Le Jeu des épées/À Puvis de Chavannes

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 209-210).

À PUVIS DE CHAVANNES

Préludant sur la lyre à l’ombre rose des marbres,
Les filles et les fils de ta Muse aux yeux sages,
Couchés ou droits selon la ligne des paysages
D’où s’élève à l’entour la prière des arbres,

Chantent les jours du monde où les hommes, tels qu’en rêve,
Vivaient, amants des bois, des champs et des fontaines,
Pour mourir, blanchis d’ans, loin des routes incertaines,
En rendant grâce aux dieux pour leur bonté trop brève.

Ces simulacres peints aux murailles de nos villes
Rappellent par ton art, ô Maître, aux mauvais hommes
Le paradis antique où les pères dont nous sommes
Joignaient des corps plus beaux à des âmes moins viles.


C’est pourquoi nous venons, nous, enfants des mêmes astres,
Offrir à ta vieillesse immortelle nos palmes,
Pour mieux venger par toi, sur le seuil des temples calmes,
La Déesse haïe en ce temps de désastres !