Le Laurier Sanglant/17

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Le Laurier SanglantCalmann-Lévy, éditeurs (p. 59-60).

UN CONCERT




Montmorency, avril 1871[1].


Au loin le canon gronde à coups précipités ;

À ces grosses voix furieuses

Se mêlent fréquemment, par le vent apportés,

Les grincements des mitrailleuses.


On se bat dans Paris, Français contre Français.

Ici, sur la place, par bandes,

Les Prussiens, roses, gras, digèrent leurs succès

Et jouent des valses allemandes.


Le rythme sautillant de ces airs favoris

Qu’on chante là-bas, aux kermesses,

Semble, par ironie, accompagner les cris

De nos canons, les grosses caisses…


Oh ! l’affreuse douleur que mon âme ressent,

Je n’essaierai pas de la dire :

Pour pouvoir l’apaiser il me faudrait du sang,

Et des larmes pour la décrire !



  1. Une partie des environs de Paris était, comme on sait, occupée, pendant la Commune, par les troupes allemandes.