’éventail ; il est clair que c’est sur le trémoussement de cette parure excentrique qu’elles fondaient l’espoir de leur succès. Leur danse est peu compliquée. Deux longues files de danseurs et de danseuses, conduites chacune par un coryphée, serpentent devant l’orchestre, se cherchant et s’évitant tour à tour, s’animant peu à peu, pour finir par les gambades les plus extravagantes.

Peuple éminemment guerrier, les Pahouins ont de véritables danses de caractère dont je n’ai pas été témoin, mais que m’a plus d’une fois racontées mon collègue, M. le docteur Touchard, qui a longtemps vécu auprès d’eux, et à l’obligeance duquel je dois plus d’un renseignement intéressant. Deux guerriers s’avancent l’un vers l’autre armés de toutes pièces et la tête couronnée d’une large aigrette en plumes de tourako ou de merle métallique. Ils portent au cou un collier de dents de tigre ; à l’épaule gauche est suspendu un grand couteau de guerre enfermé dans sa gaîne en peau de serpent ; à la ceinture une peau de bête sauvage et un poignard large et court ; dans la main gauche, un faisceau de sagayes ; au bras droit, un large et épais bouclier en peau d’éléphant. Quand ces personnages, bardés de leur formidable arsenal, se livrent à des passes d’armes, les narines dilatées et respirant la guerre, la bouche entr’ouverte et laissant voir leurs dents acérées, on sent qu’on est en présence d’une population vraiment énergique.

Les Européens qui ont eu occasion de vivre parmi d’eux, sont unanimes à les tenir, malgré leur cannibalisme, en plus haute estime que les autres races du Gabon. Ce cannibalisme d’ailleurs est-il chez eux une simple affaire de cruauté ? Cela n’est pas croyable. M. du Chaillu, dans la relation de son voyage chez les Pahouins ou Fans, comme il les appelle avec plus de raison, me paraît avoir singulièrement exagéré cet appétit de la chair humaine. À l’en croire, l’unique village qu’il a visité n’était qu’un vaste charnier. Ce ne sont partout qu’ossements humains et chairs pantelantes. Il a évidemment chargé le tableau. Les officiers français connaissent aujourd’hui beaucoup de villages pahouins, et n’y ont trouvé que rarement des traces d’anthropophagie. Dans ceux qui nous avoisinent, les mangeurs de chair humaine se cachent, non par crainte de notre intervention, qui ne peut pas encore s’imposer, mais


Guerriers pahouins. Dessin de Castelli d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


par une sorte de pudeur qui les empêche de se livrer à leurs goûts odieux devant des gens qui ne les partagent pas ou même devant leurs enfants. Cette réserve très-remarquable, qu’on a déjà observée chez certaines peuplades de l’océan Pacifique, prouve une fois de plus que le cannibalisme est un fait réellement contre nature, qui a trouvé son excuse première dans la misère, et doit disparaître avec elle, ou du moins ne peut se maintenir que comme exception, sous l’influence de l’exaltation religieuse ou guerrière. Les Pahouins viennent de loin. Leur habileté à la chasse, leur inaptitude absolue à conduire les pirogues, prouvent qu’ils ont toujours habité les hauts plateaux de l’intérieur couverts de forêts, et probablement dépourvus de ressources. Ils en ont rapporté et conservent encore l’habitude de s’abattre sur tout ce qu’ils trouvent. Les serpents, les insectes, les viandes corrompues, rien n’échappe à des appétits obligés de se contenter des rebuts de la nature, et l’anthropophagie est la conséquence presque forcée d’un pareil dénûment. Mais cette barbare coutume qui existe aussi chez les Bakalais, tend à disparaître d’elle même, à mesure que ces peuples perdent leurs habitudes nomades pour faire dans notre voisinage des établissements réguliers.

Leur organisation ne diffère pas sensiblement de celle des tribus voisines. Comme chez les anciens Germains, c’est un système de composition qui est la base de leur code criminel ; le sang ne se paye pas par le sang, mais par une amende. La polygamie est moins effrenée chez eux que chez les M’Pongwés, les mariages moins précoces et les mœurs moins relâchées. Leur religion paraît être un fétichisme modéré.

Malgré les quelques cultures auxquelles ils se livrent, la chasse est encore une de leurs principales ressources, en même temps qu’elle est leur plaisir favori. Parmi les hôtes que recèlent leurs forêts, deux sont à peu près inconnus


Jeune femme de la tribu des Pahouins. — Dessin d’Émile Bayard d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


aujourd’hui aux environs de nos comptoirs et sont bien faits pour exciter leur ardeur, ce sont l’éléphant et le gorille.

Le gorille ou d’ginna est un singe gigantesque exclusivement propre à cette région et qui n’est connu que depuis l’occupation française. Plusieurs individus de cette espèce avaient déjà été envoyés aux collections de Brest et du Jardin des Plantes par des officiers et surtout par des médecins de la marine, quand la curiosité publique fut vivement éveillée, il y a quelques années, par les récits de chasse de M. du Chaillu, et par les liens de parenté qu’on prétendit trouver entre le gorille et l’espèce humaine. Il fallait y mettre un peu de complaisance. Voici en quelques mots le portrait de cet étrange quadrumane.

Taille égale ou même supérieure à celle de l’homme. Largeur d’épaules presque double et par conséquent développement énorme de la poitrine. Tête extrêmement grosse, enfoncée entre les épaules, formée d’un massif facial monstrueux et d’un crâne relativement petit ; sur celui-ci, une crête très-élevée sert d’attache à des muscles puissants destinés à mouvoir une mâchoire d’une force prodigieuse ; nez aplati, front fuyant, cerveau petit et imparfait ; bras extrêmement forts, qui descendent jusqu’aux genoux ; membres inférieurs trop courts ; mains bien faites ; massif postérieur du pied incomplet et impropre à une longue station verticale ; poil noir et ras recouvrant tout le corps.

Tel est ce singe monstrueux que les noirs redoutent à l’égal des animaux les plus féroces. Son rôle est grand dans les récits superstitieux du pays, et pourtant, comme tous les individus de sa race, il n’est pas carnivore et paraît ne se jeter sur l’homme que s’il s’en croit attaqué. Il se laisse approcher à bonne portée par le chasseur, heureusement pour celui-ci, qui serait inévitablement perdu s’il ne le tuait pas sur le coup. La vie paraît d’ailleurs s’échapper assez facilement de ce corps monstrueux, car tous ceux que j’ai vus avaient succombé à des blessures qui n’eussent pas toujours été pour l’homme immédiatement mortelles. La capacité de sa poitrine et un appareil de renforcement très-singulier dont son larynx est pourvu, donnent à sa voix un développement effrayant ; mais le vagissement du petit gorille ressemble à s’y méprendre à celui d’un enfant irrité, et, n’était son corps velu, on le prendrait à première vue pour un petit négrillon. Jamais on n’a pu réussir l’élever. Quant à l’animal adulte, il ne semble guère possible de le prendre vivant.

L’éléphant, qui partage avec le d’ginna la royauté des forêts, est remarquable par le développement extraordinaire de ses défenses. On peut en juger par celles que M. de l’Aulnoit a eu l’idée de placer en supports de chaque côté du commerçant Ouassango comme des attributs de sa profession (voy. p. 296). Les Pahouins sont aujourd’hui les meilleurs pourvoyeurs du commerce de l’ivoire. Lors de leurs premières apparitions sur le Como, ils chassaient pour le compte des Bakalais qui leur fournissaient des fusils, et ne gardaient pour eux-mêmes que la viande abattue. Aujourd’hui ils sont armés et se passent de leurs voisins. Leur manière de chasser exige une connaissance parfaite des mœurs des éléphants. Ces animaux vivent souvent par troupes dans les forêts et n’y font pas de grands déplacements. Les Pahouins profitent de ces habitudes quasi sédentaires. S’ils ne les trouvent pas réunis en nombre suffisant, ils font de grandes battues, les inquiètent sans les effrayer et les amènent ainsi peu à peu à se concentrer dans un petit espace. Là ils les enferment dans plusieurs enceintes de lianes, barrière insuffisante sans doute pour arrêter des animaux aussi puissants, mais assez forte cependant pour entraver leur fuite. Quand tout est ainsi préparé, tous les villages environnants se réunissent, et, à coups de fusils, à coups de sagayes, commence un massacre qui n’est pas sans périls pour les agresseurs. Souvent ils ont recours à des aliments empoisonnés, parfois aussi à des piéges. Le plus usité consiste à suspendre, au-dessus d’une trouée pratiquée dans le fourré et par laquelle le lourd animal devra nécessairement chercher à fuir, une énorme poutre pointue qui tombe sur lui quand il passe et lui casse la colonne vertébrale.

Telle est cette race pahouine, la plus intéressante à coup sûr de toutes celles qui habitent le Gabon, et bientôt la plus importante pour nous, car elle s’avance à grands pas vers nos comptoirs. On l’y voit venir avec plaisir, parce que s’il est possible de faire quelque chose du pays, c’est avec des gens aussi bien trempés. Mais, il ne faut pas se le dissimuler, ce seront pour nous des sujets bien remuants et des auxiliaires difficiles à manier ; s’ils sont habituellement assez doux et hospitaliers, ils ont aussi un caractère ombrageux et versatile, servi par une industrie et une énergie que peu de noirs possèdent.

  1. Suite et fin. — Voy. pages 257 et 273.