Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre B

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 25-66).
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B

B. — Marquée aux trois b (belle, bonne, bête). On dit que c’est la femme la plus enviable.

BABO, s. m. — Léger mal. Un de mes camarades allait pour se marier, lorsqu’on crut devoir l’avertir que sa prétendue était à la tête de deux enfants. Il chargea un ami de se renseigner. — Il n’y a pas tant de babo qu’on disait, fit celui-ci en revenant, il n’y en a qu’un. — Mot enfantin comme bobo.

BABOCHER, v. a. — Faire des baboches. — De bavocher, fait sur bave.

BABOCHES, s. f. pl. — Bavures d’une couleur qui dépasse le trait fixé pour limite. — Subst. verbal de bavocher.

BABOUIN, s. m. — 1. Chrysalide du ver à soie, morte dans le cocon. Les pêcheurs s’en servent en guise d’appât. — Du mot d’oc babau, bête noire, farfadet.

2. Vilain museau, laide figure. Un bon père à son fils : Va don te torcher le babouin ! Du franç. baboin, singe.

Baiser le babouin. — Au jeu de la glissière, quand on a perdu, baiser l’empreinte d’un sou dans la glace. Le babouin, c’est l’effigie du souverain qui est sur le sou. Dans le Dict. d’Oudin, on trouve baiser le babouin, faire acte de soumission.

BABOUINES, s. f. pl. — Lèvres. — Corruption du franc. babines, sous l’influence de babouin.

BACCHANAL, s. m. — Grand bruit, boucan. J’ai z’été à la Chambre. Quel bacchanal ! Il y a maintenant à Lyon toute espèce de bière, excepté la vieille bière lyonnaise. C’est du bock-ale, du pale-ale, du scotch-ale, et même quelquefois, dans les brasseries le dimanche, du bacchan-ale.

BACHASSE, s. f. — Auge dans laquelle on donne à manger aux bestiaux, aux cayons. C’est bachat avec le suffixe augmentatif asse.

BACHASSÉE, s. f. — Une pleine bachasse. Lorsqu’un ami vous sert à table, c’est une manière polie de s’excuser que de dire : Oh ! vous m’en servez une bachassée !

BACHASSER. — Un toit qui bachasse. Se dit d’un toit qui creuse par le fléchissement des charpentes.

BACHAT, s. m. — Auge en pierre qui se place sous la pompe pour recevoir l’eau. — Du bas latin bacca, à la fois bateau et vase pour contenir de l’eau. Ainsi vaisseau signifie à la fois navire et vase.

BACHÉ, ÉE, adj. — Habillé, ée. Ne s’emploie qu’avec les adv. bien ou mal. Cette dame est bien bâchée. — Oui, mais faudrait voir ça au déballage.

BACHIQUE, adj. des 2 g. — Original, bizarre, comique. Une idée bachique. — Quand on a trop fêté le candide Bassareu, en effet, on a des idées bachiques, ce qui vaut autant à dire comme des idées d’ivrognes.

BACHOT, s. m. — 1. Tout petit batelet. 2. Se dit aussi du bachu et surtout du batelet qui contient le bachu (v. ce mot).

BACHU, s. m. — Coffre percé de trous, que l’on immerge pour conserver le poisson vivant. Le dessus est mobile et se ferme avec un cadenas. Quelquefois le bachu fait partie du bateau même. — De bacca (voy. bachat). Le suffixe u représente orium.

BACON, s. m. — 1. Lard. — 2. Chair salée de pore. Vieilli. — Vieux franç. bacon, du vieux haut allem. bacho, jambon.

BADE. À la bade, loc. adv. — Au dehors, en liberté. Où don la Margot ? — T’as laissé la cage ouverte, arrimais elle est à la bade. — Où don ta femme ? — À la bade, comme la Margot. — D’un subs. verbal d’abader, d’où l’abade, la bade.

BADINAGE, s. m. — Quel mot charmant, n’est-ce pas, quand nous étions petits gones ? Rien que le son en était une musique, car pour nous, de Lyon, un badinage c’est un jouet. Des soldats d’étain, à l’habit bleu de ciel, bien astiqué, que l’on range sur la table, et sur lesquels on tire des boulets en moelle de sureau au moyen de canons qui ont un ressort dans la culasse : badinage. D’autres soldats, en bois vernissé, un peu gluants, que l’on pique sur un treillis de minces lamelles en losanges articulés, et que l’on fait mettre tantôt en bataille, tantôt en ordre profond, tantôt défiler deux à deux, suivant que l’on serre ou que l’on élargit les branches du premier losange : badinage. Un âne blanc, taché de noir, avec des paniers, qui siffle de la queue (jouet classique) : badinage. Un chien sur un piédestal qui fait ouah ! ouah ! quand on appuie sur la pédale : badinage. Jusqu’à ces fantaisies stercorales, imitations en carton, admirables dans l’ignoble, que l’on vendait au passage Coudert, et qui faisaient rire nos pères, dont rien ne choquait la délicatesse. Dans les maisons amies de la gaité, on en mettait à table sous les serviettes, à la campagne spécialement. Quand j’étais petit on me faisait réciter un compliment qui commençait ainsi :

Je suis un enfant bien sage,
Qui n’aim’ que les badinages…

J’ai oublié le reste, tout ce qui n’était pas badinage m’intéressant moins.

BADINER, v. n. — Jouer, s’amuser. M’man, je vas badiner avé la Josette. À huit ans, très bien. À vingt ans, cela pourrait encore se faire, mais ne se dirait pas.

Vous badinez ! — Locut. pour manifester le plus grand étonnement. Depuis vous, j’ai eu le malheur de perdre ma pauvre femme. — Vous badinez !

Être tout badiné, — le contraire de tout badinant. À un monsieur à gauche : « Monsieur, pourquoi passez-vous en faisant semblant de ne pas me voir ? C’est une insulte ! » À un monsieur à droite : « Et vous, Monsieur, pourquoi passez-vous en me regardant ? C’est une insulte ! » D’où deux duels. Voilà ce que c’est qu’un monsieur tout badiné.

BAGAGNE, s. f. — Cire des yeux. Les bougies seront bon marché, c’te année, tes yeux n’ont prou de bagagne pour n’en faire. Plaisanterie usitée dans le meilleur monde. — Le même que le mot d’oc lagagno avec changement de consonne initiale sous quelques influence inconnue : Lagagno parait se rapporter au celtique : kymri llygadgocni, chassie, de llygad, œil ; armoric. lagad.

BAGAGNEUX, euse, adj. — Qui a de la bagagne.

Temps bagagneux. — Temps bruineux. L’expression ne conviendrait pas à un temps de franche pluie. C’est la différence très compréhensible, entre des yeux qui pleurent à chaudes larmes et des yeux simplement cireux.

BAGNON, s. m. — Vaisseau en bois qui sert communément à se laver les pieds. On l’emploie aussi pour la lessive, la cueillette des raisins, etc. — Diminutif de bain.

BAGNOTE, s. f. — Siège qu’on place sur les ânes à rebords pour les femmes à dossier ; non je veux dire siège à rebords que l’on place sur les ânes à dossier, pour les femmes ; non, ce n’est pas encore tout à fait cela. Enfin suffit que vous compreniez. — Le même que vagnotta, dans nos campagnes, espèce de bât pour les ânes (voyez vagnotte).

BAGUE D’OREILLE. — Boucle d’oreille. On en mettait sans faute à tous les gones ayant les yeux bagagneux. À quinze ans ils les bazardaient (P. B.).

Depuis que Molard le proscrivait au commencement du siècle, on l’a presque oublié. L’image était juste. Qu’est-ce qui ressemble plus à une boucle qu’une bague.

BAGUETER (et non baguetter), v. a. — Frapper d’une baguette un habit, une couverture, etc., à seule fin de faire sortir la poussière, avant que de les vergeter. Quand vous baguetez votre lévite, ayez toujours soin d’ôter vos lunettes de la poche de côté. On m’en a cassé comme cela plus de dix paires. Attends que je te baguette la doublure de ta culotte ! Se dit à un enfant qu’on menace du fouet. — Épousseter, secouer, et même battre, laissent à l’idée beaucoup moins de précision que bagueter.

BAIGNEUSE, s. f. — Large repli que l’on fait à une robe, une jupe, etc., pour les raccourcir. — La baigneuse était une espèce de bonnet que les femmes portaient au bain et dont les plis apprêtés s’appelaient plis en baigneuse. Le nom de baigneuse a passé au pli lui-même.

BÂILLER. — Bâiller comme un saint dans le paradis. Métaphore messéante, usitée surtout à propos d’un mari qui est seul avec sa femme.

La porte bâille pour « la porte est entr’ouverte ». L’Académie dit « une porte entre-bâillée ». Quand on a congé de bâiller à moitié, on peut bien prendre licence de bâiller tout à fait.

BAIN, s. m. — Bain à la religieuse. C’est quand les femmes, se mettant devant un grand feu, troussent leur cotte par devant et l’agitent pour chasser l’air chaud par dessous. Les bonnes femmes disent que, par les grands froids, c’est fort champêtre. — Sans doute de ce que ce genre de bain est le seul qui soit permis aux religieuses ou qu’elles aient accoutumé de prendre.

C’est un bain qui chauffe. — Se dit lorsqu’il fait un soleil cuisant, et que cependant le temps menace pluie.

BAISER, v. a. — Tâchez moyen que vos pains ne se baisent pas dans le four, parce que l’endroit par où les pains se touchent n’est ni cuit ni bon. L’Académie admet au reste baisure du pain.

Baiser le… fond de la vieille. — Se dit quand, dans une partie de boules, on ne fait point de points. Pardon de l’expression que je ne puis changer. — Et puis quoi ! les imprimeurs n’ont-ils pas toujours à la bouche des fonds-de-lampe, et les cuisinières des fonds d’artichauts ? Ne dit-on pas couleur fond de bouteille, noir comme le fond de la poêle ? Certain oiseau de terre ne s’appelle-t-il pas fond-blanc, et certain oiseau de mer paille-en-fond ? Quand on fait la moue ne fait-on pas la bouche en fond-de-poule ? Ne savez-vous pas que le brave Vendôme se désolait de mourir la paille au fond ? Les dames ne portent-elles pas des faux-fonds, encore qu’il y ait quelque chose de vrai au fond ? Scarron n’était-il pas fond-de-jatte ? Molière ne dit-il pas : « Un fond de couvent me vengera de tout cela » ? Mme de Genlis n’écrivait-elle pas : « Si l’on porte encore des fonds, je vous prie de m’en envoyer deux » ? N’avons-nous pas tous lu, dans la Revue des Deux mondes, des articles de M. Foncheval-Clarigny ? Et la bonne religieuse ne disait-elle pas : « Je raccommode la fonlotte de M. le fonré » ?

Baiser à la religieuse. — Tous ceux qui ont pratiqué les jeux innocents (hum !) savent que c’est un baiser donné à travers les barreaux du dossier d’une chaise, figurant la grille du couvent. Je suppose l’expression répandue ailleurs qu’à Lyon.

BAISSER. — Il n’y a qu’à se baisser pour en prendre, pour dire qu’une chose est très commune. Des maris qui ne le sont pas, disait avec un juste orgueil la bourgeoise de mon maître d’apprentissage, c’est pas de ça qu’on peut dire qu’il n’y a qu’à se baisser pour en prendre !

BAISSIÈRE, s. f. — Bouteille que l’on a remplie avec le vin du fond de la bareille, et que l’on met communément dans le caquillon où se fait le vinaigre. Quand le caquillon est plein et qu’on a des baissières de trop, on peut les filtrer à la chausse. Cela fait encore du vin pour faire boire aux vogueurs lorsqu’ils apportent la brioche. — De baisser. Le mot est au Dict. de l’Acad., qui donne une définition peu exacte, en attribuant à la lie le nom des bouteilles pleines de cette lie. Notre sens est celui de Rabelais : « Quelques méchantes baissières pour le vinaigre. »

BAJAFLE, s. des 2 g. — Qui est accoutumé de bajafler. — Subs. verbal de bajafler.

BAJAFLER, v. n. — Parler ou agir inconsidérément. Un jour Ricot, impatienté des observations de son ami Godinard, lui répondit brusquement : Te bajafles ! De quoi l’autre se blessa. Mais, fit Ricot, je ne t’ai pas dit (brusquement) : te bajafles ! mais (avec des modulations et finissant amoroso), te ba… ja… fles !Alors ! fit Godinard, c’est différent ! — Onomatopée d’une parole mâchonnante, avec le préfixe péjoratit ba. Comp. milanais bajaffa, même sens.

BALADE, s. f. — Promenade, avec l’idée de flânerie. J’ai vu un jour à la Guillotière cet écriteau : À vendre, voiture de balade. On comprenait tout de suite qu’il ne s’agissait ni d’un tombereau, ni d’un fiacre de Venissieux.

BALADER (SE), v. pr. — Se promener en flânant. En littérature il faut peser les mots. Se balader n’est pas la même chose que se bambaner. Quand on se balade, on est guilleret ; quand on se bambane, on va plan plan ; quand on est vieux comme moi, on se lentibardane. — De baller, parce qu’on va en se balançant comme à la danse.

BALADOIRE, adj. — Fête baladoire, Vogue. — De baller, parce qu’on y danse.

BALAN, s. m. — 1. Action de se balancer. Une cloche qui prend le balan.

2. Être en balan. — Être perplexe. Un de mes bons amis, allant pour se marier, hésitait entre deux partis : Je suis en balan comme un chat entre deux melettes, qu’il me disait tout pensif. — Vieux prov. balans, perplexité. Pour le sens 1, de baller ; pour le sens 2, de balancer.

BALANCES. — Nous employons toujours ce mot au pluriel : J’ai acheté des balances… Les Balances de la Justice. C’est l’idée des deux plateaux qui s’est étendue à l’objet.

BALAYER. Voy. à Parterre.

BALAYETTE, s. f. — 1. Petit balai de crin qui sert communément à balayer la foyère.

2. Petit balai de jonc, qui, parlant par respect, sert à approprier les thomas.

N’est-il pas bachique vraiment qu’un diminutif si naturel de balai ne soit pas au Dict. de l’Acad. ? M. Alph. Daudet ne s’est certainement pas douté qu’il écrivait lyonnais dans cette phrase de Tartarin : « … Des charrettes suivies d’un régiment de femmes et d’enfants avec des balayettes… » On peut donc dire balayette, mais il est encore mieux de dire baliette, de balier.

BALIER, v. a. — Balayer. Que faites-vous, Marie ? — Madame, je suis après balier la souillarde. — Marie, ne dites donc pas balier, mais balayer. Je vous l’ai déjà dit cent fois. On croirait que vous êtes chez des gens qui n’ont pas reçu d’instruction !

Eh bien, Marie, répondez : « Madame, je ne veux pas nier que ie ne scay ou désormais on se pourra fournir le langage françois qui soit mettable par tout, veu que de iour en iour les bons mots sont descriez entre ceux qui s’escoutant pindarizer à la nouvelle mode, barbarizent aux oreilles de ceux qui suivent l’ancienne, » comme disait M. Henri Estienne. Et Madame aura bien confiance au Révérend Père Monet, le coopérateur de saint François de Sales dans sa mission du Chablais, et, par après, professeur au collège de la Trinité de Lyon, qui dans son Parallèle des langues françoyse et latine, dit : « Balai, ramasse, outil pour balier : hoc everriculum… »

Donc, ainsi répliquez, honnête Marie. Que si, par extraordinaire, Madame vous demandait qui vous a renseignée : « Madame, répondrez-vous hardiment, on me l’a dit à la plate. »

BALIURES, s. f. pl. — Balayures. Vieux franç. balieures.

BALLE, s. f. — 1. Corbeille d’osier ou de jonc tressé, de forme ronde, pour le transport des légumes, fruits, sable, mortier, etc. La balle des maçons est une fois et demie la contenance du benot. La balle à lessive est très grande, de forme oblongue, en ambre écorcée.

2. Berceau des mamis, avec capote et arçons. L’objet a pris le nom de balle, parce qu’il est fabriqué avec la matière de la balle n° 1.

3. Paume élastique.

4. Balle empoisonnée. Sorte de jeu de paume.

Le sens primitif est celui de paume. Puis le sens a passé aux autres objets à cause de leur forme arrondie.

BALLON, s. m. — Uva crispa. Sorte de groseille énorme à grain unique. À Paris, ils le nomment groseille à maquereau. Le lyonnais au moins est honnête. — Augmentatif de balle.

BALLOUFFE, s. f. — Enveloppe floréale de l’avoine, employée pour faire des paillasses, surtout pour les mamis. Les mamans prétendent qu’elles filtrent beaucoup mieux les superfluités de la boisson que la paille, qui se pourrit. — De balle, au sens de balle des grains avec un suffixe ouffe, qui exprime le gonflement, le souffle de la chose, comme dans pouf, touffe.

BALLOUFFIÈRE, s. f. — Paillasse de ballouffe. J’ai sous les yeux la note du trous- seau d’une de mes parentes, « remise à la nourrice le 6 may 1808 ». J’y vois figurer « deux ballouffières ».

BALME, BARME, s. f. — Coteau à pente escarpée. Nous avons à Lyon les balmes des Étroits, les balmes de Saint-Clair et, à Villeurbanne, les balmes viennoises. L’auteur de l’Histoire et Miracles de N.-D. de Bonnes-Nouvelles écrit : « Mais quand il fut à la rive du costé du Dauphiné, furent les barmes si très hautes et droictes, qu’il ne peut sortir de la grosse rivière… » — De balma qui, en bas latin, avait le sens de grotte ; puis le sens a passé de la grotte dans l’escarpement à l’escarpement lui-même.

BALMER, BARMER, v. n. — Terme du très noble jeu de boules. C’est prendre un chemin détourné, monter sur une éminence (balme), pour redescendre sur le but.

S’emploie aussi pour tituber : I m’aviont si tellement fait boire, qu’en rentrant je balmais. L’idée est : monter sur les talus au lieu de marcher droit.

BAMBANE, s. des 2 g. — 1. Musard. Quand j’étais apprenti mon bourgeois disait que si je n’avais pas été si bambane j’aurais fini par faire un canut ni bon ni mauvais, un canut raisonnable.

2. s. f. Action de se bambaner. Arm. Fraisse cite la réponse que lui fit la jeune Jeannette Raffin, habitante de Charbonnières, alors âgée de quatre ans (elle doit en avoir présentement trente-six). « Où est ton père, Jeannette ? — À la bambane, pardi, pisque c’est dimanche. » Subs. verbal de se bambaner.

BAMBANER (SE), v. pr. — Flâner lentement, baguenauder. Mon bourgeois, qui était un moraliste, disait qu’il valait mieux s’occuper honnêtement à boire que de perdre son temps à se bambaner sans rien faire. C’est très juste. « Bambane-toi, mais ne t’enrouille pas, » dit un canut à sa navette dans une jolie chanson d’Ét. Blanc. — Du franç. populaire banban, boiteux, parce que, lorsqu’on se bambane, on marche en se balançant. Le mot banban doit venir lui-même de banban, cloche dans le langage enfantin, d’où bambaner, clocher, boiter. Comp. l’espagnol bambanear, vaciller.

BANBOCHE, s. f. — Pantoufle fourrée. L’hiver, à la ville, au coin du feu les bamboches, mais à la campagne les escarpins en peau de bois. — Corrompu de babouche. D’évidence le mot date du XVIIIe siècle où les turqueries furent mises à la mode. On ne connaissait pas très bien la babouche, mais la bamboche, si bien. D’où la substitution. Le sens aussi est dérivé, la bamboche élant en réalité une pantoufle et non une babouche.

BAN, s. m. — Sorte d’applaudissement collectif. Il y a deux sortes de ban : le ban chanté, le ban battu. Le premier se dit lorsque, dans un diner, un des convives vient de chanter une chanson. Un autre convive se lève alors et chante le couplet du ban. Puis, à la reprise, tous les convives chantent tra la la… (tra la la, c’est l’appplaudissement) sur le même air :

[partition à transcrire]

Mais sans doute qu’on a trouvé un peu banal ce couplet final de vaudeville et le plus souvent un convive chante, toujours sur l’air précédent, un couplet connu, mais sans rapport de sens avec ce qu’on vient de chanter. Par exemple un des convives, voix de ténor léger, vient de moduler avec tendresse :

Ce qu’il me faut à moi, quand la brise du soir
S’éveille avec amour au fond de la vallée.

Ou bien :

Dans ton vol joyeux et rapide,
Où t’en vas-tu, petit oiseau ?
Tu t’en vas et l’amour te guide, etc.

Un des convives entonne alors le Ban de la Canuse, que je reproduis ici en changeant un mot, rapport à la pudeur :

Un’ canuse très honnête,
Que logeait près de Saint-Just,
A laissé prendre une canette
Dans le Quentin de sa vertu.

Chœur
Tra la la, Tra la la, etc.

Maintenant un ban sur un autre air favori. Celui-ci se chante surtout après la romance : Connais-tu le pays où fleurit l’oranger ?

[partition à transcrire]

Voici, sur le même air, un autre ban qui, dans sa touchante simplicité, dit tout ce qu’il est nécessaire de dire :

Il a fort bien chanté,
Buvons à sa santé !
Buvons, buvons à sa santé !
Il a fort bien chanté.
Tra la la…

Le ban battu a dû être le ban primitif, ainsi que l’indique l’étymologie, qui doit être une onomatopée, et non ban, publication à son de trompe. Le ban chanté est une extension. Son usage tend malheureusement à disparaitre, et l’on se contente le plus souvent du ban battu, en rythmant les battements de mains de la manière suivante :

[partition à transcrire]

On articule quelquefois les temps : un, deux, etc. D’autres fois on se contente de frapper en mesure. Lorsque, dans un salon du grand monde, une dame vient de jouer du piano, la courtoisie exige que la réunion batte un joli ban. C’est du moins ce que dit Mme la comtesse de Bassanville dans sa Science du monde.

BANC. — Vieux comme un banc. Madame la baronne de Pouillevaisse a dû être fort belle. C’est dommage qu’elle soye vieille comme un banc ! Je n’ai jamais compris cette métaphore. Les bancs, c’est comme les femmes ; s’il en est de vieux, il en est de jeunes.

Banc de menuisier, Établi. Ce sens s’explique par ce fait, que le vieux haut allem. banch signifiait aussi table. Aussi l’allemand a-t-il Werkbank, établi.

Banc de tisane ou Pied humide. Échoppe où l’on vend du coco l’été, et l’hiver des bavaroises chauffées, sucrées, un sou le verre. Elle se compose d’un comptoir revêtu d’étain, abrité d’un toit. L’échoppe a un fond, parfois orné d’une belle glace. À droite et à gauche, des côtés en bois pour abriter la bonne femme des courants d’air. Sous ses pieds, un plafond en bois pour l’élever et lui tenir les pieds au sec. L’hiver un réchaud avec un cornet de poêle fumant au-dessus du toit. Le réchaud porte une vaste bouilloire à robinet. Avec le développement écrasant du luxe, on a joint à la vente du coco l’été celle des glaces à deux sous. Les plus beaux bancs de tisane étaient rangés en files sur la place des Jacobins. À Bellecour, le banc de tisane À la Renommée portait, tirée en peinture, une belle Renommée jouant de la trompette. Vers 1840, il y avait là tous les soirs une énorme affluence. Un M. Grabowski, gentilhomme très original, très spirituel, de séjour à Lyon, se loua au banc de tisane comme garçon, pour faire des études de mœurs.

BANCANE, s. des 2 g. — Qui a les jambes en manches de veste. — C’est bancal influencé par cane, parce que la cane boite.

BANCHÉE, s. f. — Hauteur de pisé comprise entre deux rangs de banches successives. Cette hauteur est de 20 pouces de ville, ou 68 cent. 5, arrondis à 70. Sur chaque banchée on étend une lèche de mortier avant de recommencer à piser.

BANCHES, s f. pl. — Terme de construction. — Deux fortes planches, de 2 mètres de long environ par 83 cent. de hauteur, constituent les banches, entre lesquelles on jette la terre pour piser. La hauteur répond à deux pieds de ville qui font 83 cent. et une fraction. De bâche au sens de caisse.

BANDE. — La bande de Bourgneuf (Bourneuf). C’était la bande de masques la plus célèbre du mardi-gras, formée par les habitants du quartier de Bourgneuf. Elle primait toutes les autres par le nombre aussi bien que par la beauté. Au fig. se dit d’une musique enragée : Que don que c’est que cete bande de Bourneuf qu’on entend ?La bande des souffleurs. C’était la seule bande du mercredi des cendres. Elle était formée par les hommes de rivière et composée uniquement de souffleurs, c’est-à-dire d’hommes en entiers vêtus de blanc : pantalons blancs, chemise blanche, bonnet de colon blanc, le tout sortant de chez la repasseuse. Chacun portait en bandoulière un soufflet attaché par un large ruban bleu. À la fin de la bande, on portait un mannequin représentant Mardi-Gras mort qu’il fallait ressusciter. Les progrès de la science moderne ont constaté que les souffleurs étaient dans le vrai et que l’unique moyen, dans certains cas, de rappeler Les défunts à la vie, c’est encore l’insufflation. Malheureusement, les souffleurs avaient beau souffler, ils n’ont jamais réussi.

Bande de lard. « Ce qu’on a levé de l’un des côtés du cochon, depuis l’épaule jusqu’à la cuisse. Dites flèche de lard. » (Molard). Et pourquoi ? cela ressemble à une flèche comme le cul d’une bareille. Bande est ici tellement le mot propre que Littré est obligé de l’employer dans la définition : « Flèche, bande levée depuis l’épaule jusqu’à la cuisse du porc. »

BANDE, s. f. — Terme de batellerie. Les membrures des bateaux sont réunies entre elles à leurs extrémités par deux moises. Ges moises et les abouts des membrures entre deux forment ce qu’on appelle la bande, c’est-à-dire un petit chemin étroit sur lequel courent les mariniers, plus à leur aise que nous sur nos parquets.

BANDIT, adj. m. — C’t enfant est un bandit. Cet enfant est vif, alluré, bougeon.

BANQUE, s. f. — 1. Énorme table longue, rectangulaire, sur laquelle les marchands vendent leur marchandise. Je connaissais un honnête marchand, lequel devait devenir un jour président du tribunal de commerce, s’il vous plaît, et qui, pour tout l’or du monde, n’aurait voulu dire un mensonge. — « Mais enfin, lui disais-je, quand vous êtes à vendre un rossignol de quatre ans, et que la dame vous demande si c’est nouveau, que répondez-vous ? — Rien que la vérité : Madame, la marchandise vient d’arriver ! J’ajoute en moi-même : sur la banque. »

2. Harnais du métier. C’est une tablette placée à la portée de la main, à chacun des pieds de devant du métier, et qui soutient le caissetin (v. ce mot) où sont les canettes.

BANQUETTE, s. f. — 1. Petite planche mobile, attachée d’un bout par une corde au pied du métier et sur laquelle le canut s’asseoit pour travailler. Les bouts reposent sur deux taquets cloués contre les pieds du métier que l’on nomme les orillons. Tel est le développement effréné du luxe qu’il y en a maintenant qui clouent un morceau d’étoffe de laine sur leur banquette, à seule fin qu’elle soit de complexion plus aimable pour la région coccygienne. Ah ! c’est à mon bourgeois qu’il eût fallu parler de ça !

2. Terme de construction. Appui ou défense en fonte ou en fer forgé, que l’on met aux fenêtres dont la coudière est trop près du sol pour défendre suffisamment des chutes.

BAPTISTE. — Tranquille comme Baptiste. Ce Baptiste, au commencement du siècle, était un bon canut moyenné, qui chaque soir faisait sa partie dans un petit vinaigre de Saint-Just. Certain jour un voisin vint le prévenir que la bourgeoise était en conversation animée avec le compagnon (il avait regardé par la chatière). — J’irai voir après la partie, qu’il fait. Le voisin part, revient presque immédiatement, disant que ça s’était aggravé, et suppliant le canut de ne pas tarder davantage. — Allons, dit Bapliste, paisiblement, tiens voire mes cartes un moment ! on y va voir. Cinq minutes après quoi il reparait. — Eh bien ? — Eh, c’était ben vrai ! — Et qu’as-tu fait ? — J’y ai dit comme ça à la Josette : « Est-ce que tu es en rêvation ? » Oh, alle a ben compris qu’alle était dans ses torts ! elle s’a tiré de côté tout de suite. — D’où le dicton : tranquille comme Baptiste. Allez et faites de même.

BARABAN. s. m. — Taraxacum dens leonis. Ah, fichtre, c’est bien plus commode de dire Pissenlit ! — De barbanum, de barba, probablement à cause de ses têtes à aigrettes poilues.

Chemin de Baraban, aux Brotteaux. Le nom vient d’une terre qui appartenait aux hospices, et avait sans doute reçu ce nom des barabans qui s’y trouvaient. Ce quartier portait le nom de Corne-de-Cerf.

BARAFUTES. s. f. pl. — Choses de rebut. Les vieilles drouilles, les vieux grollons, les vieux bugnes, les vieilles ferrailles rouillées, les saladiers berchus, les thomas fèlés (évitez de vous servir des thomas fèlés, Mesdames !), les fourchettes de fer auxquelles il manque trois dents, les tupins graillonnés, mettez-moi voire tout ça aux barafutes ! — D’un thème fute, caractéristique de babioles, brimborions, qu’on trouve dans fufu, et dans le berrichon bafuter, faire fi ; plus le préfixe péjoratif bar.

BARAQUE. adj. — Patraque. Je suis toute baraque. — Fait par analogie de son avec patraque, sous cette idée du peu de solidité d’une baraque.

BARAQUETTES. s. f. — Escarpin découvert extrêmement mince, dont l’empeigne est le plus souvent, comme celle des souliers bronzés, en étoffe veloutée. Lorsque M. le préfet Ducros vint à Lyon, en 1872, les Lyonnais ne faillirent pas à remarquer qu’il sortait d’ordinaire en baraquettes, manquablement parce qu’il avait des agacins. — De barquette, à cause de l’absence de talon qui donne une analogie (lointaine) avec une barque.

BARBABOU, s. m. — Tropodogon pratense ; j’aime autant dire salsifis blanc, espèce de doigt-de-mort, dont les gones, par les champs, font avec délices craquer sous la dent les longues pousses. — De Barbe à bouc, à cause des filaments allongés qui sortent de l’involucre lorsque la fleur est tombée.

BARBE. — Tant que la barbe en fume. V. fumer.

BARBES, s. f. pl. — Se dit des moisissures filamenteuses, et, par extension, des moisissures en général. Vé, Françon, ton raisiné qu’a de barbes !

BARBOTAGE, s. m. — Eau blanchie avec du son, que l’on donne aux chevaux. C’est une plaisanterie déplacée de dire, comme font quelques-uns, à une dame à côté de laquelle on dine, en lui offrant une assiettée de soupe de pâte : Le barbotage de Madame ! Cela ne serait supporté que dans une grande intimité.

BARBOTON. — Truffes en barboton, Pommes de terre à l’étuvée. — De ce qu’elles gongonnent en cuisant sous le couvercle.

BARBOUILLÉ, ÉE adj. — Qui a mal au cœur : Je suis toute barbouillée, ce matin. — C’est p’étre un miaille que vous bouligue. On dit aussi embarbouillé. Même sens.

BARBOUILLON, s. m. — 1. Léger, inconsidéré, qui revient sur sa parole.

2. Quelqu’un qui fait mal sa besogne, ignorant. Rousseau, dont la langue était émaillée de locutions genevoises, si souvent communes avec les nôtres, l’emploie dans ce sens : « Il était vraiment musicien, et je n’étais qu’un barbouillon. » Le français eût exigé barbouilleur.

BARBUE, s. f. — Jeune plant de vigne : enraciné. On donne aussi ce nom à des chapons que l’on plante dans le sable, dans une cave. — De barbe, à cause du chevelu de la racine.

BARDANE, s. f. — Cimex lectularius, punaise des lits. En latin, c’est presque gracieux. Une plaisanterie, jadis fort en usage, consistait à mettre du poil à gratter dans le lit des nouveaux mariés. J’ai vu remplacer le poil à gratier par une douzaine de punaises des bois (scutellera), qui sont énormes et très parfumées. Cela intrigue les nouveaux mariés, qui se soupçonnent mutuellement. Comme les scutellères ne nichent pas dans les lits, cette plaisanterie est inoffensive en même temps que spirituelle.

Plat comme une bardane à genoux. Très plat.

Bardane, en vieux franç., était une couleur noir rougeâtre. L’insecte a pris le nom de la couleur.

BARDANIÈRE, s. f. — Carré d’ambre tressé, fait le plus souvent du dessus d’une de ces balles carrées qui servent à serrer le linge. Les gens propres et soigneux le placent sous le matelas, pour autant que l’osier attire les bardanes. De mon temps à la Croix-Rousse, de bon matin chaque bourgeoise secouait sa bardanière sur le carré. On entendait à chaque étage pou, pou, pou ; puis fitt ; c’est le glissement du pied. Gare au commis de ronde qui va visiter les métiers car il s’en perd toujours quelque peu.

BARDELLE, s. f. — La bardelle devrait être la femelle du bardot, comme la vedelle est la femelle du veau, mais Bardelle est simplement le nom propre de la plupart des ânesses, comme Martin est celui des ânes. Oyez les laitières s’en retournant à Sainte-Foy, perchées sur leurs ânesses et tricotant leur bas, durant que les bertes vides font dran dran dans les paniers. À chaque minute c’est : Hue, Bardelle, hue ! — De barde, espèce de selle grossière en toile et bourre, sans arçons, que l’on mettait plus volontiers sur les mulets et sur les ânes.

BARDET, s. m. — Forme de bardot. — Tôt ! bardet ! Tôt !

BARDOIRE, s. f. — Hanneton. La bardoire qui comple ses écus. — Se dit quand elle remue ses antennes par intervalles réguliers auparavant que de s’envoler comme un caissier qui compte son argent avant de partir pour Bruxelles, et qu’elle se coufle comme quelqu’un qui bourre son sac de nuit.

Figurément, lourd, benêt, lambin. Quelle bardoire que cette Perroline, elle compte ses écus avant de remonder chaque bouchon.

Le patois dit bourdoiri, bordoiri, d’une onomatopée bour, qui vise à reproduire le bruit du vol de l’insecte, et qu’on retrouve dans bourdon. Bourdoiri est devenu bardoire à Lyon. La bardoire est donc littéralement une machine à bourdonner, la bourdonnante.

BARDOT, s. m. — Non, comme pour les savants, le produit d’un cheval et d’une ânesse, mais simplement un mulet de petite taille. — Au fig. souffre-douleur, parce que l’on fait porter au bardot tous les fardeaux. Le Pothin est le bardot de la Glaudine, la Glaudine se moque de lui, lui en fait endurer.

BAREILLE. s. f. — Pièce de vin contenant environ 220 litres. — Le même que le kymri baril et le gaëlique baraill. Comme ces mots se rattachent à une racine celtique bar, branche d’arbre (comp. fût, tonneau et bois), il est à croire qu’ils n’ont pas été importés du roman et que bareille a bien une origine celtique.

Avoir l’esprit pointu comme le cul d’une bareille. Métaphore polie pour dire d’une personne qu’elle n’est pas l’auteur que les grenouilles n’ont pas de queue.

BARETTE, BAROTTE, BARIOTTE, s. f. — Brouette. C’est lorsque Jean Brunier (prononcez Bruni) avait, parlant par respect, à transporter du fumier, que c’était champêtre ! Au retour on se mettait dans la bariotte vide, et il vous charriait gratis jusqu’au cuchon. On revenait à pied, pour recommencer, parlant par respect, tant qu’il y avait du fumier. Et l’on s’amusait mieux qu’aujourd’hui avec un vélocipède de quinze cents francs.

Dans l’ordonnance de police de 1672 on trouve la forme barotte : « Défenses sont pareillement faites à tous Iardiniers, Iardinières et Revenderesses d’herbage d’occuper les places de sainct Nizier, ni des Changes, avec leurs animaux ou barottes. » De bis-rota, la brouette était primitivement à deux roues.

BARFOUILLAGE, s. m. — Action de barfouiller ; conséquence de l’action de barfouiller. Avec leurs cancans, leurs cotters, leurs piapias, leurs potins, les femmes ne sont bonnes qu’à faire des barfouillages qui, par après, sont cause de la brouille d’honnêtes gens.

BARFOUILLE-BACHAT, s.m. — Expression figurée, généralement réservée à la poésie lyrique. Bredouillon, dans la plus haute expression du mot. Mot à mot le barfouille-bachat est celui qui barfouille dans un bachat, comme ferait, parlant par respect, un habillé de soie.

Possible, voyez-vous d’ici parmi vos connaissances plus d’un barfouille-bachat. Nommer personne serait délicat. Mais ne sont-ce pas des barfouille-bachats que ces gens persuadés que l’instabilité perpétuelle de la loi est le meilleur moyen de donner au peuple le goût de la légalité ; que de supprimer le religion et la morale est le meilleur moyen de rendre les hommes justes et bons ; que de supprimer le capital est le meilleur moyen d’enrichir le travail ; et qu’il n’est tel que l’anarchie pour assurer l’ordre ? — Voulez-vous que je vous le dise ? J’ai toujours pensé que le Peuple Souverain est le premier des barfouille-bachats. — Mais ça, c’est défendu de le dire. Il faut se contenter de le penser.

BARFOUILLER, v. n. — Fouiller dans un liquide malpropre, comme, parlant par respect, un cayon. Une supposition que vous voyez M. votre fils à table qui ne mange pas rigoureusement selon les lois édictées par Mme la comtesse de Vatenville dans sa Science du Monde : Petit cayon, lui direz-vous avec douceur, auras-tu bientôt fini de barfouiller dans ta soupe de gaude ?

BARFOUILLON, s. m. — Expression du même genre que barfouille-bachat, mais plus noble, et employée de préférence dans les discours académiques et les oraisons funèbres.

BARGINGESSES, s. f. pl. terme de canuserie. — Les pesouts que les bons canuts mettent dans la caisse de la bascule, à cette fin de la charger et de tenir la longueur tirante. — Si je sais d’où vient ce drôle de mot, je veux bien donner un baiser à Louise Michel.

BARICOLER, v. a. — Rayer de plusieurs couleurs, avec sens péjoratif. À la gare de la Ficelle : Vois don c’te grosse pontiaude, avè ce châle baricolé : y est-i pas la Mariette ? Si c’est pas, parlant par respect, la gandouse que monte à cheval ! — Corrupt. de barioler, sous l’influence de barre et de couleur, en patois colou. On a vu dans baricoler l’idée de faire des barres de diverses couleurs.

BARILLET, BARILLON, s. m. — Petit baril. — Nom d’homme, Barillon, membre du Conseil municipal sous Louis-Philippe et qui s’occupa beaucoup de questions de chemins de fer.

BARITEAU, s. m. (vieilli). — Tamis. — de buratare, cribler. On le trouve fréquemment dans les textes. J’ai quelque vague souvenir d’avoir entendu ce mot dans mon enfance, lorsqu’à Sainte-Foy, l’on voulait tamiser de la farine. Le diminulif barutellière est resté dans nos patois sous la forme barutelliri.

Nom d’homme, Baritel. Thierry, le photographe, avait épousé Mme Juliette Baritel.

BARRIQUOT, s. m. — Petit baril. — Diminutif de barrique.

BARJAQUE, s. f. — Personne qui a l’habitude de barjaquer. — Subst. verbal de barjaquer.

BARJAQUER, v. n. — Bavarder, jacasser de façon oiseuse ou inconsidérée. Ma bourgeoise barjaquait tout le temps en faisant ses canettes. — D’un supposé barjar, qui existe dans barja, en bas dauphinois parler, el en prov. bavarder ; à Plaisance barciacla. Barja est formé lui-même sur le prov. barja, bouche.

BARMAYER, v. n., terme du jeu de boule. — C’est un fréquentatif de balmer (voy. balme, barme).

BAROT, s. m. — Petit tombereau. — De bisrota, comme barotte (voy. burette), dont barot est le masc.

BAROULER, DÉBAROULER, v. n. — Rouler du haut en bas. Mon père me racontait qu’au XVIIIe siècle, on avait, une nuit, épié le moment où le Guet montait l’escalier du Change pour faire débarouler du sommet une barrique à demi remplie de cailloux. Je ne sais si le Guet fut atteint, mais cela dut faire un joli boucan. « Les escayiés de bois étiont mouillés et pleins de bassouille ; elle glisse et baroule jusqu’au quatrième. » (Calamitances). — C’est rouler, avec le préfixe péjoratif ba. Dans débarouler on a préposé à barouler le préfixe intensif (comp. défaillir).

BARQUETTE, s. f. — Les barquettes étaient des barques qui faisaient le service des ports riverains tels que Vienne, Saint-Vallier, Trévoux. La barque, de faible grandeur, avait une proue relevée, et, à l’arrière une cabine, sur le toit de laquelle se tenait le patron manœuvrant l’empeinte. Elles ne faisaient guère que le service des marchandises.

Sorte de pâtisserie. — Hélas ! le mot figurait bien sur mon manuscrit. Je l’ai sauté en me recopiant !! Aurais-je pu ne pas me rappeler que la première fois que, toutenfant, j’entendis le nom de cette pâtisserie craquante, mince, sèche, d’une belle couleur dorée, et qui a la forme (approximativement) d’une petite barque cabossée, j’étais chez Boinon (celui de la rue Clermont). Survint le digne père K’na, le soyeux, ainsi nommé, parce qu’il était affligé d’un enchifrènement chronique qui lui faisait faire à cha-phrase un raclement de l’arrière-gorge et du nez, représenté par cette onomatopée. Sa dame l’accompagnait, K’na, dit le bonhomme, veux-tu un pain au lait ? — Non ? — K’na, veux-tu une tartelette? — Non ! — K’na, veux-tu une brioche ? — Non ! — K’na, veux-tu un craquelin ? — Non ! — K’na, veux-tu une barquette ? — Non ! — K’na; ben, prends une bonne…

BARQUOT. s. m. — Petit batelet. — Fait sur barque, manquablement.

BARRE. — La barre du cou, Les vertèbres cervicales. Se rompre la barre du coù est un accident grave.

BARREAUDAGE, s. m. — L’ensemble des barreaux de fer défendant une ouverture. N’est-il pas invraisemblable que ce dérivé si simple et si nécessaire de barreau n’existe pas au Dict. de Acad. ?

BARREAUDER, v. a. — Garnir une ouverture de barreaux. En 1539, une ordonnance du Prévôt porte que les fenêtres existant dans la muraille d’Anse seront « solidement barreaudées ».

BARRER, v. a. — 1. Chaucher la vendange dans la cuve à l’aide d’une barre.

2. Porter obstacle, rendre les efforts inutiles. C’est le manque d’escalins que fait que je suis barré. On dit aussi embarrer.

BARRIÈRE. s. f. — Avez-vous vu le nouveau château de M. le comte de Merluchier ? — Oui, y a une barrière de fer qu’on n’a pas rien eue pour des noyaux de prune. — Paraît que c’est une faute et qu’il faut dire une grille. — Je ne puis saisir pourquoi une barrière, dont le nom est dérivé de barre, doive être nécessairement en bois plutôt qu’en fer. Alors comme alors, on peut bien dire une barre de bois, mais non une barre de fer ?

BARTASSERIE, s. f. — Ensemble des ustensiles de cuisine. As-te vu la bartasserie de la Barnadine ? C’est un thomas barchu que lui sert de lichefrite. — De barta, en patois pot de terre, avec un premier suffixe péjoratif asse, comme dans tetasse, et un second suff. collectif erie, comme dans sampillerie.

BARTAVELLE, s. f. — Personne qui barjaque sans cesse. Le père Faganat, qui était un artiste en mécanique, disait qu’il avait trouvé le mouvement perpétuel. Mais tandis qu’il avait mille inventions pour faire partir la mécanique, il n’avait jamais pu en trouver une pour l’arrêter. C’était la langue de sa femme. — Du vieux franç. vertevelle, verrou, et aussi crécelle formée d’une planchette sur laquelle était adaptée une anse mobile qu’on faisait battre en agitant la planchette. C’est la crécelle des marchandes d’oublies.

BAS, s. m. — Petit cabinet borgne au rez-de-chaussée. Quand j’étais apprenti, on avait mis l’apprentisse coucher sus la suspente et le compagnon dans un petit coin au rez-de-chaussée, rapport à la décence. Le compagnon ronchonnait. Il disait qu’y avait tout plein de bardanes, mais c’était pour ce qu’il aurait voulu coucher sus la suspente, le gone ! Voilà comme ça que, tout par un jour, s’amène le père Compasteur, de la rue Saint-Denis. Après avoir fait de compliments au bourgeois sur la bonne tenve de l’atelier : Mais où couche le Joset, qu’il fait ? Oh moi, dit le Joset, d’un air d’avoir deux airs, i me font coucher dans un bas ! Le père Compasteur aimait à couyonner, comme en partie tous les vieux canuts : Comment, qu’il fait, te couches dans un bas ! ah, par exemple, te me feras pas croire celle-là ! Y aurait jamais de bas assez grand. — Oh, c’te grande bugne qui croit que je couche dans un bas ! fit le Joset d’un air de pitié ; mais c’est pas un bas qu’est un bas, comprenez don ! C’est un bas qu’est une cadolle ?

Le bas de la Grand’Côte. Voy. Grand’ Côte.

À bas. — Quand le métier est à bas, c’est quand il n’y a plus, hélas ! de pièce à donner chez le fabricant. — À bas ! dernier mot de tout. Beaux amoureux, vous ne songez guère qu’un temps viendra où vous n’aurez plus d’huile dans le chelu, rien que des canettes ébôyées dans le caissetin. — Métier à bas ! — Politiciens qui vous gonflez comme des haricots crevés, un jour vous serez renversés, ef qui pis est, oubliés ; Métier à bas ! Et tous, riches comme le père Crépin ou pauvres comme Bibasse, le métier sera à bas, un jour que l’on aura fabriqué sa dernière longueur, la plus malaisée, pleine d’écorchures et de bouchons.

Et mourut Paris et Heleine.
Quiconque meurt, meurt à douleur.

Puisque c’est un faire le faut, ami lecteur, puisse au moins ton métier n’être à bas que le plus tard possible !

BASANE, s. f. — 1. Grand tablier de peau que les paysans revêtent au travail pour protéger leurs vêtements. — De l’espagnol badana, cuir corroyé.

2. Peau du ventre.

Ô fortuné papa de la belle Susanne,
Et vous mère, à qui elle ébarchit la bazane !

dit le prophète Daniel dans la Châste Suzanne.

Crever la basane, Crever la peau du ventre, par exemple, d’un coup de sabre.

Se faire tirer la basane', Manger fortement. J’ai tellement bien diné que j’ai cru que la basane m’en petait.

BASCULE, s. f. — Harnais du métier de canut. Bascule à besace. Elle se compose d’une caisse en bois, longue, remplie de pesouts et faisant équilibre à deux grosses pierres (ou à des poids de fonte), que l’on nomme poids ou contrepoids, suspendues à deux cordes enroulées deux ou trois fois autour de l’ensouple ou rouleau de derrière. Les cordes se nomment cordeliers.

Cet appareil, par le frottement, empêche l’ensouple de tourner trop facilement et tient la chaine tendue. Le nom de besace vient de ce que la caisse est considérée comme une besace où l’on met des pierres, comme des morceaux de pain dans la besace d’un gueux.

Bascule montante. — C’est la bascule à besace avec cette différence que la corde étant fixée sur le rouleau à un pedone ou dent de bois, la bascule monte à mesure que la longueur avance. Quand elle va pour toucher le rouleau, on la fait redescendre. Cette bascule ne donne pas les petites secousses que donne la bascule à besace ordinaire.

La bascule à besace était celle de notre atelier, et je crois bien que c’était la seule usitée alors ; mais il est plusieurs autres types, fondés sur le principe du levier. Dans l’un la bascule se compose d’une corde fixe, qu’on appelle talon, tendue parallèlement au rouleau et en dessous de lui. Au talon, près du pied du métier, est attachée perpendiculairement une autre corde qui s’enroule deux ou trois fois autour du rouleau, puis vient se boucler sur un levier à coches, mobile autour d’un point fixe. Le levier tire sur la corde au moyen d’un poids à son extrémité. C’est, on le voit, un levier du 2e genre. Cette bascule permet, en avançant ou en reculant le poids sur le levier, comme dans la romaine, de graduer la tension de la chaine. — D’autres fois le talon, au lieu d’être une corde, est simplement un crochet en fer fixé au pied du métier.

Bascule à rouleau. — Elle consiste dans un petit rouleau, placé sur l’ensouple, et qui lui est parallèle. Au milieu de ce rouleau est fixé un levier qui porte un poids, comme dans le type précédent. Sur ce rouleau sont fixées les extrémités de deux cordes qui s’enroulent deux fois autour de l’ensouple et dont les extrémités opposées sont attachées à une barre immobile en dessous du petit rouleau. Le levier agit sur la tension des cordes et celles-ci sur le déroulement de l’ensouple.

On voit qu’en définitive les bascules sont des freins, dont les trois derniers types sont actionnés par des leviers. Il existe une troisième sorte de bascule, nommée valet à frottement (voy. ce mot).

BASILE, s. m. — Imbécile, niais, mais non « fourbe ». Vraisemblablement une fausse interprétation de la signification du mot depuis Beaumarchais.

BASSIEUX, s. m. — Terme méprisant qui s’applique de préférence aux jeunes gens. Homme sans consistance. La petite Colarde, qui avait quinze ans, disait toujours qu’elle ne voulait pas épouser un bassieux, mais un homme sérieux, rassis. De quel âge, fis-je ? — Je veux qu’il ait au moins dix-huit ans. — Vieux franç. bassier, enfant, pupille, dérivé de bas.

BASSIN, s. m. — Poche ou casse en cuivre, avec laquelle les ménagères puisent l’eau dans le seau, et dont l’extrémité est recourbée, afin de pouvoir la suspendre. En partie toutes les bonnes boivent au bassin ; paresse de mettre l’eau dans un verre. Et c’est désagréable quand elles ont des boucharles.

BASSINET. — Cracher au bassinet, Poner, donner de l’argent. Métaphore tirée du service du mousquet, alors qu’il fallait mettre pour amorce un peu de poudre au bassinet, dont on fait ici une équivoque avec le bassin que l’on promène dans les quêtes. Quand M. X…, le riche fabricant, qui n’attache pas ses chiens avec des saucisses, maria sa fille, on passa le contrat chez M. Berloty. Papa, faisait le gendre après la signature, en tapant sur la cuisse de son beau-père, Papa, c’est le coup de cracher au bassinet !

BASSOUILLE, s. f. — C’est la boue la plus claire. Nous avons ensuite la gassouille, le gabouille, la patrouille ; lorsqu’on se mouille on se benouille ; quand on marche dans l’eau, on gaffouille, et quand on la brasse, on gadrouille. La piautre, la margagne sont d’autres qualités de boue. Quel riche climat ! — Subs. verbal de bassouiller.

BASSOUILLER, v. n. — Patauger dans la bassouille. — Du franç. souil, lieu bourbeux, plus le préfixe péjoratif bas. D’où souiller et bassouiller.

BASSOUILLON, s. f. — Soupe trop claire. « Que le nous fan mingi, après, leur bassouillon, » dit la Bernarde, la lavandière, des dames de Lyon au XVIIe siècle.

BATACLAN. — Le bataclan du merlan, Bataclan de mince valeur.

BATAFI, s. m., terme de batellerie ; BOUTAFI, terme de maçonnerie. — Bout de corde mince qui sert à relier deux câbles. Gare au batafi ! dit-on parfois au gone indocile. — Batafi est le frère du prov. matafièu, même sens, de matta, assujettir, et fièu, fil. Boutafi est composé de bouter et fil.

BATAILLARD, DE, s. — Batailleur, euse. La finale ard a un caractère péjoratif.

BATAILLER, v. n. — Lutter contre les difficultés. Je suis depuis une heure à batailler pour ranger mon remisse. — Il est au Dict. de l’Acad., mais si oublié qu’un docte professeur de l’Université, qui a bien voulu me communiquer quelques lugdunensismes colligés par lui, l’e fait figurer parmi eux.

BATELIÈRE, s. f. — 1. Les petits bateaux lyonnais nommés bèches étaient exclusivement conduits par des batelières, dont Walpole au XVIIIe siècle, Mazade d’Avaize sous l’Empire, et M. de Fortis sous la Restauration, ont vanté la vertu et la beauté.

2. Chapeau de paille rond, à bords très larges et souples, attaché par un ruban noué sous le menton, que portaient autrefois les batelières de la Saône. Le chapeau de batelière s’est transformé en batelière tout court.

BÂTET, s. m. — Petit sac de paille, dont les porteurs de benots aux vendanges, les manœuvres, les sablonniers se coiffent, en le laissant retomber sur leurs épaules, pour que celles-ci ne soient pas froissées par le fardeau. Diminutif de bât.

BÂTIR. — Bâtir en façade, Prendre du bedon.

BAT-LES-ŒUFS, s. m. — Niais, lourdaud, qui s’amuse de rien. Je ne saisis pas l’ironie, car enfin battre les œufs pour l’omelette n’est point besogne stérile. Je comprendrais plutôt qu’un bat-les-œufs, c’est un broubrou, un bouligant.

BÂTON. — Bâton de rogations, Bâton très long, terminé en haut par une pomme, auquel on attache un bouquet de fleurs des champs, et que portent, aux processions des Rogations, des « officiers » chargés de surveiller l’ordre, et qui ont passé une aube par-dessus leurs vêtements. — Au fig., un homme mince et très grand, comme qui dirait un dépendeur d’andouilles. Bâton de saint Joseph. — Campanule pyramidale. De même à Plaisance l’appelle-t-on Baston d’san Giusepp’.

C’est un bâton… breneux, on ne sait par quel bout le prendre. — Se dit d’un homme dont le commerce n’est pas des plus onctueux.

BATTANDIER, s. m. — Fabricant d’ustensiles pour la fabrique. — De battant.

BATTANT, s. m. — Organe du métier de canut. Bâtis en bois mobile et suspendu. La traverse inférieure se compose de deux parties, la poignée et la masse. Le peigne en acier, au travers duquel passent les fils de la chaine, est encastré entre la poignée et la masse, dans des rainures qu’on nomme chanas. Au moyen d’un coup de battant, le canut serre le dernier coup de trame contre le précédent.

Dans les Tribulations de Duroquet, Gnafron se plaint que sa pauvre défunte n’avait jamais pu mordre à la canuserie. « Après deux ans de mariage, dit-il, elle ne connaissait pas encore les ensouples d’avec le battant. » Je ne sais pourquoi cette inoffensive plaisanterie avait le don de faire rire aux larmes toute la salle.

Battant à clinquettes, Battant léger pour les florences, les pelures d’oignon, etc. Voy. clinquettes.

Battant plombé, Battant des grosses étoffes en grande largeur.

Battant à bouton. De mon temps, la navette était saisie par le canut à l’aide du médius, et avec l’index il la chassait dans l’ouverture de la medée. Aujourd’hui on se sert surtout du battant à bouton. C’est un battant dont la traverse inférieure dépasse la largeur de l’étoffe à droite et à gauche de façon à porter, en dehors de la largeur, une boîte où se loge la navette. Le canut, au lieu de lancer la navette à la main, tire vivement, à l’aide du bouton, deux cordes qui, passant par-dessus des poulies, s’attachent au rat (voy. ce mot), logé de chaque côté dans la boite. Ces cordes, en se raccourcissant, chassent le rat, lequel chasse lui-même la navette.

Battant à double boite, Battant à plusieurs boites contenant plusieurs navettes. Ce battant supprime le lancé à la main dans les brochés.

Poli comme la poignée d’un battant qui a servi de père en fils. Se dit des personnes affables et courtoises.

BATTERIE, s. f. — Batterie, parbleu ! Peu de Lyonnais, parmi les bacheliers, se doutent que lorsqu’un canut dit de quelqu’un qu’il a-t-ayu l’œil au beurre noir dans une batterie, il parle le plus pur français de l’Académie. Batterie figure en effet dans son dictionnaire.

BATTILLON, s. m. — Battoir de bois dont les buyandières se servent pour battre le linge. — Au fig. Langue de femme. Femme qui n’a pas de battillon n’a jamais été battue. Manière de dire que les femmes qui ne disent pas de mauvaises raisons à leur mari ne courent jamais fortune de se voir secouer les puces.

Malheureuse comme une femme qui n’a gin de battillon. Une femme qui n’a point de langue, c’est une carpe sans nageoires, une hirondelle sans ailes, un lièvre sans pattes, un banquier sans argent, une noce sans tambourins, un évêque sans mitre, un apothicaire sans thériaque, un charretier sans jurons, un roi sans couronne, un épicier sans cannelle, une buyandière sans savon, un drapier sans demi-aune, un mendiant sans plaie. Bref, c’est la fin, la mort, le néant. Ainsi soit-il. — De battre avec le suff. illon, qui exprime le bruit, la vivacité, le redoublement. Comp. frétillon, carillon, barbillon, postillon.

BATTILLONNER, v. a. — Battre le linge au battillon.

Battillonner quelqu’un, le passer au battillon. Terrible ! C’est quand on passe par la langue des femmes.

BATTOIRE, s. f. — Baratte.

BATTRE. — Battre le beurre, le baratter.

Battre froid à quelqu’un. En partie, tous les maris battent froid à leurs femmes, du moins durant le jour. — Expression détournée de son sens. Au XVIe siècle, on disait battre à froid, pour s’évertuer, prendre beaucoup de peine, parce que le métal forgé à froid exige une dépense d’efforts plus considérable. Puis froid a été pris au sens de froideur, De là l’incorrection de la construction, car on ne bat pas le froid.

Battre la flême, Se lantibardaner.

Battre une colle, Faire un mensonge. Les femmes n’ont pas leurs pareilles pour battre des colles. Une vieille chanson lyonnaise a pour refrain :

Ah, du moins, faudrait pas,
Nicolas,
Tant nous battre de colles !

Elle ferait battre quatre montagnes. Se dit d’une de ces femmes cancannières qui inventent des choses pour brouiller les gens, puis qui les montent les uns contre les autres, enfin qui feraient battre quatre montagnes, quoi !

Elle ferait battre la sainte Vierge avec saint Joseph. Même sens.

Battre sur bois, terme de canuserie. — Pour régulariser la réduction d’une étoffe, on place contre les pieds de métier de devant deux taquets de bois contre lesquels le battant vient battre lorsqu’il a suffisamment serré la trame. De cette façon, un coup plus fort que les autres ne risque pas de trop serrer la trame sur un point. C’est ce qu’on appelle battre sur bois. Ceci n’existait pas et ne pouvait exister de mon temps, où l’on n’usait pas du régulateur qui fait enrouler l’étoffe juste de l’épaisseur du dernier coup de trame.

BATTUE, s. f. — Babeurre. Ce mot fixe l’étymologie de babeurre, dans lequel les uns lisaient bat-beurre, d’autres bas beurre et d’autres beurre, avec préfixe péjoratif ba. Battue, par analogie, indique, bat-beurre.

BATTURE, s. f. — Batterie. — Vieux franç. batteure, de battre. On le trouve encore dens Cotgrave (1673).

BAU, s. m. — Bail. — S’emploie toujours en le faisant suivre de de loyer. — J’ai fait un bau de loyer avè mon propriétaire. Bail est inconnu.

BAUCHE CAMINANTE. — Jeu des gones. Ital. boccia caminante, boule qui chemine. Le mot primitif a dû être boche, auquel bauche, boule en vieux lyonnais, a été substitué.

BAUCHER, v. a. — Baucher une boule, Le tirer, la poquer en lançant sa boule contre elle. Baucher en place, c’est lorsque la boule lancée prend la place de la boule tirée. — Du vieux lyonn. bauche, boule, mot qui existe encore dans la Suisse romande et qui n’est autre que le vieux haut allem. balco, poutre, devenu boule par dérivat. de sens, comme du verre est devenu un verre, et un sapin un fiacre.

Être bauché en place, Être stupétait, ne savoirque dire. En effet, que peut bien dire la boule quand elle se voit bauchée en place ?

BAUCHES, s. f. pl. — Tiges et feuilles des plantes potagères, par opposition à la partie comestible. — Reporte au latin du moyen âge balcha, lui-même probablement identique à blaches, plantes marécageuses, dont on retrouve le radical dans le celtique et dans les langues germaniques.

BAUME, s. m. — Nous appliquons ce mot à la plupart des menthes.

Baume de savetier, Plante de basilic ; ocymum. La plupart des regrolleurs tiennent en effet à honneur d’avoir un pot de basilic.

BAVARDS. — Les bavards de Confort. C’étaient les bras-neufs qui s’assemblaient autrefois à Lyon, devant Notre-Dame de Confort, pour faire la causette. Je crois bien que nul ne s’en souviendrait si Rabelais n’avait nommé les Baveres de Confort, qu’il devait d’autant mieux connaître que c’était sur la place de Confort qu’était le magasin de son libraire François Juste. Il y a quarante ans en çà, les bavards se réunissaient encore sur les cadettes de Bellecour. Aujourd’hui, ils sont tous à la Chambre ou dans les réunions publiques.

BAVAREAU, s. m. — Bavette. — Mets don son bavareau à ton miaillon.

BAVASSER, BAVER, v. n. — 1. Babiller. Bavarder. — Vieux franç. « Ie dis vray, nou pas tout mon saoul, mais autant que ie l’ose dire ; et l’ose un peu plus en vieillissant, car il semble que la coustume concede à cet aage plus de liberté de bavasser… » (Mont.)

2. Pleurer. Baver comme un escargot, Pleurer abondamment. As-te vu la Catiche à son mariage ? Quand i z’ont étendu le panaire sus le chignon, elle bavait comme n’escargot.

BAVE. — Tomber en bave, S’anéantir. « Faut que je vous relise, Messieu, de la crainte que vous n’avez de me n’ingratitude… car je n’en suis aussi sensible qu’un organsin brûlé z’à la teinture, que par tant soit peu qu’on le touche, y tombe en bave… » (Lettre de Madellène Batillon à Gérôme Blicar, 16 navri 1796.)

Tendre comme de bave. Se dit particulièrement d’un rôti à point. Dans un grand dîner : M. Anatole, votre tranche paraît dure ? — Ah, Madame, bien tout l’contraire, elle est tendre comme de bave ! Au fig. C’te pauv’ Simonne est encore devenue enceinte : elle a le cœur tendre comme de bave !

BAVEUX. — Graisse de baveux. Salive. Na bourgeoise avait une petite, gentille comme cinq sous, mais qui se chafourait toujours le visage en mangeant des rôties de melasse. Arrivait quelque visite. « Maria, viens-tu voire ! » Et de cracher sur un coin de son mouchenez et de frotter le museau de Maria avec de la graisse de baveux. Allons, te voilà bien propre : fais mimi au monsieur !

BÉAL, s. m. — Bief d’un moulin. Un grand nombre de nos villages ont une rue du Béal. — Bas latin beale, d’un radical germain bed, lit (de rivière).

BÉATE, s. f., terme péjoratif. — Une catolle, une bigote, une bigorne ; de celles qui pensent que quand les autres vont en enfer, c’est bien fait ; de celles qui voat à Fourvières à cinq heures du matin, mais ne mettent pas de boutons aux chemises de leurs maris.

BÉATILLES, s. f. pl. — 1. Babioles, menus objets de peu de valeur, petites boîtes, franges, glands, pelotons, chapelets.

2. Abattis de volailles, comprenant spécialement le cou. Avez-vous remarqué que les femmes n’aiment rien tant que les cous de volaille, tout ce qui se ronge, surtout le prochain ?

BEAU. — Beau comme le jour qu’il pleuvait tant ! La femme d’un agent de change à son mari, en partant pourle bal : J’ai mis mes affaires neufs, vois comme je suis belle !Le mari : T’esses belle comme le jour qu’i pleuvait tant.

En beau devant. — Se dit d’une chose bien en vue, bien placée, en vedette. Dans mon enfance, les légimistes menaient grand bruit de ce qu’ils appelaient « l’orgie de Grandvaux », où M. Thiers avait des amis en villégiature. M. Thiers revenait de Marseille, qui était alors ardent royaliste, et on lui avait donné un charivari dans les in-folios. Ses amis trouvèrent plaisant, un soir qu’il s’était retiré pour se coucher de lui donner une nouvelle édition elzévir du bacchanal de Marseille ; à quoi il répondit en se mettant à rebours à la fenêtre entre deux flambeaux. Là, il était en beau devant ! Encore devant ne serait-il pas ici bien à sa place. — Laprade, qui n’aimait pas beaucoup M. Thiers, disait que l’espièglerie de Grandvaux l’avait pourtant singulièrement prévenu en faveur de cet homme d’État. Si Robespierre eût été capable, à l’occasion, de se mettre ainsi en beau devant, il n’eût pas commis tant d’horreurs.

BEAUCAIRE. — Embarras de Beaucaire. Locution proverbiale pour exprimer la cohue la plus excessive, les embarras les plus inextricables. Pour bien comprendre la portée de cette expression, il faudrait avoir vu la foire de Beaucaire. Des marchands de gros y envoyaient de Lyon leurs magasins tout entiers. Je me rappelle que, dans mon enfance, lorsque venait juillet, on lisait sur la porte de beaucoup de magasins de draperie, de toilerie, etc. : Fermé pour cause de foire. On était sans inquiétude, on savait ce que cela voulait dire.

BEAUCOUP. — Beaucoup suivi de l’article du au lieu de l’article partitif de est très usité. Je connaissais un brave homme qui, à son grand regret, n’avait jamais eu d’enfants. Ah ! qu’il me disait, c’est pas ma faute, je me suis donné beaucoup du mal pour en avoir.

BEC. — Le bec dans l’eau comme l’oiseau sur la branche. Locut. très expressive pour indiquer qu’on est dans l’attente et la précarité.

BÉCASSON, s. m. — Bécasseau. Un de mes amis qui voulait faire son Parisien, demande au Café-Neuf des bécasseaux. — Monsieur veut peut-être dire des bécassons, fit le garçon. — Précisément. — Le garçon entre ses dents : Ben, parlez donc français, alors !

BÈCHE, s. f. — 1. Bateau de petite dimension, garni de cerceaux, recouverts par une toile. On s’en servait pour traverser la Saône (prix, au XVIIe siècle, deux liards) avant la construction du grand nombre de ponts existant aujourd’hui, comme aussi pour faire des promenades sur l’eau.

2. s. f. pl. Sous la dénomination de Bèches, on entendait un établissement de bains froids, composé de quatre ou cinq bèches amarrées à la deuxième pile du Pont de Pierre, du côté de la Pêcherie. Le nom s’est transmis aux bateaux de natation actuels.

De beccum, rostre, proue en façon de bec, à cause de la forme relevée de l’avant.

BECFI, s. m. — C’est le nom, plus euphonique, que nous donnons au becfigue. Que de fois l’on entendait le garçon chez Bertrand : Deux becfis gras pour Monsieur à la casserole ! Boum !

BÉCHEVELIN. — Quartier au sud de la Guillotière, que l’usine de Laracine pour l’équarrissage des chevaux avait rendu célèbre.

On lit dans le Songe de Guignol, pièce qui précéda de peu les journées de novembre 1831 :

Et moi, je lui tendais les mains pour l’embrasser…
Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange
De sale viande et d’os que sentiont la vidange,
Autant Béchevelin ; et de membres affreux
Que de m…[1] sanglants se disputiont entre eux.

BÉGUER, v. n. — Bégayer. Je bègues, etc. Vieux franç. béguer, dont bégayer est le fréquentatif.

BÉGUI, s. m. — Bonnet des mamis au berceau. — C’est béguin avec suffixe itius au lieu d’inus.

BEIGE, adj. — Se dit du linge jauni, roussâtre. J’entendais un jour Mme de Beaupertuis qui reconnaissait son linge : Je crois que cette buyandière de mon… cœur lave au savon de Villebois ; elle m’a rendu mes décrassoirs tout beiges !

BÉJAT. — Tomber dans le béjat, Tomber dans l’imbécillité. — Même origine que le piémontais bagian, idiot ; prov. bedigas, sot ; vieux franç. begaut, niais, et le français bègue.

BELETTER, v. a. — Désirer ardemment, convoiter, couver des yeux. As-te vu Piedfin, comme i belette la Perrotte ? De belette. Être convoiteux comme une belette.

BELIN, s. m. — Agneau. Au fig. expression de tendresse. Se dit volontiers aux enfants. Veux-tu une rôtie de crasse de beurre, mon petit belin ? — Vieux franç. belin, bélier, agneau.

BELUE, s. f. — Étincelle, bluette. « Mameselle, une belue de vos jolis agnolets m’a z’enflammé le cœur. » (Modèles de correspondances.) Vieux franç. bellue, même sens, de bis-lucem.

BENAISE, adj. — Satisfait, bien aise. Se dit surtout quand on a le ventre plein. À table, chez un ami, au pousse-café : Eh bien, es-tu benaise ? qu’il vous dit. — J’en suis gonfle comme un n’haricot crevé, que vous répondez, ou bien : La basane m’en pète ; enfin vous avez soin de dire quelque chose d’agréable. — De bien et aise, cela coule comme une chandelle.

BENAISER (SE), v. pr. — Se rendre benaise. Nous ons été dimanche, avè Cadet, chez Mille, aux Grandes-Terres. Nous ons commandé pour six. Nous nous sons bien benaisés. De benaise. Comp. le vieux franç. bien-heurer, de bien et heur.

BÉNÉDICITÉ.

Bénédicité de Craponne :
Prions Dieu qu’i vienne personne ;
Nous sons assez grands garçons
Pour manger ce que nous ons.

BÉNIR. — Autant qu’un pape en pourrai bénir. Se dit pour exprimer des quantités innombrables, vu qu’un pape peut en bénir des foisons d’un seul coup. Quand j’étais petit, le papa disait que j’aurais mangé des truffes frites tant qu’un pape en pourrait bénir.

Bénir les fesses avec un martinet. — Tous les gones vous diront ce que c’est.

Que le bon Dieu le bénisse ! Expression qui équivaut à « Que le diable l’ emporte ! » Allons bon, dira un homme de lettres, velà la Rothée que n’a mis tous mes papiers en ribotte ! Que le bon Dieu la bénisse !

BÉNISSOIR. — Dieu vous bénisse avec son grand bénissoir ! Souhait tout plein affectueux.

BENNE, s. f. — Sorte de vaisseau sur plan ovale, à fond plat, communément cerclé de fer, qui sert à recueillir la vendange et à la porter dans les tonneaux.

Le charbon se mesure à la benne, mais la chose a changé tandis que le nom s’est conservé. En 1789, la benne de Lyon pour charbon de pierre était de 74 litres environ, et la benne de charbon de bois de 86 litres environ, mais le charbon de bois se vendait surtout au sac et à la voie (voy. ce mot). Depuis l’adoption des nouvelles mesures, on a voulu mettre les anciennes dénominations en relation avec le système métrique, et aujourd’hui la benne égale un hectolitre. Elle pèse de 36 à 40 kil.

Durant toute mon enfance, le charbon de bois était vendu par des marchands ambulants qui trainaient leur marchandise sur une voiture à bras. De toute la sainte matinée, le cri suivant ne décessait pas :

\relative c'' {
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  \mark \markup { \italic "Largo maestoso" }
  \autoBeamOff
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}
\addlyrics {
  Bon char -- bon de bois à trente- -- huit sous la benne ! Ren -- du !
}

Aujourd’hui cette petite industrie s’est perdue avec tant d’autres, et l’on achète le charbon de bois chez le marchand.

Quand un enfant se montre difficile sur la nourriture, on lui dit : Si on te faisait passer trois jours sous une benne, comme les petits chevreaux, tu ne serais pas si difficile. — De benna, voiture gauloise en osier.

BENNIER, s. m. — Artisan qui fait les bennes et les benots.

Conscience de bennier, Plastron de cuir épais, où est fixée une planche recreusée. Le bennier place la conscience sur sa poitrine, à celle fin qu’en tirant à lui son couteau à deux manches, lorsqu’il travaille le bois, il ne courre pas le risque de se couper en deux tronçons. — Au fig. Avoir une conscience de bennier, Ne pas avoir une conscience de sensitive. Un bon petit homme, qui prêtait un peu à la petite semaine, avait accoutumé de dire toutes les fois qu’il affirmait quelque chose : Sur ma conscience… — de bennier, disait-on en l’interrompant. Comme il avait le caractère bien fait, il ne s’en offensait mie.

BENOÎT. — Un grand Benoît. Un grand benêt, Sais-tu que Lanticut se marie ? — Pas possible ce grand Benoît ! C’est aussi un terme d’amitié, comme « grande bête, grande bugne, grande ganache ». — Eh, c’est toi, grand Benoît, viens que je te coque !Benoît n’est qu’une forme de benêt, de benedictus; de l’idée que les innocents étaient réputés bénis.

BENONI, s. m. — Un godiche, un peu bugne, un peu caquenano. Fallait-t-i que ce Joset soye benoni ! — T’esses bugne ! te sais pas comme la Putiphar était laide. — De Benoît, avec un suffixe de fantaisie auquel a aidé le Benoni biblique.

BENOT, s. m. — 1. Benne plus petite dont on se sert pour la cueillette du raisin.

2. Terme de construction lyonnaise. Petit vaisseau de bois dont les boutioux se servent pour porter le mortier, le sable, etc.

BENOUILLER, v. a. — Mouiller abondamment. Un de mes amis, passant un matin dans le chemin de Collonges, reçoit une potée de liquide. Furieux, il lève la tête et se trouve à demi désarmé en voyant un bras blanc qui sortait d’un flot de dentelles le tout à une fenêtre dont la persienne était entr’ouverte au-dessus de sa tête. — Oh, monsieur, fait une voix timide, en même temps qu’apparaissent un frais visage et des cheveux noirs en désordre sur les épaules, je suis au désespoir de vous avoir benouillé, mais ce n’est que l’eau de mon canari ! — Mon ami flaire la manche de sa lévite : Vous le nourrissez donc aux asperges, votre canari !

D’une onomat. ouille, exprimant le rejaillissement de l’eau, et d’une première partie à caractère incertain.

BÉQUILLON, s. m. — Petit morceau. — Diminutif de becquée.

BERCHU, UE, adj. — 1. Brèche-dents

2. Ébréché, Un tupin berchu. — Berchu pour brechu, de brèche.

BERGÈRE, s. f. — Espèce de bergeronnette.

BERLAN, s. m. — Brelan. C’est la prononciation qui était encore admise à la fin du xviie siècle, concurremment avec l’autre.

BERLOQUE. — Battre la berloque. Divaguer, déménager. — D’après l’Académie, Littré, Bescherelle, Larousse, Nap, Landais, la berloque est une batterie de tambour pour appeler à la soupe. Mais mon neveu Georges C…, qui a été soldat militaire, m’affirme que c’est une batterie pour rompre les rangs. J’en crois mon neveu Georges C…, d’abord parce que c’est mon neveu, puis parce que l’idée du désordre, de la confusion des rangs, explique très bien le sens figuré.

On dit aussi battre la breloque, et c’est bien à tort que le bon Littré y voit l’idée de taper sur une breloque. Breloque est ici pour berloque comme brelan pour berlan.

BERNIQUE. — Interjection pour exprimer la déconvenue. Le père Cacapouille, de la rue des Farges, n’avait jamais eu de chance. À force de protections, qu’il me disait, on m’avait promis une bonne place. C’était, parlant par respect, pour ramasser le crottin le long du chemin de fer. Arrive un changement de ministère, bernique !

BERTE, s. f. — Récipient de ferblanc, dans lequel les laitières ont accoutumé de renfermer le lait, ou l’eau et le lait qu’elles portent à leurs pratiques. Au fig. ces

Deux sources d’où la vie humaine
En ruisseaux d’amour doit couler.
(Lamartine.)

Comment que te trouves c’te dame ?

— Bigre, elle a de fameuses bertes !

Berte serait du celtique et signifierait pot, tupin. Le nom est resté au récipient de ferblanc. (Mami Duplateau.)

BERTIN, s. m. — Coiffe de nuit. Vieilli. — Au moyen âge, bertin était un nom proverbial de femme. Bertin, coiffe, est-il venu du nom propre, comme on dit une ninon, un bolivar, une paméla ?

BERTON, s. m. — Petit pot pour la soupe. — Diminutif de berte, ou mieux du patois berta, grand pot de terre.

BESACE. — Bascule à besace. Voy. bascule.

BESOIN. — Besoin de prendre. Euphémisme délicat qu’emploient les dames pour ne pas dire faim ou appétit, ce qui serait grossier. Je connais une dame qui, lorsqu’on lui demande si elle est disposée à manger, répond invariablement : Je n’ai pas faim, mais j’ai besoin de prendre. Comme cela, elle n’a jamais faim, mais toute la journée elle a besoin de prendre.

Faire ses petits besoins. Suffit.

J’en ai de besoin pour « J’en ai besoin ». Locution vicieuse très usitée et qu’emploie même Rousseau. Au fond, c’est un archaïsme qu’on rencontre au xvie siècle. Avec assez et tant, la locution est encore correcte : J’en ai tant de besoin.

BESSARD (RUE DU). — C’était le nom d’une rue qui occupait à peu près l’emplacement de la rue Constantine actuelle, de la rue Lanterne à la Pêcherie : longiôle étroite, tordue, infecte, toute emboconnante de l’odeur des cuirs frais provenant de la boucherie voisine, que l’on voyait suspendus à tous les étages qui servaient ainsi de séchoirs, tandis que sur le pas de la porte de chaque rez-de-chaussée se tenaient d’horribles filles de joie, généralement en train de tricoter.

L’ancien nom était Bessal. — 1472 : « Payé à Guérin Triccaud, sergent royal, pour avoir ajourné ceux du Bessal, qui avaient fait leurs chambres aisées encontre la muraille de la ville, pour les faire ôter et ordonner qu’ils n’y soient plus. » La rue, en effet, devait suivre l’ancienne muraille. Quant aux « chambres aisées » c’est un euphémisme heureux qui se comprend de reste. De baisser, plus suff. al (lat. ale), devenu ar, comme dans canal devenu canar en patois. Le d final est une addition analogique.

BESSON, ONNE, s. — Jumeau, elle. Il est à l’Académie, mais si oublié, que lorsqu’on le prononce devant des messieurs ou des dames, voire des demoiselles, ils ou elles ouvrent des yeux comme des pains de six livres. Molard le proscrivait, il y a près d’un siècle, sans doute parce que l’Académie ajoutait : « Il est vieux. » Il se prend quelquefois au fig.

Ces deux mollets coussinets,
Ces deux mignons bessonnets,
Qui s’esmouvent sur la poitrine
Dema bergerette poupine,

dit un vieux poète lyonnais.

BESSONNÉE, s. f. — Couche de deux jumeaux. Oui, mais comment dire lorsque, comme pour l’excellent Louis Lacuria, le peintre, il y en a trois ? Nous le connaissions. Aussi, quand il se maria, prédimes-nous qu’il ne ferait rien comme les autres. Il n’y faillit pas. Sa femme, du coup, fit une trissonnée de filles qui, malheureusement, ne vécurent pas.

BESSONNER, v. n. — Accoucher de deux jumeaux.

BESTIASSE, s. f. — Grande bête. Très usité. Quelle bestiasse que ce suffrage universel ! — C’est le bestiaccia italien importé sans doute au xve-xvie siècle.

BÊTARD, s m. — Forte bête. Une jeune mariée me disait de son mari : Il est bien gentil, mais un peu bêtard, il demande toujours au lieu de prendre. — De bête, plus le suffixe aggravant ard.

BÉTATOURET, s. m. — Foret pour percer les tonneaux. Vieilli. Du vieux lyonn. beta (?) mettre, et touret (?), cheville.

BÊTE. — Bête comme tout. Cette expression est bête elle-même, car au fond elle ne signifie rien. Elle est cependant très répandue. Chose assez singulière, les Anglais en ont le pendant dans It sticks as any thing, cela colle comme quoi que ce soit.

Vous n’êtes rien la moitié d’une bête ! Compliment à double détente que l’on fait à quelqu’un qui vient de faire preuve d’esprit ou d’ingéniosité.

Il ne m’a pas seulement dit : Bête que veux-tu ? Il n’a pas dit mot.

BÊTISER, v. n. — Dire ou faire des bêtises, dire des sornettes. Mameselle Gladie, je vous n’aime comme les mirons n’aiment la melette. — Allons, grand gognant, bêtise don pas !

BEURRE. — Beurre de pojaud. Beurre très rance, très mauvais. Ce beurre a le goût de pojaud.

Crasse de beurre, Résidu noirâtre et fortement salé qui reste au fond de la marmite où l’on a fait fondre le beurre. On en fait des rôties délicieuses.

Donner du beurre. Expression du jeu de la glissière. C’est, en glissant, pousser ceux qui sont devant, au hasard de les faire tomber. Dans la vie, en politique, en industrie, en art même, toute la question est de donner beaucoup de beurre à ceux qui sont devant. Il y en a pourtant qui préfèrent ni donner du beurre, ni en recevoir. Ce serait mon cas.

Vraisemblablement de ce qu’on met du beurre aux canules pour les faire mieux glisser.

Mettre du beurre dans la soupe avec un fusil. Il ne s’agit pas d’un Lefaucheux. C’est, au propre, piquer dans la mollette de beurre cette lame d’acier, ronde et effilée, qui sert à aiguiser les couteaux, puis tremper le fusil dans le bouillon pour graisser la soupe. Métaphoriquement, c’est ne pas jeter les épaules de mouton par la fenêtre. On dit aussi mettre du beurre avec une alène. Mais ceux qui le font sont des avares ; l’alène étant beaucoup plus mince que le fusil, il y a tout à fait trop peu de beurre.

Avoir des mains de beurre. Se dit de ceux qui laissent échapper ce qu’ils tiennent, les mains graissées de beurre étant glissantes.

Beurre des oreilles, Cérumen.

BEZOTTER, v. n. — Se dit de ceux qui, lorsqu’ils parlent, font bz, bz, en vous envoyant des postillons par la figure. — Gracieuse onomatopée.

BEZOTTEUR, EUSE, s. — Un ou une qui bezotte.

BIBON, s.m. — Terme préjoratif pour vieillard. On dit ordinairement un vieux bibon. — Répond à l’argot birbe, lui-même en rapport avec ital. birbante, brigand ; vieux franç. birban ; esp. birbon ; vieux angl. bribour, un vagabond. La dérivation du sens tient à l’emploi habituel du mot avec vieux : un vagabond, un vieux vagabond, puis un vieux tout court, au sens péjoratif.

BICHÉE, BÊCHÉE, s. f. — Becquée. Qui ne connait le beau vers de Racine:
Aux petits des oiseaux il donne la bichée,

Au fig. bouchée, tout petit morceau. — Veux-tu de gratons ? — Fais-me n’en passer une bichée seulement. — De bec, manquablement.

BICHER, v. n. — 1. Se dit du poisson quand il mord à l’hameçon. Quand nous étions jeunes, nous ne manquions jamais de crier de toutes nos forces à chaque pêcheur à la ligne : Eh ! ça biche-t-i ? L’ayant crié un jour à un pêcheur sous le Pont d’Asnières, il me répondit avec l’accent inimitable de la patrie : Vous êtes don de Ly-on ?

2, v. a. Prendre quelqu’un en faute, le saisir sur le fait. Le Pétrus hier a fait peter l’école ; i s’est fait bicher qui jouait aux gobilles sur le Port Sable.

3, v. pr. Se bicher, se disputer, mot à mot se donner des coups de bec.

BICHERÉE, s. f. — Étendue de terrain suffisante pour semer (et non pour recueillir) un bichet de blé. Dans le Lyonnais, la bicherée est de 340 toises carrées de 3m80 q., soit 1,293 mètres carrés.

BICHET, s. m. — Mesure de grains. Dans le Lyonnais, le bichet actuel équivaut à environ 33 litres. — De biche qui s’emploie encore dans nos campagnes pour mesure de capacité contenant environ 30 kil. de blé, et qui signifie aussi un grand pot de terre. Biche vient lui-même du bas latin bicca, dont le type se retrouve aussi bien dans le grec que dans le germanique.

BICHETTE, s. f. — Mesure de grains qui équivaut à la moitié d’un bichet.

BICHON, s. m. — Petit pot de terre. Les bonnes femmes mangent toujours leur soupe dans leur bichon. C’est meilleur, comme de manger le bouilli dans l’assiette creuse où l’on vient de manger le potage, ainsi que cela se fait dans les grandes maisons. — De biche (voy. bichet).

BICLE, adj. des 2 g. — Celui qui regarde à Fourvières si le feu est aux Brotteaux. — C’est du vieux français existant encore sous la forme bigle.

BICLER, v. n. — Loucher (v. bicle).

BICLON, s. m. — Un qui bicle. Le Lyonnais affectionne la finale on : barbouillon, barfouillon, biclon, bugnon, tous mots aimables.

BICOTER, v. a. — Embrasser avec récidive, Après trois mois de mariage, i se bicotiont encore comme deux imb’ciles. — Fréquentatif de biquer.

BIDER, v.n. — Mesurer au jeu de boules. — De pedem. Bider, c’est proprement mesurer en mettant un pied l’un devant l’autre, comme on mesure souvent aux boules. Puis bider s’est étendu au sens de mesurer avec une canne, une ficelle, un mouchenez, etc. Comp. mâconnais peder, vaudois pider, mesurer avec le pied.

BIEN. — Être bien de chez soi. Être bien du côté de sa femme. — Sais-tu si Boyaud est calé ? — Il n’a pas grand’chose de chez lui, mais il est bien du côté de sa femme. Elle lui a apporté au moins cent écus de dot. Locutions absolument logiqnes, car on est généralement bien quand on a du bien.

Bien, employé pour beaucoup, est une expression très lyonnaise. Il faut manger bien de viande et faire bien d’exercice. — Avoir bien de goût.

BIGORNE, s. f. — En français, enclume à deux pointes. — De bicornis. En lyonnais une cancorne, une béate, mauvaise langue. — De bigote. On a remplacé ote par un suffixe préjoratif en analogie avec corne.

BIGUE, s. f. — Mât, forte perche. 1494 : « Pour deux bigues de VI toises, à VI gros la pièce. » (Arch. mun.) — Dans le compte de la dépense pour les funérailles de Jacques Moyron (1656), on trouve une somme de 3 livres « au serrurier qui a fait des happes à supporter les bigues de l’église des Cordeliers ». — Au fig. femme grande et mince. Un de mes amis, qui n’aimait pas les exagérations, ne voulait épouser ni une bigue ni un bouchon de latrines.

Ouvrir les yeux comme un chien qui rend des bigues en travers, Les ouvrir fortement. — Le signification primitive, qui était celle de deux mâts pour lever les fardeaux des navires, ramène biga à bis-jugae.

BIJOUTIER. — Bijoutier sur le genou. Image élégante pour dire gnafre.

BILLIOUD, BILLAUD, DE. s. — Vendangeur. — Est-ce le même que billaud, usité dans nos campagnes pour qui a gros ventre, et qui vient de budelliosus ? Le surnom aurait-il été donné par raillerie, à cause de la maigreur des montagnards, ou au contraire parce qu’ils se gonflent le ventre de raisins ?

BILLE, s. f. — Barre de bois servant à biller. On dit plus volontiers tavelle.

BILLER, v. a. — Serrer le chargement d’une voiture.

BILLET. — Je vous fiche mon billet que… Métaphore tout à fait convenable à une ville de commerce pour dire : « Je vous assure que… » Dans la pratique, on n’est pas obligé de dire fiche. Quand on veut renforcer l’expression on dit « Je te vous fiche… » — Je te vous fiche mon billet que la Joséphine de chez la Ficelle, c’est pas rien, me disait mélancoliquement un camarade froissé dans ses illusions d’amour.

BINET, s.m. — Bobèche avec une tige creuse que l’on insère dans le chandelier. La bobèche porte une pointe qu’on fiche dans le bout de chandelle trop court pour brûler dans le chandelier. Manière de faire des économies de bouts de chandelles. À Neuchâtel, cela s’appelle une ménagère. — De binus, double, parce qu’on bine ainsi la chandelle : on l’use en deux fois.

BIQUER, v. a. — Donner un baiser. Biquer la relique, Baiser la relique. Dans une chanson de Revérony sur la prise de la Bastille, on lit :

Los penons de notre ville,
La municipalita,
Par biacoup nous fare rire,
Se sont achemina,
Charchant partout la Bastille.
Y l’ant enfin trouva,
Et par biqua la reliqua,
Je l’os ons vu s’avainça.

Il faut savoir que Chalier avait rapporté de Paris une pierre de la Bastille et qu’il la faisait baiser comme une relique aux Mathevons. Quand à los penons, c’est le nom de l’ancienne garde bourgeoise de Lyon que Revérony applique à la garde nationale.

Biquer la relique sans feuille. Pour éclaircir cette locution obscure, voici un exemple : À l’heure où j’écris (avril 1889), M. Rocbefort est après baiser la relique sans feuille à M. Boulanger.

BISCUIT. — Papier à biscuit. Papier sur lequel le pâtissier a mis à cuire les biscuits, et auquel il en est resté quelque peu d’arrapé. Les gones qui l’achètent, un liard la feuille, quatre pour un sou, lui ont donné le vilain nom de lèche-c.. « M’cieu le briochier, pour un sou de lèche-c.., siouplaît. » Pas moins c’est un joli dessert.

BISE. — Proverbe :

Quand il pleut de bise,
Il pleut jusqu’à la chemise.

BISET, s.m. — Vent coulis. Diminutif de bise.

BISQUE, s. m. — Pays-nostre. Indigène des Basses-Alpes, comme le Bedos du Vivarais, le Ponaud du Puy, le Gagat de St-Étienne, le Caladois de Villefranche, etc. Bisque se disait surtout des colporteurs (appelés encore culs-blancs et margoulins) pour autant qu’ils étaient en partie tous des Basses-Alpes. Il y avait jadis à Lyon d’importantes maisons de blanc et de rouennerie dont la clientèle n’était rien que de bisques. Les chemins de fer, en faisant arriver les commis-voyageurs jusque dans les endroits où l’on ne pénétrait qu’à dos de mulet, ont tué les margoulins.

Les Bisques sont-ils ainsi nommés parce qu’ils bisquent ou parce qu’ils font bisquer ?

Quel Gapian divin sondera l’Insondable ?

(Légende des Siècles.)

BISSÊTRE, s. m. — Malheur. Porter bissêtre, Porter malheur. — T’esse un bissêtre, Tu es un emplâtre. — De bi-sextus, parce que l’année bissextile était censée porter malheur.

BISTANCLAQUE-PAN, s. m. — Bruit que fait le métier de façonné. On dit quelque fois bistanclaque seul. Hélas, c’est la meurte : on n’entend plus le bistanclaque. Onomatopée. Pan représente le coup de battant.

BISTANQUIN, s. m. — Vareuse de femme. — Cette pillandre est allée dire dans tout le quartier qu’i m’avait donné ce bistanquin. — Si on peut comme ça compromettre une pauvre créature ! (Guignol). Ce mot me paraît un assemblage de syllabes péjoratives (bis est très péjoratif. Comparez le patois biscambillé, biscornu, bistaud, Bismarck) avec une finale par analogie avec casaquin.

BISTAUD, s. m. — Terme dépréciant pour courtaud de boutique, saute-ruisseau. Au temps où j’étais bistaud, voilà que je suis témoin d’un accident de voiture en Bellecour. Un cocher brutal renverse à terre un homme. On se précipite à la tête du cheval ; on entraine le cocher au commissariat de la rue Belle-Cordière. Dépositions des témoins. Au premier: Votre nom ? — (Scandant) Comte de X… de Z…, chevalier de la Légion d’honneur, en son hôtel… — Et vous ? — Puitspelu. — Votre profession ? — Bistaud.

Représente peut-être Bertaud, tondu, qui était aussi nom propre, employé péjorativement. Bertaud peut donner bestaud, bistaud.

BLACHES, s. f. pl. — 1. Plantes marécageuses (caret ou laiches).

2. Nom de lieu : les Blaches, les Flaches, les Blachères, les Flachères. — Le radical se trouve dans les langues celtique et germanique.

BLANC, s. m. — 1. Monnaie de compte. Un blanc, c’est cinq deniers, à raison de douze deniers au sou. Ne s’emploie guère que dans l’expression de Six blancs pour deux sous et demi.

Articles de blanc. Expression générique pour les mousselines, madapolams, mouche-nez blancs, etc. Maison de blanc, magasin de blanc, maison qui tient ces articles.

Vent blanc. Voy. vent.

Faire un voyage blanc, une course blanche, Faire un voyage, une course sans résultat. Je suis allé demander de la tolérance aux hommes, voyage blanc ; de la raison aux femmes, voyage blanc ; de la justice aux partis, voyage blanc ; du bon sens aux électeurs, voyage blanc, voyage blanc.

Messe blanche, Messe où le prêtre ne communie pas. M. J. Lemaitre a intitulé Mariage blanc, une pièce où le mariage n’est pas effectif. — Pourquoi dans tous ces exemples, le blanc est-il l’équivalent du néant que je me figurais plutôt noir ?

Avoir les quatre pieds blancs. Ma bourgeoise disait « qu’une honnête femme ne va pas au café chantant, mais que les hommes ont les quatre pieds blancs. » Elle entendait que les hommes ont l’immunité d’aller partout sans blâme.

Le diable a le pied noir : le pied blanc est un pied censé innocent. Pourtant il y a des femmes qui ont le pied bien blanc et qui…

BLANCHE (LA). — Eau-de-vie de marc. Donnez-nous un verre de blanche. Jadis on ne buvait que celle-là dans le Jura, où je l’ai toujours trouvée détestable. Aujourd’hui on en boit partout. Je ne sais si les gosiers se sont pavés, mais beaucoup de gens ne veulent que celle-là.

BLANCHETTE, s. f. — Mâche (valerianella olitoria), — De ce qu’elle est d’un vert foncé.

BLANCHIR. — Blanchir en jaune, C’est comme cela que nous faisons blanchir en partie toutes nos façades. Le bon père Chevalier racontait le plaisir toujours nouveau qu’il éprouvait à se promener devant la préface de sa maison blanchie en jaune, et sur laquelle il avait fait mettre « ex libris Chevalier », pour bien indiquer qu’elle était à lui ainsi qu’il l’avait vu faire pour des livres.

BLAUDE, s. f. — 1. Blouse.

2. Le bon Molard le définit : « Habit fort long qu’on doit appeler anglaise ou redingote (sic). » Il se trompe. La blaude n’était ni une anglaise, ni une redingote, mais un long vêtement d’hiver, qui ressemblait assez à un pardessus à taille, qu’on mettait sans redingote dessous. Je lis dans un journal de la Restauration qui avait des prétentions littéraires : « Dans la soirée de lundi on a retiré du Rhône, au devant du quai Saint-Clair, un vieillard qui s’était jeté dans le fleuve, après s’être dépouillé de sa chemise et de tous ses vêtements, à l’exception d’une blaude dont il s’était enveloppé. » — Il fallait que le terme fût bien usité, pour que l’écrivain ne se fût pas aperçu qu’il cessait d’employer la langue « noble ». — Du vieux franç. bliaut, sorte de robe commune aux deux sexes.

BLAZE, BLAIZE, s. f. — Bourre de soie. — De placium, de πλάξ, galette. On appelle précisément galettes les produits de la bourre de soie, à cause de la forme plate sous laquelle ils se préparent. (Renseign. de M. Pariset.)

BLÉ. — Pommade de blé vieux. Très vilaine expression, dont on ne doit se servir que dans les cas d’extrême nécessité.

BLESSER, v. n. — Parler en mettant gracieusement la langue entre les dents. Les jeunes personnes ingénues blessent toujours un peu. Cela donne un air de candeur. J’en entendais une qui disait : « Mon frère dit très bien pigeon, mais moi je ne peux dire que pizon (z égale ici th doux anglais). » — De blaesare.

BLET, ETTE, adj. — Molard le proscrit. Toutefois il veut bien reconnaître « qu’il manque à notre langue ». Ce n’est pas exact, puisqu’il figurait déjà au Dict. de l’Acad. de 1798, mais, chose singulière, seulement au féminin. Aujourd’hui, il figure avec les deux genres. Beaucoup de personnes, croyant le mot lyonnais, se font scrupule de l’employer. Je l’ai pourtant entendu dans un bal du grand monde. 1er Monsieur, s’arrêtant en face d’une grande et forte dame : Belle femme ! Quel dommage qu’elle soye un peu mûre ! — 2me Monsieur, soupirant : Non, quel dommage qu’elle soye blette.

BLETON, s. m. — C’était la manière pour nos maçons, de dire béton. Comp. le vieux lyon. bochet devenu blochet, sorte de corbeau en bois.

BLETTE, s. f. — Poirée. — Blette n’est point une corruption de bette. Celui-ci vient de beta. Le premier vient de blitta pour blittum. Nous avions déjà blette au XVIe siècle : « Septitrien, riche entre tous les marchans, ne mange rien, sinon bletes et raves. »

BLEU, s. m. — Sergent de ville. Lorsque, en 1852, on créa les sergents de ville, on les composa d’anciens soldats que, pour leur faire connaître les êtres, on promena pendant quelques jours dans les rues de Lyon par escouades. N’ayant pas encore d’uniforme, on leur avait attaché au bras gauche, en signe de ralliement, un brassard bleu. Le peuple, qui regardait curieusement défiler ces inconnus, les appela aussitôt les bleus. Ils prirent bientôt leur service avec des noms et des uniformes qui ont varié depuis, mais le sobriquet était donné et subsiste encore.

Se faire un bleu, Se faire une ecchymose. Une dame me racontait qu’elle avait débaroulé par les escaliers, un jour de relème. J’ai tombé à cacaboson, me faisait-elle, je m’ai fait un bleu large comme une assiette ! — Comment pouvez- vous le savoir ? — (Baissant les yeux) C’est mon mari qui me l’a dit.

Bleu comme un paradis. Se dit pour exprimer une belle couleur bleu céleste.

J’avons vu l’habit du maître,
Qu’est bleu comme un paradis,

dit une chanson de Revérony. Comme on ne dit pas « bleu comme le paradis », mais « comme un paradis », il est vraisemblable que la comparaison s’applique non au vrai paradis que l’on n’a jamais vu, mais au paradis (reposoir) que l’on fait dans nos églises le Jeudi saint et dont le fond est habituellement bleu céleste.

Passer au bleu. — Disparaître. Faire passer au bleu, Faire disparaitre. Je suis-t-allé à la vogue des Choux. J’ai voulu prendre mon porte-liards ; passé au bleu ! — Y avait-i gros d’argent ? — Bigre, y avait neuf sous !

Le bleu est sans doute ici le symbole de la nuit. Comp. à borgnon bleu. Je me suis laissé dire que lorsque certains pays passaient trop au rouge, ils finissaient par passer au bleu.

N’y voir que du bleu, Être surpris de façon que l’on ne voit pas le tour que l’on vous joue. Chez les prestidigitateurs, j’adore de n’y voir que du bleu. Je suis bien plus ému si je crois que c’est pour de bon qu’on coupe la tête aux gens et qu’on la leur remet, que si on m’explique que c’est une farce.

Bleu, Fromage de geai. Dans un grand restaurant : Garçon, du bleu, s’il n’y a pas trop de vesons ! — Un de mes camarades tombait en extase à chaque fois qu’on levait la cloche du fromage bleu. Il disait que cela lui rappelait ses premières amours. Je n’ai pas su saisir cette affinité mystérieuse. Peut-être qu’il avait aimé la fille d’un marchand de fromage ?

BLEUSIR, BLEUSAYER, v. n. — Bleuir. v. a. — Mettre de la couleur bleue. — C’est bleuir où l’on a intercalé une s pour rompre l’hiatus.

BLONDE, s. f. — Une canante. La couleur du sujet ne fait rien à l’affaire et une blonde peut être brune. Le Claudius avè sa blonde se sont attrapés par la bourre. La blonde représente chez tous les peuples le type de la beauté. Si quelque lectrice, brune ou châtaine, s’étonnait de cette prééminence, je lui citerais, en manière de consolation, un proverbe de chez nous qui dit, à propos de celles qui sont un peu pruneau, « que le poivre noir est le meilleur », et puis… et puis… de tout poil bonne bête, comme dit un autre proverbe de chez nous.

BLOQUER, v. a — Vendre en bloc, sans peser ni mesurer. J’entendais un jour un bon paysan parlant d’un bon jeune homme qui grâce à une petite dot, avait accepté d’épouser une boye dans un état intéressant : Al a tot blocô à cinquanta pistoles, la bouvine et lo viau.

BLOTTE, s. f. — Longue chenevotte soufrée par les deux bouts qui servait d’allumette au temps où les chimiques n’étaient point inventées. Je me rappelle que les dimanches de novembre, au retour des vêpres à Sainte-Foy, il fallait chercher le briquet à borgnon bleu sur la haute tablette de la cheminée de la cuisine. Des fois, patatras, le briquet, une boîte ronde, noire et vieille de deux siècles, tombait, roulait au bout de la chambre et les pattes brûlées de s’envoler par la chambre. Il fallait aller chercher du feu chez le père Martin, notre plus proche voisin de campagne. D’autres fois, on parvenait à trouver le briquet, mais dans l’obscurité, on se tapait sur les doigts au lieu de taper sur le fusil. Enfin, une étincelle est tombée sur la patte brûlée. Le papa souffle dessus de toutes ses forces, en criant dans les intervalles : Clairvil, une blotte ! — Peut-être du patois blu, blou, balle des céréales, écale verte ; par extension détritus de chanvre (?).

BLOUSER (SE), v. pr. — Faire une bêtise. Le père Thomas, en 1814, chantait une chanson de son crû :

En quatre-vingt-douze,
Ah, comme on se blouse !
On voyait tout rouge,
Au nom de la loi !
Mais en l’an quatorze,
C’est bien autre chose !
On voit tout en rose,
Sous notre bon roi !

Terme de l’ancien jeu de billard où l’on se servait de billards à blouses.

BOBE, s. f. — Faire la bobe. Faire une grimace en allongeant les deux lèvres pour merquer la mauvaise humeur : Tiens, t’as don pas amené ta bourgeoise ? — Te sais ben, le fait toujours la bobe. — De l’allem. dialectal, baepe, mufle, bouche.

Bobe, nom qu’on donnait aux garçons chargeurs. Une société de secours mutuels s’appelait Société des bobes.

BOC. — À boc et tabac, À tort et à travers. Les femmes parlent en partie toutes à boc et tabac. — Non de ab hoc et ab hac, comme l’écrit Larousse, mais corrompu de en bloc et en blac, qui, en vieux français, signifiait à tort et à travers, et littéralement « en bloc et en masse ».

BOCAL, s. m. — Machin en verre que l’on place sur les objets que l’on désire préserver de la poussière, une pendule, une statuette, etc. Les gens qui ont la prétention de parler comme à l’Académie disent un globe, mettre sous globe, mais je ne trouve globe en ce sens ni dans les sept acceptions du mot données par Littré dans son Dictionnaire, ni dans les trois ajoutés dans son supplément. Alors, comment qu’il faut dire ? — C’est dans la crainte de ne pas parler français que, au lieu de globe en verre, j’ai mis machin en verre. Cette indication générale est plus sûre.

BOCON, s. m. — 1. Poison. Prendre le bocon, Donner le bocon, Mme Lafarge avait donné le bocon à son mari. Jeter le bocon, Jeter par les rues du poison pour les chiens errants. Dis donc, bibiche, faut prendre garde à Azor quand il lèvera la jambe, on a jeté le bocon ce matin. — Emprunté au xvie siècle, de l’ital. boccone, grosse bouchée (de bocca) sous la forme boucon. Vous pouvez le voir couché tout au long dans le Dictionn. de l’Acad., vieille épave du passé, oubliée sans doute. J’ai en effet de la peine à me figurer un procureur général solennel, fendant l’air en quatre doubles de sa grande manche et s’écriant avec sa grande éloquence : Oui, Messieurs, l’accusé, poussé par les sentiments pervers, méchants et coupables d’une cupidité basse, vile et méprisable, a donné le boucon à sa chaste, honnête et vertueuse belle-mère.

2. Mauvaise odeur. M. et Mme Quiquenet montent la Grand’Côte et s’arrêtent en voyant des tranchées dans le pavé. Mme Q. Qu’i qu’y font don là ? — M. Q. Te vois pas que c’est M’sieu Ancel que fait travailler pour le gaz ? — Mme Q. Qu’est que c’est que ça, le gaz ? — M. Q. Que t’esses bugne ! Te sais pas que c’est des odeurs ? — Mme Q. Dis plutôt que c’est des bocons !

BOIME, BOUAME, s. m. Flagorneur. Faire son boime, Flatter. Mademoiselle Vierginie, je vous n’adore ! — Allons, fais don pas ton boime ! — C'est boême, avec prononciation contractée. Les Boémiens s'appelaient jadis Bohêmes.

BOIRE. — Donner à boire, Désaltérer. L'été, l'eau blanche, ça donne ben à boire plus que le vin.

BOIS. — Bois de lit, Châlit.

Bois de moule, Bois de chauffage. — De ce que le bois se mesurait au moule.

C'est la force du bois. Se dit à propos d’un jeune homme qui jette sa gourme. On compare le tempérament à du bois vert qui se gonfle ou se voile sans que rien l’en puisse empêcher.

BOISSON, s f. — Buvande, piquette, par opposition au vin. J'ai fait dix ânées de vin et cinq de boisson.

BOIT. — La lune boit, pour dire que la lune a autour de son disque une espèce de couronne blanchâtre qui diminue sa clarté. Présage de pluie. Le mot de boit montre que le populaire à le sentiment que le phénomène provient de la présence de matières aqueuses dans l’atmosphère.

BOÎTE, s. f. Petit mortier de fonte court, à culasse plate, qui se place la gueule tournée vers le ciel. On le charge de poudre, à bourre forcée. On les tire dans les réjouissances publiques, notamment dans les vogues. Question psycho- logique : Pourquoi l'idée d'un très gros pet s'associe-t-elle dans le cerveau humain à l’idée de réjouissance ?

Boîte à cornes, Chapeau. Une fillette : Maman, tiens : la boîte à cornes du papa.

Boîte du battant, terme de canuserie, Organe du battant à bouton. C'est la boîte dans laquelle est logé le rat (voy. ce mot), qui chasse la navette sur la verguette.

Boîte du peigne, terme de canuserie, Cadre en bois dans lequel est enchâssé le peigne métallique.

BOMBARDE, s. f. Instrument de musique composé de deux lamelles de ferblanc avec une languette d'acier entre deux, le tout fixé dans un morceau de bois verni en rouge, cela fait quuin… On en fait de compliquées, qui ont jusqu'à trois ou quatre notes bien fausses. Si quatre ou cinq bombardes sont ainsi soutenues d'autant de pines, on dirait la marche de Lohengrin. — C’est le vieux français bombarde, hautbois : de bombus, bruit.

BOMBER, v. a. — Terme du Cheval-fondu. Bomber sept semelles, franchir le gone qui sert de cheval, en prenant son élan de la distance de sept semelles en avant de celui-ci.

2. Terme du jeu de gobilles. Lancer la main en avant en même temps qu’on lance la gobille du pouce. C’est une frouille. — De bombe. Le gone qui saute décrit la parabole de la bombe. Le sens 2 est une extension.

BOMBONNE, s. f. — Dame-jeanne dont les droguistes se servent pour mettre leurs ingrédients : Une bombonne de vitriol. — Je dinais quelquefois en famille chez un brave homme de marinier. Pour ne pas se déranger en allant chercher du vin à cha-bouteille, on mettait en commençant une bonbonne sur la table. — De bombe, bouteille qui avait la forme d’un bombe.

BON, s. m. — Dans la langue des enfants les douceurs. La poupou peut être très bonne, ce n’est pas du bon. Je connaissais un petit gone qui était comme pas un. Quand il avait trop mangé, il cessait de manger : un vrai philosophe. Un jour, sa mère lui disait comme cela : Gaspard, veux-tu encore du bon ? — Merci, m'man, qu'il répondait poliment, je suis prou soûl !

Jouer pour de bon ou à de bon.

BON, BONNE, adj. intensif. — S’applique des fois à des choses qui ne sont pas bonnes du tout : Un bon rhume, une bonne radée.

Il ne fait pas bon faire. Manière de dire que le temps est très froid, très pénible. Il ne fait pas bon faire pour les cougnes au coin des rues ce matin. — C'est curieux, je n'ai jamais entendu dire : Il fait bon faire, mais toujours : Il ne fait pas bon faire. Image de Ja vie.

Il est bon là, M. Delorme ! Se dit de quelqu'un qui a échoué où il se croyait certain de réussir. Cadet Salopiaut i est-i pas allé dire au Central qui le fassiont nommer conseiller municipable ! Il est bon là, M. Delorme ! On expliquait l’expression par ce fait que jadis il y aurait eu à Mâcon un maitre d’hôtel du nom de Delorme, qui était de la confrérie dont on prétend que saint Joseph est le patron. Sa femme s’enfuit avec un officier par le coche d’eau. Le mari arriva sur le quai juste pour le voir partir. Sur quoi un témoin de s’écrier : Il est bon là, M. Delorme ! — Je vous donne l’histoire telle que Bosson me l’a racontée, il y a quelque six ans. — Cette expression, doût les Lyonnais s’assassinaient dans ma jeunesse, me parait tomber en désuétude.

BON-AMI. — Le masculin de bonne-amie.

BONBONS. — Avoir des bonbons sous le nez. Euphémisme pour indiquer les rognes que l’on a souvent sous le nez après un gros rhume de cerveau.

BON DIEU. — Il semble que le bon Dieu vous descend dans le gosier en culottes de velours. Locution d’origine ecclésiastique. Ne se dit pas quand on boit du Brindas, mais bien un vin chaud, généreux, velouté, pénétrant.

BONDON, s. m. — Euphémisme pour un terme bas. M. Chrétien disait toujours : Vous lui ferez prendre le remède par le bondon.

BONIFACE, s. m. — Un qui est malicieux comme un oison. Un grand Boniface. Comment que te trove ton prétindu, disait-on à la Touainon, de Pollionay. — A paré ben dzenti, mé al è in grand Boniface. — A n’é rin méchant ! A te fera bin tot ce que te vodré. — De l’analogie entre bonne face et Boniface, nom propre.

BONJOUR. — Bonjour, braves gens, excusez si je me trompe. Formule de politesse délicate que l’usage astreint à dire à chaque fois que, par erreur, l’on pénètre dans quelque assemblée où l’on n’était pas convié. Par exemple, chez Casati, vous vous trompez de porte et vous tombez dans un banquet de procureurs : Bonjour, braves gens, excusez si je me trompe.

Bonjour, voisin ; voilà la tête ; le… fond viendra demain. Phrase bienveillante que nous avons accoutumé de dire aux cavaliers inexpérimentés qui se penchent en avant au trot du cheval. On comprendra facilement que pour que la tête arrive aujourd’hui et le reste demain, il faille être fortement penché en avant. Cela semble même une sorte d’exagération.

BONNE-AMIE. — Tout honnête Lyonnais emploie cet euphémisme pour maitresse. En 1814, nous logions un grand escogriffe de soldat autrichien qui avait immédiatement retenu le mot. Il restait couché toute la journée et ne se levait que pour manger. Il s’étirait longuement en disant : Touchours poire ! Touchours mancher ! Touchours tormir ! Touchours foir ponne amie ! Ce garçon avait sur les quatre fins de l’homme les vues d’une philosophie douce.

BONNES. — Être dans ses bonnes. Se dit des dames qui, le matin, ont mis leur bonnet du bon côté ; mais cela arrive rarement.

BONNES GENS. — Exclamation qui exprime surtout la compassion, comme le pécaire des Provençaux, le petsaire, petsirète des gens du Gévaudan, le beaussaigne (beau Seigneur) des Gagas, le bissaigne des Ponauds, le povero, poverino des Italiens. Je connaissais une veuve qui se remariait. Rien ne manquerait à mon bonheur, disait- elle, si mon pauvre défunt était là, bonnes gens !

BONNET. — Bonnet de crême. Tiens, tiens, vela Pouillason que s’amène avè son bonnet de crême ! — Mais pourquoi de crême ? — Parce que le laid est dessous.

BONNE TÊTE. — Avoir bonne tête ou une bonne tête, ne signifie pas pour nous avoir un visage agréable, mais beaucoup de capacité. André Ampère avait bonne tête. — C’est le sens classique de l’expression (voy. La Bruyère). Avoir bonne tête pour bon visage est de l’argot moderne.

BONNETTE, s. f. — Coiffe de nuit. Le bonnet est pour l’homme, la bonnette pour la femme. Quoi de plus naturel ?

BOQUE, s. f. — Pontiaude, femme lourde, épaisse. Ne s’emploie qu’avec l’adj. grosse, comme mique, qui en est l’opposé, avec grande. Vouliont-t’i pas me faire marier c’te grosse boque ? — Sorte d’onomatopée. Oque exprime le lourd, le grossier : bloc, mastoque, gnoque.

BORGNASSER, v. n. — Regarder de très près, comme quelqu’un qui n’y voit pas bien. Au fig. se dit d’une lumière qui bat au moment où elle est près de s’éteindre, « Sitôt que le chelu de ma déplorable existence, après avoir borgnassé longtemps, faute d’huile, aura fini par s’éteindre. » (Les Canettes.)

BORGNAT, s. m. — Espèce de petite bécassine. — Je suppose de son vol à crochets qui a l’apparence (mais l’apparence seulement) d’un vol aveugle.

BORGNE, s. m. — Orvet. — Borgne est pris dans le sens d’aveugle, parce que nos paysans croient l’orvet privé de la vue, ce qui est une erreur.

Borgne d’un œil. — Les grammairiens qui blâment ce pléonasme ignorent qu’il n’en est un que pour eux. Dans les dialectes d’oc, borgne signifie aveugle, comme, dans la langue d’oïl, borgne signifiait primitivement louche. Borgne d’un œil est aussi rationnel qu’en français sourd d’une oreille. Aussi, pour désigner un aveugle, avons-nous accoutumé de dire qu’il est borgne d’un œil et n’y voit rien de l’autre. C’est un peu plus long, mais cela se comprend très bien.

BORNIQUER, v. a. — Regarder avec difficulté en clignant des yeux. Borgnasser exprime un état, borgniquer exprime une action.

BORGNON. — Borgnon est employé pour œil dans le Songe de Guignol :

Il avait deux borgnons brillants comme un chelu.

Mois cela ne me semble pas du lyonnais classique.

À borgnon. Locut. pour À l’aveuglette, à tâtons. Mon oncle Jean-Pierre avait accoutumé de dire que l’on pouvait prendre sa femme à borgnon : que l’on y vit, que l’on n’y vit pas, on était toujours sûr de se gourer. À quoi mon oncle Jean-Claude de répondre qu’il fallait toujours, autant que faire se peut, la prendre moyennée ; pour autant que, puisqu’on peut aussi bien se gourer avec une qui à du de quoi qu’avec une qui n’a pas du de quoi, il vaut mieux se gourer avec une qui a du de quoi. À quoi mon oncle Jean-Jean d’ajouter : « Allons, bien pensé ! »

BORGNON-BLEU, s. m. — Qui a la vue si basse qu’il n’y voit goutte. Au fig., qui n’y voit pas plus loin que son nez ; qui n’a point d’ème.

On dit aussi à borgnon-bleu pour « dans l’obscurité ». Je connaissais un bon mari qui avait une femme fort laide. Bah ! qu’il disait, à borgnon-bleu, vous n’en faites pas la différence ! — Composé de borgnon, qui n’y voit pas, et bleu, pris au sens d’obscurité. Voy. bleu, « n’y voir que du bleu. »

BORNE, s. f. — Pus, sanie. J’ai z’un clou au cotivet que jette de borme. — Le radical borb, borm, est celtique. Il a la signification d’ampoule, pustule.

BORNICANDOSSE, BORNICLASSE, BORNIQUET. — Qui n’y voit presque pas. Variations sur le thème borgne.

BORRIAU, s. m. — C’est le nom que, dans tous les ateliers, l’on donne à l’apprenti. « Un borriau de canut qui chinait un 4500 cartons en 600 (600, c’est le nombre des crochets de la mécanique), » m’écrivait mon correspondant anonyme Forducou, « michi-mitron au bas de la Grand’Côte ». À quoi je connus bien qu’il n’était point mitron, mais bien dans la canuserie. — Forme lyonnaise de bourreau. Quant à la dérivation du sens, elle vient de ce que le borriau, lorsqu’il remonde, saigne les fils comme le bourreau saigne un chrétien.

BOSON, s. f. — Pouponnet a-t-il fait son boson ? demandait devant moi une bonne mère. Au fig. Charmante expression de tendresse : Mon cœur, mon petit boson. L’image est délicate. Viens, gros boson, dit-on à un bel enfant. — De bouse. Boson, petite bouse.

BOSSE. — Se faire de la bosse, S’amuser, se divertir. Tout est relatif. Le gone se fait de la hosse avec un sou de… (mettre ici le nom du papier à biscuit ; voy. biscuit) ; l’ouvrier se fait de la bosse en jouant des petits verres au tourniquet ; l’homme calé en soupant au Café Neuf. Je me suis fait suffisamment de la bosse quand j’ai pu passer une nuit sans trop souffrir.

BOTTE, s. f. — Petit flacon. Usité seulement dans botte d’encre, Petite bouteille en grès, pleine d’encre. — Bas latin busta, dont le type se retrouve en grec, en germain et en celtique.

BOUCHARDAGE, s. m. — Travail fait à la boucharde.

BOUCHARDE, s. f. — Outil du tailleur de pierre. Marteau dont la tête est armée de dents en pointe de diamant et dont on se sert pour faire les parements de la pierre de taille. — Fait sur bûcher (une pierre). Littré dit qu’on nomme boucharde le marteau à pointe de maçon. Rien de plus inexact, au moins en ce qui nous concerne. L’outil désigné par Littré se nomme têtu.

BOUCHARDÉ, ÉE, adj. — Qui a été travaillé à la boucharde.

BOUCHARDER, v. a. — Travailler à la boucharde.

BOUCHARLE, BOUCHERLE. s. f. — Élevure qui vient sur les lèvres. Mme Pouillenez : Je sais pas ce qu’a le Marius, il a toujours tout plein de boucharles.Le père Cinquet, doctement : Pardi c’est pas difficile. C’t enfant i se pitrogne le bas de la Grand’Côte, puis i se grabotte le nez après. Vous y devriez dire qui se grabotte d’abôd, puis qu’i se pitrogne après. Par ainsi i n’aura pas de boucharles aux lèvres.Mme P., émerveillée : C’est juste ! Jamais j’aurais trouvé ça toute seule ! — De bouche.

2. Fauvette. — Bas latin boscum, bosquet. La boucharle est l’oiseau des bosquets.

BOUCHÉ. — Bouché comme un escargot par le grand sec. Ne se dit pas de quelqu’un qui a la comprenette bien déliée. On dit dans le même sens, Avoir l’esprit bouché.

Être bouché des sept trous (les yeux sont comptés pour des trous), Être stupide.

Un homme porté sur sa bouche, Un gourmand.

  • Encore un des nombreux exemples de

la pureté de notre langage. On dit couramment à Paris, sans tenir compte, ni de la correction grammaticale, ni de la convenance : porté pour sa gueule. J’ai relevé dans un auteur à la mode : Ce qu’elle doit être sujette à sa gueule (Gyp).

BOUCHER. — Tous les bouchers ne tuent pas des veaux. Se dit en parlant de ceux qui n’ont pas l’esprit bien débouché.

BOUCHON, s. m. — 1. Branches de pin, formant autant que possible la boule, et qu’on suspend, en guise d’enseigne à la porte des cabarets. Dans l’antiquité, le pin était consacré à Bacchus. Il n’est pas téméraire de penser que le bouchon rappelle cette tradition. — Dimin. de bousche, en vieux franç. faisceau de branchages.

2. Le cabaret lui-même. — Métonymie : de la chose pour le signe de la chose.

3. Terme de canuserie. Petite agglomération de bourre qui se fait parfois aux fils de la chaîne par suite de l’écorchement de la soie.

4. Terme de tendresse. Mon cœur, mon petit bouchon. — Est-ce bouchon de cabaret pris au fig. ? Le bouchon de cabaret est pour beaucoup une vue si aimable.

Bouchon de latrines. Se dit, au fig., d’une très petite femme. Il est bon de s’abstenir de cette métaphore devant les dames.

À bouchon, loc. adv. Tomber à bouchon, S’aboucher. Se coucher à bouchon, Se coucher sur le ventre. « Ce mot est encore en usage (je le crois bien !), dit Armand Fraisse, témoin ce refrain suave que nous avons entendu, il y a quelque jours, à la Guillotière, chanté à tue-tête par une petite fille rose et blonde :

Fouilleuse,

Rogneuse,
Marchande d’oignons,
Qui vire,
Qui tourne,

Qui tombe à bouchon. »

De bouchon (v. aboucher).

BOUCI-BOULA, adv. — Couci, couça. À un négociant : Comment vont les affaires ? — Bouci-boula. À une jeune mariée : Eh bien, ce mari, ça marche-il ? — Bouci-boula. — C’est une corruption de sens. Le sens véritable est tête-bêche (bout-ci, bout-là). La dérivation s’est faite sous la double influence de boulotter, aller plan-plan, et de couci-couça, dont les terminaisons rythmiques se rapprochent de bouci-boula.

BOUFFARET, adj. — Joufflu. Ne s’emploie que dans l’expression Ange bouffaret pour un petit chérubin bouffi. Rose comme un ange bouffaret. On raconte que lorsque la sainte Vierge monta au ciel, le jour de l’Assomption, elle fut portée par des anges bouffarets, de ceux qui n’ont que la tête et deux ailes, comme cela se voit dans les tableaux des vieux maitres. En arrivant là-haut, les petits anges, comme bien s’accorde, étaient bien fatigués. Il parait qu’il y a si loin ! « Allons, mes petits enfants, dit la sainte Vierge compatissante, vous devez être bien las, asseyez-vous ! — Eh, bonne sainte Vierge, firent les anges. nous voudrions bien, mais nous n’avons pas de quoi. » C’est un bon vieux curé qui m’a conté cette gandoise. — Fait sur bouff, bouffer.

BOUFFER, v. n. et a. — 1. Souffler, attiser. Le vent bouffe ce soir.

2. Gonfler, enfler. Une dame à sa tailleuse : Tâchez voir moyen de bien faire bouffer mon postiche. — D’une interjection bouff, produite au moyen du gonflement des joues.

BOUGEON, ONNE, adj. — Remuant. Un enfant bougeon. Quand mon ami Agnus Poupard, de la rue Ferrachat, se maria, on lui demandait comment il avait passé la nuit. Je l’aurais bien passée, dit-il, mais ma femme est si tellement bougeonne que je n’ai rien pu dormir.

BOUGRASSER, v. n. — Se remuer sans effet utile. Je ne sais pas ce que j’ai bougrassé ce matin. je n’ai pas fait une aune. Il est un peu bas. — Étymologie : — Ah non, par exemple !

BOUIL (prononc. bou), s. m. — État de bouillir. Le bouil de la vendange. Un tour de bouil. Faire prendre le bouil à la soupe. Aller grand bouil. Quand on est jeune, l’amour va grand bouil. Puis le bois manque. Ça va petit bouil. Puis, il n’y a plus que des cendres, et froide est la marmite. — Subst. verbal de bouillir.

BOUILLES, s. m. pl. - Entrailles. — Ce mot a été inscrit par Chanoine en marge de son exemplaire de Molard. C’est une forme de bôyes (voy. ce mot), de botulae, et plus voisine du français.

BOUILLI, s. m. — Quiconque a reçu des leçons de bon genre sait assez que l’on ne doit jamais dire : Voulez-vous du bouilli ? mais : Voulez-vous du bœuf ? — Sottise ! Savez-vous si ce n’est pas de la vache ? Puis l’Acad. dit proprement : « Bouilli, viande cuite dans un pot, dans une marmite. » Et Mme de Sévigné écrit : « Nous avons mangé du potage et du bouilli tout chauds. » Allez, grammairiens, et tâchez d’écrire comme elle.

Je connaissais un excellent homme que des imbéciles, dans un repas d’amis, firent boire avec excès pour l’emmener ensuite comme Saint-Preux, chez ce que, par un délicat euphémisme, Rousseau, dans la table de la Nouvelle Héloïse, appelle « des femmes du monde ». Le bonhomme, dégrisé et rentrant à la maison, disait mélancoliquement à ses amis : « Ah ! rien ne vaut encore le bouilli de la bourgeoise ! »

BOUILLIR. — De quelqu’un qui n’est bon à rien nous disons : Il n’est bon ni pour bouillir ni pour rôtir.

BOUILLON. — Bouillon de chien, Pluie. Un dimanche, je rencontre aux Terrenux le père Petavert, qui était sur ses trente-six. Tiens, que je fais, le père Petavert qu’a mis son habit à manger de viande !Justement, qu’il me dit, je m’ensauve pour rentrer avant qu’i tombe de bouillon de chien ; je ""voudrais pas saucer mon panneau !

C’est un bouillon qui chauffe. Même sens que Bain qui chauffe (voy. bain).

Boire un bouillon. Se dit d’un marchand qui perd sur une affaire ou de quiconque a fait une spéculation malheureuse.

Bouillon pointu. — Piglialo su, Signor monsu !

Bouillon d‘onze heures, Bocon. — On explique la locution par la persuasion où étaient les vieux Lyonnais que, dans les hôpitaux de Lyon, on se débarrassait des malades incurables en leur faisant prendre un bouillon empoisonné qui se distribuait à onze heures. Mais la généralisation de l’expression, qui se retrouve dans tout le Velay et jusqu’au fond de la Saintonge, doit lui faire attribuer plus qu’une origine locale.

BOULANGER (LE). — Le Diable. Ainsi dénommé parce qu’il met à cuire les damnés dans son four. Nos pères paraissent avoir beaucoup redouté de désigner le Diable par son nom, comme si l’on eût craint d’attirer son attention. En le désignant comme cela, par un sobriquet convenu, il ne se doutait de rien.

BOULE. — Tirer une boule, La déplacer en lançant la sienne contre elle. Tirer en place, Baucher en place (voy. baucher).

Avoir les yeux en boules de gomme. À peu près comme avoir les yeux en boules de loto. C’est Blanc-Saint-Bonnet ou Saint-Bonnet-Blanc.

Avoir les yeux en boules de loto. C’est les avoir à fleur de tête, comme les grenouilles. On prétend que ceux qui les ont de la sorte ont beaucoup de mémoire, pour autant que, pour se loger dans la cervelle, elle est obligée de pousser les yeux en dehors.

Perdre la boule, Perdre la tête, ne savoir plus où l’on en est.

BOULIGANT, ANTE, adj. — Eh bien, disais-je un jour au père Lacocat, vous ne mariez donc pas la Reine ? Voilà cependant qu’elle va contre ses vingt-cinq ans. — M. Puitspelu, m’en parlez pas. Elle m’a dit : « P’pa, je ne veux me marier qu’avec un homme qui soye bien bouligant comme moi. » Elle n’en a pas encore trouvé qui soye assez bouligant. Bouligant, pour la Reine, qui était une forte fille, d’un gros sang, cela voulait dire actif, remuant, travailleur, un massacre à l’ouvrage, et dans tous les genres d’ouvrages. Ces hommes-là sont rares, hélas ! et la Reine, toujours bouligante, est restée garçon.

BOULIGUER, v. a. — Remuer, secouer, agiter. J’étais en villégiature en Dauphiné, maison hospitalière, nommée la Belinas. Avec nous, une jeune et jolie dame, sa fille Suzon, neuf ans, qui couchait dans un cabinet, jouxte la chambre de sa mère. Mari à Lyon, à son commerce comme bien s’accorde. Il arrive un samedi soir, toujours comme bien s’accorde. La jeune femme demande une chambre pour son mari : nez de bois. Le dimanche, au fin beau milieu du déjeûner, voilà Suzon qui se met à dire : Je ne sais pas ce que papa et maman ont tant bouligué cette nuit ! Quoi là d’extraordinaire ? Mais il y a des gens qui s’étonnent de tout. Une flamme passe sur le visage de la jeune femme ; elle se lève et prend la porte… Tout le monde se regarde ébahi… Le petit Jacques, le cadet de sa sœur de près de dix ans, était naguère cuirassier. Ceux qui ont été témoins de cette véridique histoire ne l’appellent entre eux que Jacques de Belinas. Suzon est une charmante mère de famille. — De Bullicare, fréquentatif de bullire. Le mot est d’origine provençale.

S’emploie au fig. pour émotionner : Te manges pas, Marvina ? — Je suis toute bouliguée, par rapport à ce pauve vieu que j’ai vu marpailler par le tramevet de Neuville.

BOUQUET. — Fleurs. Ramasser des bouquets, Cueillir des fleurs. — Métonymie du tout pour la partie.

Bouquet-tout-fait, Œillet barbu, dianthus barbatus.

Bouquet de fréquentation, Bouquet que l’usage oblige d’apporter chaque jour à sa prétendue, et que la bouquetière compose en conséquence.

BOURCETTE, s. f. — Mâche (Voy. blanchette). De bourse, suivant Littré : petite bourse. Mais cela se ressemble comme une bigue et une paume. Lisez plutôt un dérivé de bourre, bourrassette, boursette.

BOURCHANIN. — Les cornards du Bourchanin. Voy. Cornard.

BOURDIFAILLE, s. f. — Assemblée confuse, Cohue. Machère comiesse, êtes-vous allée au bal de la préfecture ? — Ma chère baronne, je ne vais pas à ces bourdifailles. — Du vieux franç. bourdiff, feu de joie ; bourdi, nom donné aux fêtes du dimanche des brandons ; de behourdir, primitivement jouter à la lance puis se divertir.

BOURGEOIS ou mieux BORGEOIS ou mieux BARGEOIS, s. m. — Chef d’atelier en canuserie. Madelènne Batillon datait sa lettre à Gérôme Blicart « des latrines où je suis n’après trancaner la jointe de mon borgeois avant qui n’en soit levé (manquablement pour lever la flotte). »

Bourgeois de Lyon. — Titre recherché avant la révolution à cause de ses privilèges. S’obtenait par l’inscription à l’hôtel de ville des noms et qualités de celui qui venait faire sa déclaration de domicile, de bonnes mœurs, et de religion catholique. Dix ans après cette formalité, on avait le titre de bourgeois, pourvu qu’il n’y eût pas de vitupère, pour insolvabilité, mauvaise conduite, etc. Les habitants nés dans Lyon, d’un bourgeois, étaient de droit bourgeois.

BOURGEOISE, s. f. — L’épouse légitime. Faut que je rentre vite, la bourgeoise raffoulerait (es bourgeoises sont souvent raffouleuses, mais on est tout de même bien content de les avoir). La plus canante des connaissances ne fait qu’une matrue bourgeoise, disait mon maitre d’apprentissage, le philosophe.

Proverbe : Qui mieux ne peut couche avec la bourgeoise.

BOURGOIN. — Te dois pas être loin de Bourgoin, te sens la Grive. Manière polie de dire à quelqu’un qu’il est soûl (la Grive est un petit village des environs de Bourgoin). Comp. Soûl comme une grive.

BOURLAYER (bourlèyé), v. n. — Remuer inutilement, perdre son temps en ayant l’air pressé. Il a l’air de travailler, et il ne fait que bourlayer. — De bulla, lyonn. bourle. Bourlayer, rouler comme une boule.

BOURLE, s. f. — Bosse, enflure, spécialement à la suite d’un coup. Quand on s’est fait une bourle il faut appuyer un moment dessus avec un sou. Je suppose que c’est parce qu’on a plus facilement un sou dans sa poche qu’un louis. Cependant, il est toujours plus sûr d’employer un sou pour bien suivre l’ordonnance. — de bulla, boule.

BOURNEAU, BEURNEAU, s. m. — Tuyau de terre cuite pour la conduite des eaux. — Du radical bulla, signifiant chose creusée en tuyau ; du vieux haut allem. boron, percer.

BOURRASSE, s. f. — Grosse touffe de soie, laine, bourre, etc. — Augmentat. de bourron.

BOURRASSER, v. n. — S’effilocher, se mettre en bourre. C’te soie, autant de bave ; elle bourrasse, qu’elle peut pas passer à travers les mailles.

BOURRASSEUX, EUSE, adj. — Qualité d’un objet qui se bourrasse. Au fig. Un ami à un ami : La bourgeoise n’est pas méchante, mais elle est bourrasseuse.L’autre ami : — Comme la mienne, quoi !Troisième ami, haussant les épaules : Comme en partie toutes les femmes, quoi !

BOURRATIF, IVE, adj. — Se dit des aliments qui bourrent. Dans un grand diner, la maitresse de maison, d’une voix des dimanches : M. Anatole, vous ne revenez pas à l’oie aux marrons ; est-ce qu’elle n’est pas bonne ?M. Anatole avec un sourire aimable : Oh ! si, Madame, mais c’est un peu bourratif et ça me tube. — C’est comme moi, si j’en mange un peu trop, je suis toute gonfle.

BOURRE, s. f. — Image gracieuse pour dire cheveux. Les femmes, quand elles montent à l’échelle, sont fortes pour s’attrapper par la bourre. On dit encore : S’empoigner par la bauche, S’accrocher par la chavasse, comparaisons empruntées à la vie rustique, comme on le voit dans les Géorgiques.

BOURREAU, s. m. — Bourreau d’argent. Se dit de ceux qui attachent leurs chiens avec des saucisses, ou qui jettent les épaules de mouton par la fenêtre.

BOURREAUDER, v. a. — Martyriser, faire souffrir. Pétrus, auras-tu bientôt fini de bourreauder le chat, que te vas te faire graffigner ?

BOURRÉE, s. f. — Brouée, bruine. Pleut-i ? — Oh rien, quèque dégouts. Une bourrée seulement. — C’est brouée avec métathèse de r pour faciliter la prononciation.

BOURRER, v. a. — 1. Bourrer quelqu’un, le rabrouer. C’est bourrer, cogner, pris au fig.

2. Terme du jeu de gobilles. Bourrer, c’est lancer sa main en avant quand on jette sa gobille pour lui donner plus de force. C’est une frouille.

En terme de manège on dit aussi qu’un cheval bourre lorsqu’il s’élance en avant sans que le cavalier s’y attende.

BOURRIER, s. m. — Amas de balles ou enveloppes de grains. Le grand vent a fait des bourriers dans les coins.Y avait six mois que la bourgeoise n’avait pas balayé sous le lit. C’était un vrai bourrier.

BOURRILLON, s. m., terme de canuserie. — Petit bouchon de soie auquel on n’a pas pris garde en remondant, et qui paraît sur la façure. On l’enlève en pincetant. — De bourre.

BOURRIQUE. — Éventail à bourrique. Euphémisme délicat pour dire un garrot. Dodon, viens-tu, on gare l’éventail à bourrique ! J’ai retrouvé, non sans un peu d’étonnement, l’expression dans la bouche d’un héros de l’Assommoir. Elle a été importée du Midi par l’auteur, car elle ne figure dans aucun des dictionnaires de l’argot parisien, tels que ceux de M. Larchey et de M. Lucien Rigaud.

Tourner en bourrique, Faire tourner en bourrique, S’abêtir par l’ennui et la monotonie. Ma fille est si bouligante qu’elle peut pas tenir à un ouvrage patel. Elle dit que de remonder, ça la fait tourner en bourrique.

BOURRON, s. m. - 1. Petit ânon. — De ce que le poil du petit ânon ressemble à de la bourre.

2. Petite touffe de laine, soie, etc. Tiens, tiens, le Victor qu’esse allé chez des dévideuses : il a tout plein de bourrons après ses culottes. Fine plaisanterie que les demoiselles ne manquent jamais de faire aux messieurs, toutes et quantes fois qu’ils en offrent l’occasion.

3. Petit paquet de chiffons, de papier, etc., bien serré : Fais-me donc passer un bourron de papier. — Pourquoi-t-est-ce faire ? — Pour faire l’âme de mon peloton.

BOURRU. — Vin bourru. Littré en donne cette définition : « Vin blanc nouveau qui se conserve doux dans le tonneau pendant quelque temps. » Chez nous, c’est simplement le vin à l’anche de la cuve. Il est un peu trouble, fort sucré, et tout de même l’on se fiole avec. Quand j’étais petit, je n’aimais pas le vin de Bourgogne, mais le vin bourru, si bien !

BOUSILLAGE, s. m. — Défaut dans la pièce du canut. Par extension, sottise, faute. Je sais pas, disait le père Fouilleron, en voyant s’élargir la ceinture de sa fille, je sais pas ce qu’a fait la Parnon ; j’ai bien peur que l’oye fait encore quelque bousillage.

BOUSILLER, v. a. — Faire un travail de travers, le gâcher. Allons bon ! disait M. B…, l’avoué à la Cour, dont la femme venait de se blesser pour la seconde fois, encore un de bousillé !

C’est le franç. bousiller au fig. On sait que bousiller, c’est faire une méchante maçonnerie de terre et de paille. Bousiller, de bouse, parce que le mortier dont on se sert à un peu l’apparence de bouse de vache.

BOUSILLON, s. m. — Un qui bousille. Sur la formation comp. barbouillon pour barbouilleur ; de même bousillon pour bousilleur.

BOUT, s. m., terme de canuserie. — S’emploie pour fil. Un pou-de-soie tramé cinq bouts.

BOUTASSE, s. f. — Réservoir où l’on recueille les eaux des chemins. Les eaux des toits vont dans la citerne, les eaux de la source dans la serve, les eaux des chemins dans la boutasse. — De butta, tonneau, avec le suffixe asse, agrandissant et péjoratif.

BOUTE-ROUE, BUTE-ROUE, s. m. — Chasse-roue. Jeunes vierges, que le char enflammé des impurs désirs se brise toujours au bute-roue de votre pudeur ! s’écriait en 1825 un célèbre prédicateur lyonnais. — Composé avec bouter, buter et roue, comme chasse-roue avec chasser et roue.

BOUTIFFE, BOUTIFFLE, adj. — Enflé, bouffi. À Lyon on a la mauvaise habitude de ne pas se gêner, parlant par respect, pour pancher de l’eau sur les cadettes en temps de gel. De là, de mauvaises tombures. Un jour d’hiver, devant Saint-Pierre, je fais rencontre de mon camarade Borlucosset, aujourd’hui l’architecte en grand renom. Il n’était pas de connaitre : le visage tout gonfle, le nez tout enfle, cabossé, qui était fait comme une poire cuisse-dame ; un œil au beurre noir, et la gaugue en pantoufle, comme quelqu’un qui vient de se faire tirer une dent chez Paillasson (ou chez Duchesne, le nom n’y fait rien). Que t’esse-t-i donc arrivé, mon pauvre Borlucosset ? que je lui fais. J’attends un moment sans rien voir venir. Borlucosset met la main à sa gaugne, comme pour retenir les briques d’un tupin cassé. Enfin, moitié sifflet, moitié glouglou, il amène ces mots : Oh, c’est rien. J’ai glissé sur de pipi par les escaliers des Capucins, et j’ai piqué une tête sur le coupant des marches. Je m’ai retenu avec la bouche. Heureusement les dents ont cédé. Sans quoi j’étais capable de m’abimer la ganache ! Seulement j’ai resté un peu boutiffe. — D’un radical boud, signifiant objet enflé.

BOUTIOU, s. m. — Terme dépréciant pour maçon. — C’est boute-ieau, gougeat qui porte l’eau.

BOUTIQUE, s. f. - Atelier de canut. — C’est le mot boutique, au vieux sens d’officina. Primitivement atelier ne s’entendait que de l’atelier de menuiserie.

BOYAU. — Il faut toujours avoir une aune de boyau pour ses amis. — Manière de dire qu’il faut toujours être en mesure de manger peu ou prou lorsque les amis vous offrent.

Aimer quelqu’un comme ses petits boyaux, L’aimer beaucoup. Héloïse aimait Abélard comme ses petits boyaux. Ce qui me remémore deux jeunes mariés, qui, ayant fait à Paris leur voyage nuptial, me racontaient au retour qu’ils étaient allés pieusement s’agenouiller au tombeau de Louise et Bernard. Aussi quelle drôle d’idée de s’appeler Héloïse et Abélard, au lieu de Louise et Bernard, qui se comprend bien mieux !

BÔYE (bô-ye), s. f. — Jeune fille. Une belle bôye. En Savoie bouille. — Pourrait reporter à un bagucula, formé sur le celtique bach, petit ; d’où bachgenes, jeune fille.

BÔYES (bôye), s. f. pl. — Boyaux. Il a le bôyes carcinées par l’arquebuse. — De botulae.

BRÂCHES, s. f. pl — Menus débris de végétaux, de bois. Quand j’étais petit, comme j’étais tout potringue, on me faisait des infusions tant que dure dure. On avait beau les passer à la passoire, je me plaignais toujours qu’il y eût des brâches au fond. À quoi ma mère de répondre invariablement « qu’on ne les engraissait pas avec de l’eau claire ». — Forme dénasalisée de branche.

BRAGARD, s. m. — Vif, émerillonné, bien mis, piaffeux. Mon cousin Lespinasse signait : Lespinasse, dit Bragard, fifre (v. ce mot) de Mornant. — Vieux prov. bragard, même sens ; vieux franç. bragard, gentil, aimable. Mot d’origine germanique.

BRAISE, s. f. — Miette. De braises de pain. Des miettes de pain. Par extension, Un tant soit peu. Veux-tu de retailles ? — Baille-me-n’en une braise. — Les formes des autres patois indiquent un subst. verbal de briser.

2. Terme de tendresse. Ne s’emploie qu’à la deuxième personne : Ven, ma braise, ma coque, mon boson ! — C’est le sens de miette pris pour extrême diminutif. Les termes de tendresse sont toujours diminutifs. On dit « mon petit cœur » et mon « mon grand gendarme ».

BRAME, s. f. — Brême. — De l’allemand brachsme.

BRANDIGOLER, v. n. — Branler, vaciller. — C’est brandir, avec un suffixe comique. Comp. rigoler.

BRANDONS. — Le Dimanche des Brandons ou les Brandons, Le premier dimanche de carême, dit aussi Dimanche des Bugnes. — De brandons, rameaux verts que le peuple lyonnais allait tous les ans chercher ce jour-là au faubourg de la Guillotière, et qu’on rapportait en ville, chargés de fruits et de gâteaux.

BRANDOUILLE. — Ne s’emploie que dans cette loc. Cuisinier brandouille, cuisinière brandouille, — qui fait la sauce aux grenouilles, ajoute-t-on souvent.

Un de mes amis m’expliquait qu’un jour, dans un restaurant parisien, impatient d’attendre trop longtemps sa soupe, il était aller gourmander le gâte-sauce à la cuisine. « Figure-toi que je trouve ce cuisinier brandouille en train de faire des yeux au bouillon. — Comment ! Faire des yeux au bouillon ? — Eh oui !.. il était devant la marmite, sa bouche pleine d’huile, et gonflant ses joues, il tapait dessus avec ses deux poings : Pssss ! Pssss ! Pssss ! et comme ça il envoyait des postillons à foison sur le bouillon, pour lui faire des yeux ! Je lui crie des sottises : il tourne la tête de mon côté ; je lui donne un coup de poing sur sa joue gonflée, qui fait qu’il me crache toute son huile par la figure. Je tape plus fort, la garde vient. Je passe en correctionnelle. Tu penses p’t-êt’ qu’on a condamné ce salopiaud ? Pas du tout, c’est moi qui paie 25 francs d’amende et 50 francs de dommages-intérêts. »

Le mot est-il en relation avec l’ital. brodaia, méchante soupe à bouillon très allongé.

BRANDUSSER. v. n. — Muser, flâner, se prendre à des riens. — C’est brandir avec un suffixe comique de fantaisie. Nyons, brandouiller.

BRANLER (SE), v. pr. — Se balancer sur une escarpolette. Très usité. Se trouve dans Molard, qui prétend qu’on doit dire brandiller.

BRANLICOTER, v. n. — Fréquentatif de branler.

BRANLOIRE, s. f. — Escarpolette. Molard assure qu’il faut dire brandilloire. Non. La brandilloire n’est pas proprement l’escarpolette, mais selon l’Acad., « des branches entrelacées ou quelque autre chose de semblable sur quoi l’on peut s’asseoir pour se brandiller. »

BRAQUE, s. m. — Un peu timbré, un peu toqué. — Dérivation de sens de braque, chien étourdi.

BRAS-NEUFS, s. m. — Un paresseux, un propre à rien. Nos voyageurs en grève, nos orateurs de réunions publiques, nos politiciens sont en partie tous des bras-neufs.

BRASSAGE, s. m. — Eh ben, père Pignard, travaillez-vous ? — Oui, mais ça ne vaut pas grand’chose, y a trop de brassage. Dialogue que vous entendrez tous les jours à la Croix-Rousse. Le brassage, c’est la transformation d’un métier, sans qu’on ait pourtant à le remonter, par exemple d’un métier qui vient de faire un façonné en huit chemins (voy. ce mot) et qui doit faire un autre façonné en six chemins.

BRASSÉE, s. f. — Terme de nage. Faire une brassée, c’est ramener le bras contre le corps, puis le retirer avec grâce de l’eau, l’étendre et battre l’eau avec la main creuse. On dit plus élégamment battre ses agottiaux.

BRASSE-ROQUETS, s. m. — Nom un peu dépréciant que l’on donne aux petits commis de fabrique.

BRAVOURE, s. f. — Qualité de l’honnête homme. Il est la bravoure même. Le franç. a fait bravoure sur brave dans le sens d’homme brave, et le lyonn. sur brave dans le sens de brave homme.

BRAYER, v. a. — Brayer le chanvre, Le tiller. C’est le vieux franç. brayer, qu’on trouve encore dans Cotgrave au sens de broyer.

BRAYES (bra-ye), s. f. pl. — Culottes. Vieux franç. « Nos libertés auront peine à sortir d’ici les braies nettes, » dit Molière. Ce mot a l’avantage d’être plus distingué que culotte dont le radical est pénible à prononcer devant des dames.

BRÉCANIÈRE, BRANCANIÈRE, s. f. — Sorte de filet dont le manche se divise en deux branches. — Du type qui a formé le franç. branche.

BRÈCHE, s. . — Brèche de miel. Rayon de miel. C’est le vieux franç. bresche, de ruscum, ruche, lui-même d’origine celtique : rusk, rusg, écorce, parce que les ruches étaient primitivement en écorce.

BREDIN, s. m. — Niais, sot. Faire le bredin, Faire la bête. — Du radical qui a formé le français bredouiller.

BREDOUILLE, s. f. — Ventre. — Vieux franç. bredaille, en rapport avec breuilles, entrailles de poisson ; buille, entrailles ; de botulus.

BREDOUILLON, s. m. — Un homme qui ne sait ce qu’il fait, qui n’a ni consistance ni parole. — De bredouiller, avec le suffixe on, comme dans barbouillon, bousillon.

BRÉSIBILLE, s. f. — Bisbille, Molard dit inexactement bresbille. Aussi, dans un exemplaire de l’édition de 1803, que je possède, et qui a appartenu à l’imprimeur Chanoine, celui-ci a-t-il mis un petit i sur le mot, pour indiquer la correction.

BRESSAN. — Long, lourd, lent, lâche. Proverbe allitéré. On sait que chaque pays daube sur ses voisins.

BRETAGNE, s. f. — Plaque de fonte qui se met au fond de l’âtre d’une cheminée pour défendre le mur de l’action du feu. La duchesse de Berry fut prise à Nantes, en 1851, derrière une bretagne qui dissimulait une cachette de trois pieds et demi de long sur dix-huit pouces de large. La duchesse resta là dix-sept heures avec trois personnes et une presse portative. Le supplice était horrible, mais le pis fut que les gendarmes qui gardaient la pièce eurent froid et firent du feu. « La plaque devint presque rouge, dit la duchesse : ma robe, en contact avec elle, était déjà brûlée en plusieurs endroits, et nous fûmes heureux de pouvoir prévenir cet incendie avec nos mouchoirs imbibés de pipi… » Enfin il fallut se rendre.

Le mot est très ancien à Lyon, car on le retrouve dans l’Inventaire, de Monet, 1636. Origine inconnue.

BRETEAUX, BRETIAUX. — Corruption de Brotteaux, née d’un besoin euphonique, et fort ancienne. « Est aussi fait défense… de faire descharger sur les Ports et Quais… aucunes meules de moulin et guises : ains serons deschargées à la queue du Breteau d’Esnay. » (Ordonn. 1672.) — Fonvieille, dans son Collot dans Lyon, écrit toujours Breteaux.

BRETONNÉ, ÉE, BRETONNEUX, EUSE, adj. — Bourgeonneux, euse. Avoir le nez bretonneux. — Fait sur bretonner.

BRETONNER, v. n. — Bourgeonner. Voilà les lilas qui bretonnent, ton groin aussi. — De brot.

BRICAILLES, s. f. pl. — Débris de briques, de pierres, etc. — Tiré de briques, comme pierrailles de pierre.

BRICHET, s. m. — Creux de l’estomac. On le trouve dans Molière : « En glieu de pourpoint, de petites brassières qui ne leur venont pas jusqu’au brichet. » — Emprunté irrévérencieusement à l’anatomie des poulailles. Le brechet est la côte saillante qui se trouve à la face externe du sternum des volailles. — Origine celtique.

BRICOLE, s. f. — Se dit, en construction, de menus travaux de réparations. Avoir quelques bricoles (à faire). Un de mes camarades avait de grandes prétentions au Don Juan. Nous lui demandions un jour des nouvelles de ses succès. Heu, heu, quèques bricoles, répondit-il avec modestie.

Littré le définit « Travail de hasard, mal rétribué… Cette expression est tirée de la bricole qu’on se met au cou pour traîner les petites voitures. » Définition inexacte, du moins en ce qui nous concerne. La bricole peut être très bien rétribuée. C’est seulement un travail peu considérable. Je crois que le mot est le subst. verb. de bricoler, aller de çà et de là. « Quand on mange quelque chose de trop chaud, on le fait bricoler dans la bouche. » (Acad. 1694.)

BRICOLER, v. n. — Faire des bricoles, n’avoir que des bricoles. Je demandais un jour, parlant par respect, à un gandou, s’il avait beaucoup de travaux. Euh, euh, qu’it me dit, nous n’avons point de beaux travaux, nous bricolons. Il entendait qu’il n’avait que quelques méchantes allèges d’eau claire ; qu’il n’avait pas de ces belles et vastes fosses de la Croix-Rousse, où, parlant par respect, la matière est d’une si admirable pureté ; enfin il n’avait pas de beaux travaux. Puis, peut-être cette année-là avait-il du chômage.

BRIDER. — Brider son âne par le c…, Prenûre un travail, une affaire à rebours. Un père, obligé de marier la cadette de ses filles avant l’ainée, me disait d’un air mécontent : Je bride mon âne par le c… Quand il y a des dames, on dit brider par la queue.

BRIGNOLES. — Arrapés comme de brignoles. Se dit de deux personnes qui s’embrassent longuement. Y se fesiont mimi en se tenant arrapés comme de brignoles.

BRIGNON, s. m. — Ce n’est que depuis peu de temps que je sais qu’on doit dire brugnon. J’avais cru d’abord à une corruption de prononciation et l’intérêt eût été médiocre. Mais brignon est au contraire le mot primitif, que donne Olivier de Serres et c’est brugnon qui est la corruption.

BRILLANT, s. m. — Bruant. — Confusion de sons avec bruant. — Le brillant n’a pas le plumage brillant du tout.

BRILLAUDI, s. m. Garçon évaporé, bruyant. — En rapport avec le suisso-romand brelauda, troubler, peut-être lui-même en rapport avec l’armor. brella, brouiller. Brillaudi est une forme patoise pour brillaudier.

BRIN, s. m. — Un tantinet. À table : Cadet, veux-tu de fiageôles ? — P’pa, j’en prendrai un brin. Une dame en voiture : Conducteur, eh ! arrêtez un brin, j’ai faute de descendre. — Brin, chose menue, étendue au sens général de chose de mince importance.

BRINDAS. — Vin de Brindas, Mauvais vin. Brindas, village de nos environs, renommé pour la fâcheuse qualité de son vin. Un Lyonnais, pour gausser, dans un grand restaurant de Paris, demande : Avez-vous du Brindas ? Mais il fut le dindon de la farce. — Certainement, Monsieur ! Et on lui apporte un vin cacheté quelconque, qu’à l’addition l’on compta six francs.

BRINGUE, s. f. — Une grande bringue, une fille longue et dégingandée. — Subs. verb. du vieux franç. bringuer, danser ; vieux esp. brincar. Le sens est dérivé de danser à se démancher en dansant.

BRIOCHE, s. f. — Brioche de Lyon. La différence fondamentale entre la brioche de Lyon et celle de Paris, me dit un briochier, c’est que la nôtre est faite avec du levain de pain et celle de Paris avec de la levûre de bière.

Faire une brioche, Faire une sottise. Pourquoi cette expression ? Il ne faut pas déjà être tant benoni pour fabriquer une bonne brioche ! Comp. faire une boulette.

BRIQUE. — De brique et de broque, Sans ordonnance, sans choix. Un livre, un discours fait de brique et de broque. — C’est un pléonasme. Brique et broque (de breque, forme de brique) signifient tous deux morceaux. Comp. la locut. de pièces et de morceaux.

BRIQUES, s. f. pl. — Morceaux, débris d’une substance dure. Madame est dans sa chambre ; la bonne dans le corridor, après son service. On entend bing !La dame : Ah, mon Dieu, je suis sûre que voilà mon thomas en mille briques ! Notre sens est le sens primitif du franç. briques.

Briques de défense, terme de batellerie. — Ce sont des madriers suspendus aux flancs des bateaux et qui servent à amortir les chocs si le bateau est poussé contre une rive ou un rocher.

BRIQUET, s. m. — Sorte de petite pâtisserie en pâte tendre et légère qui a la forme des anciens briquets en acier servant à enflammer l’amadou.

BRIQUETAGE, s. m. — Cloison faite de briques d’un pied de long (pied de roi), six pouces de large et un pouce d’épaisseur. C’est la grandeur de la brique dans le moule. Le retrait de la cuisson la réduit un peu. — Mot bien mieux fait que galandage, qui raisonnablement, ne se devrait dire que d’un galant âgé.

BRISCAILLE, s. f. — Faire briscaille. C’est, dans une partie de gobilles, rafler les gobilles qui sont sur jeu, puis s’enfuir. — Du patois briscaila, mauvais sujet, vagabond et qui vient du vieux français brès, brècon, fou, insensé, imprudent. La locution primitive a dû être faire la briscaille, faire le voleur, condensée en faire briscaille.

BRISE-FER. — Enfant qui démolit tout, déchire ses culottes, casse les visières de ses casquettes, use les bouts de ses souliers et qui finira manquablement sur l’échafaud.

BRISE-RAISON, s. m. — Se dit de quelqu’un qui n’a point de suite dans le raisonnement, dans la conversation ; qui n’a point de jugement. M. Petamour, c’est un brise-raison ; il parle comme un âne pète.

BRISON, s. m. — Un petit brison, Un tant soit peu. — C’est le mâle de brisette, en - vieux franc. petit morceau. — De briser.

BRISQUE, s. f. — Chevron du soldat, du caporal ou du sous-officier qui a fait un congé. Il a deux brisques. Par extension, la personne qui a des brisques : Une vieille brisque, Un vieux militaire. — Du vieux franç. bris, brix, rupture, chose brisée. Architecture, bris, rencontre des deux pentes d’un toit brisé.

BROCANTE, s. f. — Même signification que bricole. — Subst. verbal de brocanter.

BROCANTER, v. a. — Remuer des objets, spécialement des objets sans valeur ; perdre son temps à ravauder. Que don qu’i brocante tant avec sa femme ? — Dérivat. de brocanter, acheter et revendre. Comp. trafiquer, qui a pris aussi à Lyon le sens de remuer, ravauder.

BROCHE, s. f. — 1. Aiguille de bas. « Le mot broche, observe judicieusement Molard, convient mieux qu’aiguille, car une aiguille est pointue à une extrémité et percée à l’autre, au lieu que la broche est semblable par les deux bouts. »

2. Brochette de bois que le boucher, lorsqu’il vous fait porter votre viande, pique dans le morceau et où est marquée par des coches, comme à l’ouche du boulanger, la quantité fournie.

3. Terme de dévidage. Petite tige de fer à tête de bois, dont les dévideuses se servent comme d’un axe pour leurs roquets, lorsqu’ils sont placés sur la mécanique.

4. Broches à dessin, accessoire de la Jacquard, Broches de fer qui supportent les cartons sur le cerceau.

5. Dans le langage des banquiers, Effet de peu d’importance. Avant l’invention des sociétés par actions, beaucoup de Lyonnais, pour faire porter intérêt à leur argent, escomptaient des broches chez les marchands faisant un peu de banque.

6. Broches, Jambes. Décaniller ses broches, Filer vite.

BROCHER, v. a. — Faire un travail en hâte, à la diable. Brocher un travail, une lettre. — De brocher par opposition à relier (?).

BROCHET, s. m. — Quand vous tirez une boule, si vous êtes très mogneux, il arrive souvent que votre boule va tomber plus loin que celle que vous visez. L’espace compris entre les deux boules s’appelle un brochet. Faire des brochets de longueur.

BROCHEUR, s. m., terme de canuserie. — De mon temps l’espolin, dans les effets brochés, se lançait à la main. Aujourd’hui, on a un appareil à crémaillère destiné à faire mouvoir de petites navettes pour ces articles. Le brocheur se place au-devant du battant.

BROCHON. s. m. — Petite broche.

BRODEUSE, s. f., terme de canuserie. — Appareil destiné à remplacer le brocheur pour brocher de petites prises.

BRONDE, s. f. — Houssine, rameau. — Parait venir de l’esp. brota, vieux franç. broust, même sens.

BRONZÉS. — Souliers bronzés, Souliers minces, découverts, dont l’empeigne est en étoffe veloutée : chaussure d’été qui se porte aux grandes fêtes. Un de mes amis, qui, enfant, habitait le bas Vivarais, était déjà grandet lorsque pour la première fois, il fut à Montpellier, où, lui avait-on dit, se trouvait la statue de Louis XIV en bronze. Il fut tout surpris de voir que la statue n’était pas en peau de souliers bronzés. — Probablement de ce que les premiers souliers bronzés étaient en étoffe de couleur cuivrée.

BROQUETTE, s. f. — Certain organe chez les petits mamis. Le terme est un peu bas, mais jadis on était moins prude, et on l’employait couramment. Mon père me contait qu’en 1800, les canuts et autres gens du peuple portaient encore des culottes de couleur tendre. Un jour, dans Ja voiture de Mornant, il y avait, jouxte lui, un brave homme qui paraissait inquiet. En face, une jeune mère avec son enfant. Finalement l’homme perd patience : Dama ! Dama !.. rintrô don la broquetta de voutron pitit : vo n’avisô don pôs que va sôli ma culotta fleû-de-pêcher ! — De broccus, dent saillante.

BROQUETTES, s. f. pl. — Clous de soulier. À Paris, petits clous. Racine conte, dans une lettre, qu’allant à Uzès, « il avait commencé dès Lyon à nz plus entendre le langage du pays et à n’être plus intelligible lui-même ». Il ajoute : « Il arrive souvent que j’y perds toutes mes mesures, comme il arriva hier qu’ayant besoin de petits clous à broquette pour ajuster ma chambre, j’envoyai le valet de mon oncle en ville et lui dis de m’acheter deux ou trois cents de broquettes : il m’apporta trois bottes d’allumettes. » En effet, en Languedoc, des allumettes sont des brouqueto.

Ouvrir les yeux comme un chien qui exprime des broquettes, Les ouvrir fortement. L’image est un peu familière, mais elle est réellement expressive.

BROSSER. — Lorsque vous rendez à quelqu’un le service de le brosser, ne manquez jamais de vous interrompre de temps en temps pour taper deux ou trois fois du bois de la brosse par terre, comme les palefreniers font de l’étrille. Cette plaisanterie est très goûtée.

BROT, s. m. — Jeune pousse des arbres ou des arbustes. — Bas latin brustum, du vieux haut allem. brook, jeune pousse.

BROU. — De trou ou de brou, D’une façon ou d’une autre. Y a pas de trou ou de brou, faut que te rendes ta pièce aujourd’hui. — Paraît être une locution inventée de toutes pièces pour le seul amour de la répétition des sons.

BROUBROU, s. m. — Quelqu’un qui fait beaucoup de bruit, qui dérange tout pour n’aboutir à rien. Être broubrou. — Onomatopée.

BROUGER, v. n.— Réfléchir profondément, ruminer. — De rumigare (Chabaneau).

BROUILLARD. — Brouillard d’une lettre, Brouillon d’une lettre. On prétend que ce mot n’est pas français. Pourtant les négociants n’appellent pas brouillon, mais brouillard le livre sur lequel ils enregistrent leurs opérations au fur et à mesure de leur accomplissement. Le brouillard est à la comptabilité exactement ce que notre brouillard est à nos lettres.

Hypothéqué sur les brouillards du Rhône. — Ne se dit pas d’une garantie bien sûre. Mais pourquoi dit-on toujours les brouillards du Rhône, et jamais les brouillards de la Saône

Ce mot, au sens de brouillon, se retrouve dans Clément Marot et dans une lettre de Montaigne.

BROUILLE. — Brouille de canailles ne dure pas. C’est ce que me disait ma mère, quand j’étais brouillé avec le chat.

BROUILLÉ. — Lait brouillé. Se dit du lait qui a tourné. Une partie se change en eau, l’autre en séré. C’est bien triste, allez, le matin, quand votre poche-grasse vous vient dire : M’sieu, le lait qu’a brouillé ! Aussi, chez nous, avait-on le biais de faire bouillir le lait la veille. Quoique ça, des fois, les orages le faisaient brouiller. Et dire que l’Académie des Sciences n’a pas même éclairci cette question : « Pourquoi les orages font-ils brouiller le lait ? »

BROYOU, s. m., terme de construction. — Sorte de pelle arrondie et recourbée, emmanchée au bout d’un long bâton, et qui sert aux boutioux à corroyer le mortier. À Paris, on le nomme rabot. — C’est la forme lyonnaise de broyeur.

BRÛLE-BOUT, BRÛLE-TOUT, s. m. — Binet (voy. ce mot).

BRÛLER. — Brûler le c… à quelqu’un. Trope vulgaire, mais vif, pour indiquer qu’on l’a dépassé à la marche. Probablement de l’idée de frôler, qui développe de la chaleur : brûler le pavé, brûler une station.

Brûler une carte, La mettre sous le talon, la supprimer, quand, par exemple, elle a été vue par accident. Ici brûler est pris au sens d’anéantir.

Trois petits pâtés, ma chemise brûle. Spirituelle pénitence dans les jeux de société. Elle consiste à crier de toutes ses forces, par la fenêtre : « Trois petits pâtés, ms chemise brûle ! » Je n’ai jamais pu bien comprendre l’association d’idées entre la chemise et les petits pâtés. La pénitence qui consiste à embrasser une demoiselle est mieux de comprendre.

Brûler, v. n. — Aux jeux de société, se rapprocher d’un objet ou d’un mot cherché. Comparaison de l’objet cherché avec le feu qui brûle quand on s’en approche.

BRÛLOT, s. m. — Écervelé, qui fait des folies. Il est gentil, mais trop brûlot.

Le mot ne vient pas de brûlot, terme de marine, mais de brulot ou bruleau qui, en patois lyonnais, signifie four à chaux. Comp. à Lyon fourachaux, qui se dit aussi d’un garçon écervelé.

BRUSQUER. — Il ne faut pas brusquer la vaisselle. C’est comme les femmes, il vaut mieux la prendre par la douceur.

BRUTAL (LE). — Le canon. Lo brutal va petó, dit Roquille dans Breyou.

BÛCHE. — Une bûche de paille, Une bûche de balai. Un brin de paille, Un brin de jonc. — Dérivat. de sens. Comp. bûchette. « Anciennement le mot bûche signifiait brin de paille », dit Grangier. Je n’en crois rien.

BÛCHER, v. n. — 1. Travailler avec énergie. Bûcher comme un sourd ; Travailler comme un nègre. On ne dirait pas travailler comme un sourd ni bûcher comme un nègre. — De bûche. Bûcher, Faire un travail de bûcheron.

2. Terme de taille de pierre, Enlever au têtu la partie trop saillante d’un bloc de pierre ou d’une maçonnerie.

3. Terme de charpenterie, Enlever à l’herminette la partie trop saillante d’une pièce de bois.

Se bûcher. Se battre à l’épée de Couzon.

BÛCLER, v. a. — Parlant par respect, Brûler le poil d’un cayon. Beaucoup de personnes disent à quelqu’un qui a brûlé sa barbe, qu’il s’est bûclé, mais la figure est malhonnête.

Bûcler les cordons, terme de canuserie, Passer rapidement un morceau de papier enflammé sous les cordons pour brûler les fils qui dépassent. S’il fallait en croire Villon, déjà, au temps de Job, on aurait bûclé les cordons :

Mez jours s’en sont allez errant
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filetz, quant tisserant
Tient en son poing ardente paille :
Lors, s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.

Villon traduit mal. Dans la Vulgate, le fil n’est pas büclé, mais coupé : succiditus. Quoi qu’il en soit, on voit qu’au temps de Villon, déjà les tisserands bûclaient les fils qui dépassaient le tissu. — De bustulare, fait sur bustum, brûlé.

BUCOLIQUES, s. f. pl. — Menus objets, ciseaux, pelotons, plumes, trousses, etc. Un mari trouvant sa table encombrée, à sa femme : Auras-tu bientôt fini de m’embroncher de toutes tes bucoliques ? — Comme il faut que ces Lyonnais aient ancré profond le sentiment de la nature, pour avoir donné un nom si poétique à des objets qui n’ont rien de champêtre par eux-mêmes !

BUFFALO, s. m. — Sorte de car-ripert très léger, ouvert de toutes parts. M. Clédat a expliqué la formation de ce mot. En 1889, un Américain, qui avait pris le nom de Buffalo-Bill (mot à mot Guillaume Buffle), donne à Lyon des représentations d’une sorte de cirque de sauvages et de chasseurs de buflles, sur un terrain éloigné, au cours Lafayette. La Compagnie des Tramways organisa un service fait par ces voitures, qui étaient encore inconnues à Lyon. Comme elles conduisaient à Buffalo-Bill, le peuple leur donna aussitôt le nom de Buffalo, qu’elles ont gardé.

BUGEY. — En Bugey, le plus honnête homme a volé deux paires de bœufs. Les Bugistes, de leur côté, doivent avoir d’autres proverbes non moins flatteurs pour nous.

BUGISTRE, s. m. — Bugiste. — De même jésuite est devenu jugistre.

BUGNASSE, s. f. — Superlatif de Bugne. — Je ne sais pourquoi à l’Académie française on pratique la fausse orthographe pugnace. « Vous êtes pugnace, Monsieur, » disait naguère M. le comte d’Haussonville en réponse au discours de réception d’un très éminent critique. À l’Académie du Gourguillon où nous écrivons bugnasse, nous n’oserions jamais nous dire de telles choses, ou du moins nous le dirions plus correctement.

BUGNE, s. f. — 1. Sorte de pâtisserie en forme de couronne, frite dans l’huile.

Bugne à l’éperon, Sorte de beignet de pâte craquante, saupoudré de sucre. L’épithète à l’éperon vient de ce que, pour découper la pâte, aplatie en feuille sur la planche à pâtés, les cuisinières se servent d’un instrument assez semblable à l’éperon du cavalier.

Bugne à la rose, Autre sorte de beignet sucré en pâte très légère et parfumée comme son nom l’indique. On la criait par les rues sur la mélopée suivante :

[partition à transcrire]

Bugne entre deux talons. Fi ! l’horreur !…

Notre bugne est le même que le vieux franc. beigne, bugne, bigne, beugne, sortes de crêpes roulées et frites comme nos bugnes.

2. Au fig. Benêt, caquenano. S’emploie surtout avec le mot grande. Va-t’en donc, grande bugne ! disait un jour un de mes camarades à un ami. Celui-ci, d’humeur un peu susceptible, de se récrier. Mais, reprend le premier, c’est pas pour te fâcher ! Je t’ai dit grande bugne comme je aurais dit grande bête ! — Oh, alors !… J’ignore d’ailleurs pourquoi une bugne est plus bête qu’autre chose.

Droit comme une bugne.Celui-là, quand i mourra, il ira au ciel droit comme une bugne ! Manière de gognandise, parce que la bugne est ronde.

3. Chapeau monté, chapeau à haute forme. Ge mot est employé à Neuchâtel, qui ne connait pas bugne, pâtisserie. J’en conclus que notre mot n’est pas un figuré de bugne 1 (ce qui d’ailleurs n’aurait point de sens), mais qu’il a une origine différente, se référant peut-être à la fabrication de la chapellerie.

L’espagnol a bugnelo ; en grec, bougnos. (M. D.)

BUGNON, s. m. — Diminutif de bugne 2. Un certain Philibert Bugnon, fort ignoré, conseiller et avocat du Roi en l’élection de Lyon, mort en 1590, a été l’objet d’une docte thèse latine de M. Ferdinand Brunot, alors chargé de cours à notre Université de Lyon, aujourd’hui maitre de conférences à la Sorbonne. M. Brunot, en des termes qui le rendraient digne assurément de l’Académie du Gourguillon, n’a point manqué de faire l’observation suivante : Nec mirum, cum illud vocabulum bugne, a quo Bugnon, aut Bugnyon facile duci potest, in vulgari provinciae lugdunensis lingua usitatissimum sit, atque adhuc ii quorum mens parum acuta habetur, bugnes vel bugnasses haud raro dicantur.

BUNE, s. f. — Borne, pierre servant de limite aux héritages. Me promenant un jour avec mon cousin Cauliard de Mornant, nous voyons une brave femme de la montagne s’amener sur son mulet, jambe de ci, jambe de là. Cauliard aimait à gandoiser : Eh, bona fèna, vos z’êtes bin in fin jaumètre : vos partagi lo mondo ! — Voua ! mé y è pôs vos que plantaré la buna ! repartit gaillardement la bonne femme. — Du bas latin bodina, même sens, lui-même d’un radical qui exprime l’idée de renflement.

BUSQUE, s. m. — Buste. As-te vu à Saint-Pierre le busque en bronze de M. Filochard, comme il est ressemblant ? — S’est-i fait tirer de face ou de prophyre ?

BUT, s. m. — Le Cochonnet, au jeu de boules. On le nomme aussi le petit. Tirer le but, Lancer contre lui une boule, de manière à l’envoyer au loin.

BUTIN, s. m. — Mobilier, hardes. Avoir beaucoup de butin. Date de l’invasion de 1814-1815, l’idée de butin, c’est-à-dire de choses acquises par le pillage, s’étant complètement confondue chez nos frères d’outre-Rhin avec celle de biens mobiliers quelconques. Le mot de butin a d’ailleurs une origine germanique, la pensée de pillage étant caractéristique de l’état d’âme des hordes envahissantes à la fin de l’empire romain.

Le supérieur d’une institution religieuse de Lyon avait loué, dans une maison de rapport, un local à un cordonnier allemand. Il alla voir l’installation de son locataire, et lui fit compliment de son mobilier. Schuster de répondre en se rengorgeant : C’être rien, ça, Monsi lé quiré : temain ch’arriferai afec ine bleine foidure de pûtin ! Le pauvre prêtre s’enfuit épouvanté.

BUVABLE, adj. — Qui peut se boire. Ce mot, si naturellement dérivé, est proscrit par les puristes, mais Littré lui a donné place dans son dictionnaire.

BUVANVIN, s. m. — Ivrogne. Jean Brunier (prononcez Bruni), notre granger, élaitun brave homme, mais quelque peu buvanvin. Un dimanche, à trois heures, mon père le trouve le pouce sur le loquet du Bon Coin, à Saint-Irénée. — Eh, Jean, que faites-vous là ? — Monsu, j’allôve à vêpres. — Au moins, disait mon père, s’il n’avait pas eu le pouce sur le loquet!

BUVENDE, s. f. — Piquette faite avec de l’eau jetée sur le gêne. Le P. Monet, dans son Parallèle (1642), écrit à Lyon, donne « buvande, beuvande, vin de dépanse ». Cotgrave (1675), qui renferme beaucoup de mots lyonnais, le donne sous la définition de « petit vin, vin de ménage, vin des domestiques ». — De bibenda.

BUVANDIÈRE, s. f. — Femme qui coule la buye. Molard (1810) dit que la buyandière est une femme qui lave la lessive. Erreur. Celle qui lave le linge au lavoir ou à la plate se nomme lavandière. Une comédie patoise du xviie siècle nous apprend qu’à cette époque, une buyandière était payée huit sous par jour, mais on le nourrissait et on lui fournissait le savon.

Frais comme les cuisses d’une buyandière. Je donne le proverbe pour ce qu’il vaut, n’en ayant jamais vérifié l’exactitude. Avoir les mains fraiches comme les cuisses d’une buyandière est signe de santé.

BUYANDIÈRES, s. f. pl — Tranches de bœuf bouilli, sautées avec des oignons. Cela s’appelle aussi du bouilli à la poêle. — De ce que c’était un mets fréquemment donné aux buyandières, comme le lard aux billiouds.

BUYE (bu-ye), s. f. — Lessive, mais au sens restreint de lessive coulée. Couler la buye, mais non laver la buye. (Cependant Despériers dit lavait sa buée.) — Amour de gendresse, amour de gendre, buye sans cendre. — Vraisemblablement subst. verbal de bucare, filtrer.

S’entend de lessive, pris en tous sens. Faire un commerce de buye, entreprendre le blanchissage. Un tel a une bonne buye, a une bonne maison de blanchissage.

  1. Je ne comprends pas du tout le mot que représente cette initiale.