Le Jeu des épées/L’Inutile Vainqueur

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 202-203).
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L’INUTILE VAINQUEUR

C’est un masque qui rit au mur
Sous la colère d’une épée
Que cette main dans l’épopée
N’osa brandir contre l’Impur.

Un parfum — fût-ce d’une amante ? —
Remémore, en rares moments,
L’ancien éveil des instruments
Sous les doigts de la nécromante.

Voici que se fanent les lys
En l’or incrusté d’un ciboire
Où la chair souhaiterait boire
L’oubli des péchés de jadis.


Mais que fait la honte de vivre
À ce baladin, fils de roi,
Qui calme son nocturne effroi
Aux chants silencieux du livre ?

Il lut l’inutile vainqueur
De tous ceux qui crurent au verbe !
Mais, las ! il n’eut pas la superbe
De barder de fer son vain cœur.

Le voici, frêle hoir des années,
Sans gloire sauf celle d’un nom
Que les aïeux sous le pennon
Hurlaient aux rouges destinées.

C’est un masque qui rit au mur
Sous la colère d’une épée
Que cette main dans l’épopée
N’osa brandir contre l’Impur.