Le Jeu des épées/Le Pardon de Dieu

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 230-231).

LE PARDON DE DIEU

Les séraphins rouges aux couronnes de fer
Ont brandi leurs épées lourdes sous le trône
D’où rayonne vers le monde l’aumône
Du feu, de l’onde et de l’air.

Et les astres, comme des fruits mûrs à l’automne,
Sont tombés à travers les ténèbres du néant
Sur les fronts de l’antique mêlée des géants
Dont l’heure, à l’horloge des soleils, sonne.

Car Dieu a dit : « Voici, j’accorde mon pardon
À Satan et à la myriade des mauvais anges
Qui dressent contre ma gloire leurs boucliers dans la fange
Où leur orgueil croupit loin des roses de Sidon.


Car maintenant l’Amour a vaincu la mort,
Et les ailes noires vont bruire à la lumière,
Et je baiserai Satan entre ses yeux trop fiers,
Et notre baiser fera tomber fous les sceaux du Sort. »

Et dardant son regard vers la révolte des mauvais anges,
Il a posé sa pitié, comme un qui souffre,
Sur ses cent têtes sifflant la flamme et le soufre
Jusqu’au ciel fleuri d’amour et sonore de louanges.