Le Jeu des épées/La Chanteuse à la bague

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 211).

LA CHANTEUSE À LA BAGUE

à Madame Hélène Linder.

Dame aux cheveux nimbés de l’or de tout l’automne
Qui pèse sur les fleurs et les fruits du verger,
Vous faisiez, ce soir, luire à votre doigt léger
Une bague où battait le cœur d’une anémone.

Triste un peu, vous chantiez sur un air monotone
La chanson d’un poète au rêve mensonger
Qui sous ce ciel en feu m’a longtemps fait songer
Aux rois fous qui sont morts sans glaive ni couronne.

Et lorsqu’au rythme uni des gestes et du son
Le soleil transperçait la pierre de la bague.
Goutte de sang perlant au coup vif d’une dague.

Mon âme abandonnée au cours de la chanson
Mourait et renaissait sous le signe éphémère
De votre main d’enfant qui charme la Chimère.