Le Laurier Sanglant/51

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Le Laurier SanglantCalmann-Lévy, éditeurs (p. 211-212).

SOIR DE TEMPÊTE




1915.


Le vent d’ouest a soufflé tout le jour en tempête.
Le soleil s’est couché, tragique ; l’horizon
Se barre d’un long trait rouge comme un tison :
Une nuit tourmentée et lugubre s’apprête.

La nature, joyeuse hier et toute en fête
A pris ce soir un air sournois de trahison ;
Le cœur las, le front lourd, regagnant la maison,
Je sens l’ombre et le deuil tournoyer sur ma tête.


Demain, après-demain sans doute, le soleil
Effacera, d’un coup de son pinceau vermeil,
Le dernier souvenir de l’orage en furie…

Ah ! puisse-t-il de même, astre victorieux,
Balayer à jamais ton ciel, ô ma Patrie,
Des nuages sanglants dont se voilent nos yeux !