Le Japon (Humbert)/08

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Le grand chapelet de famille (voy. p. 342). — Dessin de Émile Bayard d’après une peinture japonaise.


LE JAPON,


PAR M. AIMÉ HUMBERT, MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA CONFÉDÉRATION SUISSE[1].


1863-1864. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


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Les bonzes.

Le Bouddha avait recommandé à ses disciples l’exercice du dhyâna, c’est-à-dire la contemplation.

Les bonzes, voulant réglementer la marche de la contemplation, firent du dhyâna une sorte d’échelle mystique à deux étages, divisés l’un et l’autre en quatre degrés (voy. Le Bouddha, de M. Barthélemy Saint-Hilaire). Pour franchir le premier échelon, l’ascète doit être détaché de tout autre désir que celui du nirwâna. Dans cette situation d’âme, il juge et il raisonne encore, mais il est à l’abri des séductions du mal ; et le sentiment que ce premier pas lui ouvre la perspective du nirwâna, le jette dans une disposition extatique, qui lui permet bientôt d’atteindre au second degré.

À ce second pas, la pureté de l’ascète reste la même ; mais, en outre, il a mis de côté le jugement et le raisonnement, en sorte que son intelligence, qui ne songe plus aux choses et ne se fixe que sur le nirwâna, ne ressent que le plaisir de la satisfaction intérieure, sans le juger ni même le comprendre.

Au troisième degré, le plaisir de la satisfaction intérieure a disparu ; le sage est tombé dans l’indifférence à l’égard même du bonheur qu’éprouvait tout à l’heure encore son intelligence. Tout le plaisir qui lui reste, c’est un vague sentiment de bien-être physique dont tout son corps est inondé. Il n’a point perdu, cependant, }} } la mémoire des états par lesquels il vient de passer, et il a encore une conscience confuse de lui-même, malgré le détachement à peu près absolu auquel il est arrivé.

Un Sennin, saint du bouddhisme.

Enfin, au quatrième degré, l’ascète ne possède plus ce sentiment de bien-être physique, tout obscur qu’il est ; il a également perdu toute mémoire ; bien plus, il a même perdu le sentiment de son indifférence, et désormais, libre de tout plaisir et de toute douleur, quel qu’en puisse être l’objet, soit au dehors soit au dedans, il est parvenu à l’impassibilité, aussi voisine du nirwâna qu’elle peut l’être durant cette vie.

Le kirin.

C’est alors qu’il est permis à l’ascète d’aborder le second étage du dhyâna, les quatre régions superposées du monde sans formes.

Il entre d’abord dans la région de l’infinité en espace.

De la il monte un degré nouveau, dans la région de l’infinité en intelligence.

Parvenu à cette hauteur, il atteint une troisième région, celle où il n’existe rien.

Mais comme dans ce vide et ces ténèbres on pourrait supposer qu’il reste du moins encore une idée, qui représente à l’ascète le néant même où il se plonge, il faut un dernier et suprême effort, et l’on entre dans la quatrième région du monde sans formes, où il n’y a plus ni idées, ni même une idée de l’absence d’idées.

Un Sennin, saint du bouddhisme.

Tels sont les mystiques exercices de la contemplation bouddhiste, et Boddhi-Dharma en fut le promoteur au Japon.

Les autres apôtres, ses successeurs, marchèrent sur les traces du Bouddha de la même manière, c’est-à-dire en substituant, chacun dans son genre, les pratiques extérieures à la spontanéité de la piété et à l’activité de l’intelligence.

Le maître avait dit à ses disciples : « Allez, hommes pieux, cachant vos bonnes œuvres et montrant vos péchés ! » — Les bonzes instituèrent des processions de pénitents.

La mansuétude était l’un des traits dominants du caractère de Sâkyamouni. Sa pitié s’étendait à tous les êtres de la création.

Quand sa doctrine se répandit parmi les Japonais, ceux-ci se faisaient déjà une loi de ne manger de la chair d’aucun animal domestique : cet usage avait, entre autres effets économiques, l’avantage de prévenir le renchérissement du buffle, qui, dans les pays de rizières, est absolument indispensable aux plus pauvres cultivateurs.

Bientôt certaines sectes bouddhistes allèrent jusqu’à proscrire toute autre nourriture que les aliments tirés du règne végétal.

Sâkyamouni recommandait de s’abstenir non seulement du mensonge et des propos nuisibles, mais encore de toute parole oiseuse. — Le silence fut mis au nombre des vœux monastiques.

Le bêto Faxiba. — Dessin de A. de Neuville d’après une gravure japonaise.

De même l’abnégation, la pureté des mœurs, la patience, la persévérance, se traduisirent en ordonnances réglant, dans les plus minutieux détails, le costume, la nourriture, l’emploi des heures du jour et de la nuit, des diverses communautés de conventuels.

Parce que le Bouddha s’était montré infatigable à solliciter la commisération des riches en faveur de toutes les infortunes, on organisa des confréries de moines mendiants.

Parce qu’il avait déclaré qu’on le trouverait non moins bien disposé envers les hommes méprisés de la société qu’envers ceux que l’on respecte, et qu’il exposerait la loi aux ignorants comme aux savants, l’on fit de l’ignorance une vertu cardinale.

Tandis que chez le réformateur indou la connaissance s’alliait à la foi, cette dernière vertu, au jugement des bonzes, dispensa de toutes les autres.

Réfectoire d’une bonzerie. — Dessin de Émile Bayard d’après une gravure japonaise.

« À l’exception de la secte Sen-Sjou, » écrit un auteur japonais, « nos bonzes tendent à maintenir le peuple et surtout le campagnard dans une profonde ignorance. Ils disent que la foi aveugle suffit pour conduire à la perfection. »

Le grand prêtre Foudaïsi, qui vint de la Chine avec ses deux fils, Fousjoo et Fouken, inventa un procédé mécanique propre à dispenser les bonzes de faire tourner la roue de la loi, selon le sens consacré dans le langage mystique du bouddhisme, tout en leur permettant d’accomplir à la lettre cette opération. Il construisit le rinsoo, sorte de lutrin mobile tournant sur un pivot, et y déploya les rouleaux des livres sacrés. Ses adeptes recevaient de sa part, d’après le degré de leur dévotion, l’autorisation de faire faire au rinsoo un quart de tour, un demi-tour, trois quarts de tour ; l’on obtenait très-rarement la faveur du tour entier, car c’était un acte aussi méritoire que si l’on eût récité d’un bout à l’autre tous les livres de la loi.

Les bonzes Sinran, Nitziten et une trentaine d’autres se sont fait un nom comme fondateurs de sectes, dont chacune se distingue par quelque particularité plus ou moins digne de rivaliser avec l’ingénieuse invention de Foudaïsi.

Grand-prêtre bouddhiste se faisant adorer. — Dessin de Émile Bayard d’après une vignette japonaise.

C’est ainsi que certaine confrérie a le monopole de l’exploitation du grand chapelet de famille. Il faut savoir que le chapelet bouddhiste ne peut déployer sa vertu que si on le défile correctement ; or, rien ne garantit que, dans une famille nombreuse, il ne se commette des erreurs dans l’usage du rosaire : de là l’inefficacité qu’on lui reproche quelquefois. Au lieu de récriminer en cas pareil, le parti le plus sage consiste à faire venir à domicile un bonze du grand chapelet pour remettre les choses en bon point.

Il s’empresse d’accourir avec son instrument, qui offre à peu près les dimensions d’un honnête serpent boa ; il le dépose entre les mains de la famille agenouillée et rangée en cercle, tandis que lui, placé devant l’autel de l’idole domestique, dirige l’opération au moyen d’un timbre et d’un petit marteau. Au signal donné, le père, la mère, les enfants entonnent de tous leurs poumons les prières convenues. Les petits grains, les gros grains, les coups de marteau se succèdent avec une régularité cadencée, entraînante. La ronde du chapelet s’anime, les cris deviennent passionnés, les bras et les mains obéissent avec la précision d’une machine, la sueur ruisselle, les corps s’engourdissent de fatigue. Enfin la cérémonie terminée laisse tout le monde haletant, épuisé, mais rayonnant de bonheur, car les dieux intercesseurs doivent être satisfaits !

Le bouddhisme est une religion flexible, conciliante, insinuante, s’accommodant au génie et aux usages des peuples les plus divers. Dès leur début au Japon, les bonzes surent se faire confier des châsses et même de petites chapelles de Kamis pour les garder dans l’enceinte de leurs sanctuaires. Ils s’empressèrent d’ajouter à leurs cérémonies des symboles empruntés à l’ancien culte national ; enfin, pour mieux confondre les deux religions, ils introduisirent dans leurs temples à la fois des Kamis revêtus de titres et d’attributs de divinités indoues, et des divinités indoues transformées en Kamis japonais. Il n’y avait rien d’inadmissible dans de pareils échanges, qui s’expliquaient tout naturellement par le dogme de la transmigration. Grâce à cette combinaison des deux cultes, à laquelle on a donné le nom de Rioobou Sintoo, le bouddhisme est devenu la religion dominante du Japon.

À l’envisager superficiellement, il semblait ne faire autre chose que d’ajouter sa sanction aux anciens souvenirs nationaux, et de nouveaux objets de vénération à ceux dont s’alimentait la dévotion des masses.

Ce fut d’abord le grand Bouddha de l’Inde, auquel on éleva ces statues colossales dont le Daïboudhs de Kamakoura offre le type le plus accompli.

L’on personnifia ensuite l’idée japonaise d’une divinité suprême dans l’image fantastique d’Amida, que l’on représente sous neuf formes différentes, symbolisant ses incarnations et ses perfections essentielles : l’une de ces dernières s’exprime par l’emblème d’une tête de chien.

Parmi les dieux auxiliaires, qui servent d’intermédiaires aux hommes pour s’approcher de la divinité, la faveur du peuple japonais se porta principalement sur Kwannon, qui possède à Yédo le temple le plus fréquenté de cette capitale, et à Kioto le fameux temple des trente-trois mille trois cent trente-trois génies (prononcez en japonais : Sanman sansin sanbiak sansin santaï). Cette divinité repose sur une fleur de lotus, la jambe gauche repliée sous le corps ; elle est coiffée d’un voile qui descend sur ses épaules et ornée d’un collier qui tombe sur sa poitrine.

L’idole colossale du Kwannon de Kioto n’a pas moins de quarante-six bras, chargés de toutes sortes d’attributs qui attestent sa puissance.

L’on adore dans les Bosats des êtres divins et secourables, assis comme le Kwannon sur une fleur de lotus,

la tête ceinte d’un ruban qui descend sur les épaules, et la main droite portant un lis ou un lotus.

Bonzes frappant le gong et jouant des cymbales. — Dessin de Émile Bayard d’après une peinture japonaise.

Au-dessous d’eux sont les Arhans, qui ont accompli depuis des milliers d’années le cycle de la métempsycose, les Gonghens, divinités qui renaissent encore sous la forme humaine, les Dsizoo, les Foutoo et d’autres qu’il est superflu d’énumérer.

Le bouddhisme a d’ailleurs divinisé les dix-huit principaux disciples de Sâkyamouni, les Rakans ; les plus illustres apôtres de sa doctrine, les Sennins ; et la foule de ses martyrs, les Mioôdzins : chacun de ces personnages ayant un attribut qui le caractérise, en sorte que l’on distingue parmi eux le saint au tigre, à la tortue, au chevreau, à la grue, à l’écrevisse, au dragon, au bambou, à l’iris, à la cascade…

Mais ce n’est pas encore tout : le bouddhisme a imaginé la reine du ciel, les gardiens du ciel, dont quelques-uns figurent aussi comme gardiens des temples ; puis les rois de la terre, les rois de l’enfer, les génies bienfaisants, les génies vengeurs ; il a mis à côté de l’ancienne divinité japonaise du soleil les dieux de la lune, des planètes, des signes du zodiaque, les génies de la pluie, du vent, du tonnerre ; enfin il a donné de célestes patrons aux médecins, aux soldats, aux palefreniers, aux chasseurs, à toutes les classes et à toutes les professions sociales.

Parmi cette multitude d’images, graves ou fantastiques, que le bouddhisme déroule devant nos yeux, il n’est pas toujours facile de faire la part de celles qui lui appartiennent en propre. Quelques-unes, avant sa venue, étaient sans doute déjà populaires au Japon.

Peut-être doit-on ranger dans cette catégorie le dieu des vents, Fûten, et celui du tonnerre, Raïden.

Le premier, dans la mythologie chinoise, est surchargé d’attributs empruntés au cerf, au moineau, au léopard ; dans le Japon, il ne possède qu’une outre, comme Éole, mais la symbolique japonaise se montre supérieure à la grecque, en ce que Fûten apparaît suspendu dans les airs, la tête échevelée et l’outre posée sur ses épaules : comme elle a deux ouvertures, il serre de chaque main le col de l’une et de l’autre, les faisant ainsi jouer à volonté, dans une attitude et avec une expression qui ne sont pas dépourvues d’un certain mérite pittoresque.

Quant à Raiden, le dieu du tonnerre et des éclairs, c’est un démon grotesque, qui, porté sur les nuées, s’en va, un maillet dans chaque main, battant une demi-douzaine de cymbales disposées autour de sa tête.

Il plane aussi beaucoup d’incertitude sur l’origine des nombreux animaux fantastiques de la mythologie japonaise. Je ne mentionnerai que ceux auxquels se rattache quelque intérêt artistique.

Cérémonies funèbres : Le bonze des derniers sacrements. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

Le Kirin a une tête de licorne, des pieds de cerf, un corps de cheval. Son apparition, prompte comme l’éclair, car ses pieds effleurant le sol n’y fouleraient pas même un ver, présage la naissance d’un sésin, c’est-à-dire d’un génie bienfaisant, tel que Sakya, Dharma, Sjôtokdaïsi.

Cérémonies funèbres : Service devant le cercueil, dans la maison mortuaire. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

Hino-Woo et Midsou-no-Woo, les génies du feu et de l’eau, paraissent appartenir au culte des Kamis.

Le Foô doit s’y être introduit de la Chine.

Le Koma-inou fut apporté, dit-on, de la Corée par l’impératrice Zingou. Cet animal, qui tient du chien et du lion, pourrait être une réminiscence du lion des cavernes. L’on en voit deux très-beaux exemplaires, taillés dans le granit, sur l’esplanade du temple de Kamihamayou, à Simonoséki. Le Dria ou Dsja, dragon à six serres, est d’ailleurs semblable au dragon impérial chinois, qui en a cinq. Il orne les frises et les chapiteaux de certains temples, ainsi que des palais du Taïkoun et des grands daïmios.

Le Tats-maki est la terreur des bonnes gens. Cet immense dragon hante le plus ordinairement les cavernes du fond de la mer ; mais parfois il remonte à la surface, et, s’élançant tout à coup vers le ciel, les perturbations qu’il occasionne dans l’atmosphère produisent le redoutable phénomène connu sous le nom de typhon.

Enfin, l’on appelle Mooki une tortue ayant la tête du chien, et traînant sur ses pas une longue et large queue de mousses marines flottantes. Il en existe de si vieilles, s’il faut s’en rapporter à la légende, qu’il a cru sur leur carapace des rochers, des arbres et des perles.

Dans les temps de ferveur du bouddhisme, au septième et au huitième siècle, les bonzes mettaient eux-mêmes la main à l’œuvre quand il s’agissait de construire un temple ou de l’orner de tableaux et de statues.

Mais si l’art indigène leur est redevable de quelques progrès, particulièrement dans la sculpture et l’architecture, on ne saurait dire beaucoup de bien de leurs productions littéraires. Que l’on se figure, en effet, ce que doivent être des élucubrations monastiques, en des milliers de volumes, sur le lotus de la bonne foi, sur les vingt-huit subdivisions de la contemplation, sur les douze gloires du Bouddha et les vies miraculeuses des innombrables ascètes, saints et martyrs de sa religion !

Cérémonies funèbres : L’incinération. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

Le vrai mérite d’une pareille littérature, c’est d’être absolument illisible en dehors du monde tout à fait à part qui compose la population des bonzeries, ou qui forme la clientèle régulière de ces établissements.

Il y a pourtant un titre de gloire que l’on ne manque pas de revendiquer, à l’occasion, en faveur des bonzeries japonaises : deux ou trois d’entre elles ont été anciennement le foyer de laborieuses recherches et de patients essais, qui, n’ayant peut-être d’autre mobile, dans l’origine, qu’un simple attrait de curiosité, ont fini par aboutir à des découvertes d’une grande valeur sociale.

À une époque où l’on ne se servait encore que de caractères chinois pour écrire en langue japonaise, un lettré de la secte de Youto, nommée Kibiko, imagina d’abréger les formes compliquées de ces gros caractères carrés, pour les réduire à quarante-sept éléments simples, aisés à reconnaître et invariables. Ce syllabaire, dont on fit dès lors usage pour les notes, les gloses, les explications interlinéaires, se nomme le Katakana.

Mais le bonze Kokaï, qui naquit l’an 755 et fut le fondateur de la secte de Singou-sjou, alla plus loin encore dans la voie de la simplification des signes chinois. Il en choisit pareillement quarante-sept, propres à représenter des syllabes japonaises ; il les dépouilla de leur valeur figurative ou métaphorique, leur adapta, parmi les divers styles de l’écriture chinoise, la forme la plus cursive, et composa ainsi le syllabaire que l’on appelle l’Hirakana.

C’est celui qu’emploient les femmes, les gens du peuple et les lettrés eux-mêmes pour écrire les choses les plus ordinaires et composer des ouvrage de littérature légère, tels que des romans, des chansons et des comédies[2].

Cérémonies funèbres : Service mortuaire au temple. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

Toutes les femmes japonaises apprennent donc dans leur enfance le syllabaire hirakana, et c’est le seul qui leur soit enseigné.

Les hommes doivent aussi le posséder, mais en outre ils apprennent le katakana, et les lettrés y ajoutent la connaissance d’un nombre plus ou moins considérable de signes chinois.

Il résulte de cette sage combinaison que les hommes peuvent toujours lire l’écriture des femmes, mais que les femmes ne sont en état de lire l’écriture des hommes que lorsque ceux-ci daignent employer le syllabaire hirakana.

Cérémonies funèbres : On recueille les restes. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

C’est d’ailleurs une malice dont le bon P. Kokaï est tout à fait innocent.

Aussi les deux sexes s’accordent-ils à lui vouer une reconnaissance sans mélange et justement méritée.

De toute l’armée des saints du bouddhisme, il n’en est pas un qui soit plus universellement respecté.

L’instinct populaire ne s’est pas trompé en mettant au-dessus de tous les thaumaturges de la légende le modeste inventeur de l’écriture cursive.

D’un bout à l’autre de l’empire on lui rend les honneurs divins, sous le titre de Kobo-daïsi, le grand maître de la religion infinie.


Taïkosama.

Les guerres civiles qui ont entraîné la ruine de Kamakoura offrent peu d’intérêt en elles-mêmes. L’empire du Japon présente, du quatorzième au seizième siècle, le spectacle d’une anarchie croissante, qui menace de remettre en question l’œuvre de centralisation politique inaugurée par Yoritomo.

Au sein même du daïri, une querelle domestique force le souverain légitime d’abandonner Kioto à son compétiteur, et pendant soixante ans environ, six mikados, successivement, occupent par usurpation le trône pontifical, tandis que les vrais petits-fils du Soleil doivent se résigner à tenir leur cour à Yosino, bourgade située au midi de la capitale, dans la province de Yamato. Enfin un arrangement de famille met un terme à ce scandale public, et le cent unième mikado, celui du sud, reprend possession de son siége dans la cité sainte et restaure solennellement la fiction de sa souveraineté théocratique.

Cérémonies funèbres : Tombeau où l’on dépose l’urne cinéraire. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

D’un autre côté, le pouvoir des siogouns est l’objet de rivalités ardentes qui, pour se satisfaire, promènent le fer et le feu tour à tour à Kioto et à Kamakoura, et ne reculent pas même devant le fratricide.

Les seigneurs féodaux profitent de la confusion générale pour tenter encore une fois de s’affranchir de leur relation de vasselage envers la couronne ou ses lieutenants.

Lorsque, l’an 1573, le siogoun Nobunaga fut surpris et massacré avec toute sa famille dans son palais de Kioto, l’empire sembla toucher à sa dissolution.

Il y avait alors dans la domesticité d’un haut fonctionnaire du daïri un palefrenier nommé Faxiba, fils de paysan, serviteur grave et taciturne, que son maître honorait d’une confiance particulière. Souvent on le voyait près des stalles de ses chevaux, accroupi à la manière des gens de sa classe, les bras étendus sur ses genoux, l’esprit plongé dans une profonde rêverie. Tout à coup il est appelé au service du daïri ; il entre dans la maison militaire du mikado, et au bout de quelques années, le bêto Faxiba est devenu siogoun et commande, sous le nom de Fidé-Yosi, les troupes envoyées dans les provinces des grands vassaux qui s’étaient révoltés.

Deux ans lui suffirent pour comprimer la rébellion. Son retour à Kioto fut un véritable triomphe. Le mikado le revêtit solennellement du premier titre du daïri, celui de quamboukou, et le proclama son lieutenant général.

Alors Fidé-Yosi porta ses armes sur un autre champ de désordre.

Un miracle bouddhiste : Bonze bravant la décapitation. — Dessin de É. Bayard d’après une gravure Japonaise.

Chacune des mille divinités de la mythologie bouddhiste s’était fait place au Japon. Elle y possédait des temples, des statues, des confréríes monastiques. Les bonzes, les religieux, les nonnes abondaient dans tout l’empire, et principalement dans le centre et le sud du Nippon. Chaque couvent rivalisait d’industrie avec ses voisins pour se procurer la plus grasse clientèle. Peu à peu cependant la concurrence devint si effrénée, que la jalousie, l’aigreur, la haine enfin envenima les rapports mutuels de certains ordres puissants et ambitieux. Des invectives l’on passa aux voies de fait. La police impériale se jeta au travers des premières mêlées de têtes tonsurées ; mais bientôt elle fut hors d’état d’opposer une digue au torrent. Des bandes de furieux en froc et en soutane, armés de bâtons, de piques, de fléaux, se ruaient pendant la nuit sur les propriétés de la confrérie qui leur portait ombrage ; ils ravageaient tout ce qu’ils rencontraient sur leurs pas, maltraitaient, tuaient ou dispersaient les conventuels victimes de leur guet-apens, et ne se retiraient qu’après avoir mis le feu aux quatre coins de la bonzerie. Mais tôt ou tard les agresseurs, assaillis à leur tour à l’improviste, subissaient le même traitement. Six fois, dans le cours du douzième siècle, les moines du couvent sur le Yéïsan brûlèrent la bonzerie de Djensjôsi ; deux fois les moines de cette dernière bonzerie réduisirent en cendres le couvent du Yéïsan.

Des scènes analogues se répétèrent sur divers points du Nippon. Pour protéger leurs couvents contre un coup de main, de riches prieurs les convertirent en forteresses. Leur audace s’accrut de l’impéritie du gouvernement. Des confréries ennemies se rencontrèrent en armes aux abords des temples qu’elles possédaient dans la capitale. Une partie du daïri fut saccagée, en 1283, à la suite de l’une de ces échauffourées. Un incendie allumé dans un temple de Kioto, en 1536, se communiqua aux quartiers avoisinants et occasionna un immense désastre. Les efforts du siogoun Nobunaga pour remettre à l’ordre une confrérie insurgée échouèrent contre les retranchements derrière lesquels elle lui opposa résistance.

Fidé-Yosi résolut d’en finir, une fois pour toutes, avec les moines et leurs querelles. Il surprit et occupa militairement les bonzeries les plus remuantes, en rasa les défenses, fit déporter dans des îles lointaines les conventuels qui s’étaient rendus coupables d’atteintes à la paix publique, et soumit tout le clergé japonais, indistinctement, à la surveillance d’une police active, sévère, inexorable.

Un juge d’instruction. — Dessin de A. de Neuville d’après une photographie.

Il statua que désormais les bonzes seraient de simples usufruitiers des terres qu’ils possédaient, tandis que le gouvernement en aurait la nue propriété et s’en réserverait la libre et entière disposition.

Enfin il ordonna aux dignitaires du clergé, tant régulier que séculier, de se renfermer strictement, eux et leurs subordonnés, dans le cercle de leurs attributions religieuses.

C’est une loi dont les prêtres japonais ne se sont plus départis..

À l’intérieur de leurs bonzeries, ils officient à l’autel, sous les yeux du peuple, dans le sanctuaire qu’un jubé sépare de la foule. Ils ne s’adressent à celle-ci que par la voie de la prédication, et aux seuls jours de fêtes spécialement consacrés à cet exercice.

Il ne leur est permis de faire des processions qu’à certaines époques de l’année, et avec le concours des officiers du gouvernement préposés aux pompes publiques.

Quant à leur rôle pastoral, il a été resserré dans de telles limites, que je ne trouve vraiment qu’un mot pour le caractériser, et c’est, dans toute sa trivialité, celui de croque-mort. Les bonzes, en effet, sont chargés d’accomplir les cérémonies sacramentelles dont les Japonais de n’importe quelle secte ont coutume d’accompagner les derniers instants des moribonds. Ce sont eux qui conduisent les cortéges funèbres et qui pourvoient, selon le vœu des parents du défunt, à l’inhumation ou à la combustion de son cadavre, ainsi qu’à la consécration et à l’entretien de son tombeau.

Mais autant on leur abandonne sans réserve tout ce qui est du domaine de la mort, autant la police exerce de vigilance sur leurs rapports avec la société. La plupart des prêtres séculiers sont mariés et en relations familières avec un petit cercle de proches et de voisins. La répression des délits qu’ils peuvent commettre n’en est que plus rigoureuse.

J’ai vu, sur la principale place de marché de Yokohama, un vieux bonze qui y fut exposé pendant trois jours consécutifs, à genoux, en plein soleil, sur un mauvais paillasson : il tenait un petit mouchoir de crêpe dont il se servait pour essuyer la sueur qui ruisselait de sa tête chauve. Un écriteau, planté à quelques pas en avant, apprenait à la foule que ce misérable, s’étant livré à la pratique clandestine de la médecine, et même ayant abusé de l’une de ses patientes, la justice du Taïkoun venait de le condamner à la déportation à vie, précédée de la peine de l’exposition publique.

L’an 1586, peu de temps après que Fidé-Yosi eut délivré l’empire de ses troubles monastiques, des nouvelles étranges attirèrent son attention sur l’île de Kiousiou.

À cette époque le commerce du Japon avec les ports des archipels et du continent asiatiques n’était soumis à aucune entrave. Le prince de Boungo, qui, une quarantaine d’années auparavant, avait recueilli les aventuriers portugais jetés par la tempête sur les côtes de sa province, s’était empressé de leur fournir les moyens de retourner à Goa, en les invitant à lui expédier chaque année un vaisseau chargé de marchandises appropriées au marché indigène.

Ainsi se fondèrent et se développèrent en toute liberté les relations du Portugal avec le Japon.

Dans l’un de ses premiers voyages, le vaisseau portugais, au moment de mettre à la voile pour Goa, donna secrètement asile à un gentilhomme japonais nommé Hansiro, qui avait commis un homicide.

L’illustre jésuite François Xavier, tout nouvellement débarqué à Goa, entreprit l’instruction religieuse du fugitif japonais et lui administra le baptême.

En 1549, une première mission des jésuites s’installait dans l’île de Kiousiou, sous la direction de saint François Xavier lui-même, et avec l’aide de Hansiro.

Un mouvement de surprise et de sainte terreur saisit d’abord les missionnaires, lorsqu’ils rencontrèrent au Japon tant d’institutions, de cérémonies et d’objets de culte presque tout à fait semblables à ceux qu’ils venaient y apporter. Sans prendre garde à l’antiquité du bouddhisme, ils s’écrièrent que cette religion ne pouvait être qu’une contrefaçon diabolique de la véritable Église.

Cependant ils ne tardèrent pas à découvrir qu’il y avait moyen de tirer quelque profit de la circonstance dans l’intérêt de leur propagande. Rien dans la doctrine du bouddhisme ne s’oppose à l’admission de Jésus au nombre des bouddhas, qui, durant la suite des siècles, sont apparus sur la terre. Il n’y avait pas non plus de difficulté insurmontable à donner à la Vierge la prééminence sur les reines du ciel de l’ancien panthéon. En un mot, le culte dominant fournissait tout au mains d’utiles points de contact et toutes sortes de prétextes ou de bonnes occasions pour entrer en matière.

Quoi qu’il en soit, cette première mission eut un succès prodigieux, et ce qui s’est passé dès lors autorise même à croire que, grâce au zèle apostolique et à la puissance de persuasion de saint François Xavier, il s’opéra dans toutes les classes de la société japonaise de nombreuses et sincères conversions au christianisme.

Quelques hauts dignitaires du bouddhisme en conçurent des inquiétudes pour leur religion, et portèrent aux pieds du daïri leurs très-humbles remontrances :

« Combien, leur demanda le mikado, estimez-vous qu’il existe de sectes dans mes États ?

— Trente-cinq, lui répondirent-ils instantanément.

Eh ! bien, celle-ci fera la trente-sixième, » répliqua le jovial empereur.

Le siogoun Fidé-Yosi envisagea la question sous un autre point de vue.

Frappé de la circonstance que les missionnaires étrangers s’appliquaient non-seulement à répandre leurs doctrines parmi le peuple, mais à gagner la faveur des grands vassaux de l’empire, et que les tendances anarchiques de ces derniers puisaient un mystérieux aliment dans leurs relations avec ces prêtres, il découvrit que ceux-ci relevaient d’un souverain pontife portant une triple couronne et pouvant à son gré déposséder les plus grands princes, distribuer à ses favoris les royaumes de l’Europe, et disposer même des continents nouvellement découverts.

Il réfléchit que déjà les émissaires de ce redoutable dominateur de l’Occident s’étaient créé un parti à la cour du mikado, et avaient fondé une maison dans sa capitale ; que l’ancien siogoun Nobunaga s’était ouvertement montré leur protecteur et leur ami, et que dans son propre palais, à lui, siogoun en charge, il avait lieu de croire qu’il se tramait de ténébreuses intrigues parmi l’entourage de son jeune fils, héritier présomptif de son pouvoir.

Fidé-Yosi communiqua ses observations et ses craintes à un serviteur expérimenté, qu’il avait déjà chargé des missions les plus délicates. Le sombre et profond génie de ce confident, devenu célèbre dans l’histoire du Japon sous le nom de Hiéyas, s’appliqua sans relâche à sonder la gravité du danger. Une ambassade de chrétiens japonais, dirigée par le P. Valignani, supérieur de l’ordre des jésuites, était en route pour Rome. Hiéyas fournit à son maître la preuve que les princes de Boungo, d’Omoura et d’Arima avaient écrit, à cette occasion, à l’empereur spirituel des chrétiens, le pape Grégoire XIII, des lettres dans lesquelles ils déclaraient se jeter à ses pieds et l’adorer comme leur seigneur suprême, en sa qualité de seul et unique représentant de Dieu sur la terre.

Le siogoun contint son exaspération, mais ce fut pour rendre sa vengeance d’autant plus éclatante. Il employa près d’une année à organiser avec son favori le coup qu’il méditait. Enfin, au mois de juin 1587, ses troupes sont à leur poste, réparties dans les provinces suspectes de Kiousiou et de la côte méridionale de Nippon, et en état de réprimer toute tentative de résistance. Aussitôt, le même jour, d’un bout à l’autre de l’empire, on affiche un édit du siogoun par lequel celui-ci ordonne, au nom et comme lieutenant du mikado, la suppression du christianisme dans un délai de six mois, en prescrivant, comme mesures d’exécution, que les missionnaires étrangers soient bannis à perpétuité, sous peine de mort ; que leurs écoles soient immédiatement fermées, leurs églises rasées, les croix abattues partout ou elles se trouvent ; et que les indigènes convertis abjurent la nouvelle doctrine entre les mains des officiers du gouvernement. En même temps, pour constater l’accord des deux pouvoirs, le mikado fait une visite solennelle à son lieutenant, tandis que celui-ci, pour récompenser les services de son fidèle Hiéyas, l’élève au rang de son premier ministre et l’institue gouverneur de huit provinces.

Toutes les mesures prévues par l’édit du siogoun s’accomplirent ponctuellement, à l’exception d’une seule, et c’était précisément celle qui, dans l’esprit de l’ancien palefrenier du daïri, devait lui causer le moins d’embarras. À sa profonde stupéfaction, les chrétiens indigènes de toute classe, de tout sexe, de tout âge, refusèrent absolument d’abjurer.

Il frappa dans leurs biens ceux qui possédaient des terres, et enrichit ses officiers de leurs dépouilles. D’autres furent mis en prison ou exilés dans les îles de déportation. Ces exemples de rigueur ne produisirent aucun effet.

La peine capitale menaça les récalcitrants. Ils présentèrent leurs têtes au sabre des bourreaux, avec une résignation jusqu’alors inconnue. Souvent le témoignage qu’ils rendaient de leur foi leur attirait les sympathies de la foule.

On varia les supplices. On alluma des bûchers, comme l’Inquisition portugaise le faisait à Goa. La crucifixion aussi fut la part d’un grand nombre de victimes.

Le supplice du puits. — Dessin de Feyen-Perrin d’après une vieille gravure hollandaise.

Au Japon, l’on attache le patient à une croix à quatre branches : ses deux bras sont étendus sur les deux branches supérieures, et ses jambes sur les branches inférieures. On le laisse exposé du matin au soir dans cette situation. Au coucher du soleil, deux bourreaux, placés l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, lui enfoncent sous les aisselles deux longues piques, dont le fer doit ressortir et se croiser sur la nuque, puis le cadavre est abandonné pendant vingt-quatre heures sur la croix.

Les martyrs japonais rivalisèrent, pour la constance de leur foi, avec les premiers confesseurs de l’Évangile. Le Hollandais François Caron, témoin oculaire des dernières phases de la persécution, dit que les rares exemples d’abjuration qui sont parvenus à sa connaissance, ont été dus principalement à l’emploi d’une torture plus affreuse que les supplices de la croix ou du bûcher. Elle consistait à pendre la victime, la tête en bas, dans l’intérieur d’une citerne, les pieds sortant de la margelle, que l’on fermait avec des planches pour rendre le puits tout à fait obscur. La mort ne délivrait le supplicié qu’au bout de huit à dix jours de souffrances.

Pendant trois années consécutives la fureur des officiers du siogoun s’épuisa inutilement en raffinements de barbarie et de brutalité, en inventions atroces, hideuses, indicibles, sur plus de vingt mille cinq cents victimes, hommes et femmes, jeunes gens et jeunes filles, vieillards et petits enfants.

Tout à coup la persécution se ralentit. Fidé-Yosi appelle aux armes le ban et l’arrière-ban de la noblesse féodale et jette près de cent soixante mille combattants sur les côtes de la Corée, avec laquelle le Japon était en pleine paix (1592).

Ses généraux somment les Coréens de se joindre à eux pour attaquer la dynastie des Mings. L’armée chinoise se met en marche à la rencontre des envahisseurs ; mais elle subit une défaite si décisive, que l’empereur de la Chine se hâte d’offrir au siogoun la paix avec le titre de roi du Nippon, et premier vassal du Céleste-Empire.

Fidé-Yosi répondit fièrement : « Je suis déjà roi du Nippon, je le suis par moi-même, et je saurai bien, si je le veux, faire de l’empereur de la Chine mon vassal. »

L’an 1597, il appuya sa menace par l’envoi d’une seconde armée de cent trente mille hommes. Mais la mort le surprit avant l’issue de cette nouvelle campagne, et les deux empires, également las d’une guerre que rien ne justifiait, s’empressèrent de se réconcilier et de rappeler leurs armées.

Ces deux expéditions de Chine, que l’on serait tenté de prendre pour de folles aventures, paraissent avoir été pour Fidé-Yosí, aussi bien que son édit de persécution, des actes mûrement prémédités pour atteindre le double but de ses rêves ambitieux : écraser la noblesse féodale et fonder sur ses débris une dynastie monarchique.

Déjà les vassaux de l’empire s’étaient épuisés dans de stériles luttes intestines : il fallait achever de les ruiner par des guerres lointaines et dispendieuses.

Sous prétexte de protéger les femmes et les enfants des daïmios appelés au service militaire, Fidé-Yosi contraignit les familles et les principaux serviteurs de ces princes à venir habiter des maisons qu’il leur avait préparées dans l’enceinte de ses châteaux forts. Quand les princes revinrent de la Chine, il ne les remit en possession de leurs terres qu’à la condition d’y résider dorénavant seuls, sans leurs familles, mais en leur fixant une époque de l’année pendant laquelle ils pourraient les rejoindre temporairement à sa cour, où elles continueraient de rester en otage.

Le supplice du feu. — Dessin de Feyen-Perrin d’après une gravure japonaise.

Exemple unique et merveilleux, s’écrie Kæmpfer, qu’un si grand nombre de puissants princes aient été mis sous le joug par un simple soldat, de vile extraction !

Mais ce n’était pas assez pour tenir les provinces sous la domination du nouveau pouvoir central. Jusqu’alors les villes de résidence avaient seules été reliées les unes aux autres par une route militaire. Fidé-Yosi profita de l’absence des seigneurs pour jeter sur leurs terres et jusqu’aux extrémités de l’empire, une route ou chaussée indépendante de toute autre garde, police, ou juridiction, que celle du Siogoun. On l’appelle le Tokaïdo.

A. Humbert.

(La suite à une autre livraison.)



  1. Suite. — Voy. p. 1, 17, 33, 49, 305 et 321.
  2. Abel de Rémusat, Explication des syllabaires japonais, servant d’introduction aux Éléments de la grammaire japonaise du P. Rodriguez. 1825.