Le Jeu des épées/Nuptiale

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Le Jeu des épéesMercure de FrancePoèmes 1887-1897 (p. 205-206).

NUPTIALE

À Andhré des Gachons.

Les portes du paradis de vie
Ont ouvert large leurs vantaux d’or
À l’appel de l’épée et du cor
De l’Amant dont la route est gravie

Vers l’Amante demandant aux roses
Pourquoi, depuis qu’il partit un soir,
Il n’est pas venu, le prince et l’hoir,
Geindre de bagues ses doigts moroses.

Mais le voici dans le crépuscule,
Éclaboussé du seul sang des fleurs
Et charmant du geste tous malheurs,
Héros qui fait que l’ombre recule.


Et la Princesse sur sa cuirasse
Que bossela la dent du dragon,
Pose son baiser comme un pardon
Et le sceau de la future race.

Ils vont, lui flamboyant sous ses armes
Où s’écrasent les dards du soleil,
Elle ouvrant ses lèvres au vermeil
Sourire, et ses yeux aux bonnes larmes.

Et sur la marge de la fontaine
Dont l’onde abreuve des fleurs de feu,
Ils ont, pour le baptême et le vœu,
Ployé leur attitude hautaine,

Sans songer, à cette heure suprême,
Que sur l’Océan de l’avenir
Où le lustral ruisseau court finir,
Les attend la nocturne trirème.