Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre C

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 67-126).
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C


ÇA. — Ça de. Charmante locution explétive qui donne un certain tour délicat à la proposition. Quoi don qu’il a, M. Bousinard, il a l’air tout chose ? — C’est ça de la Josette que le bouligue. Comme « c’est la Josette que le bouligue » serait plat et vulgaire en comparaison !

CABARET, s. m.— Cabaret à café, Assortiment de tasses, etc., ensemble le plateau qui le porte. Cabaret à liqueurs, Assortiment de carafons, petits verres, etc., ensemble le système d’étagères circulaires, fixées à un montant central, qui les porte. Ce système est aujourd’hui remplacé par une sorte de caisse ferment à clef, dont les côtés se développent, et qu’on nomme cave. Ce manque de confiance indique tout un changement dans les mœurs.

Mot français, mais tombé en désuétude. Il y a quarante ans vous alliez chez un marchand demander un cabaret. Aujourd’hui à peine saurait-il ce que vous voulez dire. On demande « un service », que le marchand vous vend et ne vous rend pas.

CABAS.— Un vieux cabas, terme injurieux, Une vieille femme. On le trouve déjà dans la Bernarde, pièce du xviie siècle. Cabas est ici employé au sens de vulva, ainsi qu’en témoigne le vieux franç. cabatz rabattu, prostituée.

ÇA-BAS, ÇA-HAUT. — En opposition à là-bas, là-haut, qui expriment l’éloignement comme çà-bas, çà-haut, expriment le rapprochement. « Et avec eulx estoient montez ça-haut, » dit le bon Paradin dans son journal. « Yl ez ben gran, encor qu’y vint ça-bas, » se trouve dans un noël patois du xviiie siècle. Ma mère se souvenait toujours d’un joli mariage qu’elle avait vu à Saint-François. En sortant, le marié voulut prendre une porte et dit à sa nouvelle épouse : Passe donc çà-haut, poison ! — Ah te m’em…nuie, je veux passer çà-bas ! Et elle prit l’autre.

CABELOT, s. m. — Petit escabeau. Le petit Jeanbroche, en face de chez nous, avait récité pour la fête de sa maman un joli compliment. Jeanbroche, lui dit mon grand, qui fa fait ton compliment ! — Je me l’ai fait soi seul. — Allons donc, t’esses ben trop petit ! — Oh, je m’ai monté sur un cabelot. — Du vieux franc. escabel, de scabellum, avec suffixe diminutif ot.

CABOCHE, s. f. — Clou à grosse tête pour souliers. J’ons fait mettre des caboches à mes grollons. De caput, parce que le clou a une grosse tête.

CABORNE, s. f. — Petite hutte dans les champs où le journalier se met à l’abri.

2. Méchante chambre, réduit borgne. Rabelais place dans la bibliothèque de Saint-Victor un ouvrage intitulé la Cabourne des Briffauts, c’est-à-dire la Caverne des Goulus, et non, comme le traduit le Duchat, le Capuchon des Moines. D’un radical germanique born qui a le sens de cavité, avec préfixe péjoratif ca.

CABOSSER, v. a. — Bossuer. Cabosser son crasse, Bossuer son chapeau. — De bosse, avec le préfixe péjoratif ca.

CABOT, s. m. — Chien de dévideuse. Race horrible. L’animal est tout petit, bas jambé, gros ventre, petite tête, pelage noir le plus souvent. Se dit péjorativement de tous les roquets. Étant petits gones, nous vimes un jour une ravissante levrette, avec un paletot de fin drap et des armoiries sur la fesse, surmontées d’une couronne de comte (ce que je connaissais pour avoir un peu lu d’un vieux bouquin qui contenait les éléments du blason avec ceux de la mythologie). Et nous autres d’approcher respectueusement : M. le comte, prenez garde à votre cabot, on a jeté le bocon ce matin ! — Je crois que cabot est pour le vieux franç. clabaud, chien aboyeur. Comp. cafi pour clafi.

CABRILLON, s. m. — Fromage tout petit, épais et qu’on mange mi-frais. À ma petite ême, le roi des fromages. — De cabre, chèvre (dans les dialectes d’oc), parce que le cabrillon se fait avec du pur lait de chèvre.

CABUCHER, v. n., terme de batellerie. — Se dit d’un bateau qui sombre en s’enfonçant de la proue. — De caput, parce que le bateau pique une tête.

CABUNE, s. f. — Même sens que caborne, dont il est sans doute une forme.

CACABOSON. — Se mettre à cacaboson, S’accroupir. Le mot représente, parlant par respect, caque-boson. Outre que la métaphore manque d’élégance, on voit que c’est un pléonasme, vu que le verbe n’a pas le choix du régime. Mais le peuple aime le pléonasme. C’est une manière de frapper deux fois sur la tête du clou.

CACARUCHE, s. f. — 1. Croque au front, contusion à la tête. Se faire une cacaruche sur la bosse du crâne. — De roquer, heurter, et un préfixe ca, redoublé pour accuser le caractère péjoratif.

2. Chapeau de femme passé de mode, ridicule, fané. J’étais chez une modiste (honni soit qui mal y pense). Vient Mme de X… pour un chapeau. La modiste empressée, souriante, minaudante : Voyez, Madame, un modèle de Paris ; je l’ai rapporté lundi passé. — Est-ce que vous croyez que je veux d’une cacaruche pareille pour m’embroncher tout le visage ! — Madame préférerait peut-être un chapeau à la cuque-moi donc ! fit la modiste pincée. — Assemblage fantaisiste de syllabes péjoratives.

CACHE, s. f. — Cachette. Mot français, mais, par désuétude, devenu provincialisme.

CACHE-GUENILLES, s. m. — Se dit de tout vêtement ample et long qui se met par-dessus les vêtements ordinaires. Par ainsi, les dames peuvent aller au marché ou à la messe, tout en restant en sale par-dessous.

CACHE-MAILLE, s. f. — Tirelire. Elle est en terre cuite vernissée, communément de couleur verte. C’est une boule qui porte sur un pied, et qui a une fente par où faire passer les sous. Quelquefois la cachemaille est peinte grossièrement, pour figurer une tête dont la fente aux piastres serait la bouche. — Figurément Tête. Se fêler la cache-maille, Se donner ur fort coup sur latête. — De cache et maille. La maille était la plus minime des monnaies. C’était la moitié d’un denier, soit la vingt-quatrième partie d’un sou. Il en fallait six pour faire un liard.

CACHET, s. m. — Pain à cacheter. Donnez-moi pour un sou de cachets. Devrait être français. En effet, se dit non non seulement de l’objet avec quoi l’on imprime, mais encore de la matière avec laquelle on cachette. Or, on cachette bien avec un pain à cacheter.

CACHON, s. m. Noyau des fruits. Jouer aux cachons (aujourd’hui jouer aux noyaux). On jette avec force un cachon d’abricot dans le dauphin d’un cornet de descente. Le cachon redescend en bondissant sur la cadette. Tout noyau lancé reste au jeu jusqu’à ce que l’un d’eux, en redescendant, en poque un autre. Alors, gagné ! Des fois, quand nous étions le plus acharnés, gouaf ! gouaf ! dévalait un siau d’eau de vaisselle grasse, de savonnage, etc., avec un tas d’ordures que les bonnes font passer par le trou de l’évier, qui emportait tous les cachons, jiclait sur le nez du gone à cacaboson, cochonnait les culottes, que c’était une horreur. — Il faut bien payer ses plaisirs.

CACOU, s. m. — Œuf. « De beurre et de cacoux, — Qu’ils s’en lichont jusqu’au cou. » (La Vogue.) — Onomatopée du cri de la poule qui a fait son œuf.

CADAVRE, s. m. — Corps vivant. Seulement dans ces expressions. Un beau cadavre, Un grand cadavre, pour dire une belle charpente. J’étais au bal de la Préfecture avec Galupet. Vient à passer une dame superbe : un vrai gendarme. Je ne pus m’empêcher de m’écrier : Quel beau cadavre, hein ? — Ah ! fit Galupet troublé, un dinde qui lui prendrait un grain de blé noir au bas du dos sans sauter ne serait pas cher à six francs !

CADEAU. — Les puristes proscrivaient l’emploi de cadeau au sens de présent, et Molard (1820) fait remarquer que l’Académie ne lui donne pas cette signification. Richelet (1709) a cette singulière définition : « Chose spécieuse et inutile. Au fig. Faire des cadeaux. » Trévoux (1743) ne mentionne pas le sens de présent. C’était un néologisme. L’usage a pris le dessus, et l’Académie, en 1835, donne enfin l’exemple : « Il m’a fait cadeau d’une bague. »

CADET, s. m. — 1. Nom propre donné au puiné dans chaque famille. Le puiné de mon père ne fut jamais dénommé que Cadet.

2. Personnage du théâtre Guignol, que remplissait Minne en rue Écorche-bœuf et à la Galerie de l’Argue. Guignol, Gnafron et Cadet sont les personnages types de la comédie et trois amis inséparables. Cadet n’est qu’un personnage épisodique, mais il apparait invariablement au dénoûment lorsqu’on va « licher ».

C’est le cadet de mes soucis. Très jolie locution, beaucoup plus convenable que « Je m’en f… », et qui veut dire exactement la même chose.

Les enfants bien élevés appellent ainsi leur derrière. Une petite fille dira gentiment : Je suis tombée sur mon cadet, mais je m’ai pas fait mal.

CADETTE, s. f. — Dalle étroite qui, avant l’invention des trottoirs, était placée contre la façade des maisons, afin d’en éloigner les eaux pluviales.

2. Parapet, bahut, banc en pierre de taille. Les cadettes de Bellecour : c’est la ceinture de bancs en pierre de taille qui enclôt la place sur trois côtés.

La forme primitive est pierre de cadette, pierre pour daller. Je crois qu’il faut faire remonter l’origine du nom à une distinction faite dans la carrière entre le pierre en blocs mesurée au cube, et la pierre mince, mesurée au carré ; celle-ci étant considérée comme la cadette de l’autre ; de même au billard on appelle cadette une queue plus courte.

CADICHON, s. m. — Diminutif de Cadet. Terme d’amitié. Viens-tu çà-bas, Cadichon (Cadichon est sur la suspente) ? Je te donnerai une rôtie de crasse de beurre ! — Cadichon débaroule l’échelle.

CADOLLE, s. f. — 1. Petite hutte dans les champs.

2. Tabagnon, cabinet borgne. Le père X…, le gros fabricant, qui s’était fait bâtir par le père Benoît un si beau château, disait avec notre modestie lyonnaise, lorsqu’il recevait des compliments : Euh, euh, une cadolle !..

3. Cabane des bateaux.

De catabulum, méchante étable, fosse avec toit ; lui-même dérivé de caput.

CADRE DE LIT. — Ciel de lit, à cause de la forme carrée du bâtis sur quoi est tendue l’étoffe. Ces cadres de lit sont parfois dangereux. Nous avions marié une de nos cousines. Juste la première nuit de noces, le cadre de lit tomba. Effrayés par le bruit, nous nous levâmes en hâte, et d’accourir en demandant avec angoisse à notre cousine si elle élait grièvement blessée. Oh, moi je n’ai point de mal, dit-elle, mais mon mari a le dos tout écorché.

CAFARD, s. m. — 1. Blatte. J’entendais un jour le père Mignotet causer avec le père Fumeron, qui était un grand savant : Père Fumeron, c’est-i vrai ça qu’on dit, que si le cafôs i vous arregardent le premis, ça porte malheû ? — Les anciens de chez nous y ont toujou dit. Moi, je les fisque tout de suite, rapport à ça. — Parait que quand c’est en colère, i vous piss’ au yeuz. — Manquablement. Puis, qu’i faut bien faire attention à ne pas les arregarder de trop près ! — Voua, mais y en a qui disent comme ça que ça a se qualités : c’est bon epoux. — Oh, pour être bon epoux, c’est bon epoux : rien à dire. — Vaudrait bien mieux que le cafôs i fussent pas rien tant si bon epoux, hi, hi, hi ! — Origine germanique : allem. kaefer, coléoptère.

2. Espèce de maillon (v. ce mot).

CAFARDIÈRE, s. f. — 1. Piège pour prendre les cafards. C’est une petite caisse carré long, où l’on a cloué tout le tour, au bord d’en haut, une bande de ferblanc en pente, la pente en dedans. Dans la cafardière on a mis des braises de pain, des taillons de truffes, des râclons d’hortolage, des culs de salade gâtes, enfin toute espèce de bonnes choses. Les cafards, sans se douter de rien, arrivent, attirés par la bonne odeur. Mais ils n’ont pas plutôt mis le pied sur le ferblanc, patatras, les voilà qui glissent dans la cafardière, où ils font des cra, cra, cra épouvantables toute la nuit, sans pouvoir sortir, par rapport au ferblanc. Le matin venu, on les voit là, des centaines, qui jouent à paume, pour se distraire. Alors, quand votre poêle est bien pris, vous secouez la cafardière dedans. La nuit suivante, il y a autant de cafards, mais aussi ce ne sont plus les mêmes.

2. Urne électorale, parce que les bulletins y tombent comme les cafards dans la cafardière. En 1848, il y avait une cafardière au Palais Saint-Pierre. Nous allons voter, tous deux Cafagnat. Passe une dame de belle corporence, un bel immeuble. Un insolent l’aborde : Madame, pour qui vote-t-on ?Pour mon mari, répond la dame, non sans beaucoup d’à-propos. Tout le monde de rire. En sortant nous rencontrons Pocasson. Figure-toi, dit Cafagnat, que nous venons de voir un mecieu qu’a dit à une dame : « Pour qui votez-vous ! » Et la dame a répondu : « Pour mon mari. » Comme c’est drôle ! Hi ! hi ! hi !

Cafardière à cramiaux, Parlant par respect, Crachoir.

CAFETIÈRE, s. f. — Dame du cafetier, Entrons là, je te ferai voir une jolie cafetière ! — En cuivre ou en viande ! — En viande. — Alors, entrons ! On prétend que ce n’est pas français. Pourtant le lavandier a sa lavandière, le charbonnier a sa charbonnière, le limonadier a sa limonadière : pourquoi le cafetier n’aurait-il pas sa cafetière ?

CAFI, IE, adj. — Épais, tassé, bourré. Du pain cafi. Dans Caquire (1780), parodie de Zaïre, par M. de Combles, magistrat lyonnais, on trouve cette épithète (acte ii, sc. 3), mais ce n’est pas à propos de pain. Un auteur, un ouvrage cafi. Lorsque le pauvre Thierry (mort photographe) voulut se marier, on lui présenta une demoiselle fort riche, mais, au grand désespoir de ses parents, il la refusa disant qu’il la trouvait trop cafie. C’est une raison. — À Genève, clafi, surempli : un lit clafi de punaises (Humbert). — Du celtique kymri clap, clamp, monceau.

CAFOIRÉ, ÉE, adj. — Écrasé, écrabouillé, Un œuf tout cafoiré, Écrasé dans le plat. — Vieux franç. escafouré, barbouillé, devenu escafoiré, puis cafoiré, sous l’influence, parlant par respect, de foire.

Escafourer est lui-même un mot savant, dont la première partie est faite sur un radical sca, qui avait en latin la signification d’ordure, excrément. Le mot populaire, fait selon les règles, était chaufouré.

CAFORNIAU, CAFOURNIAU. — Se mettre à caforniau, Se dit quand les femmes écartent les jambes et soulèvent leurs jupes, de manière à se mettre à cheval sur le feu. — C’est fourneau, avec le préfixe péjoratif ca.

CAFOURNER (SE), v. pr. — Se chauffer en se mettant à cafourniau, et par extension, se chauffer immodérément, comme ces bonnes gens qui se tiennent à cheval sur le poêle toute la sainte journée, à seule fin qu’il ne s’ensauve pas. J’ai entendu dire à M. Chrétien, le bourreau, que c’était mauvais pour la santé, parce que cela séchait le mou. De furnum, avec préfixe péjoratif ca.

CAGE D’ESCALIER. — Ensemble des murs qui entourent l’escalier, et qui forment, en effet, une cage, depuis qu’on a trouvé le biais de faire des escaliers sans support intérieur.

CAGNARD, s. m. — Lieu bien exposé au soleil et abrité du vent du nord, par exemple dans un angle de mur rentrant : « Au caignard angulaire, dont on tire au papegay vermiforme, avec la vistempeparde, » comme dit si judicieusement le docte Pantagruel dans son équitable sentence entre les seigneurs de Baisecul et de Humevesne. C’est cagnard, adjectif, pris substantivement.

CAGNARD, ARDE, adj. — Se dit de celui qui a une sorte d’indolence caressante. Faire son cagnard, se faire caresser, se faire gâter. Le mot n’a rien du sens de lâche, que le populaire lui donne en français. — De cagne, paresse.

CAGNARDER (SE), v. pr. — Se chauffer le ventre au soleil, le chapeau sur les yeux, à l’abri d’un cagnard.

CAGNE, s. f. — Paresse. Une vieille chanson dit :

De temps en temps, la cagne, la cagne,
De temps en temps, la cagne me prend.

C’est le vieux franç. cagne, chienne, de l’ital. cagna, de canis. Saint-Amant dit :

Venus, la bonne cagne, aux paillards appétits.

Le président Bouhier raconte que le duc de Roquelaure, soupant chez la duchesse de Bouillon, prit avec les doigts du sel dans la salière. Cela parut incivil à la duchesse, qui dit tout haut, en montrant la salière : « Voilà la passée d’une grande beste. » Le duc répondit vivement: « La bonne cagne, elle a le sentiment (l’odorat) bon. » Cela ne donne pas une très haute idée des bonnes manières de la grande noblesse au xviie siècle.

CAHOTEMENT. — Proscrit par Molard, Grangier, Callet, etc., qui veulent qu’on dise avec l’Académie cahotage, mais Humbert, tout strict qu’il est, ajoute avec moult bon sens : « Gahotement, mot connu partout, vaut bien cahotage, qui est beaucoup moins usité. » Aussi n’est-ce pas sans étonnement que l’on a vu l’Académie, qui a introduit dans sa dernière édition de jolis mots comme élyme, encaquement, monétisation, revouloir, sargasse, miramolin, fissipare, orichalque, involutif, pertinacité, déconstruire', étampure, fatrassier, fricoteur, fragon, halieutique, harmoste, lectisterne, lathyrus, mangoustan, nelumbo, ornithorynque, récapitulatif, spina-bifida, soûlard, tamandua, térébrant, trélingage, tungstène, unitarisme, xérophtalmie, vomiquier, zircon, etc., etc., fermer obstinément la porte à ce modeste cahotement. Notons pourtant que le mot à employer de préférence est, au lieu d’un dérivé, le simple cahot.

CAILLAT, s. m. — Lait caillé au moyen de présure. Cela fait une espèce de recuite, cependant très inférieure à la vraie recuite de Sainte-Foy.

CAILLE. — Chasser à la caille coiffée. Se dit du chasseur qui cherche plus les bonnes fortunes que les bonnes chasses. Une caille avec une coiffe, cela donne l’idée de bien des femmes. Seulement elles ne sont pas toutes aussi grasses.

Chaud comme une caille. La première fois que j’ai entendu ce dicton, c’était à l’école. Il gelait à pierre fendre, et je me plaignais de ne pouvoir me réchauffer la nuit. Un petit camarade m’expliqua qu’il couchail avec son père et sa mère, et que grâce à l’absence de ventilation ou plutôt grâce à l’excès de ventilation, i z’équiant chauds comme trois cailles.

CAILLE-TORTUE, s. f. — Tortue. Faut croire l’espèce perdue, car oncques ne vis ce volatile. Le mot, d’ailleurs vieilli, est une contraction d’écaille-tortue.

CAISSETIN (prononc. questin), s. m. — Petite caisse carrée, fixée au pied de métier, à portée de la main et où le canut mettait ses canettes. — Diminut. de caisse. Métaphoriquement : J’ai grand’peur que la Nanon oye un miaillon dans le questin.

CALADE, s. f. — Parvis dallé, Dalle le long des maisons. Le premier sens a prévalu. « Et pendant que la messe se disoit, monsieur de Sauls se pourmenoit sur la calade de Saint-Jean. » (Rubys.) — Provençal calada, pavé, de calar, descendre, parce que, à l’origine, les rues en pente étaient seules pavées.

CALADOIS, OISE, s. — Habitant de Villefranche. « Ils sont ainsi appelés parce que la plupart d’entre eux se promènent habituellement sur la calade de leur église. d’où ils contrôlent les passants. » (Cochard.) Contrairement à l’habitude pour les sobriquets, celui-ci n’est pas injurieux.

CALANDRE, s. f. — 1. Alouette. Tiens, te m’avais pas dit que t’avais une calandre en cage ? — Oh, c’est la Fine ! Pour la chantaison, elle a pas sa pareille ! Manière aimable de dire à un mari que sa femme est drôle, de bonne humeur, qu’elle chante bien. — Du franç. calandre, sorte de grosse alouette.

2. Vulva feminea. Le mot était déjà employé dans ce sens au xviie siècle. — De calandre, machine où l’étoffe est chamarrée sous un cylindre.

CALE, s. f. — Avoir bonne câle, avoir mauvaise câle, Avoir bonne ou mauvaise mine. Y est venu un cougne allonger la demi-aune. Avait-i mauvaise câle ! Je me suis pensé qu’i revenait de prendre ses vacances à Toulon. — De cara, mine, visage ; grec κάρα, provenç. caro. Le lyonnais ancien était cara.

CALÉ, ÉE, adj. — Qui a du foin dans ses bottes. Rothschild est un homme calé. C’est afin d’être calé que l’on affane, que l’on geint, et même quelquefois que l’on fait le mal. Mais c’est pour être décalé tout d’un coup. — Homme calé, qui a des cales sous les pieds, manière qu’il tienne bien.

CALER (SE), v. pr. — Se glisser. Laurès, dans son Supplément à Pernetti, donne l’histoire de Madame Je me Cale. Ma mère la racontait avec des détails plus piquants. Lorsque la dame alla porter sa plainte à M. Vaginay, celui-ci lui dit que le meilleur parti était de ne pas faire attention à ces plaisanteries. — Que voulez-vous, fit-il avec bonhomie, on m’appelle bien Monsieur de la Diligence embourbée ! — Madame, piquée de voir que M. Vaginay n’attachait pas plus d’importance à son cas, se lève pour sortir, et, arrivée à la porte, lui fait une de ces profondes révérence de menuet, à triple étage, comme en savaient faire nos grand’mères : Bonsoir, Monsieur de la Diligence embourbée ! — À quoi M. Vaginey de répondre par un salut à fond ouvert : Bonsoir, Madame Je me Cale !

Ma mère m’a souvent chanté un ou deux couplets de la chanson qui avait pour refrain : « Madame, je me cale ! » Mais je n’en ai rien retenu, que le motif du refrain.

C’est, au neutre, le vieux français caler, descendre, enfoncer.

CALLICHE, s. f. — Massue pour assommer les bœufs. Dans nos campagnes callichi, bâton pour brayer le chanvre. — De cala, bûche.

CALLICHET, s. m. — Petit morceau de bois pointu des deux bouts pour jouer au canichet ou au quinet. — De calliche.

CALMANDRE, s. f. — Calmande, sorte d’étoffe. Comp. amandre pour amande.

CALVAIRE. — Un calvaire de décorations. Se dit d’un homme qui a trois croix. Pour Castellane c’était un cimetière.

CALVIN. — Faire des yeux de Calvin, Regarder de la façon la plus haineuse. Quand la Colarde s’a aperçue que son mari me trouvait plus jolie qu’elle, alle n’a fait des yeux de Calvin. — Vieux dicton catholique, souvenir des guerres religieuses du xvie siècle.

CALVINE. — Pomme calvine pour pomme calville. « L’origine de ce mot ne m’est pas connue, dit Ménage… Il se peut que les pommes de calville ayent été ainsi nommées de quelque lieu appelé Calville. Et à ce propos, il est à remarquer que, dans le voisinage de Lyon, du costé de la Bresse, il y a un lieu appelé Calville. » Le Calville de Ménage, c’est Caluire. Il a peut-être été trompé par la confusion graphique de v et u, mais il faut bien qu’il ait été victime de la confusion euphonique de l et r, comme dans pomme calvine, nous avons été victimes de la confusion de l et n.

CALVIRE. — Pomme calvire pour pomme calville. Ménage dit « qu’il est à remarquer qu’en Languedoc on dit pomme de calvire. » Ge genre de pommes n’est pas, que je sache, connu en Languedoc. Calvine et calvire, tous deux usités chez nous, sont simplement deux formes de calville. Quant à ce dernier mot, j’en ignore l’origine, mais elle n’est pas due à un nom de lieu. Il n’existe pas en France de commune appelée Calville.

CAMBOUILLIR, v. a. — Trop bouillir. Une maîtresse de maison à table : Je ne sais pas pourquoi cette bonne fait comme ça cambouillir sa viande ! Autant de mourve ! — De bouillir avec le préfixe préjoratif ca nasalisé.

CAMBRONNE, s. m. — Carbone. Je traite mes vignes au sulfure de cambronne, me disait un brave viticulteur de Venissieux.

CAMELOT, s. m. — Ce n’est pas le sens moderne de vendeur sur la voie publique. C’est simplement un terme de mépris en relation avec camelotte. « Les Pares Camelots — De la Guillotière… » dit un vieux noël. Les Pères Camelots sont ici les Picpus qui s’établirent à la Guillotière en 1607.

CAMELOTTE, s. f. — Contrebande. Faire la camelotte, Faire la contrebande. « Et gn’ y aura plus de gâpians que brassiont les appas de nos femmes pour voi si gn’ y a de camelotte. » (Adresse à Sa Majesté Louis-Felippe.)

CAMELOTTIER, s. m. — Contrebandier.

CAMION, s. m. — Suivant Cochard : « Petit tombereau à bras dont se servent les maçons. » Ce n’est pas absolument exact. Notre camion n’est pas un tombereau, mais un chariot très bas, à deux roues, sur quoi les ouvriers font le bardage des matériaux. On le nomme aussi crapaud.

CAMPAGNE, s. f. — Maison de campagne. On le trouve dans Saint-Simon : « Il vécut encore quatre ans dans l’abandon et l’ignominie, et mourut à sa campagne sur la fin de 1693. »

CAMPANE, s. f., terme de canuserie. — Sorte de mécanique à dévider.

Gn’i a que l’apprentiss’ qui tout le jour se cancane
Et voit z’avec plaisi reposer sa campane.
(Pétition des canuts de Lyon
à M. de Saint-Criq.)

Métathèse de pancane (voy. ce mot), qui est la forme véritable.

CANANT, ANTE, adj. — « Délicat, divertissant, très agréable, » dit le glossaire d’Ét. Blanc. Nous sons allés aux Charpennes dimanche soir. Y avait des petites feuilles. C’était canant (les canuts ont toujours eu des goûts champêtres). — Parait avoir été forgé au xviiie siècle. Peut-être le primitif a-t-il été caner, flâner, mot à mot marcher en se dandinant comme les canes, que les dérivés se cancaner, se lenticaner, ont fait disparaître. De caner on aurait tiré canant, avec une dérivation du sens de flâner, à celui d’être agréable en général, rien n’étant plus agréable que de flâner.

CANANTE, s.f, — Une bonne-amie. Je l’ons vu dimanche que se baladait à la vogue de Vaise avè sa canante. — De canant, parce qu’une canante, dans les commencements, c’est tout ce qu’il y a de plus canant, mais dans les commencements seulement.

CANARI. — Changer l’eau de son canari, parlant par respect. Euphémisme délicat pour Évacuer le superflu de la boisson. Quoique ça, il est familier.

CANARETTE, s. f. — Femelle du canari. Y a ma canarette que s’est ensauvée.

CANCANER (SE), v. pr. — Se bambaner, marcher nonchalamment et en se promenant. — Composé avec la répétition de cane. Se cancaner : marcher comme les canes.

CANCORNE, s. f. Une raffouleuse, une radoteuse, une bigorne. Les filles bien élevées et qui couratent, quand leur maman les gronde, elles l’appellent cancorne. — Forézien cancorna, hanneton, parce que le hanneton bourdonne et que la cancorne bougonne. L’origine est quinquerne pour guinterne, vielle, forme nasalisée de guiterne, de cithara. Quinquerne à passé à cancorne sous l’influence de corne, les cornes étant caractéristiques du hanneton.

CANE. — Quand les canes vont en champ, la première va devant. Proverbe dont j’ai plusieurs fois vérifié l’exactitude.

CANEÇON, s. m. — Caleçon. Voy. jacquette.

CANER, v. n. Reculer, manquer de courage. Nombre d’hommes canent devant leurs femmes. — La plupart des étymologistes ont cru que le mot venait de l’idée de faire la cane, se dérober en plongeant. C’est ainsi que l’ont employé Rabelais et Montaigne. Il y a en réalité deux expressions : l’une caner, se dérober en plongeant ; l’autre caner, qui est une forme de caler (calare), céder, mollir. Comp. caler la voile.

CANETIER, ÈRE (canequié), s. — Celui on celle qui fait les canettes.

CANETIÈRE, s. f. — Nouvelle machine avec laquelle je me suis laissé dire qu’on peut faire vingt ou trente canettes à la fois tandis qu’avec le rouet il fallait les faire à cha-une. Je ne désespère pas de voir un jour une invention pour faire vingt ou trente enfants à la fois. En attendant, nous gaussions le vieux père B…, le canut, qui était connu pour chasser à la caille coiffée. Oh, qu’il nous fit, j’ai monté ma canetière au grenier. Elle était toute détraquée. J’ai pas trouvé de battandier pour y raccommoder.

CANETTE, s. f. — Littré dit : « Petit tuyau de bois ou de roseau qu’on charge de fil ou de soie pour faire la trame d’une étoffe. » Définition qui s’applique proprement au quiau sur lequel s’enroule la soie. La canette, c’est l’ensemble du quiau et de la soie. Chômer de canettes, Ne pouvoir passer la navette faute d’avoir des canettes.

— Vient de ce que, primitivement le quiau, au lieu d’être en carton, était fait d’un tronçon de canne mince, c’est-à-dire de roseau. Canette, petite canne.

CANEZARD, s. m. — Mot employé quelquefois pour canut, dont il est un dérivé de fantaisie, comme épicemard, pharmacemard, etc. Canezard a été répandu par les petits journaux écrits en langage de Guignol, et qui ont ordinairement beaucoup plus d’argot parisien et de langue verte que de langage lyonnais.

CANICHE. — Jouer à caniche. Voy. classe. — De ce que, pour jouer à ce jeu, il faut tenir la jambe pliée comme celle d’un caniche.

CANICHET, s. m. — Jeu des gones. On le nomme le plus souvent quinet, quoique, proprement, le quinet soit un jeu un peu différent. C’est le même mot que callichet. La dérivation a dû se produire sous l’influence de caniche, jeu.

CANIF. — Tomber de canif en syllabe.Te sais, le Jules s’est décapiyé d’avec la Fanchette, mais c’est pour se capiyer avec la Claudia. Il est tombé de canif en syllabe. On s’explique très bien qu’aux noms barbares de Charybde et Scylla, le populaire ait substitué des mots qui n’ont pas entre eux un lien bien logique, mais qu’il comprend, tandis que, pour qui n’a pas lu l’Odyssée, Charybde et Scylla ne veulent rien dire.

CANILLES, s. f. — Jambes. Quand on va pour tirer, aux boules, c’est une politesse exigée que de crier par préalable : Gare les canilles, ceux qui en ont ! — De canne, avec le sufixe ille, indiquant le sens spécial de menus objets. Le nom de choses minces et longues est par gausserie appliqué aux jambes. On dit des flûtes, des picarlats, des broches, des canilles, etc.

CANNE. — Cannes à tordre, terme de canuserie. Grandes cannes rondes en poirier, autrefois en roseau, que l’on place dans l’enverjure de la chaine pour le tordage ou le remettage, afin de faciliter le purgeage des fils.

CANNELLES, s. f. pl. — Roseaux. Nous ons loué un petit vide-bouteille à la Pape. Y a une lône avé de vourgines, de z’ambres, de cannelles, et de sabots dans les gaillots. C’est tout plein champêtre. — Diminutif de canne.

CANON-KROUPP, s. m. — Se dit, dans le monde des artilleurs, d’une dame fortement hanchée : C’est un beau canon-kroupp.

CANON, s. m., terme de canuserie. Roquet à une tête. Lenom a été donné à cause de la forme.

CANTINE, s. f. — Bocal en verre, de forme cylindrique, avec une très large ouverture dans le haut, et qui sert à mettre les fruits à l’eau-de-vie, cerises, griottes, prunes, pelosses, cerneaux, abricots, pêches, raisins, chinois, nèfles du Japon, alises, sorbes, merises, azeroles, etc. Des fois, pour que le pied soit plus solide, la cantine a un trottoir autour. On connait les bonnes ménagères et les bonnes maisons à ce que leurs placards ont des cantines à regonfle. — De cantina, en italien petite cave.

CANTRE, s. m. — 1. Ustensile qui porte les roquets pour l’ourdissage.

2. Ustensile qui porte les bobines pour certains métiers de façonnés. — De canterius, qu’on trouve dans Columelle pour un appareil qui a quelque analogie de forme avec les nôtres.

CANULER, v. a. — Importuner, ennuyer fortement, en parlant des personnes. On ne citerait pas ici ce mot, d’argot parisien, s’il ne donnait lieu à un souvenir lyonnais. En 1840, si je n’erre, M. D… était président du tribunal de commerce. Très capable, mais vif, il fut un jour si fatigué du verbiage d’un avocat, qu’il s’oublia au point de s’écrier : Maître un tel, vous voyez bien que vous canulez le tribunal ! L’effet fut immense ! Quoiqu’on ne connût pas encore les grèves, l’Ordre en fit une, et nul avocat ne voulut plaider devant le président. Stanislas Clerc fit quelques gorges chaudes de l’affaire dans son Tour des deux quais, que publiait périodiquement le Censeur. N’osant reproduire le mot, il le traduisit chastement par médicamenter. L’affaire dut pourtant s’arranger, car je vois que les avocats plaident encore devant le tribunal de commerce.

CANUSERIE, s. f. — Art de la soie. C’est un bel art, et qui n’est pas si facile que ça. Pour être bon canut, il y faut beaucoup d’ême. — Fait sur canut, avec le suffixe collectif erie. Comp. coutellerie, confiserie, ete.

CANUT, USE, s. — Ouvrier, ouvrière en soie. Les canuses sont renommées pour leur patience et leur bon caractère. Elles font tout ça que veulent leurs maris. C’est la canuserie que comporte ça. En 1832-1833, il était fort question du mariage du duc d’Orléans, Rosolin, comme l’appelaient alors les gens de l’opposition (d’un de ses prénoms : Ferdinand, Philippe, Louis, Charles, Rosolin, Henri d’Orléans). Depassio fit une chanson célèbre où il conseillait au duc, pour prendre une bonne épouse, de choisir une canuse :

La veux-tu vertueuse et douce,
Viens la prendre à la Croix-Rousse ;
Crois-moi, Rosolin,
Fais-toi republicain !

Littré dit : « peut-être de canette. » Non pas de canette, mais de canne, plus le suffixe ut pour u, qui représente le latin orem, français eur. Le canut est donc celui qui use de la canne (dont a été faite la canette). — Comp. peju, savetier, celui qui use de la poix.

Lecteur, regarde avec respect ce canut. Tu n’en verras bientôt plus. Lorsque j’étais borriau, voilà cinquante-deux ans en çà, il y avait à Lyon soixante mille métiers à main, entends-tu, soixante mille battants frappant la trame[1]. En 1890, année prospère, qui à bénéficié du succès de l’Exposition, il n’y en avait plus, selon une enquête de la Chambre de commerce, que douze mille. Et depuis lors, la disproportion est bien plus grande. Si j’en croyais une statistique de l’Office du travail, à l’heure où j’écris (juin 1894), il n’y aurait d’occupés que trois mille métiers à la main. J’espère que c’est une exagération. Mais il reste que le nombre des ateliers privés va diminuant chaque jour au profit du métier mécanique. C’est-à-dire que la famille disparaît devant l’usine. Cette organisation singulière de l’industrie de la soie, si profondément morale, unique entre toutes, aura bientôt cessé d’être.

Canu ou Canut, ouvrier à façon qui travaille à la canne, qui fait une longueur. (M. D.)

CANUT, USE, adj. — Qui tient de la canuserie. Le parler canut, les usages canuts. Souvent je veux parler français, mais le canut m’échappe.

Voilà z’à la Croix-Rousse
Les usages canuts :
Les femmes y sont douces
Et les maris, etc.

(Chanson canuse, air des Usages bretons).

CAPHARNAUM, s. m. — Se dit d’un tas d’objets, et généralement de vieux objets jetés en garenne, et où l’on ne peut pas se reconnaitre. Exemple frappant du sens péjoratif attaché à de certaines sonorités, car la ville de Galilée, où Jésus passa trois ans, n’avait rien de plus désordre que Bethléem, Nazareth ou toute autre.

CAPIÉ, CAPIYÉ, ÉE, adj. — Agglutiné, aggloméré. Se dit spécialement des fils de soie de la chaîne quand ils s’accrochent entre eux, rapport aux bourrons, et forment des tenues. Se dit aussi des cheveux agglutinés. Les buvanvins, au lendemain d’unc cuite, ont généralement les cheveux capiés. — Partic. de capier.

CAPTER, CAPIYER (SE), v. pr. — 1. Se coller, s’agglomérer, au propre et au fig. Pauv’ vieux, comment que t’as fait pour te capier avè une sampille pareille ?

2. Se tapir, se cacher. Je m’ai capiyé dans n’un coin pour durmi.

Italien cappiare, nouer ; cappio, nœud ; cappietto, défaut du tissage qui vient de la trame retenue par les nœuds de la chaine. De capere.

CAPON, s. m. — Poltron. Je ne sais quelle drôle d’idée Molard a de le proscrire. Il est en plein dictionn. de l’Académie. — Capon qui s’en dédit, exclamation que nous disons toutes les fois que, dans une gageure, l’on redoute de voir son adversaire retirer sa parole devant la gravité des conséquences possibles de sa gageure : Tiens, tant pis ! Deux sous à l’écarté, en cinq lié ? — Capon qui s’en dédit !

CAPONNER, v. n. — Caner, lâcher pied. Le Joset caponne toujou devant sa femme.

CAPOUT. — Faire capout. Tuer. Cette expression date de l’invasion autrichienne de 1815. C’est l’allemand familier caput, capot, ruiné, mort.

CAPUCHE, s. f. — Sorte de coiffure en façon de pseudo-capuchon, que les femmes se mettent sur leur quartier de lune. « Dites capuce ou capuchon. » s’écrie Molard. Non le capuce ou le capuchon, partie du vêtement monacal, est un objet entièrement différent de capuche. Proscrit par Molard et l’Académie, capuche a fini par trouver asile dans Littré.

CAPUCINE. — Être plein jusqu’à la troisième capucine. Se dit de quelqu’un complètement ivre. Par extension, se dit de quelqu’un qui a mangé énormément, Métaphore empruntée à l’ancien fusil de munition. Le canon était relié au bois par trois capucines en cuivre dont la dernière très rapprochée de la gueule. Sur le choix de l’image, comp. Se taper le fusil.

CAQUENANO, s. m. — Se dit de quelqu’un de timide et de benêt. J’ai raconté ailleurs que sa maman avait marié Agnus Poupard. Quel grand caquenano ! me disait la maman quinze jours après, un mari de carême ! — Et pourquoi de carême ? que je lui faisais. — Vous aussi, si caquenano que ça ! — Mais encore ? — Eh, parbleu, on sait assez qu’en carême, on ne touche pas à la viande ! — Composé, parlant par respect, de caquer et de nano, expression enfantine pour lit. Concluez.

CAQUER, v. n. — Parlant par respect, Cacare. Nous faisons une différence énorme entre le terme lyonnais et son correspondant français. Le premier, sans appartenir à la langue absolument littéraire, est beaucoup moins bas que le second. Quand j’étais petit, on me tolérait l’emploi de l’un, on m’eût sévèrement puni pour l’emploi de l’autre.

Lorsque je fus à Paris, le premier jour où j’eus à prononcer le mot lyonnais, je demeurai stupéfait de voir que, parmi mes camarades, personne n’y comprenait rien. Cela me semblait cependant chose si naturelle ! — De cacare, par une forme prov. cagar. Le radical cac se retrouve dans toutes les langues aryennes. Et nos petits mamis eux-mêmes, lorsqu’ils disent caca parlent sanscrit ! Quelle belle chose que la philologie !

Un visage à caquer contre (parlant par respect). Se dit d’un visage qui n’est pas bien joli.

CAQUERELLE, s. f. — Avoir la caquerelle, parlant par respect, Avoir la vasivite.

CAQUETIÈRE, s. f. — Mot honnête pour Communs, ainsi qu’en témoigne ce couplet de la chanson lyonnaise du Petit Bossu, air de l’Aco d’aqui :

(Parlant par respect.)
Quand Petit Bossu veut aller caquer,
Il n’y va jamais sans son papier ;
Il arrive à la caquetière ;
Tortillant son petit derrière :
« Je viens pour caquer ;
« Voici mon papier.
« Faites promptement ;
« Voilà votre argent. »

CAQUILLON, s. m. — Petit baril, de contenance variable. On se sert de caquillons pour le vin d’Espagne, l’eau-de-vie, surtout le vinaigre, car tout bon ménage bien ménagé doit avoir son caquillon de vinaigre, que l’on recroit avec du vin tourné, des baissières, etc. Il n’y a que les mauvais ménages, mal ménagés, où l’on envoie acheter à cha-bouteille, chez l’espicier, du vinaigre fabriqué avec du bois, des acides, et parlant par respect toutes sortes de cochonneries. — De caque, tonneau, avec le suffixe diminutif illon.

CARABASSE. — Vendre la carabasse, Faire connaitre un secret. — Mot emprunté au languedocien, {{lang|lengadoc|troumpa la carabassa, frauder la gabelle.

CARABOSSER, v. a. — Cabosser très fortement. L’insertion de ra dans le thème cabosser est intensive.

CARAMELLE, s. f. — Bonbon au caramel. Nous disons Faire un caramel, faire un sirop de sucre fondu au feu ; et Manger une caramelle, bonbon. Cette distinction entre les deux objets est très préférable à la confusion faite par le français employant le nom unique de caramel.

CARCAILLAT, s. m. — Crachat très vilain. — Onomatopée attrayante.

CARCAN, s. m. — Vieux cheval, rosse. Au fig. terme aimable pour désigner une grande femme sèche. « Ce grand carcan de Julia. » (Les Martyrs.) — De l’italien carcame, squelette, carcasse. Nos soldats ont dû rapporter le mot des guerres d’Italie, aux xve et xvie siècles.

CARCASSER, v. n. — Tousser d’une façon qui ressemble au son de la cloche de Saint-Nizier. Nous avons en partie tous nos Lyonnais respectables qui carcassent. On commence par croquer un rhume de cerveau. Des myriades de diablotins font élection de domicile dans vos fosses nasales, et là, de leurs fourches et de leurs griffes aiguës, fouillent, chatouillent, titillent et grabottent, tant qu’enfin vos deux yeux versent plus de larmes que ceux de sainte Magdeleine, et votre nez rend jalouse la fontaine des Trois-Cornets. — Du nez l’inflammation s’étend au pharynx ; du pharynx au larynx ; du larynx aux bronches ; des bronches aux poumons. Le rhume de cerveau est « tombé sur la poitrine », et vous toussaillez tout l’hiver. Jusqu’à trente ans, on dit que c’est un rhume ; de trente à quarante ans, on appelle cela une bronchite ; à cinquante ans, vous vous apercevez tout d’un coup que vous avez un catarrhe. Et vous voici à carcasser pour le restant de vos jours. Tel est le sort que nous font les brouillards lyonnais.

D’un radical carc (v. carcot), plus le suff. péjoratif et agrandissant asser.

CARCOT. — Sonner le carcot, Sonner creux. Ce tonneau sonne le carcot. Au fig. se dit d’une toux au pronostic fâcheux ; Suisse romande : sonner le carcan. — D’un rad. carc, qu’on retrouve dans carcer, geôle ; dans le bas latin carchesium, carquois : dans le franç. carcasse, projectile creux, et dans de nombreux mots dialectaux où il a la signification de creux.

CARÊTE, s. m. — Bâtis en bois, placé sur le métier et portant l’appareil destiné à faire mouvoir les lisses. — Ital. carretto, de quadratum, parce que le bâtis est carré.

CARIMENTRAN, s. m. — 1. Mannequin figurant Mardi-gras.

2. Personne maigre, grand fantôme dégingandé.

Du vieux franç. Caresme-entrant, mercredi des cendres.

CARMES DÉCHAUX. — C’est le vrai mot, et non Carmes déchaussés, comme le prétend à l’aveuglette le bonhomme Molard. À Lyon, il y avait les Grands Carmes ou Carmes Chaux (quoique les facétieux du temps prétendissent qu’ils l’étaient tous plus ou moins) et les Carmes Déchaux dont le couvent était à Montauban, au-dessus de Pierre-Scize.

CARMES. — Eau des Carmes, Alcoolat anti-apoplectique renommé. Dans mon enfance, on l’achetait chez les Dlles Garcin, place Neuve-des-Carmes. Mais il y avait une concurrence à la montée Saint-Barthélemy. Ici, l’eau était fabriquée par les deux frères Carme. Je n’ai jamais pu savoir lequel des deux produits était le vrai Jean-Marie Farina, mais j’incline à croire que Carme ainé et Carme cadet avaient profité d’une synonymie de nom, et qu’on eût pu dire à leur eau comme je ne sais plus quelle noble dame du xve siècle à un chevalier qui, pour pénétrer plus privément auprès d’elle, s’était déguisé en Carme : Ah ! tu n’est pas Carme !

CARNIER, s. m. — Carnassière. Les deux mots viennent de carnem, mais il faut avouer que le nôtre est mieux forgé ; en effet, carnassière proprement n’est pas ce qui renferme la viande, mais ce qui la mange. Carnier, proscrit par tous les grammairiens, a fait son entrée dans la dernière édition de l’Académie. Je l’ai regretté. Il me déplait de voir accepter nos bons mots, qui cessent d’être nôtres, pour devenir ceux de tout ie monde. Ainsi n’aimerait-on pas à voir sa femme entrer dans la circulation.

CAROGNE, s. f. — « Épithète injurieuse, donnée à une femme de mauvaise vie. » (Cochard.) Tombé en désuétude à Lyon, mais au marché de Caluire vous pouvez encore entendre très couramment : Ma jolie petite dame, voli-vos de poriaux, de z’ugnons ? — Rien aujourd’hui, marchande. — I don, carouni ! — Carogne, mot fort vilain, est au Dictionn. de l’Académie.

CAROTTE, s. f. — Betterave. Une salade de carottes. Nous disons aussi des carottes rouges par opposition aux carottes jaunes, nom sous lequel nous désignons parfois les pastonades. Une salade de carottes avec presque pas de carottes et beaucoup, beaucoup de truffes noires, ce n’est point mauvais.

CAROUGE. — C’est un carouge, C’est un refuge de canailles. — De ce que jadis les banqueroutiers, etc., qui s’enfuyaient de Lyon se réfugiaient généralement à Carouge, faubourg de Genève. Faire Carouge, Faire faillite ; spécialement s’enfuir après faillite.

Il y a cinquante ans, on appelait Carouge le groupe des maisons bâties, au sortir des barrières de la Croix-Ronsse, grande rue Coste. Le petit Versailles était alors le petit Carouge.

CARPE. — Rester comme une carpe qui perd l’eau, Rester bouche bée, sans savoir que dire.

CARPIÈRE, s. f. — Marchande de poisson, parce que jadis le poisson le plus commun était la carpe. Les carpières sont renommées pour la beauté de leur langage académique. Elle m’a dit de sottises, autant une carpière ! — Et te lui as repondu, autant un avocat de plate !

CARQUELIN. — Forme métathésée de craquelin.

CARRE, s. m. — Le carre de la rue Mercière, au point de rencontre des rues Mercière et Thomassin. Comp. l’anglais square. (M. D.)

CARRÉ, s. m. — Un carré de mouton, terme de boucherie. Se dit d’un morceau qui comprend plusieurs côtelettes réunies ensemble.

Carré pointu, Triangle. Ce n’est pas beaucoup plus extraordinaire qu’un « carré long », qui n’est plus carré puisqu’il est long. Jouer au carré pointu. Sorte de jeu de gobilles où les gobilles sont préalablement disposées en triangle.

CARRÉ, adj. — Carré des épaules. Se dit figurément de quelqu’un qui est un bon mari. Ma blanchisseuse étant devenue veuve, elle se remaria, comme bien s’accorde. Eh bien, que je lui faisais, Madame Buyant, êtes-vous contente de votre nouveau mari ? — Ah, M. Puitspelu, c’est un bien brave homme, mais il n’est pas carré des épaules comme l’autre.

Carré comme la rue Longue. Image fort usitée quoiqu’elle ne soit plus guère de raison, depuis que la rue Longue à quadruplé de largeur. Lorsqu’un bisque venait chez nous acheter des mouchoirs de poche à carreaux pour les tabassus, il ne faillait jamais à demander : Sont-ils carrés au moins ? — S’ils sont carrés ! faisait mon oncle Cadet avec indignation. — Ouin ! carrés comme la rue Longue, répondait invariablement le bisque, en pliant en diagonale le premier mouchoir de la pièce, afin de s’assurer de ce qu’il en était.

CARREAU, s. m. — 1. Terme de construction lyonnaise. Petite dalle rectangulaire, posée sur chant, et qui sert à former un joli parement à un mur en maçonnerie qu’on veut faire croire en pierre de taille. S’emploie surtout par opposition au mot boutisse : appareillé par carreaux et boulisses.

2. Terme du jeu de boules. — Faire un carreau, baucher une boule en place.

CARREAUDAGE, s. m. — L’ensemble des carreaux et boutisses formant le parement d’un mur.

CARRÉE. — Pièce carrée. C’est le nom que nos charpentiers donnent à une équerre d’architecte, parce qu’elle est triangulaire.

CARRELET, s. m. — Petite règle à quatre côtés égaux, pour régler le papier. — Du vieux franç. quarrel, carreau.

CARRICHON, s. m. — Un carrichon de pain, Un gros quartier de pain. Déjà usité au xviie siècle : « Et cely carrichon de pan, — Per lo garda de la fan. » (La Bernarde). — De carré avec un suffixe fantaisiste. On suppose le pain coupé en carré.

CARRON, s. m. — Carreau de terre cuite. Vieilli. — De quadratum.

CARRONAGE, s. m. — Carrelage. Au xviie siècle siècle ce mot appartenait à notre langue lyonnaise officielle.

CARRONER, v. n. — Daller avec des carrons. Ménage l’a mis dans son Dictionnaire étymologique. Après une citation des Voyages de Monconis, qui dit qu’à l’Alcazar de Séville « les allées sont carronnées », Ménage ajoute : « C’est aussi comme on parle présentement parmi le petit peuple de Lyon et des villes circonvoisines. »

CARTABLE, s. m. — Il se compose de deux grandes feuilles de carton, retenues ensemble par un dos en peau ou en toile, et munies d’attaches pour empêcher les feuilles de s’échapper quand on a mis les dessins ou gravures entre deux. Des fois, les deux feuilles de carton sont fermées sur les côtés par des triangles de peau ou de toile qu’on nomme goussets.

On donne aussi ce nom au sac dans lequel les écoliers portent leurs affaires de classe. De mon temps ce harnais était inconnu. On attachait ses livres avec une arcade. — De cartabulum, fait sur carta.

Les mots français portefeuille, carton, dont on se sert quelquefois, ne peuvent remplacer cartable. Ils indiquent des objets différents.

CARTE, s. f. — Qualité d’une étoffe lorsqu’elle est ferme, qu’elle « fait la carte ».

Mise en carte, terme de fabrique. Translation d’un dessin sur un papier approprié, où des lignes respectivement perpendiculaires forment de petits carrés. Chacun des petits carrés représente la lève ou la baisse d’un fil. La suite des carrés longitudinaux représente les fils de la chaîne. La suite des carrés transversaux représente les coups de trame. Le papier pour la mise en carte se nomme papier réglé. Dans la dénomination du papier, on commence toujours par énoncer la chaîne. Par exemple dans le papier 8 en 10, huit fils de chaîne et dix coups de trame forment un carré, entouré d’un trait plus gros et plus noir. Le carreautage du papier correspond ainsi à la réduction de l’étoffe. C’est d’après cette mise en carte que le liseur perce les cartons.

On dit que l’invention de la mise en carte est due à Revel, habile dessinateur de fabrique, vers 1770 ; et que c’est Philippe de la Salle, autre dessinateur renommé, qui, en 1774, inventa de la colorier à l’exemple du tissu.

Perdre la carte, Ne plus savoir où l’on en est, perdre la boule. L’origine de la locution est peut-être dans cette idée d’avoir égaré la carte qui pouvait faire gagner la partie.

Si t’es pas content, va prendre des cartes. Manière polie de dire à quelqu’un : « Va te faire… »

Carte de pâté de lièvre, c’est-à-dire de pâté de veau froid. Ces pâtés sont allongés et plats en dessous. On les détaillait en tranches, que l’on mesurait avec un as de pique, bien graisseux (ou toute autre carte). Seize sous la carte en long ; huit sous la carte en travers ; voire des quarts de carte (marqués par une coche) : quatre sous. Par suite du renchérissement des ténors, la carte est aujourd’hui à vingt sous. Je crois d’ailleurs que beaucoup de pâtissiers ne détaillent plus cet article. — Ce genre de pâtés est spécial à Lyon. Jadis la grande réputation était celle de Prost, au coin de la rue Dubois et de la rue Mercière.

CARTEUX, EUSE, adj. — Se dit d’une étoffe qui a de la carte. J’avais un ami, Gopisset, de Saint-Just, qui ne voulait épouser qu’une femme qui soye bien carteuse. Il entendait qui ne fût pas molle de tissu comme un florence tramé souple.

CARTON, s. m. — On dit aussi Carton de mécanique. Un des éléments principaux du métier à la Jacquard. C’est une bande de carton gris, percée de trous où passent les aiguilles qui font lever les fils de la chaîne. La disposition des trous fait le dessin. Le nombre des cartons n’est limité que par l’espace dont on dispose. Aussi est-on arrivé pour les grands dessins de façonnés à créer des mécaniques où le carton est remplacé par du papier mince et parcheminé.

CARVILLE. — Pomme calville. Une bonne carville. — Forme de calville.

CASAQUIN. — Tomber sur le casaquin, Dire du mal, faire des reproches. Très usité. Puis ensuite après i n’ont parlé de M. Salopinet don qu’i va marier Mlle Graillon. I n’y sont tombés sur le casaquin !

S’emploie aussi dans le sens de frapper, abîmer : Si elle n’avait pipé mot, il lui tombait sur le casaquin.

CASSE, s. f. — 1. Poêle à frire. C’est le sens primitif du mot.

2. Casserole.

3. Poche de cuivre ou de ferblanc, destinée à puiser de l’eau dans le seau. Ce sens est le plus récent.

Du vieux haut allemand chezil, moyen haut allem. kezzel, « caldarium, cacabus ».

Casse, s. f. — Action de casser. Messieurs, la casse est personnelle ! Sage avis que, dans un grand dîner, spécialement dans les repas de corps, le président ne doit jamais manquer de prononcer à haute et intelligible voix, pour que ceux qui vont se fiôler soient bien prévenus que s’ils cassent la vaisselle, c’est à leurs dépens et non aux dépens de l’Amphytrion ou de la masse des invités.

CASSE-ÉCUELLES, s. m. — Avale-tout-cru, avaleur de charrettes ferrées. Te me feras pas caner, avec ton air casse-écuelle !

CASSEMENT. — Cassement de tête, Effort cérébral. C’est connu qu’en partie tous nos grands savants, qui ont beaucoup de cassement de tête, sont des gens abstraits. Mon bourgeois disait coutumièrement qu’il mourait beaucoup plus de gens du cassement du bas rein que du cassement de tête. Molard a oublié de proscrire le mot, et Littré lui a donné asile.

CASSER. — Casser du sucre. Une des plus fortes plaisanteries des grammairiens est de le remplacer par concasser du sucre. Concasser est un terme pharmaceutique, ici impropre. Notre expression a prévalu, et Littré à mis casser du sucre en tête de ses exemples.

Casser la graine, casser la grune, Boire un coup. Quand vous recevez une visite à la campagne, vous devez toujours offrir un verre de quoi que ce soit : du china-china, du vespétro, du parfait-amour, du tord-boyaux, du casse-poitrine, du fil-en-quatre, de la christoflette, du raspail, de l’arquebuse, de l’alcool camphré, enfin de tout ça que vous avez de meilleur. Vous devez dire d’un air aimable à votre visiteur ou à votre visiteuse : Voulez-vous casser une grune avec moi ? C’est du moins ce que font tous ceux qui ont de l’usage.

Casser la dévotion, Fatiguer, agacer, porter sur les nerfs. Finis don, Pétrus, avè ta raquette, tu nous casses la dévotion. L’idée est : Tu nous distrais de nos prières.

CASSE-TALON. — Prendre la voiture de M. Casse-Talon pour aller à Mornant, Vaugneray, ou ailleurs. Y aller de pied. On dit aussi Prendre la voiture des frères Talon.

CASSERELLE. s. f. — Sorte d’amande à coque tendre.

CASSON, s. m. — Planche de jardinage. Un casson de pastonades, de doigts-de-mort, un casson de cocus, etc. — De capsa, caisse.

CASTILLE. — Chercher castille, Chercher dispute. Vieilli à Lyon, mais toujours usité dans nos campagnes. — Esp. castillo, château. Autrefois la Castille désignait une espèce de joute où l’on attaquait des simulacres de château.

CASTONNADE, s. f. — Cassonade. Ancienne forme. « J’ay dit dans mes Observations sur la Langue Françoyse, que le plus grand usage étoit pour castonade, mais que je ne blâmois pas ceux qui disoient cassonade. » (Ménage.)

CASUEL, ELLE, adj. — Fragile. La vertu des femmes n’est casuelle, disait mon maitre d’apprentissage. Aujourd’hui on fait des assiettes minces comme de papier pelure, des verres mousseline que n’ont que l’âme. C’est si casuel que ça se casse tout seul, si l’on a le malheur de les regarder de trop près. — Casuel n’est pas, comme un vain peuple pense, une corruption de cassant ou cassable. Casuel, en métaphysique, se dit de ce qui dépend des cas, des accidents. Or, rien ne dépend plus des accidents qu’une porcelaine trop fragile.

*CATAPLAME, s. m. — Cataplasme.

CATI, IE, adj. — Se dit des cheveux embrouillés. C’est le participe de catir au sens ancien : « Catir, serrer, presser, faire adhérer ensemble (car c’est un terme de tisserand), » dit Cotgrave. — De coactus, pressé.

CATOFLE, s. f. — Pomme de terre. Mot resté de l’invasion autrichienne de 1815 : allem. kartoffel.

CATOLLE, s. f. — 1. « Dites birloir ». ajoute Molard. Chanoine a mis cette note fort exacte en marge de son exemplaire : « Le birloir est bien le tourniquet qui sert à retenir un châssis de fenêtre (Chanoine avait vécu au temps des châssis), mais la catolle est autre chose ; c’est un morceau de bois tournant sur un axe, qui retient fermée une porte d’armoire. Cet objet est ainsi nommé par les menuisiers. Le mot virole n’est pas non plus français en ce sens. » De catabula, machine à lancer des traits, et qui avait sans doute quelque rapport de forme.

2. Grumeau, caton adhérent. Marius, veux-tu pas mettre ton doigt dans le nez ! — P’pa, j’ai de catolles. — De catir, avec un suffixe diminutif.

3. Grateron (gallium aparine)[2]. On sait que c’est une plante dont le fruit, pourvu de poils, a la qualité d’être très adhérent, surtout quand on le met dans les cheveux. On ne peut plus s’en débarrasser. C’est une plaisanterie de bon goût de remplir sa main de catolles, puis de la passer doucement dans les cheveux d’une dame pour la caresser ou juger de la beauté de sa natte postiche. — C’est catolle 2, parce que le grateron fait ainsi des catolles.

4. Une cancorne, spécialement une bigote qui se scandalise de tout. Entre deux jeunes filles : Eh ben, Parnon, as-te bien dansé à la vogue ? — Ah ben vouat’ ! ma tante qu’a pas voulu ! — Voyez-vous, c’te vieille catolle ! — C’est encore catolle 2 : Une femme qui vous accroche comme un grateron, et dont on ne peut se débarrasser davantage.

CATOLLER, v. n. — Hésiter, Barguigner. Catoller, agir en catolle, manquablement.

CATON, s. m. — Grumeau. Je connaissais un jeune pousse-canule à prétentions. Cela fait, Madame (disait-il devant moi), si je puis employer le terme pharmaceutique, des grumeaux. — Allons, dit la dame impatientée, je ne connais pas le patois ; vous voulez dire des catons ? — De catir, avec le suffixe diminutif on.

CATONNÉ, ÉE, adj. — Qui est en catons. Cadet, pourquoi t’est-ce que le mange pas ta farine jaune ? — P’pa, elle est toute catonnée.

CAUCHE-VIEILLE, s. f. — Cauchemar. « Les Lyonnais disent cauche-vieille, » écrivait Ménage au mot cauchemar, voilà plus de deux siècles. Mais pourquoi vieille ? Le démon ne chauche pas les vieilles de préférence aux jeunes. Ne faut-il pas lire, suivant la construction germanique : Vieille qui chauche, comme cauchemar est démon qui chauche (vieux haut allem. mar, « incubus? »). Après tout, on peut assez bien se représenter le démon sous la forme d’une vieille. En partie tous nos jeunes anges deviennent de vieux diables.

CAUSE. — À cause ? loc. interrog. — Pourquoi ? Bargeois', disait un jour notre petite apprentisse, comment que vous trouvez le Benoît ? — Je le trouve bien gentil. À cause? — À cause de rien. Remarquez que toute les fois que vous leur direz : « À cause de quoi ? » les femmes vous répondront toujours « À cause de rien ». Dans l’espèce, il n’est pas sûr que pour l’apprentisse ce fût à cause de rien.

CAUSETTE, s. f. — « Entretien qui a de l’abandon et de la bonhomie, conversation nourrie et animée, mais douce et facile… Expression heureuse, qui n’a point d’équivalent dans la langue des dictionnaires ; et dont ils feraient bien de s’enrichir. » C’est ainsi que parle excellemment le puriste Humbert, indulgent à ses heures. Le mot est très répandu. Au Scholasticus lugdunensis faciens causettam cum puella praesumitur dicere Pater noster ? — Non ita, écrit le célèbre Papinien dans ses Libri XIX responsorum.

CAVALETTES, s. f. pl. — Harnais du métier d’uni qui n’existait pas de mon temps. — Ce sont deux cadres de bois rentrant l’un dans l’autre, mais qui n’ont que trois côtés. Les deux branches d’équerre ont leur bout pivotant sur des orillons fixés aux pieds de devant du métier, au-dessous des banques ; le grand côté de chaque cavalette est assujetti à la marche par un crochet et relié aux lisses par des cordes. Mais comme les cavalettes seraient trop minces d’épaisseur pour y attacher le nombre de lisses qu’elles doivent faire baisser, on y supplée par des règles de bois intermédiaires, qu’on nomme sabots, et dont le profil en forme de la moulure appelée talon, et allongé dans le sens de la longueur du métier, permet d’y accrocher, sans dévier de la verticale, des cordes correspondantes aux lisses actionnées par la cavalette. — Par ainsi, en baissant la marche, la cavalette s’ouvre et tire les lisses par en bas, ce qui a l’avantage de faire ouvrir franchement le pas. — De cavale, comme chevalet, de cheval. On a comparé le mouvement des cavalettes au pas du cheval.

CAVE. — Jadis nom d’une prison provisoire à l’hôtel de ville, qui chaque nuit s’emplissait de vagabonds, de voleurs et de Vénus du trottoir. Passer une nuit à la Cave. Locution de la meilleure compagnie, témoin la réponse d’une haute et noble dame de la galanterie lyonnaise, aujourd’hui vieille, et puissante à en être d’un remuage difficultueux (on la reconnaitra). Un jour qu’elle s’était un peu oubliée à souper, elle tomba, sur le coup de deux heures du matin, à la porte de son allée, qui était aux Brotteaux. Passent deux bleus, bons diables, qui la ramassent, la font s’expliquer, parviennent à comprendre ses bredouillements, et la montent, non sans peine, à son appartement. Savez-vous, Madame, dit l’un d’eux en s’en allant, que nous aurions pu vous arrêter ? — Croyez-vous, répondit-elle avec dignité, que je ne suis pas une assez bonne b…esse pour passer une nuit à la Cave ?

En 1857, M. Vaïsse transformant l’hôtel de ville en préfecture, il supprima la Gave et fit transporter la geôle provisoire à l’hôtel de police de la rue Luizerne.

CAVET, s. m. — Sobriquet donné aux canuts. Je crois fort que c’est un mot d’argot (cavé, dupe), importé par les petits journaux qui veulent parler Guignol, et parlent surtout la langue verte. On ne rencontre pas une fois cavet dans Revérony ni dans Ét. Blanc, et je ne l’ai jamais entendu dans ma jeunesse.

CAVEUX, s. m., terme de gones. — Poltron, capon. On le fait généralement précéder de l’épithète de sale, Sale caveux, va ! — Probablement fait sur cave ; caveux, qui se cache à la cave, qui se terre.

CAVON, s. m. — Caveau, petite cave où l’on met le vin fin (quand on en a). C’est du vieux franç. « Ils les encavent (les vins) en cavons et en celliers. » (Du Pinet.)

CAYE (ka-ye), s. f. — 1. Parlant par respect, La femme du cayon.

2. Gros chantier que l’on place par-dessus les madriers nommés cayons, quand on presse la vendange (Voy. cayon 2). — Image de la truie couvrant ses marcassins.

Étym. — M. Cornu donne, parlant par respect, cacare. Mais pourquoi les porcs auraient-ils seuls tiré ce nom d’une faculté qu’ils partagent avec tout le monde, voire avec les philologues eux-mêmes ? Le kymri cagl, fange, fiente ; caglog, souillé de fange, irait bien comme sens et comme forme, et il expliquerait la forme languedocienne caliou. Le cayon serait le « souillé de fange ». Le fâcheux est que caye a dû précéder cayon, comme coche à précédé cochon, et que dans caye, on ne voit pas le suffixe indispensable pour former un dérivé de cagl.

CAYON, s. m. — 1. Parlant par respect, Habillé de soie.

Ladre comme un cayon. — Très avare. Dans ce dicton, on joue sur le mot ladrerie, maladie du porc, et ladrerie, avarice, quoique je n’aie jamais pu comprendre le relation (qui remonte au moins au xvie siècle) entre les deux sens.

D’un bon cayon, hormis le… bran, tout est bon.

L’honnête Cotgrave donne le même proverbe sous une forme bien plus gros- sière : Le porc a tout bon en soy, fors que la m… Il ajoute cependant cette restriction que j’aime mieux laisser au lecteur (tout le monde sait l’anglais maintenant) le soin de traduire : Yet is the dung of a hog an excellent remedy for bloudspitting (blood spitting); but it must first be eaten, fried with sweet butter, and some of the bloudy spittle.

Autant qu’un cayon n’en peut compter, c’est-à-dire un, le cayon faisant toujours hun, hun, et jamais deux.

Il ira loin si les cayons ne le mangent pas en route, pour indiquer qu’un jeune homme est plein d’avenir, toutefois avec une restriction bien naturelle.

Amis comme cayons, Très unis. Il parait que les cayons, entre eux, sont bons amis. Il est plus convenable de dire amis comme … frères, et cela revient souvent au même.

C’est donner de la confiture à un cayon. Répond au margaritas ante porcos des latins. Le génie populaire est partout le même.

Nous n’avons pas gardé les cayons ensemble. Manière noble de faire entendre à quelqu’un que l’on entend conserver son quant à soi. Un monsieur de ma connaissance avait un domestique d’humeur susceptible. Un jour, pour adoucir un petit reproche, il l’appela « mon ami ». Monsieur et moi, fit le domestique avec dignité, nous n’avons pas gardé les cayons ensemble.

Au fig. sale, malpropre. Un père dira à son fils avec bonté : Auras-tu bientôt fini de pitrogner comme ça de la bouse de vache, petit cayon !

Qui se marie est content une journée, qui tue un cayon est content toute une année. Proverbe inventé par un mari repentant.

Un marchand est comme un cayon dont on ne sait s’il est gras que lorsqu’il est mort. Il y a en effet bien des gens dont la mort seule révèle l’embarras des affaires.

Gras comme un cayon. Voy. gras.

On dit encore à un ami qu’on n’a pas vu depuis quelque temps et qu’on retrouve florissant : Ça me fait plaisi de voir que te te portes comme un cayon.

2. Les cayons sont des soliveaux ou chantiers que l’on place sur le manteau qui couvre la trouillée lorsqu’on fait le vin, afin de combler le vide entre le manteau et le chapeau. Un chantier beaucoup plus gros qu’on place par-dessus se nomme caye (v. caye 2). Le peuple s’est plu à donner des noms d’animaux aux objets qui supportent. Comp. grue, chèvre, corbeau, poutre, sommier, grenouille (treuil) et le vieux lyonnais bochet (petit bouc), sorte de corbeau.

CEINTURONNIER, s. m. — Fabricant de ceinturons. Molard ajoute : « Dites ceinturier. » Et que non pas, bonnes gens ! Le ceinturier est un fabricant de ceintures, le ceinturonnier, un fabricant de ceinturons.

CELLE À… — S’entend de reste. Un monsieur en voyant passer une dame bien bâchée : C’est celle à M. le sous-préfet.

CELUI-LÀ-LÀ, CEUX-LÀ-LÀ. — Pléonasme toujours usité : Regarde voire ceux-là-là qui vont là-bas. Trois là.

CÈNE BÉNITE. — Petit gâteau rond et plat, sans beurre, rapport à la collation (ou à l’économie), fortement safrané, partant d’un jaune vif, que l’on vend le Jeudi-saint à la porte des églises. Sont-ils bons ? Cela dépend de l’âge de celui qui les mange. À sept ans, délicieux ; à soixante ans, exécrables. Le nom est un souvenir du pain consacré à la cène.

CENPOTE, s. m. — Fût de vin qui contient environ 105 litres. — Mot fait sur cent-pots.

CENSÉ, adv. — Censément (voy. ce mot). Il est venu à Noël, censé pour son oncle, mais c’était pour la Pierrette.

CENSÉMENT, adv. — Très jolie expression, impossible à rendre exactement en français de l’Académie. N’en déplaise à Littré, il n’a pas toujours le sens de « par supposition ». Ainsi, cette proposition : Nos ministres sont censément les valets des députés, et les députés sont censément les valets des voyous qui les élisent, ne saurait se remplacer par : « Les ministres sont par supposition les valets des députés, etc. », car ce ne serait pas une supposition du tout. Je traduirais volontiers censément par « comme qui dirait ». Ne pas confondre avec sensément. D’une dame on dit souvent : C’est censément sa femme. Censément, oui ; sensément, non ; insensément, souvent. – Dérivé de censé, pas censément mais sensément.

CENTAURE. — Une voix de centaure, Une très grosse voix. — Corruption de stentor.

CERCEAU, s. m. — Appendice de la Jacquard. Il se compose de deux barres de fer recourbées, placées au-dessous de la mécanique, et qui servent à supporter les cartons du dessin.

CERISES. — Être à ses cerises. C’est ne plus être apprenti, ne plus travailler pour le bourgeois, mais avoir son métier pour maitre.

Synon. Être à ses croûtes. (P. B.)

Les demoiselles de la rue Tupin font une bouchée de deux cerises (Breghot dit trois), et celles de la rue Mercière deux bouchées d’une cerise. Dicton un peu oublié, et sans doute inventé par une demoiselle de la rue Mercière pour faire croire à la petitesse de sa bouche.

CERMILLE, s. f. — Cerfeuil. De cermille frite sur les rissoles, c’est franc bon. — C’est cærefolium, où folium a été remplacé par milium, mil.

CERVELLE. — Cervelle de canut, Claqueret, fromage blanc. Hélas, une cervelle de fromage blanc n’annonce pas qu’on se nourrisse de truffes noires avec de chambertin.

CESSE. — N’avoir ni fin ni cesse que… Très usité. La langue un jour fourcha à l’un de mes amis : Figurez-vous, me disait-il, que ma femme n’a ni sin ni fesse que je la mène au bal de la Préfecture (textuel).

CHA. — À cha-un, Un à un ; À cha-deux, Deux à deux ; À cha-peu, Peu à peu. À cha-peu, en s’y reprenant tous les jours, c’est étonnant ce qu’on finit par faire d’ouvrage. C’est comme cela que se font les grosses familles. Maille à maille se fait l’haubergeon. C’est à cha-peu, chaque jour, que je fais ce mien présent « Thrésor de la langue lyonnoise ». En mettant des sous de côté, à cha-peu, si l’on a la chance de vivre longtemps, on a la consolation, après s’être gêné toute sa vie, de mourir en laissant une belle fortune. — De ad cata unum. (Paul Meyer.)

CHADRILLON, CHATRILLON, s. m. — Chardonneret. — De carduum, chardon, comme chardonneret, parce que cet oiseau est friaud de la graine du chardon.

CHÂILLÉE, s. f. — Le bon Molard l’a oublié, mais Chanoine, Lyonnais ad unguem, n’a point failli à écrire en marge de son exemplaire : « Châillée. C’est une multitude confuse et en désordre. » Très péjoratif. Chère Madame, êtes-vous allée au bal de l’Empereur, à l’hôtel de ville ? — Manquablement. Oh, quelle chäillée ! On dit aussi par pléonasme Une châillée de monde, Une châillée d’enfants, Une châillée de citoyens.

— J’ai toujours compris, et ne crois pas avoir erré, que châülée, parlant par respect, était pour chiâillée.

Il y a châille, pierre et châillée, tas de pierres. (M. D.)

CHAILLOTE, s. f. — Échalote. Au fig. Dent. Hélas qu’il arrive vite le moment où les chaillotes se transforment en clous de girofle ! — Franç. échalote, dans lequel, d’après une règle du lyonnais, e initial est tombé. Voilà plus de nonante ans que le bon Molard signalait le mot comme une faute.

CHAINE, s. f. — C’est l’ensemble des fils qui forment la longueur de l’étoffe, par opposition à la trame. Le mot vient de ce qu’à l’ourdissage, on fixe les enverjures par des liens, et, pour que les fils ne se mêlent pas, on réunit les musettes sous forme d’anneaux. Quand Figaro chante : Ah ! ma trame est bien ourdie, il dit une bêtise, vu que tous nos bons canuts savent bien que c’est la chaine qu’on ourdit et non la trame.

CHAINE D’OIGNONS. — La folie, heureusement inoffensive, des grammairiens est allée jusqu’à proscrire cette expression si naturelle. Le sévère Molard prétend qu’il faut dire glane d’oignons. Cependant l’Académie dit : « chaîne, suite non interrompue d’objets semblables, » tandis que les grammairiens se sont imaginés qu’une chaine était nécessairement composée d’anneaux.

Aller en chaine d’oignons, Aller à la suite les uns des autres, comme les canes qui vont en champ. Pour deux à deux, on dit : Aller comme le pensionnat Champavert, pensionnat bien connu, qui était à la Croix-Rousse, sur les Tapis, où s’élève aujourd’hui une école normale.

CHAIRCUTIER, CHAIRCUITIER. — C’est l’ancienne forme de charcutier, qu’on trouve déjà au Dictionn. de 1694. Ce mot, que j’ai encore entendu dans mon enfance, me paraît tombé en désuétude.

CHAISE. — Chaise à sel. Aujourd’hui, dans les ménages, on achète, à cha deux sous, le sel tout pilé. Autrefois, on n’avait que du gros sel en provision, que l’on pilait au fur et à mesure des besoins. C’était un souvenir du temps de la gabelle, où celle-ci fixait la quantité de sel que chaque famille était tenue de consommer. On le plaçait dans une petite caisse en forme de chaise sans pied. Notre chaise à sel, en vieux noyer poli, à panneaux contournés, datait du commencement du xviiie siècle. C’est sur la chaise à sel que, dans chaque famille, s’asseyait le culot. Dans le Limousin, c’était la seconde place au feu réservée au jeune homme qui entrait gendre.

Chaise à dévider, Chaise à tordre, Chaises larges et très élevées. C’est grâce à cette élévation que les dévideuses et les tordeuses sont à la hauteur de leur tâche.

CHÂLE. — Châle au quart, terme de canuserie. On appelait ainsi des châles carrés et par conséquent très larges que l’ouvrier tissait avec le concours d’un lanceur. — Quart est une corruption de quarre. Châle au quarre, châle carré.

Le châle se portait en pointe ou en carré. Cette dernière manière était dite en vache malade. (P. Blanc.)

CHALÉE, s. f. — Sentier dans la neige, dans les feuilles mortes. Quand nous étions petits, nous nous amusions, parlant par respect, à faire sur la neige, au moyen d’un liquide tiède, des chalées minces et longues. — De callala, de callem, sentier.

CHAMBELLAN, CHAMBERLAN, s. m. — « Celui qui travaille en chambre, sans droit. » Je ne puis que rapporter la définition de Molard, n’ayant jamais entendu prononcer ce mot, qui nous reporte avant 1789, au temps des corporations.

CHAMBRER. — Chambrer une seringue, La garnir de chanvre, à seule fin que rien ne se perde du bouillon. Chambrer est ici pour chanvrer, dont la prononciation serait peu commode.

CHAMBROTTE, s. f. — Petite chambre. Coucher dans une chambrotte.

CHAMP. — Aller en champ. Voy. aller.

Mettre des chaises (ou autres objets) en champ, Les mettre en garenne, en désordre.

À tout bout de champ, À tout moment, à propos de tout : Y se biquiont à tout bout de champ.

CHAMPAGNE. — La propreté du petit Champagne. Une des plus usitées de nos locutions pour exprimer la dernière saleté. La maman : Ce sale enfant a toujours des chandelles des six. Quelle dégoûtation !Le papa : La propreté du petit Champagne ! Entre dames : Et votre nouvelle bonne, en êtes-vous contente ? — Elle est de bon command, mais la propreté du petit Champagne ! Figurez-vous qu’hier, en découvrant la soupe, nous avons trouvé un cafard dedans qui battait ses agottiaux. Comme si elle aurait pas pu l’ôter !

Origine évidemment historique et toute lyonnaise, mais que j’ignore. Quel était ce jeune Champagne ? À quelle époque vivait-il ? Avait-il été vacciné ?… Redoutables énigmes pour la solution desquelles toute la science patiente et approfondie de nos érudits lyonnais ne serait pas de trop.

CHAMPAGNON, s. m. — Voy. compagnon.

CHAMPAVERT. — Titre d’une pièce canuse qui date de la Restauration et qui, à ma connaissance, n’a jamais été imprimée. C’est évidemment la parodie de quelque ballade moyen âge de ce temps-là. La pièce est fort libre.

CHAMPÊTRE, adj. — Se dit de tout ce qui est bien canant, bien agréable. J’ons passé le tantôt aux Charpennes, à jouer au bouchon. J’ai gagné dix sous. C’était tout plein champêtre. (N. B. Quand on gagne de l’argent, c’est toujours champêtre, manquablement.) Les Lyonnais sont bien supérieurs à Horace : il ne voyait du « champêtre » qu’à la campagne ; ils en voient partout.

CHAMPIGNON, s. m. — Cheville de porte-manteau. M. Riclon a du lusque ! il a de champignons après sa porte pour appondre ses frusques. — De la ressemblance marquée de cette cheville à tête ronde avec un gros champignon.

CHANA, s. f. terme de canuserie, — Rainure creusée dans le battant pour recevoir le peigne. — De canalem.

CHANCAGNER, v. a. — Chagriner, harceler, peiner. Un jour que j’étais assis sur le piédestal de la croix, à la Croix-Rousse, j’assistai à la conversation suivante : Que don que vous avez, M. Cacouillet ? Vous avez l’air tout chose ? — Oh, c’est rien, M. Fenassut. Voilà : y a la bourgeoise qu’est aux douleurs. Elle te vous pousse de ces quinchées ! Vous savez, on a beau être mâle, ça vous chancagne tout de même. Alors comme alors, je suis sortu un moment. — Que voulez-vous, M. Cacouillet ! I vaut encore mieux que ce soye elles au lieur que nous. Ça nous serait ben encore mai penible ! Hi ! hi ! hi ! — De cancerem. En Dauphiné chancragner.

CHANÉE, s. f. — Cheneau de toiture. M. Faganat arrive en relard à un diner prié, par rapport à une avale d’eau. La maitresse de maison : Avez-vous été saucé, M. Faganat ? — Ah, Madame, la raie du d…os n’en faisait chanée ! Au xviie siècle siècle, à Lyon les chanées étaient en bois. Il n’y avait pas de cornets de descente. À l’extrémité du toit les chanées faisaient retour d’équerre, et dégorgcaient sur les passants. — De canalem.

CHANES, s. f. pl. — Fleurs du vin. — De canae, blanches, choses blanches.

CHANGER (SE), v. pr. — Changer de linge. Une bonne femme à son mari : Ma coque, t’esses tout trempe de chaud. Va don te changer ! — Métonymie. À combien ne pourrait-on pas dire sans métonymie : « Va donc te changer ! »

CHANIN, INE, adj. — Désagréable, aigre, piquant. Un temps chanin, un air chanin. « I visite le cropion qu’elle tenait toujou dans sa main, et i nous dit : — Vous autres, farmé don la liquerne, i vient z'un air chanin que l'y gèle le cotivet. » (Ressit des amours). — De caninum. Un temps chanin, un temps de chien.

CHANOINE. — Salade de chanoine, Mâche, valerianella olitoria. Je ne sais pas expliquer l'origine de l'expression.

CHANON s. m. — Étui pour les aiguilles. — De canonem.

CHANT. — Chant du cygne. Métaphore poétique. Nous étions réunis quatre dans la chambre de ce pauvre ami X…, qui était très malade et sentait s'approcher sa fin. Il se soulagea par une incongruité énorme. « Ha, fit-il tristement, c'est le… chant du cygne ! »

CHANT. — Un briquetage en briques de chant, Une pierre de taille posée sur chant, etc. C'est-à-dire que les briques, la pierre, sont posées sur le côté le plus étroit. — De cantus.

CHANTE. — Chante, merle, ta cage brûle ! Proverbe commun que nous disons à ceux qui ont de la gaieté hors de propos. Si nous pensions bien que pour nous tous, qui que nous soyons, la cage est après brûler, plus jamais ne chanterions.

Chanter Margot t-et Blaise, — Chanter avec entrain, avec gaieté.

CHANTERELLE. — Appuyer sur la chanterelle, Forcer la note, exagérer des prix. Les grands avocats, les grands médecins appuient sur la chanterelle. — Trope emprunté à l’art du violoniste.

CHAPEAU, s. m. — 1. Chapeau du pressoir, Pièce de bois sous la vis du pressoir et qui glisse entre les deux aiguilles (voy. ce mot). — De ce que cette pièce sert de chapeau aux madriers placés par-dessous.

2. Couche supérieure de la grappe qui, dans la cuvée, forme une coupole aplatie au-dessus du liquide. Chez nous, on renfonce constamment le chapeau. Dans le Midi, on n'y touche pas, et après la cuvée, il sert à faire du vinaigre.

3. Fumeron de la mèche d'une chandelle, formant champignon. Des chapeaux à la chandelle annoncent sûrement des visites.

Chapeau monté, Chapeau haut de forme. On dit encore plus volontiers un crasse ou un bugne. — Une plaisanterie très goûtée consiste à demander à un ami d'essayer son chapeau monté, voir s'il vous va. Vous prenez délicatement le bugne, le tournez la bouche en bas, et vous appliquez deux ou trois chiquenaudes très sèches sur le couvert, comme pour faire tomber la graine qui se trouverait adhérente à la coiffe. Vous regardez avec soin s’il n’en reste point, et alors le mettez sur votre tête. Puis vous le rendez en disant : I me vas pas, les cornes l'ont tout déformé.

Chapeau à la coque-moi donc, Sorte de chapeau de femme rejeté en arrière, qui découvre tout le visage.

Chapeau d’ânier, Chapeau de paille. T’as mis ton chapeau d’ânier, c’est signe de printemps. — De ce que, au temps des âniers, ils avaient tous des chapeaux de paille, qui, pour dire vrai, n’étaient pas toujours de la dernière fraicheur.

CHAPELET, s. m. — 1. Série des vertèbres qui composent l’épine dorsale. Dans les meilleurs ménages, il y a des fois de légères picoteries. J’en connaissais un où il y avait eu quelque petite chose comme cela. Comme bien s’accorde, ils étaient couchés, et comme bien s’accorde aussi, c’était la femme qui boudait, et avait tourné le dos. Le mari, pour se désennuyer, s’amusait à compter du doigt les vertèbres du dos de sa femme. Elle, déjà un peu moins fâchée, de lui dire : Que faites-vous, mon ami ? — Ma bonne, je dis mon chapelet. — C’est bien, quand vous serez au bout, n’oubliez pas de baiser la médaille. — Je ne sais pas ce qu’il en fut, mais le paix se fit.

2. Terme de boucherie. — Morceau qui comprend les vertèbres de l’échine du bœuf. Chez Garcin : Antoine, le plat du jour ? — Du bouilli. — Du prein ou des clinquettes ? — Non, m’sieu, du chapelet. — C’est bien, donnez-me-n’en.

Dire son chapelet. Se dit des chats quand ils ronronnent.

CHAPIRON, s. m. — 1. Tout ce qui dépasse une chose, la couronne. Une crête de coq est un chapiron. Les pignons gothiques ont des chapirons. Comment que te trouves les tours de Fourvières ? — C’est bien beau, mais je pensais qu’i n’y mettriont un chapiron. — C’est une forme de chaperon.

2. Huppe. — À cause du chapiron qu’elle a sur la tête.

CHAPIRONNER, v. a. — Gronder, réprimander. Il a chapironné le Gusse, censément qu’i fréquentait trop la Barnadine. — De ce que, au moyen âge, on disait en parlant des oiseaux de proie, chaperonner, pour leur couvrir la tête d’un chaperon, qui, en les plongeant dans l’obscurité, les rendait absolument dociles.

CHAPIRONNER (SE), v. pr. — Se dresser sur ses fumerons, comme le coq sur ses ergots. Littéralement dresser son chapiron (voy. ce mot).

CHAPIT, s. m. — Hangar, abri, petit couvert. Virginie faisait à Paul un chapit de son jupon. — De cappa, chape, et par dérivation abri.

CHAPLER, v. a. — Aiguiser les faux on les martelant. — Vieux français chapler, battre, devenu chapeler.

CHAPON, s. m. — 1. Sarment pour bouture. C’est aussi le nom donné aux jeunes vignes jusqu’à ce qu’elles produisent, c’est-à-dire jusqu’à cinq ou six ans. Un carré de chapons. — De caput, tête, et, par extension, extrémité. Le chapon est un bout de sarment.

2. Croûte de pain frottée d’ail, qu’on met au fond du saladier. Beaucoup la mangent. Là-dessus trois verres de roide, trois pipes, et, si c’est le soir, le lendemain matin l’on est suave ; si c’est le matin on a la bouche fraiche toute la journée.

3. La gousse elle-même dont on frotte la croûte. Dans cette dernière acception, Littré confond le mot sous la même étymologie que chapon, coq châtré. C’est une erreur. Il vient de caput. La gousse est une tête d’ail, et de la gousse le nom s’est étendu au croûton qui en est frotté.

CHAPONNIÈRE, s. f. — Une ranche de ceps, Mettre la vigne en chaponnières. La planter par ranches en même temps qu’en échiquier. — Fait sur chapon.

CHAPOTER, v. a. — Frapper avec un marteau, une mailloche, etc. Au fig. Frapper à coups de poing. — Le président : Vous êtes prévenu d’avoir battu votre femme.Le prévenu : Ah ben, si en république, on peut plus chapoter sa femme !Le président avec douceur : On ne vous dit pas de ne pas la chapoter, mais il ne faut pas l’assommer ! — En vieux lyonnais chapoter signifiait tailler, en parlant du bois. D’un radical cap, qui signifie tailler. Rabelais emploie chapoter au sens lyonnais moderne de frapper.

CHAPUIS, s. m. — Charpentier. Mot tombé en désuétude. M. Godefroy dit qu’il est encore usité dans le patois lyonnais. C’est bien possible, mais je ne l’ai jamais entendu. — Subst. verbal de chapuiser.

CHAPUISER, CHAPUSER, v. n. — 1. Char- penter. Pourquoi-t’esse que ton mari a une poupée au doigt ? — Pardine, il est adroit comme l’oiseau de saint Luc, et i veut toujou chapuser ! Manquablement, i se chapuse les doigts.

2. Tailler menu, couper en débris en parlant du bois. — Du radical cap.

CHAPUISEUR, CHAPUSEUR, s. m. — En vieux français un chapuiseur était un charpentier. Nous avons gardé le mot seulement au sens d’homme qui a le goût de chapuiser, comme les bourgeois retirés à la campagne. Un de nos vieux proverbes dit, parlant par respect : Mieux vaut être près d’un caqueur que d’un chapuseur. Salomon n’eût pas mieux dit. L’un n’offense que le nez, l’autre peut vous tirer un œil d’une éclape.

CHAQUE. — Ces cornes à piston valent un sou chaque. Il faut dire un sou chacun, de par les savants. Ça, c’est juste comme le doigt au trou.

CHARABARAT, s. m. — Marché aux chevaux. - Le vieux sens était verbiage, caquetage bruyant, du prov. charra, caqueter.

Peut-être une forme lyonnaise de charivari que le bas latin exprime par carivarium, charavaria et autres onomatopées. À rapprocher de charabia.

CHARASSEMENT, s. m. — « Le bâton dispose d’une grande force comique. La pièce reçoit de cet agent une vigueur admirable ; elle se précipite vers le grand charassement final. C’est ainsi que les Lyonnais, chez qui le type de Guignol fut créé, désignent la mêlée générale qui termine toutes les pièces du répertoire. » (Anatole France, Guignol).

Merci m’sieu. L’Académie du Gourguillon, qui possède déjà un membre de l’Institut, ne faillira pas à nommer M. A. France membre correspondant.

CHARASSON, s. m. — Échelle à un seul montant pour la cueillette des fruits. Au temps de la récolte des bigarreaux, le bon curé de Saint-Julien-Molin-Molette, dans son prône, recommandait toujours aux garçons de monter sur le charasson, et aux filles de rester en bas. — De scala.

CHARBOUILLER, v. n. — Se noircir. Melina, va donc te décochonner, t’as le groin tout charbouilllé. Substitution du préfixe char, car, au préfixe bar, tous deux péjoratifs.

CHARBON DE PIERRE. — Houille, « sorte de fossile dur et inflammable, dites charbon de terre. » (Molard.) Grangier le proscrit également. Il semble cependant que la houille ait bien plus de ressemblance avec de la pierre qu’avec de la terre. Les Allemands l’ont compris comme nous, et ils disent Steinkohle. Quant à houille, c’est un mot de savant, que nous ne comprendrions pas plus qu’abdomen pour bredouille, sternum pour brechet, œsophage, pour corniolon, sacrum pour croupion et rectum pour…

Ma pauvre Gustine, t’esses venue au monde quand les charbons étiont en fleur. Se dit à quelqu’un dont le teint est moins transparent que celui de Vénus.

CHARBONNAILLE, s. f. — Petits charbons formés par la braise du four éteinte. Le plus précieux des combustibles pour les ménagères pressées, en ce qu’il s’allume avec la plus grande facilité. On n’est pas obligé, comme pour le charbon de bois, de souffler, de souffler tant que la barbe en fume. Le bon Molard ne sait ce qu’il dit lorsqu’il affirme que la charbonnaille est de la « poussière de charbon », et qu’il ajoute : « dites poussier. »

CHARGÉ. — Chargé d’argent comme un crapaud de plumes. Rabelais à emprunté au lyonnais cette pittoresque locution.

Chargé de cuisine, Obèse. Eh, eh, m’sieu Cochonnier, vous commencez ben à être chargé de cuisine ! — C’est la bourgeoise que me fait trop manger de tripes.

CHARIBOTTER, v. a. et n. — Travailler maladroitement. Ce menuisier de mon c…œur m’a charibotté cetie porte. — D’un radical carp, carb, qui a la signification de déchirer, d’où le franç. charpir.

CHARIPE, CHAROUPE, s. f. — Terme injurieux, très grossier. Peut-être l’était-il moins jadis. Dans un vieux noël, le Diable, pour voir la fête, passe la tète par la chatière :

Saint Joset prit sa varlopa,
L’y en fotit una vartoya (tripotée) :
Al avôve, la charopa,
Lo groin tot écramaya.

Charoupe (forme la plus commune) n’est point une corruption de charogne. Il répond à un primitif, représenté en Valais par tsaropa, personne engourdie, paresseuse. Mais d’où vient le primitif ?

CHAROGNE (parlant par respect), s. f. — Terme ignoble. Il peut cependant servir à exprimer l’enthousiasme. J’avais un ami, musicien dans les moelles. Un jour, nous entendions, admirablement exécuté, un de ces quatuors de Mozart où la mélodie divine se déroule, puis s’adoucit, s’obscurcit pour reparaître plus brillante sous mille formes. Un moment, nous étions en suspens, bercés par le calme des accords qui préparaient le retour du motif principal. Mon camarade était haletant, la tête renversée, les yeux à demi-clos. Lorqu’enfin, sans secousse, naturellement, comme une balançoire qui s’abaisse, nous retombâmes dans le flot mélodique, il n’y tint plus : Ah !… Charogne !!! — Croyez-vous qu’il existe un mot au monde pour exprimer tant d’enthousiasme !

Terme affectueux entre vieux amis qui se rencontrent : C’est-i don toi, charogne ! Ça me fait-i plaisi de te voir ! (Ils se collent comme des poires tapées.)

Enfin, c’est, dans les grandes occasions, un mot d’amour, témoin le vers brûlant que notre grand Victor Hugo place dans la bouche innocente de dona Blanca :

Dis-moi des mots d’amour, appelle-moi charogne !

L’emploi de ce mot au sens passionné parait extraordinaire. Voici ce que me répond un membre de l’Académie française à ce sujet : « Les gourmets prisent beaucoup le gibier qui sent un peu le corrompu, en d’autres termes la charogne. Donc être un peu… cela, est une qualité appréciée de certains. »

CHARPENNE, s. f. — 1. Bois de charme. Brûler de la charpenne.

2. Bois, bosquet de charmes. C’est de là que les Charpennes tirent leur nom. Je connaissais un bon vieux, le père Petit, qui avait enfin pu voir réaliser son rêve d’entrer à la Charité. Eh bien, père Petit, que je lui faisais, êtes-vous content ? — Si je suis content, m’sieu Puitspelu ! Figurez-vous que, le matin, toutes les sœurs défilent devant mon lit. Y en a qui te vous ont de ces façades ! Puis voilà-t-i pas que j’ai retrouvé des petites vieilles que, dans les temps, nous étions allés manger la salade ensemble aux Charpennes ! — De carpinum, charme.

CHARPILLER, ÉCHARPILLER, v. a — Mettre en débris, en lambeaux. Un canut me disait : C’te pauv’ fenne, pour l’accoucher les majors l’ont toute charpillée. Une bonne mère : Voilà ce que c’est que d’aller faire la polisse sur les quais. On se charpille avè les gones ; puis c’est la maman qui faut qu’elle petasse les culottes. — De charpir, avec un suffixe fréquentatif.

CHARRI, s. m. — Drap grossier et très vaste, qu’on met sur la gerle quand on fait la buye, et sur lequel on place les cendres. Le charri est encore fort utile pour boucher les cheminées quand on a les ramoneurs, à seule fin que la suie ne vole pas par toute la chambre. La bourgeoise de mon bargeois, quand j’étais en apprentissage, avait des mouchenez, autant des charris. Aujourd’hui, les dames vous en ont qui sont grands comme des cartes postales. — Du franç. charrée, cendre qui reste sur le charri après le coulage de la lessive.

CHASSE, s. f. — Qui va à la chasse perd sa place. Proverbe que les petits gones ne faillent jamais à dire à celui qui s’est levé, et dont on prend vite la place. Mais celui-ci revient, et s’il est le plus fort, il pousse l’intrus par les épaules en disant : Qui revient chasse le coquin.

CHÂSSE, s. f. — 1. Cercueil. Il a vieilli, mais il existe encore dans nos campagnes. Comp. caisse, qui à Nyons, signifie cercueil, et comme châsse, vient de capsa.

2. Boîte.

3. Châsse de la navette, Cavité de la navette dans laquelle on loge la canette.

4. Chas d’une aiguille.

CHÂSSIS, s. m. — Ancienne fermeture de fenêtre, composée de châssis comme nos croisées, mais sans espagnolette et fermant à l’aide d’un birloir. Les carreaux, au lieu d’être en verre, étaient en papier huilé.

Pocher le châssis, Crever un des carreaux de papier. S’emploie métaphoriquement :

Deux minutes plus tard, hélas ! c’était fini,
Et de cette vartu y pochiont le châssi.
(La châste Suzanne.)

2. Œil. Le Tonius m’a revenu de la vogue des Charpennes avè un châssis poché.Attention ! ouvre les châssis ! Regarde bien !

CHATEAU-FLOQUET. — On désignait sous ce nom, il y a quelques années, l’hospice de l’Antiquaille, aujourd’hui hôpital Saint-Pothin, qui servait alors d’asile pour les aliénés. Quand on disait de quelqu’un : Il a monté au Château-Floquet, c’était considéré comme une injure. Il parait que l’hospice de l’Antiquaille, ancien couvent de Visitandines, avait été acheté à l’époque de la Révolution par un nommé Floquet, qui le céda ensuite à la ville.

CHAT, s. m. — Nom donné au gone sur qui le sort fait tomber le rôle solitaire dans les jeux, parce qu’on le chasse comme un chat.

C’est ici que les chats se peignent. Se dit dans les moments difficultueux.

Non, c’est le chat. Forme polie d’un démenti. Je gage que Bigaleux (c’est l’ainé des fils Bigaleux) est encore allé après la mollette de beurre ! — P’pa, c’est pas moi ! — Non, c’est le chat ! — De ce que, censément, c’est le chat, d’après Bigaleux fils, quiest allé après la mollette. D’une idée de ce genre, le sens s’est étendu à démenti en général.

Sur beaucoup de grand’routes, vous rencontrez cette enseigne :

Entrons ici, il n’y a pas du bon vin. Non, c’est le (ici un chat peint à la fresque qui vous regarde assis sur son cul).

Étre chat de quelque chose, en être friand. Je suis chat de la crasse de beurre. Au fig. Le Joanny est chat des cailles coiffées.

Être chatte. Se dit d’une femme caressante de certaines caresses alanguissantes ; lente de ses mouvements, d’une grâce nonchalante. Ce n’est pas la même chose qu’une femme amoureuse. Il y a des femmes amoureuses qui ne sont pas chattes. Il y a des femmes chattes qui n’ont que l’apparence de l’amour. Mais les deux peuvent coexister.

C’est de la bouillie pour les chats, Ça ne vaut rien, c’est à détruire. Que de pages de ce mien présent dictionnaire, dont j’ai fait de la bouillie pour les chats !

CHÂTEAU, s. m. — Se dit du cabinet ou petit vide-bouteilles que les Lyonnais non millionnaires aiment à posséder dans un petit jardin pour aller se récréer le dimanche. Viens don diner demain à mon château. N’oublie pas de porter un cervelas.

CHATIÈRES, s. f. pl. — Certaines quantités de mailles laissées à intervalles égaux dans le remisse, pour que celui-ci puisse servir pour des comptes inférieurs au nombre des mailles qui le composent.

CHATILLES. s. f. pl. — Houille en petits morceaux. Voici les noms des différentes catégories de houille, en commençant par la plus fine : Menu (poussière), chatilles ou braisette, dragées, grêle ou grêlassons, pérat ou gros.

CHAUCHÉE, s. f. — Bourrade, rossée. Il lui a donné une bonne chauchée, Comme qui dirait il lui a trempé une soupe. — M. Crapouillard, de Trion, avait une bourgeoise si tellement hargneuse, asticoteuse, querelleuse, criante, sciante, coltante, pistonnante, qu’il ne se pouvait tenir de fois à autre de lui donner quelque bonne chauchée. Mais voilà : par ensuite fallait toujours se raccommoder, et à chaque fois c’était un enfant. Quand le père Crapouillard vit que ça marchait de ce train-là, il cessa de donner des chauchées à sa femme. Il devint doux comme de castonnade, supportant tout, d’une patience de Griselidis. Car, disait-il, c’est grande sottise que battre une femme qui crie, vu que nous ne battons pas les oies quand elles en font autant. Mame Crapouillard, disait-on un jour à sa femme, comme vous devez t’être n’hureuse d’avoir un mari autant un belin ! — Ah ! fit-elle tout en pleurs, comme il a sangé pour moi ! Voilà au moins trois ans qu’il ne m’a pas donné une pauvre petite chauchée !

CHAUCHER, v. a. — Fouler aux pieds. Par extension, presser, tasser, bourrer. Chaucher la vindême, la fouler, soit en entrant dans la cuve, soit avec une barre. — De calcare.

CHAUD. — Quand il fera chaud…Oh toi, quand je te reprêterai de l’argent, il fera chaud. On parle évidemment d’une chaleur si extraordinaire qu’il ne s’en présentera jamais.

Il est comme les mauvaises bêtes : il prend chaud en mangeant et froid en travaillant (ça m’est souvent arrivé). Se dit de ceux qui ne se foulent pas trop la rate.

CHAUD ET FROID. Voy. Froid et chaud.

CHAUDELET À L’ANIS. — Petit gâteau particulier à Lyon. Il est fait avec de la pâte de pain au lait, de l’anis, du raisin de Corinthe et du lait. Si vous voulez faire un bon hachis, mettez-y un chaudelet. Autrefois des bonnes femmes vendaient des chaudelets par les rues sur la mélopée suivante :

[partition à transcrire]

Du vieux français chaudel, sorte de gâteau chaud, probablement.

CHAUDIER, s. m. — Fabricant de chaux. — Fait sur chaux à l’aide du suffixe ier, relié au thème par d, sous l’influence de l’orthographe chaud.

CHAUFFE-LIT, s. m. — 1. Bassinoire. Littré a eu le bon sens de l’admettre dans son dictionnaire. — Au fig. Bien le bonjou, msieu Gringrignôte, comment que ça va chez vous ? — Ben tout plan plan. Y a la bourgeoise qu’a tombé sur son chauffe-lit par les escaliers. A s’est fait un bleu ! — Ça sera rien ; c’est censément du sang maillé. Faut n’y mettre de tormentine et d’arquebuse.

2. Image gracieuse pour montre de grosse dimension. Quelle heure est-i ? — Six heures au chauffe-lit de mon papa.

CHAVASSE, s. f. — 1. Bauche des plantes ; tiges et feuilles par opposition au tubercule. De chavasse de raves. Au fig. Chevelures. Ces dames se sont empoignées par la chavasse.

2. Cancan, potin. Un brave curé me disait, en parlant des femmes de son village : I font de cancans, i font de pia-pias, i font de cotters, i font de chavasses !… — Pour 1, de cheveux ; mais je ne sais comment s’est faite la déviation au sens 2.

CHAVASSER (SE), v. pr. — S’empoigner respectivement par la chavasse.

CHAVASSON, s. m. — Sorte de poisson du genre able, qu’on appelle aussi meunier. — De caput, parce que le chavasson a une grosse tête. Comp. chabot, un des noms du chavasson.

CHAVER, v. n. — Venir à bout d’une chose. Te peux pas chaver, Tu ne peux pas en venir à bout. Vieilli, mais encore très usité aux portes de Lyon. — C’est le vieux franç. chevir (de caput). Ce dernier mot a donné lieu chez nous à une corruption singulière. D’un gone insupportable (ils le sont tous) nous disons : On ne peut pas en jouir pour On ne peut pas en chevir, c’est-à-dire on ne peut venir à bout de le dompter. « Nous ne saurions en chevir, » dit M. Dimanche du petit chien Brusquet. Ne comprenant plus chevir, nous l’avons transformé en jouir, quoique jouir en ce sens ne veuille rien dire.

CHEF, s. m., terme de fabrique. — Bande qui forme le commencement ou la fin d’une pièce d’étoffe, et que l’on différencie du tissu. Souvent le fabricant fait mettre une marque de fabrique dans le chef. — De caput.

CHEFTAINE, s. f. — Dans la langue de nos hospices, la cheftaine ou sœur cheftaine est celle qui a la direction d’une salle où il y a plusieurs sœurs. C’est le féminin du vieux franç. chevetain, chef, capitaine, importé par les Normands en Angleterre, où il est resté sous la forme chieftain. Il eût semblé plus naturel de prendre pour désigner cette sœur le féminin du mot chef, formé avec la désinence ordinaire esse, comme négresse, de nègre ; pauvresse, de pauvre. On a sans doute voulu éviter des sonorités désagréables. Pour mon compte, je n’aurais jamais osé dire : « Bonjour, ma sœur chefesse ! »

CHELOFFE. — Faire cheloffe, Dormir. — De l’allemand schlaf. Introduit lors de l’invasion de 1815.

CHELU, s. m. — 1. Sorte de lampe de ferblanc qui, par sa forme, rappelle la lucerna romaine. Les canuts l’appendent au-dessus de leur façure. — Le chelu du jour, le soleil. — Au fig. Œil. La Suzon te vous a de chelus dont la luisance transparce le cœur. De caliculus, vieux franç. caleil.

CHEMIN, s. m., terme de fabrique. — C’est l’espace occupé en largeur par un dessin de façonné. Il y a autant de chemins que le dessin se répète de fois dans la largeur.

CHEMIN DE SAINT-JACQUES. — Voie lactée. Censément parce qu’en suivant sa direction on arrive à Saint-Jacques-de-Compostelle.

CHEMISE. — Je n’y ai pas plus pensé qu’à ma première chemise, c’est-à-dire pas du tout.

Parlant par respect, Plus près m’est le c… que la chemise. Métaphore élégante pour dire qu’il vaut mieux un dommage matériel, une perte d’argent, par exemple, qu’une maladie ou la mort.

CHEMISE DE CAPUCIN (on sait que les capucins ne portent pas de linge). — Un verre de vin. C’est une bonne précaution, quand on est trempe de chaud, de prendre une chemise de capucin.

CHENU, USE, adj. — Exprime tout ce qu’il y a de mieux. C’est du chenu ! expression admirative. Une chenuse colombe, Une charmante maitresse. — Par quelle singulière dérivation, canutus, blanc, blanc de vieillesse, a-t-il passé au sens d’exquis ? Dites-moi pourquoi les Parisions disent chouette au même sens, et je vous répondrai[3].

CHERCHE-ROGNE, s. m. — Querelleur. Voy. chercher rogne.

Qui cherche rogne et trouve pogne ne perd pas son temps. (P. Blanc.)

CHERCHER. — Ça ira chercher autour… M. Claqueposse, entrant dans une boutique derrière Saint-Bonaventure : Bonjour père Pejut, je voudrais faire regroller mes agottiaux.M. Pejut : Je vois ce que c’est : la semelle à changer, le talon aussi et mettre cinq pièces à l’empeigne. Ça va vous faire des souliers pour aller danser, que toutes les petites fenottes vous couriront après.M. Claqueposse : Combien que vous me prendrez ?M. Pejut, après avoir réfléchi longuement : Ça ira chercher autour d’une pièce de quatre francs.

Aussi bien cherché que trouvé, pour dire de deux ou plusieurs personnes qu’elles se valent en ne valant pas grand’chose. Te sais, la Marion Bombée que se marie avè Foirasson. — I sont aussi bien cherchés que trouvés.

Chercher de l’ouvrage en priant Dieu de n’en pas trouver. Il y en a beaucoup qui en cherchent comme ça. Je me rappelle avoir vu un gone de cet acabit, arrivant directement de Paris, dans un village de quarante feux, à quinze cent mètres au-dessus du niveau de la mer, afin de chercher de l’ouvrage pour ouvrier sur nacre.

Chercher son pain, Mendier.

Chercher rogne, Chercher querelle. Comp. rogneux, Qui a mauvais caractère. Chercher rogne était déjà usité à Lyon au xviie siècle.

CHEVAL. — Cheval fait et femme à faire. Tout à fait ma manière de voir, surtout pour la femme.

Le cheval est plus longtemps rosse que poulain. Je l’ai expérimenté.

CHEVAL DE BRONZE. — C’est le nom donné par les Lyonnais à la statue de Louis XIV sur la place Bellecour. Mon bourgeois avait un vieil ami, le père Écachepoux, qui était allé à Paris étant militaire. De tout ce qu’il avait vu, ce qui l’avait le plus frappé, c’est que, sur la place des Victoires, il y avait « un cheval de bronze en marbre » ; ce qui l’étonnait, « le marbre étant beaucoup plus casuel ».

En mars 1848, un tas de racailles fit des « manifestations » pour faire renverser le Cheval de Bronze, où l’on voyait « un monument de la tyrannie, qui offensait la majesté du Peuple » ! Tous les soirs ils faisaient en Bellecour un boucan épouvantable, en criant : « Il partira ! » À quoi un autre groupe répondait : « Il ne partira pas ! » Mais, naturellement, les galapiants étaient les plus nombreux, Ils représentaient le Peuple Souverain. — Un passant, peu au courant de l’affaire, demanda : « Pourquoi don qu’i veulent descendre le Cheval de Bronze ? — Pardi, répondit un narquois, pour le faire pisser ! »

Depuis ce temps-là, c’est un gandin classique parmi les canuts que de dire à un innocent : Te sais pas, on a descendu hier le Cheval de Bronze. — Ah bah ! Et pourquoi ? — Pour le faire pisser. Mais ça ne prend plus. Tout le monde la connait.

CHEVALETS, s. m. pl. — Ustensile du métier de canut. Ce sont de petits tréteaux de bois sur lesquels on place le papier à remonder.

CHEVAL FORT. — Jeu des gones. Ce n’est pas le même que celui connu à Paris sous le nom de Cheval fondu.

CHEVESSIÉ, s. m. — Oreiller, traversin. — Vieux franç. chevecier, de chef.

CHEVEUX. — Des cheveux qui frisent comme la rue Longue. Se dit de cheveux qui ne ressemblent pas à de l’astrakan. On dit aussi qui frisent comme des potences ou comme des chandelles.

Avoir des cheveux autant que du cresson sur un caillou, Avoir moins de cheveux qu’Absalon.

CHEVILLE, s. f., terme du métier de canut. — 1. Tavelle en bois dur, arrondie au tour et fuselée, extrêmement lisse, sur laquelle l’ourdisseuse enroule la chaine de l’étoffe en la croisant de manière à lui donner la forme d’un œuf énorme.

2. Cheville à tourner devant. C’était une tavelle attachée au pied du métier et dont le canut se servait comme d’un levier pour faire tourner le rouleau de devant, au fur et à mesure de la fabrication de l’étoffe. Ainsi font les voituriers quand ils billent leur chargement. Ce système a été remplacé par le régulaleur. Aujourd’hui les chevilles à tourner devant ne servent plus aux pauvres canuts qu’à tenir leurs bourgeoises en respect, lorsqu’elles veulent tout à fait trop porter les culottes.

CHEVILLE DE VIOLON. — Métaphore appétissante pour Dent.

CHEVILLIÈRE, s. f. — 1. Ruban de fil. Un écrivain a publié, dans une revue lyonnaise, un roman intitulé la Jarretière bleue, parce que le héros est devenu amoureux d’une jeune fille, dont, par hasard, il a entrevu la jarretière sans voir la figure. Au rebours, je connais un quelqu’un qui prit une femme parce que, par hasard aussi, il l’avait vue attacher ses bas avec un bout de chevillière. Il en conclut : 1° qu’elle était épargneuse ; 2° qu’elle ne montrait pas volontiers sa jambe, une jarretière aussi humble n’étant pas de celles qu’on aime à laisser voir.

2. Décamètre s’enroulant dans une boite ronde, à l’usage des architectes. Je me suis laissé dire qu’on faisait maintenant des chevillières en caoutchouc, extrêmement commodes, qui n’ont pas plus d’un mètre de long. En tirant bien, on peut mesurer jusqu’à dix mètres. Comme tout de même, au jour d’aujourd’hui, on te vous a de ces inventions qu’on n’avait pas de notre temps !

La chevelière était le ruban qui nouait les cheveux. (M. D.)

CHÈVRE, s. f. — Se dit quelquefois pour sauterelle, surtout de la grosse espèce. — De l’habitude qu’a la chèvre de sauter. — Pur chèvre (et non pure chèvre : sous-entendu lait ou fromage). S’emploie au propre en parlant d’un fromage, mais souvent au figuré. Je me plais à penser que ce présent dictionnaire est du lyonnais pur chèvre. — Devenir chèvre, Perdre la tête par suite d’un excès de surexcitation nerveuse : Avè tout ce monde faut faire une cuisine ! Y a de quoi en devenir chèvre.

CHEVRER, v. n. — Enrager. Je l’y ai dit que la Péroline avait dansé avè moi. Ça l’a fait chevrer. Forgé sur la locution précédente.

CHEVRON. — Chevron de couvert. Les chevrons sont des pièces de bois de faible équarrissage (ordinairement 09/08e) sur lesquels on cloue les voliges de la toiture. — De chèvre. Chevron, petite chèvre. On sait que le peuple a donné des noms d’animaux aux objets qui portent (voy. cayon 2).

CHAUME (beaucoup disent Quiaume), s. m. — Cabine à l’arrière des grands bateaux du Rhône et des barquettes.

CHIEN. — 1. Chien de devideuse. Voy. cabot.

Comme les chiens pour mordre le monde. Un célibataire : Les femmes sont faites pour embellir l’existence de l’homme.Un homme marié : Oui, comme les chiens pour mordre le monde.

Malade comme un chien, Être malade comme tout. — On ne voit que ça et les chiens par les rues. Se dit à propos de quelqu’un que l’on rencontre partout.

Jamais bon chien n’a rongé bon os. C’est-à-dire que le bonheur ne vient pas à ceux qui le méritent. Quelquefois vrai, mais, le plus souvent, les os qu’on ronge sont proportionnés à la peine qu’on se donne pour les avoir.

Un temps à ne pas mettre un chien dehors. Se dit d’un temps pas très beau. Dans mon jeune temps les légitimistes ne manquaient jamais de dire : « Un temps à ne pas mettre Louis-Philippe dehors. »

Coup de chien, Coup déloyal, coup de Jarnac. Souvenir de nos pères les Latins. Le coup de chien était le plus mauvais coup au jeu de dés, l’ambesas : canis damnosi. — Tam facile quam canis excidit, disait un proverbe latin.

Il n’attache pas ses chiens avec des saucisses. Se dit des personnes qui ne jettent pas les épaules de mouton par la fenêtre.

2. Lésinier, avide, sans entrailles. Noutron marchand est prou bon chien, dit un noël canut du xviiie siècle. Pour exprimer l’idée d’avarice et de lésinerie, nous avons de mots à regonfle.

Le mot de chien au sens de lésinier se retrouve jusque dans la haute poésie, ainsi qu’en témoignent les vers de V. Hugo :

Dieu prodigue ses biens
À ceux qui font vœu d’être chiens.

3. Se dit parfois pour le fruit du gallium apparine (Voy. catolle 3). Madame, vous n’avez des chiens après votre robe. Je crois l’expression d’origine dauphinoise.

CHIENNERIE, s. f. — 1. Lésinerie.

2. Appétit luxurieux. C’est la chiennerie qui le pousse.

CH… (parlant par respect}. — Se dit lorsqu’une enveloppe, principalement sous une pression, laisse échapper ce qu’elle devait garder. Lorsque, à la maison, pour faire de la confiture, on pressait la pulpe de groseille dans un linge clair qu’on tordait fortement, la bonne disait parfois d’un ton de désespoir : Madame, la confiture qui ch… par un trou du linge ! — De même quand on bâtit un mur trop vite, et qu’il s’abouse sous la charge, parce que le mortier n’a pas eu le temps de prendre, on dit que la maçonnerie a ch…

Se dit aussi, au fig., de quelque affaire manquée. I n’ont fait le vert et le sec pour ce mariage, mais au dernier moment l’affaire a ch…

Ch… du poivre (parlant par respect) Se dérober, manquer à un engagement, partir sans prévenir. J’avais un joli rendez-vous d’amour, mais ma colombe m’a ch… du poivre. Le 8 décembre 1775, M. de Bellescize, prévôt des marchands, étant parti pour Paris, on affiche à l’hôtel de ville ce placard : « Citoyens, à présent que M. de Bellescize est éloigné, méfiez-vous de M. de Chancey et des notables, parce qu’ils vous ch… du poivre. » C’était une délicate allusion aux aspirations à la prévôté de Pierre Poivre, le naturaliste.

Molard a omis cette expression, mais en marge de son exemplaire Chanoine a écrit : « Ch… du poivre, fuir, parce que les chèvres quand elles ont peur et qu’elles fuyent, ch… de petits crottins, avec une poussière qui ressemble à du poivre. » Je doute très fort de l’exactitude du renseignement. Chanoine manquait d’histoire naturelle. Je suppose plus simplement que l’idée est que la cuisson fait courir ceux qui, etc.

Ch… sur le métier (parlant par respect), Abandonner une profession, et par extension, une entreprise, laisser là les choses. Te sais pas, le gros Pierre n’esse plus architecte. Il a ch… sur le métier. I s’a fait gandou.

Ch… à reculons (parlant par respect), Faire un ouvrage à rebours, par exemple marier sa fille cadette avant l’aînée.

Ch… des cordes (parlant par respect), Se dit pour exprimer l’état d’âme désigné par pessime dans l’aphorisme de l’École de Salerne : Si molle, bene ; si durum, male ; si durissimum, pessime. — C’est un pur latinisme : Cacare funes, lit-on dans Plaute. Se trouverait aussi dans Aristophane d’après P. Blanc, qui donne à cette expression le sens d’opérer longuement, n’en plus finir.

C’est son père tout ch… (parlant par respect). Manière obligeante de dire à une dame, en parlant de son enfant, qu’elle n’a pas fait son mari…

Il a ch… dans ma malle jusqu’au cadenas, Se dit d’une personne qui vous a joué un mauvais tour et avec qui on ne veut plus avoir de relations. (G. Canard.)

CHIFFON. — Un chiffon de pain, Un troc d’arton. — Chiffe, en wallon, signifie coupures, angl. chip, petit morceau. D’où le dérivé chiffon, avec une dérivation de sens agrandissante.

CHINARD, s. m. — Os de l’échine du cayon. — De skina, échine.

CHINER, v. a. et n. — Porter avec effort. — D’échine. Chiner, faire effort de l’échine.

CHIOTTES (parlant par respect), s. f. pl. — Vilain mot pour Communs. Une jeune demoiselle bien élevée ne doit pas dire devant son prétendu : Je vais aux chiottes, mais elle dira avec modestie, en baissant les yeux : Je vais aux communs, ou, en souriant finement: Je vais à la caquetière.

Une question : Pourquoi les mots qui expriment cette chose sont-ils pluriels : des latrines, des water-closets, des privés, des lieux, des commodités, des communs, des chiottes, etc. ? J’ai passé une grande partie de ma vie à réfléchir là-dessus, sans le pouvoir trouver. Peut-être cela vient-il de ce que les planches de latrines avaient ordinairement deux lunettes. C’est encore l’usage dans le Forez et dans la Suisse romande. Le vénérable doyen Bridel, au mot sè vergogni, avoir honte, en usage dans les cantons de Vaud et de Fribourg, raconte que « Un jeune écolier étant entré dans un lieu d’aisances où trônait déjà une bonne châtelaine, voulait respectueusement se retirer, lorsque la dame le retint par ces mots : Vin picé, mon minolet, y a place por dou ; ne m’è vergogno pas dè tè, tè faut pas tè vergogni dè mè. » — Dieu merci, nous n’avons pas de ces familiarités que je qualifierai d’excessives.

CHIPOTER, v. n. — Il est français, mais rarement employé dans la poésie lyrique. Ne se trouve pas une seule fois dans les Harmonies de Lamartine. Allons, il ne faut pas chipoter pour un sou ! entendais-je un jour une carpière dire à une chalande. — Vous avez bien raison de ne pas vouloir chipoter pour un sou, répondit l‘acheteuse. Merci, je le garde.

CHIPOTIER, ÈRE, CHIPOTEUR, EUSE, s. — Celui ou celle qui chipote, naturablement.

CHIQUET, s. m. — Tout petit, petit morceau. Nous sons allés l’aut’ jou chez les Piniacut. I mangiont de bugnes. I nous en ont pas rien offrit tant seulement un chiquet. — De chiquer, infailliblement. Mais tandis que nous avons fait de chiquet un diminutif, à Genève chiquet signifie au contraire gros morceau d’une chose qui se mange.

CHIRAT, s. m. — 1. Amas de pierres en désordre.

2. Phénomène géologique particulier à nos montagnes granitiques. Des pointes de rochers se sont désagrégées et se sont éboulées en formant sur les flancs des montagnes des coulées de blocs irréguliers parfois énormes. Ce sont ces amas que l’on nomme des chirats. Ces blocs ont cessé de se désagréger et se sont tout simplement arrondis et polis sous l’action des pluies. — Vieux lyonnais chierrat, acervus lapidum. Celtique cair, pierre ; irland. carn, amas de pierres.

Les pierres vont toujours au chirat, pour dire que l’argent va toujours aux riches.

CHION, s. m. — Sorte de pierre calcaire oolithique, à grains très serrés, froide, très dure, susceptible de recevoir une taille fine, et propre à former des angles vifs. Les principales carrières de choin sont à Villebois. — La plus ancienne forme est chaon (1492). Peut-on le rattacher au type qui a fait le hollandais kai, kei, caillou, et qui est vraisemblablement celtique ?

CHOIN BATARD. — Sorte de pierre qui a quelques-uns des caractères du choin, mais moins belle, avec des grains plus gros. On en retrouve des bancs entre Vaise et Saint-Germain-au-Mont-d’Or. Il en existe des carrières à l’Arbresle.

CHOISIR. — Choisir la salade. « Lyonnaisisme, dit Molard en son langage barbare, dites éplucher. » Comme si éplucher la salade n’était pas précisément choisir le bon et le mauvais !

On dit aussi monder la salade ; les mondures de salade.

CHOIX. — Il a choix de roi. Se dit d’un père qui a deux garçons et deux filles.

CHÔMER. — Chômer de trame. C’est lorsque le canut est obligé de suspendre son travail parce que le fabricant lui fait attendre la trame. Par extension, chômer de quoi que ce soit. Eh ben, M. Champavert, comment que va Madame votre n’épouse ? — Alle est à Genas, chez sa m’man, depuis quinze jours. — Et ça vous fait chômer de trame ? Hi, hi, hi !

CHOPINAISON, CHOPINATION, s. f. — Action de lever le coude. Étre fort pour la chopination, Aimer à lever le coude. Le dernier mot se trouve en vieux français. Dans le Mystère de S. Did., maistre Arripe de Barbarie est « docteur en chopinacion ».

CHOSE. — Ce n’est pas pour la chose de dire… Précaution oratoire constamment usitée. Ce n’est pas pour la chose de dire, mais je crois bien que Mme Cussonnard en fait porter à son mari.

Avoir l’air tout chose, Avoir l’air singulier, préoccupé. Cadet Roustonnet rencontre Roustonnet l’ainé : Que don que t’as ? T’as l’air tout chose. — Le père qu’est mort cette nuit. — Ah, te m’as fait peur ! Je croyais que le feu était à la maison.

T’as vu Ravacho, quand il a été condamné à mort. Comment qu’il était ? — Il avait l’air tout chose.

CHOU. — Mon chou, mon petit chou. Expression de tendresse. Il ne s’agit ici ni d’un chou cabus, ni d’un chou-fleur, ni même d’un chou à la crême cuite ou froide. C’est le substantif verbal de chouer.

Vous en ferez des choux et des raves, c’est-à-dire ce qu’il vous plaira.

CHOUER, v. a. — Choyer, gâter. C’est le mari à la Nanon qu’esse bien choué ! Un vrai coq en plâtre ! — Vieux franc. chuer, flatter, caresser, blandir.

CHOUGNER, v. n. — Pleurer, gémir, grogner. Un jour j’entendais le brave père Taconet, de la montée des Épies, parlant d’un de ses voisins qui pleurait parce que sa femme était partie avec un autre : J’y ai bien dit : Qu’è que t’as don à chougner comme ça, grand caquenano ! T’aurais ben plutôt dû la payer pour qu’a s’en alle ! — Prov. choun, petit porc. Chougner, crier comme un petit porc.

CHOUX. — Huile de choux, Huile de colza. On s’en sert pour la friture.

CHRÉTIEN, s. m. — Homme. Je passais de bon matin sur le pont Seguin. Plusieurs personnes entouraient de larges taches de sang. On pérorait : savoir si c’était un crime, ou un animal qu’on aurait tué. Je te dis que c’est du sang de chrétien, criait un brave homme ; M. Ferrand t’y dira comme moi ! Comp. Molière : « Il faut parler chrétien, si vous voulez qu’on vous entende ! » — Tradition du moyen âge, où l’idée d’homme se confondait avec celle de chrétien. Les non baptisés étaient mis au rang des bêtes.

Un ami me fait observer que, tout du long de l’ouvrage, j’ai parlé de M. Chrétien sans dire qui il était. Se pourrait-il qu’un seul de mes lecteurs ignorât que M. Chrétien était un honnête homme, qui a rendu à la société des services beaucoup plus réels que tels ou tels de nos grands politiciens, M. Rochefort ou M. Clémenceau par exemple, en la débarrassant de quelques criminels par trop exagérés. Il habitait aux Charpennes, avec sa dame et ses deux demoiselles, une petite maison calme, isolée, poétique, à gauche de la route. La croyance populaire a de tout temps attribué aux bourreaux quelques vertus médicatrices, mais M. Chrétien était un grand médecin et je crois bien que la canuserie tout entière a défilé dans son cabinet. On eut le bon goût, s’il m’en souvient, de ne jamais le poursuivre pour exercice illégal de la médecine. Après sa mort, les canuts se précipitèrent dans le Raspail. Il n’y avait pas un ménage où l’on n’eût le Manuel, l’eau sédative, le camphre, etc. À telles enseignes qu’un de mes amis, à force de respirer la cigarette de camphre (du camphre dans un tuyau de plume), s’attira une maladie d’entrailles dont il est mort. Telle fut du moins l’opinion du médecin qui le soigna, et dont je n’ai pas à prendre la responsabilité.

CHRISTAUDINOS, s. m. — Quelqu’un qui a un visage long et maigre, des traits creusés, une mine hâve et blême. Un grand christaudinos. Un visage de christaudinos. — De Christe audi nos. L’idée est : un visage de suppliant. On a fait de Christe audi nos un seul mot, comme le gros X…, le surveillant de Saint-Pierre, qu’on appelait « le Suisse », avait fait christôrôsô de Christ au roseau. Le Suisse expliquait la décadence de l’école par cela qu’on n’y faisait plus de christôrôsô. — L’année que mon fils eut la mention (c’était, de l’avis de X…, une année célèbre dans les fastes de l’école), dont que c’était M. Bonnefond, on avait fait un christôrôsô. Alors tout le monde allait à l’exposition de l’école pour voir ce christôrôsô. Ça encourageait les élèves. Maintenant on fait des académies. Alors, vous comprenez, on amène une jeune personne à l’exposition. Quelle est la première chose qu’elle voit là, en beau devant ? etc., etc. C’est pas étonnant que l’école n’aye plus d’élèves !

CH’TI, ITE, adj. — Chétif, ive. Sur ch’ti nous avons fait le fém. ch’tite, comme sur petit on a fait petite.

CIEL. — Ciel pommelé, fille fardée, ne sont pas de longue durée. Les anciens y ont toujours dit.

Au premier en descendant du ciel. Expression fort usitée pour donner son adresse. De même, je puis me flatter qu’en mon temps, j’étais le premier architecte de Lyon… en arrivant par Perrache.

CIEL-OUVERT, s. m. — Ciel vitré.

CIERGE. — Manger du cierge. Être d’une dévotion poussée à l’excès.

CIERGER, s. m. — Celui qui vend des cierges. Le mot a certainement, selon nos règles, été ciergier. La prononciation en étant un peu pénible, il a passé à cierger.

CIGALE, s. f. — Se dit des fois pour cigare. J’étais au bureau de tabac. Voilà que s’amène un gone d’une dizaine d’années tenant par la main un autre qui pouvait en avoir cinq ou six : Donnez-moi deux sous de gros pour moi et une cigale pour mon petti frère, qui peut pas porter la pipe.

CIGOGNER. v. a. — Secouer une chose par un mouvement de va-et-vient. — De ciconia, qu’on trouve dans Isidore pour un appareil assez semblable à une balance, et qui sert à puiser l’eau. Quant à ciconia, il vient d’une sorte de ressemblance avec une cigogne qui pêche.

CIGROLER, v. a. — Secouer, ébranler dans tous les sens. — Fait sur le vieux français croler, secouer, et un préfixe ci, probablement par analogie avec cigogner.

CIMETIÈRE. — Un cimetière de soupes, Un gros mangeur.

CINI, s. m. — Espèce de passereau. — De cina, parce qu’il se nourrit de cinelles. Cini est une forme patoise où i répond au français ier.

CIRE. — Cire des yeux, Chassie. Cire des Oreilles, Cérumen. Pour le premier, on dit plus volontiers bagagne ou piquerne, et pour le second beurre d’oreilles. Mais les personnes qui tiennent à parler français disent cire. — T’as de la chance. T’as pas rien besoin d’acheter un cierge pour la première communion de ton gone. — Pourquoi ? — Pace que t’as ben de la cire pour n’en faire un chenu ! Compliment aimable que l’on fait à ceux qui ont les yeux bagagneux.

CIRER, v. a. — Porter malheur au jeu par voisinage. Je croyais que c’était un terme d’argot, mais je ne le trouve dans aucun dictionnaire de ce genre.

CIREUX, EUSE, adj. — Avoir les yeux cireux, Avoir les yeux bagagneux.

CIVOUX. s. m. pl. — Petits oignons. — Vieux franç. civot.

CLAIN, s. m. — Un clain de paille ou simplement un clain. Une botte de paille. — Du patois cliai, paille longue, avec le suffixe ain, d’anus. Cliai vient lui-même du celtique : kymri, cloig, paquet de paille pour couvrir en chaume.

CLAMPIN, s. m. — Jeune homme sans consistance, moutard. Vas-tu pas poser cete cigale ? Cete espèce de clampin, ça veut fumer ! Acception différente de celle du mot populaire donné par Littré.

CLAPOTER, v. n. — Faire du bruit avec les clapotons en gaffant dans l’eau. Ô me n’amante, disait un Lyonnais poétique qui venait tous les soirs du chemin de Baraban au cours Charlemagne, m’a-t-i fallu clapoter dans les gaillots pour arriver jusqu’à vous !

CLAPOTONS, s. m. pl. — Pieds de mouton. Une salade de clapotons avè de transons de fège, Salade de pieds de mouton avec des tranches de foie. Au fig. Pied de chrétien. Dimanche j’irai me laver les clapotons en Saône.Avoir de z’agacins aux clapotons. — Le mot de cliapota se disant en patois exclusivement des pieds fourchus, il peut venir du germanique klaue, pied fourchu, kloben, fendre.

CLAQUE, s. f. — Dans Champavert (voy. ce mot) on lit :

Le beau Champavert, mine blême et creuse,
La claque au mollet, le chelu z’au doigt.

Ne connaissant pas le mot, j’ai pris le parti d’écrire à Champavert lui-même (ce n’est pas le héros de la pièce. Est-ce son petit-fils ? Je n’en sais rien). Voici sa réponse : « Du temps de la maîtrise, les maîtres-gardes canuts, en grande tenue, portaient l’habit, des culottes courtes, des baraquettes, avec des boucles en argent, parfois même en or, l’épée ; et sur le mollet était ajustée une ronde-bosse en cuir qui l’emboitait et qu’on nommait la claque. »

CLAQUEPOSSE, s. m. — On pourrait inférer, de la composition du mot, que c’est un homme qui regarde de trop près les charmes des nourrices. C’est simplement un musard, qui cotillonne beaucoup plus par oisiveté que par vocation ; un paresseux, un propre à rien, vu que ce n’est pas faire grand’chose que ce qu’exprime le mot.

CLAQUERET, s. m. — Fromage blanc. — Probablement formé sur l’onomatopée clac, parce que le claqueret se bat fortement.

CLARINETTE. — C’est clarinette, Le premier des sept calembours de l’ami Ch…, mon camarade chez Bossan. Sept, comme il y a les sept sacrements, les sept sages de la Grèce, les sept merveilles du monde. Ils méritent de passer à la postérité. Les voici dans leur ordre :

  1. C’est clarinette (c’est clair et net).
  2. Vous avez rognon (vous avez raison).
  3. C’est dix francs (c’est différent).
  4. Moi saucisse (moi aussi).
  5. Un bon museau de chien (un bon musicien).
  6. Un bon Gascon (un bon garçon).
  7. À la bonne huile (à la bonne heure).

Ces sept calembours suffisent à toute une vie.

CLASSE, s. f. — Jeu des gones. À Paris, on l’appelle la marelle.

CLAVEAU, CLAVAUX, s. m. — Hameçon. On lit dans le glossaire des Canettes : « La maison Clavaux, qui a donné son nom à ces engins de pêche, existe encore rue Coquillière, à Paris. » Il existait des claveaux bien avant la maison Clavaux, témoin le bon Panurge qui, « en une de ses fasques, portait toujours force provision de haims et claveaux… » — De clavellum, diminutif de clavum.

CLAVELÉ. — Cendres clavelées. C’est cendres gravelées, corrompu sous l’influence du vieux franç. clavel, clou.

CLAVETTES, s. f. pl. — Articulations. Avoir les clavettes enrouillées par la vieillonge.

CLÉDAR, s. m. — « Ouverture d’un jardin ; dites clairevoie. » (Molard.) — Une ouverture qui est une clairevoie me semble extraordinaire. Le clédar n’est pas une clairevoie, mais une porte en clairevoie, de clida, claie.

CLEF, s. f. — La clef ou traverse du métier est la pièce de bois qui retient le métier en travers par en haut. Il y a deux traverses ; quelquefois trois, dont deux en avant. Cette dernière disposition est rare.

Mettre la clef sous la porte, Faire faillite.

Perdre sa clef, sa loquetière. M. Bosonet : Bien le bonjou, M. Caconaud, vous avez l’air tout bouligué ce matin.M. Caconaud : Merci bien, m’sieu Bosonet ; c’est rien, que seulement hier soir nous ons mangé trois livres de fiageôles avè deux livres de double, que je ne sais pas si se sont pas bien accordées, qu’enfin voilà que ça m’a fait perdre ma clef, que, toute la nuit, parlant par respect, j’ai couru aux z’écommuns.M. Bosonet : Vous faut manger une brioche toute chaude, sans boire ; ça vous fera retrouver votre loquetière, hi, hi, hi !

CLERGEON, s. m. — 1. Petit clerc de manécanterie. On le trouve aux xiie et xiiie siècles avec cette signification.

2. Laitue frisée, variété blonde, cueillie lorsqu’elle n’a encore que trois ou quatre feuilles. L’expression vient de que ces laitues toutes jeunes sont considérées au regard des laitues adultes et pommées comme étant dans le rapport d’un jeune clergeon à un curé bedonnant.

CLINQUAILLE, s. f. — Faire clinquaille. Voyez quincaille.

CLINQUAILLER, s. m. — Quincaillier. CLINQUAILLERIE, s. f. — Quincaillerie. Va donc m’acheter pour deux sous de broquettes chez le clinquailler. — Mots très réguliers faits sur clinquaille, qui, en vieux franç. signifiait ustensiles de ménage en métal, et que le français a corrompu en quincaille d’où quincaillier, quincaillerie. Mais alors pourquoi dit-on clinquant (qui dérive de la même racine) et non quincant ?

CLINQUETTES, s. f. pl. — Os du bouilli, id est côte de bœuf (ou de vache), avec quoi nos gones font des castagnettes mélodieuses. C’est le vieux franç. cliquettes.

2. Terme de boucherie. Morceau de côte de bœuf (ou de vache) qu’on met bouillir. — Ainsi nommé parce que les os font des clinquettes.

3. Terme de canuserie. — Quand on veut fabriquer des articles très légers, florences, pelure d’oignon, etc., il est nécessaire que le battant frappe très légèrement la trame. Dans ce but, on a cherché à rendre le peigne mobile, de telle façon que, se renversant sous le choc, il ne serre pas le coup. De là le Battant à clinquettes. Dans ma jeunesse ce battant était très simple. On relevait la poignée du battant. Le peigne n’était donc plus retenu que par le pied dans la chana (voy. ce mot) de la masse du battant. Pour qu’il ne se renversât pas complètement sous le coup de battant, on plaçait horizontalement derrière le peigne, au sommet (et par conséquent sous la poignée), une réglette horizontale, et l’on fixait par leur partie inférieure, aux deux extrémités de cette réglette, deux lamelles verticales très minces et très flexibles, que l’on nommait clinquettes, parce qu’on pouvait y voir quelque ressemblance avec de longues castagnettes. Les deux clinquettes étaient vissées dans leur partie supérieure sur les lames du battant, et tenaient ainsi suspendue la réglette contre laquelle s’appuyait le haut du peigne. À mesure que l’on donnait le coup de battant, le peigne pressant sur la réglette, celle-ci s’écartait de tout le jeu laissé par l’élasticité des clinquettes. Le battant repoussé, les clinquettes, reprenant leur position naturelle, ramenaient la réglette contre le peigne. Plus les clinquettes étaient longues, plus léger était le coup.

Ce système a été perfectionné successivement, et depuis longtemps les battants à clinquettes n’ont plus de clinquettes. Mais le nom s’est conservé en s’appliquant à la réglette. Celle-ci porte maintenant une rainure par-dessous dans laquelle on fait entrer le bord supérieur du peigne. N’étant pas fixée par les bouts, comme dans le système précédent, si rien ne la retenait, elle se renverserait avec le peigne dont elle est devenue partie intégrante. Pour la retenir, tout en lui permettant un mouvement de va-et-vient avec le peigne, on assujettit sous la poignée du battant, en avant du peigne, une lamelle mince, parallèle à la réglette ou clinquette, et portant vissées deux petites plaques de fer qui descendent plus bas que la lamelle, en façon d’oreilles. Elles ont chacune un trou par lequel on fait passer une corde à boyau qui va s’attacher à un petit ressort à boudin, logé en face dans la clinquette. La clinquette, ainsi attachée aux plaques de fer, ne peut plus se déplacer que de l’espace laissé par le jeu du ressort, selon que, sous un coup de battant plus ou moins fort, le boudin s’étire plus ou moins.

CLIQUES. — Prendre ses cliques et ses claques, S’en aller. Oh puis, si la Delaïde veut continuer comme ça à m’enquiquiner, j’aurai ben tôt fait de prendre mes cliq’ et mes claques. — Symétrie de sons, cliques ne signifiant rien, mais claques se disant d’une chaussure qui se met par-dessus les souliers quand il y a beaucoup de bassouille.

CLOCHE, s. f. — Sorte de marmite en fonte, très basse, de forme oblongue, avec trois pieds, un manche et un couvercle. Faire cuire une longe à la cloche. — Vient probablement de la sonorité de l’ustensile, qui rappelle celle d’une cloche.

CLOCHER, v. n. — Sonner à la porte. « Comme donc ils prenoient leur pauvre et chetive refection…, quelqu’un clocha à la porte fort impetueusement. » (N.-D. de Bonnes-Nouvelles, 1639.) Molard qui avait inséré l’expression dans son édition de 1803, l’a fait disparaitre dans celle de 1810. Ne la jugeait-il donc plus vicieuse ? Après ça, clocher est à clochette ce que sonner est à sonnette.

CLOU. — Regard à couper un clou, Regard qui manque d’amabilité. Un jour que je causais en bonne et nombreuse compagnie avec une aimable dame : Vous rappelez-vous, lui dis-je sans penser à mal, quand nous étions petits tous les deux, et que nous nous amusions à jouer aux boules à Sainte-Foy ? Ça devait être en 1836. — Je ne me souviens pas du tout, dit la dame, et elle me lança un regard ! Cette fois, si le clou y avait été, il était coupé net.

Clou de girofle, Image poétique pour dent.

Compter les clous de la porte. Se dit quand on vous fait attendre avant de vous ouvrir.

COCHE. — Manquer la coche, Manquer l’occasion. C’est le français manquer le coche. Le mot de coche au sens de voiture par eau est aujourd’hui complètement oublié. On ne connait plus que coche au sens d’entaille. D’où manquer la coche, quoiqu’on ne voie pas bien ce que cela veut dire.

COCHES. — Être aux coches de quelqu’un, Être à sa charge. Les coches sont ici les coches de l’ouche. Par la même raison on dit : Être à l’ouche de quelqu’un.

COCHON DE CAVE. — Cloporte (du sirop de cloportes, et non du sirop de clous de porte, comme disent ceux qui veulent trop bien parler). Le mot lyonnais exprime la même idée que cloporte (clausus porcus (porc renfermé). Mais j’ignore subséquemment pourquoi la plupart des dialectes ont vu dans un cloporte une ressemblance avec un cochon.

COCHON DE MER. — Cobaye. Influence des mots ! Ce joli petit animal me répugnait dans mon enfance parce que je m’imaginais toujours que c’était une espèce de cochon, et je n’ai pas encore pu vaincre cette impression originelle. — Ce nom de cochon de mer me paraît absurde, aussi bien d’ailleurs que le nom français de cochon d’Inde. Le cobaye n’a rien du cochon, il n’est pas marin, et il ne vient pas de l’Inde.

COCHON SALÉ. — Jeu des gones, longuement décrit dans les Vieilleries.

COCHONNAILLE, s. f. — Charcuterie. De mon temps, Chatal, en rue Saint- Dominique, faisait de la très bonne cochonaille. On louait aussi Charbonnier, au Cochon paisible.

COCHONNER, v. a. — Se dit de quelqu’un qui ne fait pas merveilleusement son travail. Je connaissais une très honorable famille où, lorsqu’on avait du monde, le grand-père engageait sa petite-fille à montrer son talent sur le piano : Adélaïde, allons, ma fille, disait-il avec bonté, cochonne-nous voire un peu « la Prière d’une Vierge ». — Cela faisait rire la jeune fille, mais la maman pas.

COCHONNIER, IÈRE, s. (terme pas très distingué). — Se dit d’un quelqu’un qui cochonne l’ouvrage ou ne fait pas une besogne très propre. La m’man : J’ai trouvé Cadet qu’était après pitrogner de la bouse.Le p’pa : Voyez-vous ce cochonnier ! Enfin ce n’est pas une expression pleine de louange.

COCO, s. m. — Le coco, dans son ensemble, est constitué par une sorte de carafe immense, à goulot en gueule de tromblon, dans laquelle il y a de la tisane de réglisse. Sur la bouche de la carafe est posé un citron qui a pour but d’empêcher la poussière de pénétrer dans la carafe, et qui, en même temps, est un agréable symbole pour vous annoncer qu’on a pressé un peu de jus de citron dans la tisane. Cette carafe est en beau devant sur le pieds-humides. Vous demandez du coco ; la marchande vous en remplit un verre qui tient un bon demi-pot. Elle prend une petite fiole couverte par une plaque de métal percée de petits trous, et, d’un mouvement vif, zag, zag ! elle seringue quelques gouttes d’anisette (c’est le nom que nous donnons à l’eau-de-vie anisée) dans le verre. Vous buvez : c’est absolument délicieux. Vous donnez un sou, et la marchande vous rend deux liards.

Voilà le coco de mon enfance, de ma jeunesse et même de mon âge mûr. Aujourd’hui, plus de coco. Les pieds-humides, qui jadis tenaient simplement du coco, de l’orgeat, du sirop de groseille, de l’eau-de-vie anisée, n’ont plus de coco, mais une immense variété d’horribles alcools propres à donner le delirium tremens à un bataillon de sapeurs. À mon dernier voyage à Lyon, il m’a fallu aller jusqu’en Bellecour avant de trouver du coco, mais sans la belle carafe, sans le seringage d’anisette et dans un verre à cul pointu. J’ai donné un sou et, malgré ma réclamation, le gueux de marchand a tout gardé !

On ne trouve plus même ce coco qu’en Bellecour, ou peut-être dans d’autres endroits où l’on mène jouer les enfants, parce que c’est la boisson que les bonnes leur font boire. J’ai demandé du coco à l’Exposition, où l’on aurait dû au moins le mettre dans la classe des arts rétrospectifs. J’ai gardé ma soif. Le pieds-humides n’est plus qu’une succursale des comptoirs.

Marchand de coco. Ils étaient jadis très nombreux. Un homme en chapeau de paille, sans habit, avec un corset de couleur, un tablier blanc, très propre, à bavette. Sur le dos, une fontaine, c’est-à-dire un réservoir d’étain rempli de coco, avec deux robinets, qui, au moyen d’un serpentin, arrivent par devant. Par l’un sort du coco, par l’autre de l’eau fraiche pour laver le verre. Deux verres à pied sont adroitement accrochés aux bretelles à l’aide desquelles l’homme porte sa fontaine. De même la petite fiole d’anisette. À la main une sonnette pour annoncer sa présence. Partout où il y avait foule, il y avait de nombreux marchands de coco. Petit métier et rude.

Un marchand de coco arrivait jadis en ville tous les matins par la porte des Étroits. Le gapian ouvrait les robinets, et constatait qu’il sortait bien par l’un du coco, par l’autre de l’eau claire. Mais il avait compté sans un double fond rempli d’alcool. Ce métier dura longtemps. Probablement une dénonciation anonyme prévint l’octroi.

COCODRILLE, COCODRI, s. m. — Crocodile. Quand j’étais petit, mon père, en me faisant un jour traverser la salle du Grand Dôme, à l’Hôtel-Dieu, me montra suspendu à la voûte, un cocodrille empaillé. Et il me raconta que ce cocodrille, ayant remonté le Rhône, sur les bords duquel il fit beaucoup de ravages, il fut tué à Lyon et, pour servir d’exemple, pendu au Grand Dôme. Il ne m’explique pas si c’était en nageant que le cocodrille était arrivé aux embouchures du Rhône. Savoir si quelque voyageur ne l’aurait pas rapporté tout empaillé des bords du Nil ? Pas moins, la tradition est bien ancrée, et le cocodrille doit encore se voir au Grand Dôme. — Cocodrille n’est point une corruption de crocodile ; c’est le provençal cocodrilh, de crocodilum.

COCOLER, v. a. — Chérir, caresser, blandir. Dans les premiers temps du mariage le mari et la femme ne font que se cocoler. Puis ils se cocolent moins, puis ils ne se cocolent plus du tout. — Fréquentatif de coquer.

COCOTE, s. f. — Conjonctivite, maladie des yeux qui rend la conjonctive rouge. — De ce que la poule (cocote) a la conjonctive de couleur vive et orangée.

COCU, s. m. — Primula officinalis. Espèce de primevère, ainsi nommée de sa belle couleur de ménage. Étant petit gone, un jour de printemps, la famille était allée faire une promenade dans les Fons, vallon qui menait de chez nous à Francheville par de belles prairies. Voilà que, par un coup, au détour d’un sentier, nous nous trouvons dans un grand pré, rempli de primevères, et nous nous croisons avec une dizaine de messieurs respectables, décorés, qui revenaient d’une descente de lieux. Ô p’pa, que je fis dans mon admiration des fleurs, avisez donc que de cocus ! Il y eut deux ou trois de ces messieurs qui me lancèrent un regard à couper un clou.

CŒUR. — Si le cœur vous n’en dit. Bousinet, au père Pouillasson qui porte une balle de pêches : Vous avez ben là de jolis ambounis de Vénus ?Le Père Pouillasson, avançant sa corbeille : Si le cœur vous n’en dit ?

Avoir le cœur sur les lèvres, Avoir envie de rendre son royaume.

COFFE, s. m. — Cosse des pois. — De cupha, coiffe.

COFFRE, s. m. — Poitrine. Figurément, constitution physique, tempérament. Avoir un bon coffre. — De même l’angl. chest, l’allem. kiste, coffre, servent aussi à dire poitrine. En latin vulgaire arca avait la même signification.

COGNÉ, ÉE, adj. — Nous sons venus ce matin par la voiture de Meyzieu. La voiture tient dix places. J’étions quinze, dont six femmes enceintes et quatre nourrices. J’étions cognés comme de z’anchois dans le caquillon. — Malgré l’élégance de cette phrase, cogné, en ce sens, n’est pas français, selon les grammairiens. Moi je trouve que c’est une jolie métaphore.

COGNE-MOU, s. m. — C’est le contraire d’un cogne-dur.

COGNE-V… (parlant par respect). — C’est, en beaucoup plus énergique, le cogne-fétu français. En effet, qu’est-ce qu’un cogne-fétu ? Un homme qui s’occupe de vétilles. Mais combien n’est-il pas encore plus vain et plus misérable de se consumer en efforts pour cogner un gaz traitre et subtil que pour cogner le plus chétif brin de paille, aurait dit Bossuet dans son sublime langage ! — C’est une question fort importante, souvent agitée par les jurisconsultes, mais qui n’a pas encore été tranchée par la Cour de cassation, que celle de savoir si cogne-v… constitue une injure ou une diffamation.

COGNON, s. m. — Chose cognée, pressée, ramassée. Glaé, me fais don pas de chemises si longues : ça fait de gros cognons à la fourche dans mes culottes.

En cognon, État d’une chose cognée. Un mari à sa femme : Te sors comme ça avè ta capote tout en cognon ?

COIFFAGE, s. m. — Gros linteaux de pierre de taille recouvrant le rez-de-chaussée de nos façades. Ainsi dénommés de ce que ces linteaux « coiffent » la baie.

COIFFE. — Coiffe du ventre. Vous avez bien vu des veaux pendus à la porte des bouchers, le ventre ouvert, et, relevée en dehors de celui-ci, une membrane graisseuse, qui ressemble à une sorte de tissu : c’est la coiffe. Et si vous avez à porter de gros fardeaux, prenez bien garde à ne pas vous faire peter la coiffe du ventre. C’est très mauvais.

COIRE. Voyez couare.

COITE. — À la coite. 1. En toute hâte. Vieux franc. à coite d’éperons, « à rapidité d’éperons ». — De coctare, faire cuire, qui, dans la basse latinité, avait pris le sens de se hâter. À la coite, c’est-à-dire comme si l’on brûlait. On dit élégamment dans ce sens : Se dépêcher comme si l’on avait le feu… quelque part.

2. À l’abri. Se mettre à la coite. — De quietus.

COIVETTE, s. f. — Balayette. Tout le monde à Lyon sait une célèbre histoire de canut où figure « le manche de la coivette ». Elle ne saurait trouver place ici. — Diminutif de couêve, balai, comme balayette, de balai.

COL pour Cou. — Archaïsme excellent. Je lisais l’autre jour dans un feuilleton scientifique que « les gens qui ont le cou court sont exposés aux apoplexies ». Ce cou court, pour peu surtout que ce fût un cou court courbé, est moins harmonieux qu’un vers de Larmatine. Il y a d’autres inconvénients à remplacer col. Lorsque j’étais aux Minimes, à la fin du déjeûner, l’élève chargé de la lecture pendant le repas lisait le martyrologe du jour. Une fois lisait-il : « Il fut précipité dans le Tibre, une pierre au col » (l’édition était ancienne). Le préfet, qui voulait nous élever en puristes, interrompit : « Lisez comme s’il y avait un u. » L’élève, à la bonne foi, reprenant de son ton monotone et nasillard : « Il fut précipité dans le Tibre, une pierre au c… » (Émotion générale.)

COLAN, s. m. — Collier de femme. C’est le français coulant, même sens, de collum. L’orthographe colan est la bonne : col (lum) + anum.

COLAUD. — M. Colaud a passé par les vignes, La fleur de la vigne a coulé. Colaud, de couler.

COLÈRE. — Être en colère comme un chapon rôti. La Bélonie : As-te vu la Maria quand se n’homme n’a l’ayu embrassée ? Autant un chapon rôti ! On suppose que le chapon, quand il se voit rôti, est furieux de l’être. Il y a de quoi.

COLLAGNE, s. f. — Association entreprise à intérêts communs. Faire de collagne ensemble. — C’est le dauphinois collagne, étoupe ; lyonn. cologne, quenouille. Proverbe : Étoupe et collagne sont parties pour Beaucaire, Il n’y a plus rien. — Faire de collagne, c’est littéralement peigner le chanvre. L’idée a dévié à Peigner le chanvre ensemble, puis à Faire une entreprise quelconque ensemble.

COLLATION. — Être collation. Se dit des aliments qui ne renfermant ni œufs, ni beurre, ni lait, peuvent, en carême, se manger au repas du soir, dit collation. Les bugnes sont collation.

COLLE, s. f. — Histoire, craque, mensonge. La femme à Jean-Liaude a voulu lui faire gober qu’elle avait passé la nuit chez sa tatan qu’est malade, mais la colle n’a pas prenu. On voit la dérivation du sens : on tâche à coller une pièce sur l’accroc que l’on a fait à la vertu, à la politesse, etc. Des fois la colle prend, des foiselle ne prend pas.

Battre une colle, Faire une craque. L’expression se comprend : pour qu’une colle ne fasse pas de catons, il faut la battre avant de la faire cuire.

COLLÈGE. — Faire son éducation autour du collège. C’est ainsi que s’est faite la mienne. Ce n’est pas une éducation bien pénible, mais ça ne vaut pas l’École normale,

COLLET, s. m., terme de montage de métier. — Bout de cordelette, terminée à son extrémité inférieure par un petit crochet nommé fer de collet. Les collets s’accrochent aux crochets de la mécanique (voy. arcade).

Collet de mouton, Cou de l’animal. Sert à faire de l’excellent bouillon. Ne faillez jamais à mettre bouillir avec le rond de veine un morceau de collet.

COLLETAGE, s. m., terme de montage de métier. — Opération par laquelle on suspend les arcades empoutées à leurs collets respeclifs (voy. arcade).

COLOGNE, s. f. — Quenouille. — Vieux franc. queloigne, de colucula. Nos aïeules, au lieu de faire de la tapisserie, des broderies, des petites bêtises, filaient de la laine à la cologne pour ensuite en tricoter des bas. Nous avions encore, à Sainte-Foy, la cologne de mon arrière-grand’mère. Elle était garnie en ivoire.

COLOMBINE. — Colombine de chrétien. La colombine est la fiente du pigeon. Colombine de chrétien (on dit aussi colombine de personne) est un euphémisme gracieux et délicat, que les gens distingués emploient au lieu d’un vilain mot. Les épinards, la laitue, l’oseille se fument de préférence à la colombine de chrétien.

COMBIEN. — Combien tenons-nous du mois ? Combien sommes-nous du mois ? À quel quantième du mois sommes-nous ? — Le vieux franç. com signifiait « à quel point ? » Il a fait combien par l’adjonction de bien, qui est une affirmation. « Combien sommes-nous du mois », c’est, littéralement : « À quel point du mois sommes-nous bien ? », phrase absolument logique.

Combien d’ici Yzeron ? disais-je un jour à deux cantonniers au bord de la route. — « À huit kilomètres, me dit l’un. — Bah, fit l’autre, vous avez deux bons chevaux, vous les ferez bien en six ! »

On fait souvent de combien un substantif. Le combien est-ce ?

COMMAND. — Être de bon command, Facile à gouverner. Eh bien, chère Madame, êtes-vous contente de votre nouvelle bonne ? — Elle a bien un peu les côt’ en long, mais elle est de bon command. — C’est l’essentiel ; c’est assez connu que nous avons en partie tous les gens de bon command que sont un peu mollasses.Command est le substantif verbal de commander. À Neuchâtel, ce subs. est fém. On dit : « être de bonne commande ».

COMMANDE, s. f., terme de canuserie. — Fil en commande, Fil cassé de la chaîne et qu’on entortille à une épingle recourbée qu’on pique à l’ensouple, en attendant que l’ensouple, en se déroulant, fasse reconnaître la place exacte du fil. L’ensemble du système s’appelle commande. À un ouvrier qui a beaucoup d’épingles à son rouleau, l’on dira : Oh, comme t’as de commandes ! — (N. B. Faire attention à ce que la bourgeoise ne vous mouche pas les épingles de vos commandes pour faire tenir les rubans de sa coiffe.) — Ital. accomandare, mettre les fils en commande (à commandement). D’où un subst. verbal commande.

COMMANDER. — Sans vous commander, expression que le Lyonnais, toujours timide et modeste, toujours poli, ne manque pas d’ajouter à toute demande. En 1848, le capitaine de ma compagnie de la garde nationale, M. Jean Pignard, marchand de cordes à boyau, nous disait toujours : Portez armes ! sans vous commander.

COMME. — Comme bien s’accorde, Comme il est naturel. Souvent que remplace comme. Donc, que bien s’accorde. On l’emploie très fréquemment après arrimais. Dans ce cas, il renforce l’affirmation. Arrimais que bien s’accorde, c’étiont deux Jean-Fesse ensemble.

Comme ça. — Locution pléonastique très usitée, surtout après « dire ». J’y ai dit comme ça au Jean-Louis : « Je crois bien que ta femme t’en fait porter. » I m’a fait comme ça : « Oh, plus tant maintenant ! »

Comme de juste, Comme de vrai, pour Comme il est juste, Comme il est vrai. Ces locutions ont beau être proscrites par les puristes, elles ont une tournure elliptique heureuse et donnent de la rapidité à la phrase. Pas à hésiter sur leur emploi.

COMMERCE. — Faire un commerce, Se livrer à une occupation quelconque prolongée. L’expression a un sens un peu péjoratif. Un jour ou plutôt une nuit, à l’hôtel de la Poste, à Clermont, j’étais séparé par une mince cloison de la chambre voisine, occupée par deux jeunes mariés, qui ne faisaient aucun mal, à mon sens, mais parlaient-ils trop haut, je ne sais, lorsque le voisin de l’autre côté, brutal, de leur crier : Aurez-vous bientôt fini de faire votre commerce ? Bon, dis-je, un Lyonnais !

C’est exactement le negotium des Latins : occupation, travail, soin, charge en général, et négoce seulement au sens particulier.

COMMILLON. s. m. — Bistaud, saute-ruisseau, méchant petit commis. Molard a oublié l’expression, mais point Chanoine, qui l’a consignée en marge de son exemplaire du Mauvais langage.

COMMIS. — Commis de ronde ou Rondier. C’est le commis chargé de la visite et de l’inspection des métiers en travail. De mon temps, l’été, il commençait sa ronde à cinq heures du matin, et la poursuivait jusqu’au coup d’onze heures, moment où il rentrait au magasin pour manger la petite miche et rendre compte de sa tournée.

Commis de balance. C’est le commis chargé de peser et d’inscrire les matières qu’on donne à l’ouvrier, aussi bien que les pièces et matières qu’il rend.

COMMISSIONS. — Faire des commissions. Une dame, un dimanche d’été, à Brignais : Faut que j’aille demain à Lyon faire mes commissions, C’est-à-dire mes emplettes, en un mot les commissions que je me donne à moi-même, naturablement. Cela est parfaitement logique.

COMMODE, adj. — Il n’est pas riche, mais il est commode, pour Il est àson aise. Molard, en proscrivant cette charmante expresssion, ne se doutait pas que Corneille l’avait employée dans l’Illusion :

L’amour et l’hyménée ont diverse méthode :
L’un court au plus aimable, et l’autre au plus commode.

En rouchi, commodieux signifie très riche. La signification moyenne du lyonnais me plait d’avantage.

On dit aussi de quelqu’un : Il n’a pas l’air commode, pour dire qu’il ne parait pas de facile composition. Au musée de Lyon, il y a un des plus beaux Delacroix, représentant la mort de Marc-Aurèle. Son fils est là, et quoi qu’on veuille bien dire, il n’a pas l’air tant Commode que ça.

COMMODES, s. f. pl. — Biceps. Le teinturier Gagneau, bien connu en fabrique, tendait le bras et se faisait attacher un fil d’arcade autour du bras sur les commodes. Puis il pliait le bras, et les commodes en se gonflant, faisaient peter le fil. Qui sait ce que c’est qu’un fil d’arcade il dira que Gagneau avait de fameuses commodes.

Peut-être un subst. verbal de accommodare, appliquer, employer à, et par extension de sens, porter, employer sa force musculaire.

COMMODITÉS. Voy. Communs.

COMMUNS, s. m. pl. — Je rougis de donner la définition française : Latrines. C’est cependant le mot exigé par Molard, Grangier et les autres. Fi, quelle horreur ! Ce mot semble puer en le prononçant ! Vous figurez-vous une jeune personne disant à son fiancé : « Pardon, monsieur, de vous quitter, il faut que j’aille aux latrines (!!!). » Communs n’appartient peut-être pas à la haute poésie lyrique, mais l’euphémisme, dans son vague et sa généralité, voile avec goût le côté abject de la chose.

Je ne connaissais pas d’autre sens à ce mot, lorsqu’un jour je reçus une lettre d’un propriétaire, qui me priait de lui étudier « un plan de communs » sur un développement de cent quatre-vingts mètres autour de la cour de son château. Je fus renversé. « Tiens, que je me dis, en voilà un original ! Faut croire que, comme le père Brunet, qui voulait pouvoir se mettre à une fenêtre différente de sa maison chaque jour de l’année, celui-là veut pouvoir chaque jour de l’année se mettre à un oculus différent ! » Heureusement, un charitable confrère, à qui je m’en ouvris, me prévint de mon erreur.

Mais où fus-je encore surpris, c’est lorsqu’un bon propriétaire de Saint-Étienne me recommanda de ne pas oublier de mettre deux orifices dans le même cabinet ; une vraie paire de lunettes, quoi ! J’appris que c’était un usage constant dans le pays. « C’est drôle, que je me disais, je n’avais cependant pas remarqué qu’à Saint-Étienne les gens en eussent deux ! » L’idée qui a fait choisir ce mot est sans doute que l’objet des communs l’est (commun) aux rois et aux gagne-deniers.

Dans le plan primitif de la Charité on voit une série de lunettes, qui permettaient de se rendre en commun dans un endroit où l’usage est plutôt d’aller seul. (Em. Vingt.)

COMPAGNON, ONNE, quelquefois CHAMPAGNON, s. — C’est l’ouvrier ou l’ouvrière qui travaille dans le boutique d’un canut, à son propre compte, mais avec un métier et des ustensiles au bourgeois. « Gérôme Blicart, compagnon velotier, montant z’un métier velors trois carts, cheux maître Charpolet, maison Grimo, à la Granda Côta » (Déclarat. d’amour). Le bourgeois prélève la moitié de la façon du compagnon pour le louage du métier et des ustensiles, la fourniture du local, de l’éclairage, du chauffage, etc. — Champagnon est une dérivation fantaisiste de compagnon.

COMPARAISON. — Sans comparaison. Précaution oratoire exigée par la politesse toutes fois et quantes que vous êtes amené à comparer un animal à un chrétien. M. Bousinard a un vrai visage de cayon, sans comparaison.

COMPAS. — Avoir le compas dans l’œil, Mesurer les distances à vue de nez, très exactement, comme si l’on avait un compas dans l’œil (les pointes tournées en dehors). Au jeu de boules : Qui don qui tient ? — C’est Boyau. — Allons don, c’est Cancanet ! — Apporte voire deux bûches de paille. (On bide.) — Què que je te disais : un pouce de vache ! T’as pas le compas dans l’œil.

COMPASTEUR, s. m., terme de canuserie. — Baguette plate, de noyer bien poli, qui au pliage, est passée dans les enverjures de la chaine, et s’insère dans une rainure pratiquée dans l’ensouple, de façon à maintenir la chaîne, qui est ensuite envidée sur cette ensouple. Une seconde baguette aide à serrer la première dans la rainure. De même pour commencer une pièce, on passe un compasteur dans la tirelle. Ce compasteur est ensuite inséré dans la rainure du rouleau de devant. — De passer, avec la préposit. com (cum). Le mot primitif était compasseteur parce que le compasteur passe dans les musettes. Ét. Blanc écrit composteur. C’est une méprise des éditeurs.

COMPERCHE, s. f., terme de construct. — Pièce de bois horizontale, à l’extrémité de laquelle est fixée une poulie pour l’ascension des matériaux. Par extension, Bigue verticale pour un échafaudage. — De perche avec le préfixe com de cum. Comp. écoperche.

COMPOSSIBLE. — Compossible s’emploie dans des phrases de ce genre : On lui a fait tous les remèdes possibles et compossibles. C’est la répétition de possible avec un renforcement.

COMPRENETTE, s. f. — Ême, intelligence. Il y en a qui ont la comprenette facile, d’autres qui l’ont dure. Quand j’étais petit, pour la soupe personne n’avait la comprenette plus subtile, ni moins pour la grammaire.

COMPTE, s. m., terme de fabrique. — Se dit du nombre de portées (voy. ce mot) d’une chaîne, ou du nombre des mailles d’un remisse. Un petit compte, un gros compte.

COMPTER. — Compter au piquet. Se dit de quelque chose d’important, de grave. Je lui ai campé une giffle qui compte au piquet.

Compter ses écus. Voy. bardoire.

Compter sur quelqu’un comme sur une planche pourrie. — Il m’a promis le mariage, disait la pauvre Gathe, qui était « embarrassée », mais je compte sur lui comme sur une planche pourrie.

CONCHE, s. f. — Pierre plate, faiblement recreusée, avec un bord saillant tout le tour, et placée sous l’évier, au niveau du carronnage. L’évier dégorge dans la conche qui a dans un coin une sorte de bec recreusé et formant rigole, lequel traverse le mur pour aller aboutir à une cuvette de la descente extérieure. L’usage des conches va s’abandonnant. — De concha.

CONCHON. — Conchon va devant. Sorte de jeu de boules. Conchon représente cochon. C’est le cochonnet.

CONDUCTEUR, s. m. — Important organe de la navette à défiler. C’est une demi-ellipse fort saillante, en cuivre poli, fixée au flanc de la navette, du côté opposé au peigne, et derrière laquelle sont logées une série d’agnolets, portés par des pantins, et où passe successivement la trame qui sort enfin d’un agnolet placé au centre du conducteur dans un sabot (voy. sabot du conducteur). Ces pantins, maintenus par des ressorts, ont pour but de tenir la trame toujours tirante, et d’une tension toujours égale.

CONDUITE. — La Jacqueline ne risque rien de s’acheter une conduite pour ses étrennes. — Jeu de mot sur le titre d’un ancien livre de piété : la Conduite du chrétien. Plaisanterie très répandue, et qui montre le haut prix que nous attachons à la conduite. À preuve un brave homme que je connaissais, et qui passait bêtes et gens à une traille du Haut-Rhône. Me narrant un jour son histoire, et combien il avait chèrement payé les fautes de se jeunesse : Et dire que, si j’avais eu de la conduite, je serais peut-être aujourd’hui m… à la Guillotière !

La Conduite vaut mieux que le psauti. — Proverbe qui, avec le même calembour que dans le dicton précédent, n’est que la traduction de la parole du Sermon sur la montagne : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père. »

Faire la conduite de Grenoble, Reconduire à coup de pied au… Cette expression n’est pas exclusivement lyonnaise. D’après M. Larchey, on la retrouve sous la plume d’Hébert, en 1793. Elle doit avoir une origine historique.

CONFESSION. — On lui aurait donné le bon Dieu sans confession. Se dit de quelque pas-rien qui savait admirablement jouer le saint homme.

CONFLE, s. f. — Vessie, ampoule, bulle. Nous disons le plus souvent gonfle. Cependant confle ne laisse pas d’être employé par les bons auteurs : « Vous voyé la confle de savon que prend la couleur gigié de pigeon… » (Oraison funéraire.) Et Calvin dit, dans un de ses sermons : « C’est comme d’une vessie qui sera enflée, ou une confle (qu’on appelle ici). »

CONFUS. — Un pucier confus de bardanes, Un lit plein de punaises. Métonymie. L’idée de confusion, applicable à la grande quantité de bardanes, a été appliquée à l’objet qui les contient.

CONNAISSANCE. — Avoir un doigt de pied sans connaissance. Se dit lorsque, par suite d’une fausse position ou pour toute autre raison, on a un doigt de pied engourdi et insensible.

Faire tort à ses connaissances. Voy. tort.

CONNAITRE. — Le mari : Bon, en me baissant, n’ai-je pas fait peter mes culottes !La femme : Je vas y donner un point ; ça sera pas de connaitre.

Il ne se connaît plus, Il a perdu connaissance.

CONROYEUR, s. m. — Corroyeur. Près d’un siècle et demi devant Molard, Ménage recommandait de ne pas dire conroyeur, qui était déjà un archaïsme, l’ancienne forme de corroyer étant conréer. Je crois bien que, depuis Molard, conroyeur a disparu.

CONSCIENCE, s. f. — Estomac. Se mettre quinze matefaims sur la conscience. On suppose que la conscience est dans la poitrine.

Conscience de bennier. Voy. bennier.

CONSENTU. — Participe passé de consentir. Comme i n’aviont fait Pâques avant la Trinité, le pipa a consentu. Sur la formation, voy. repentu.

CONSÉQUENT, ENTE, adj. — Considérable, important. Je ne puis mieux faire que de citer, à titre d’exemple, un fragment de belle littérature lyonnaise qui remonte à 1823 :

Encore un lyonnaisisme

« … Entendez le libéral M. B… s’écrier que son parti est, en France, le plus conséquent… — Avez-vous vu au muséum le Bon Samaritain ?[4] — Non, pas encore. Mais c’est des nouveaux tableaux le plus conséquent ; que tardez-vous ? — Docteur, que pensez-vous de la maladie de mon Adolphe ? — Pour un mal aussi conséquent, vous m’appelez bien tard. — Les intérêts cumulés donnent à la longue des sommes conséquentes, répétait encore hier mon agent de change ; il s’interrompit cependant pour me dire que la guerre contre l’Espagne serait pour la France seule une guerre trop conséquente. — Irène soupire depuis quelques jours après une pelisse ; mais cette année les pertes de son cher Alfred sont si conséquentes ! — Pauvre plaideur, prends patience, je viens de voir mon avoué : « Votre affaire, m’a-t-il dit, est trop conséquente pour passer avant les féries… » — « Bon Dieu, bon Dieu, dans une ville conséquente comme la nôtre, répètent sans cesse de jeunes littérateurs (sic) lyonnais, pourquoi faut-il que l’art de peindre passe avant l’art d’écrire ? … »

Depuis 1823, l’usage de conséquent, en ce sens, s’est bien perdu, même chez les agents de change et les « jeunes littérarateurs ».

CONSERVER. — Conservez-vous ! C’est notre adieu. Comp. le lebt wohl (vivez bien) des Allemands.

CONSISTE. — Ça ne consiste en rien, pour dire cela ne signifie rien, cela n’a aucune importance. Tout ce qui se dit à c’te Chambre des députés, ça ne consiste en rien.

CONSULTE, s. f. — Consultation de médecin. Vieux franç. « Le curé de Domfront, qui… passoit au Mans pour faire faire une consulte (les éditeurs modernes ont fort sottement corrigé par consullation) de médecins… » (Roman comique.) — Combien est-il de regretter que les pédants aient remplacé par d’affreux dérivés en ation nos bons vieux substantifs verbaux : purgation au lieu de purge, diffamation au lieu de diffame, prononciation au lieu de prononce, etc.

CONTENT. — Content comme un fondeur qui a manqué sa cloche. Se dit de quelqu’un qui n’est pas content du tout.

Content comme Barrabas à la Passion, Très content.

CONTINU. — De continu, Attenant, sans décesser, sans interruption. Y a plu de continu toute la journée.

CONTRACER, v. a. — Contrarier. « Mais i ne faudrait pas rien non plus que votre oiseau (l’aigle), parfois trop vigoret et contraçant, alla se mettre comme ça souvent z’en courroux pour les combas sans réson. » (Adresse à Napolyion.) — C’est contrarier, avec substitution de suffixe par analogie avec agacer.

CONTRACIBÊTE, s. m. — Se dit de ceux qui contrarient les animaux. À la maison l’on disait simplement contrariant de bête. S’emploie souvent au fig. La Jenny : Pepa, faites don fini l’Amable, i ne fait que de m’embêter.Le pepa : Amable, veux-tu fini, grand contracibête ! — De contracer et bête, démonstrativement.

CONTRAIRE. — Au contraire, Formule de politesse qui s’emploie lorsque quelqu’un craint de vous avoir fait mal ou de vous avoir contrarié. Exemple : Un monsieur, sortant avec précipitation d’un magasin de soieries, pousse la porte volante avec violence, et vous met le nez en compote. Le sang coule abondamment. Désolé, le monsieur dit avec intérêt : Je vous ai fait mal ? — Au contraire, devez-vous répondre avec politesse.

CONTRE. — Faire contre, Faire de l’opposition à quelqu’un. M. de la Rochepouilleux me racontait l’histoire de sa demande en mariage de Mlle Grossou, la fille cadette de M. Grossou, le marchand de soie : La maman et sa demoiselle me voulaient bien, qu’il me disait, mais c’est M. Vessard (celui-là qu’avait marié l’ainée) que m’a fait contre.

Aller contre les beaux jours. Voy. aller.

Te vois don pas qu’en allant de ce côté, nous allons contre Lyon ? pour « du côté de Lyon ». L’allemand dit Gegen Norden gehen, « aller contre le nord ».

Aller contre ses vingt ans, Approcher de la vingtième année. L’allemand dit : « Il est contre vingt ans » : Er ist gegen zwanzig Jahre.

Par contre. Pour une fois que Molard a eu raison, il n’a pas eu de chance. Déjà Voltaire proscrivait ce sot barbarisme. Cela n’a pas empêché le barbarisme de faire son chemin. Aujourd’hui, maint académicien l’écrit sans sourciller. — Expliquez où les gens ont pu prendre cette imagination d’écrire par contre, lorsqu’il est si commode d’écrire au rebours, à l’opposé, ou simplement au contraire !

CONTREPASSER, v. a. — Croiser, dépasser. Je l’ai reconnu quand je l’ai eu contrepassé.

CONTREPOIDS, s. m. — Contrepoids de dargnier. Organe du métier de canut. Voy. sous bascule. Au fig. Tomber sur son contre-poids de dargnier, parlant par respect, tomber sur son prussien.

CONTRE-SEMPLÉ, ÉE, adj. — Se dit au propre de la partie d’un dessin de fabrique qui est symétriqué à l’autre, c’est-à-dire le répète au sens inverse, et se dit au fig. de tous les objets dans les mêmes conditions de symétrie. Les façades d’architecture sont généralement contre-semplées, c’est-à-dire symétriques par moitié.

Dans le métier à la tire, le semple était l’ensemble des lacs que l’on tirait pour faire lever les lisses ou les maillons dans l’ordre du dessin. Pour répéter la moitié du dessin symétrique. il suffisait de lever les lacs dans l’ordre inverse : on contre-semplait.

CONTREPOINTIER, s. m. — « Celui qui pique des deux côtés un ouvrage de toile ou de taffetas. Ce mot n’est pas français, c’est le tapissier qui fait ce travail ; dites donc tapissier. » (Molard.) — Molard fait erreur. La fabrication des couvertures piquées avait assez d’importance pour faire l’objet d’une profession à part. On trouve dans Cotgrave : contrepoinctier, a Quilter. Aujourd’hui encore, ce ne sont pas les tapissiers, mais les couturières qui font les couettes.

COQ. — Fort comme un coq saigné. Ce n’est pas être bien robuste.

COQUARD, s. m. — Homme qui court après les femmes. — De coq.

Le père et la mère Coquard, personnages de la Crèche.

COQUE, s. f. — 1. Morceau de pain trempé dans du lait et que l’on fait frire. — Du vieux haut allem. chuocha, gâteau.

2. Poule. — De coq.

3. Une petite coque, Une petite fenote. Viens donc sur les Tapis, nous voirons passer toutes les petites coques. C’est 2 pris au figuré. L’idée de comparer les femmes aux poules est très ancienne ; Plaute emploie gallina au même sens. Comp. aussi pucelle de pulla.

4. Ma coque, expression de tendresse. Dans un bon ménage le mari et la femme ne s’appellent jamais que ma coque. Ma coque, allons nous coucher ! — Voui, ma coque ! Comp. ma poule.

COQUELLE, s. f. — Cloche (voy. ce mot). Ne vient point de coquille, malgré le rapport de forme. C’est le vieux franç. cloquelle, diminutif de cloche.

COQUELUCHON, s. m. — Proprement, Morceau saillant au sommet d’une fiarde ; par extension, au sommet d’un objet quelconque. Au Grand Dôme, le coqueluchon est fait en manière de mamis qui n’ont pas perdu la boule, puisqu’ils la portent. Au fig. Tête. Taper sur le coqueluchon. Se dit d’un vin qui porte à la tête. Nous n’avions bu que onze pots à deux, mais ces vins drogués ça vous tape sur le coqueluchon.Avoir quelque chose dans le coqueluchon, Être un peu troublé d’esprit. — C’est le vieux français coqueluchon, capuchon de moine, de cucullum.

COQUER, v. a. — Faire mimi, embrasser, baiser. Se coquer, Se faire peter la miaille. Quand M. X…, le gros fabricant, fut décoré devant toutes les autorités constituées, Mme X…, se tournant de mon côté, ivre de joie : Comment, fit-elle, vous ne me coquez pas ! — C’est une forme du français cocher, de coq, mais le mot a depuis longtemps perdu tout sens obscène.

COQUETIER, s. m. — Paysan qui vient vendre au marché ses poulailles, ses œufs, etc. — Forme du vieux français, coquatier, coquassier, dérivé de coq.

COQUEUR, EUSE, s. — Se dit de ceux ou de celles qui coquent à propos de rien. Les Lyonnais sont beaucoup moins coqueurs que les Provençaux. En Provence, on se vous coque attenant.

COQUILLARD, s. m., terme péjoratif, — Paillard. — De coq.

CORBILLON. — Changement de corbillon donne appétit de pain bénit. J’ai entendu souvent ce proverbe à propos de ces bons maris qui font tant de cas de leurs femmes qu’ils n’en font pas leur à tous les jours, mais les réservent pour les bonnes fêtes.

CORBILLONIER, s. m. — Vannier, faiseur de corbeilles. — Dérivé de corbillon.

CORCE, s. f. — Écorce. Un proverbe lyonnais dit qu’entre l’arbre et le doigt, il ne faut pas mettre la corce ou la Corse, je n’ai jamais bien su au juste. — C’est le franç. escorce, devenu corce suivant une loi de la phonétique lyonnaise.

CORCENAIRE, s. m. — Scorsonère. Si nous disons mal, les gens de haute instruction ne disent guère mieux, car ils appellent scorsonère ce qui est proprement le salsifis, c’est-à-dire pas du tout la même chose.

CORDAT, s. m. — Grosse toile de fil croisé. Ce mot, si usité à Lyon, a passé dans le Dict. de Littré.

CORDE, s. f., terme de fabrique. — Un dessin sur tant de cordes, c’est-à-dire sur tant de crochets de la mécanique. L’expression est un souvenir du métier à semple, antérieur à la Jacquard. On tirait une corde du semple pour faire lever les fils de la chaîne correspondants, comme fait aujourd’hui un crochet. Une corde représente donc autant d’arcades qu’il y a de chemins dans la disposition.

Corde d’enlaçage. Voy. enlaçage.

CORDELIERS, s. m. pl., terme de canuserie. Voy. sous bascule.

CORDELINE, s. f., terme de canuserie. — Fil de cordonnet placé à l’extérieur de la chaîne pour retenir la trame. « Le cordon, la cordeline, — Tout ça casse en même temps », dit la Chanson de ma cousine Mariette.

CORDET, s. m. — D’après Cochard, Sorte de gâteau. Je n’ai jamais entendu ce mot. Le nom vient sans doute de ce que la forme avait quelque analogie avec celle d’une tresse.

CORDIER. — Cordier, le bon Dieu vous avance. Encouragement amical que vous ne devez jamais faillir de donner à un cordier toutes les fois que vous passez près de lui (on sait que les cordiers travaillent en reculant. — Le digne abbé Ponthus, vicaire à Saint-Bonaventure au temps du curé Pascal, il y a septante-cinq ans, était Lyonnais de franc pied. Passant dans un village du Dauphiné, il avise un cordier à son travail. En ce temps-là, le souvenir de la potence était encore très vivant. Vous travaillez là pour les gens de votre pays ? dit le père Ponthus avec bonté. — Oh oui, mecieu le curé ! Ce ne fut que lorsque le père Ponthus eut fait quelque cinquante pas que l’autre s’aperçut qu’on lui en avait baillé à garder. — Et pour ceux du vôtre aussi ! cria-t-il de toutes ses forces.

CORDONS, s. m. pl., terme de canuserie. — Liserés en forte soie à droite et à gauche de la chaîne pour consolider l’étoffe.

CORÉE, s. f. — Poumon des animaux, mais plus spécialement du mouton et, parlant par respect, du cayon. — Se dépondre la corée. C’est très mauvais. C’est des fois en faisant un effort, d’autres fois de faiblesse. On ne s’en aperçoit pas toujours tout de suite. Quand on s’en doute, il faut voir un bon rhabilleur, car nous avons les médecins qui n’y entendent rien. De cor. La corée est ce qui tient au cœur.

CORGNÔLE, s. f. — Gosier. Le bon curé X… buvait un jour avec moi du vin de Côte-Rôtie. Pour boire dignement cela, disait-il, il faudrait avoir la corgnôle longue comme d’ici Fourvières (N. B. que, lorsqu’il le disait, il était à deux cent quarante-deux kilomètres et quart de Lyon). C’était exagéré, mais on ne peut disconvenir que les gens qui ont le cou long n’aient un grand avantage sur les autres.

Se jeter quelque chose dans la corgnôle, Faire passer quelque chose dans la corgnôle, Se laver la corgnôle, S’adoucir la corgnôle, Se rincer la corgnôle, etc., toutes expressions fort littéraires pour Boire. Se couper la corgnôle, expression généralement et heureusement exagérée pour Se battre en duel. — De corne, pris au sens d’objet creux.

CORGNOLON, s. m. — Diminutif de corgnôle, mais ayant gardé le sens plein du terme.

CORIAU, s. m. — Baie de l’églantier. « Dites gratte-cu (sic) », ajoute le bon Molard. Fi ! l’horreur ! Si j’avais été appelé à l’honneur de faire le Dictionn. de l’Acad., j’aurais mis plus honnêtement : « Gratte-cul, dites coriau. »

C’est la forme lyonnaise de corail. La couleur a inspiré le nom. Dans nos campagnes, les fillettes percent les coriaux dans le sens de la longueur et s’en font des colliers de corail à bon marché.

CORNARD. — Les Cornards du Bourchanin. Beaucoup de vieux quartiers de Lyon avaient jadis des sobriquets injurieux.

Car l’on nous prendrait, pour certain,
Pour des cornards du Bourchanin,

dit l’auteur de Lyon en vers burlesques. Il est vraisemblable que le nom vient de l’enseigne d’une maison de la rue Bourchanin, démolie en 1868, qui portait, au-dessus de la porte d’allée, deux mascarons cornus avec l’inscription : Sunt similia tuis.

CORNE, s. f. — Chausse-pied. Ma coque, je n’ai pas de corne. — Je te dis que si ! — Je t’assure que non ! — Ah, tu m’ennuies ; je te dis que j’en suis sûre ! — En effet, tu as raison, ma coque, la voilà !

Ce mot qui m’a été souvent signalé, voire par un docte professeur de l’Université comme un « lyonnaisisme », s’étale pourtant en plein Dictionn. de l’Acad. — De ce que, jadis, les cornes étaient en corne ; mais il y a aujourd’hui des cornes en ferblanc, des verres en maillechort, des pavés en bois, des chemins de fer en acier, et des « Cheval de Bronze » en marbre.

CORNET, s. m. — Tuyau. Un cornet de poêle, Un cornet de bateau à vapeur, et, parlant par respect, Un cornet de latrines. Le 30 octobre 1778, un arrêté du Bureau des finances ordonne à tous les propriélaires de mettre des « cornets de descente (tuyaux d’eau pluviale) » à leurs maisons. — À cornet comp. corgnôle, où corne est pris aussi au sens d’objet creux formant tuyau.

CORNUE, s. f. -— Sorte de petit benot à deux becs (d’où le nom), que les sablonniers portent sur l’épaule pour transporter le sable du bateau au tombereau. Dans le Midi, c’est le nom donné à notre benne de vendange.

CORPORANCE, s. f. — Grandeur et grosseur du corps. J’ai vu le nouveau mami à la Guerite ; il n’est pas d’une grosse corporance, mais il est vigoret, autant un jicle ! — Vieux mot français, dérivé de corps. On dit aussi quelquefois : Cette dame a une grosse corporation, mais c’est une faute.

CORPS, terme de canuserie. — Dans le métier de façonné, Ensemble des maillons. Un gros corps, Un corps qui a beaucoup de maillons. On donne aussi parfois au remisse le nom de corps de remisse, et, par extension, de corps tout seul dans les expressions comme un gros corps, Un corps qui a beaucoup de lisses. — Ital. corpo, même sens.

CORSET, s. m. — Vêtement commun aux deux sexes, et qu’on appelle aussi tricot. C’est une sorte de gilet à manches que les hommes mettent sous l’habit et le gilet. Ma coque, dira une bonne femme à son mari, la froid pique ce matin, faut mettre ton corset. Le bon père Melache, lui, mettait son corset dès que, parlant par respect, il voyait fumer certaines horreurs par les chemins. C’était pour lui signe infaillible de froid.

Je suis venu jusqu’à mon tirage au sort sans savoir qu’un corset pouvait s’entendre d’autre chose que celui que portait le père Melache, et que je portais moi-même. Cela se comprend. La bonne mère Melache, la bourgeoise du père Melache, dont il vient d’être narré, disait au Jean-Liaude, son fils, qui était un peu couratier : Te pipes, te bois de z’aliqueurs, te sais comme les corsets de femme se lacent, et te dis que t’as pas de défauts ! Il ne s’agissait plus, on le voit, des mêmes corsets. — Or je n’avais pas de défauts, et l’on ne voyait pas encore, dans les montres des magasins, des femmes en chemise qui tournent lentement sur un pivot, à seule fin de vous apprendre comme les corsets des femmes se lacent.

Mon bourgeois prétendait que, dans son jeune temps, il avait vu, au cul-de-sac Saint-Charles, cette enseigne d’une marchande de corsets : Corsets à la mode de Caen. Mais j’ai toujours cru que c’était une gandoise.

CORTIAUD, AUDE, adj. — Tout petit. Le cortiaud, le petit doigt. Nom des doigts en commençant par le pouce : Gros det, Laridet, Longue Dame, Jean du Siau, Saute, petit Cortiaud ! — De curtum.

COSAQUER, v. a. — Terme libre. Son existence date de l’invasion des armées russes en 1815.

COSTE ou RÂCHE, s. f., terme de canuserie. — Bouchon (voy. bouchon 3), qui, au lieu de se former en boule, s’est étendu le long du fil, soit parce que le fil s’est écorché ou pour toute autre cause. — Coste est le vieux franç. coste, côte. Râche est une image gracieuse des croûtes qui se forment sur la tête des petits mamis.

CÔTE, s. f. — Nom que nous donnons à trois montées allant à la Croix-Rousse : la Grand’ Côte, la Côte des Carmélites et la Côte Saint-Sébastien.

CÔTÉ. — De l’autre côté de l’eau. Expression pour désigner les quartiers Saint-Paul, Saint-Jean et Saint-Georges. Celui qui parle est toujours censé sur la rive gauche de la Saône. La réciproque n’est pas employée. L’expression ne peut dater que du moment où le gros de la ville n’était déjà plus sur la rive droite.

CÔTES. — Avoir les côtes en long. Manière pittoresque de dire de quelqu’un qu’il est paresseux de nature : pour autant qu’il n’est pas possible de travailler la terre sans se baisser, et que (il faut être juste) il n’est pas possible de vous baisser si, au lieu d’avoir les côtes en travers, comme les autres, vous les avez en long.

COTIVET, s. m. — Nuque.

Accept’ ce fichu violet, Pour cacher de ton cotivet Les mordures de puces !

(Chanson canuse.)</poem>

On ne saurait trop recommander l’usage de nos mots lyonnais, plutôt que se hausser aux mots difficultueux des savants. L’exemple suivant, dont je garantis l’authenticité, en est une preuve : M. Jacq… avait une filature qui occupait des ouvrières surveillées par sa femme. Se promenant un jour dans l’atelier, il remarque une jeune fille dont quelques boucles folles s’étaient échappées sur la nuque et, en passant, par manière de plaisanterie, il en tira une légèrement. Ayant recommencé ce jeu deux ou trois fois, la jeune fille s’écria : Madame Jacq…, faites donc finir M. Jacq…, il me gratte l’anus ! — Si elle avait dit le cotivet, comme tout le monde elle ne se fût pas exposée à lâcher une grosse inconvenance.

De même l’expérience m’a enseigné que, lorsqu’on a la cocotte aux chelus, il n’est rien tel qu’une mouche de Milan sur le cotivet. — De χοτις, occiput.

COTTE, s. . — Cale, C’te table branlicote, autant la queue d’une vache ! — Mets-y don une cotte ! — Subst. verbal de cotter.

COTTER (cotterr), s. m. — Assemblée de femmes qui se réunissent pour dire du mal des autres. Et pourquoi voudriez-vous donc qu’elles se réunissent ? — Du bas latin coteria, association de paysans qui s’assemblent pour tenir en commun les terres du seigneur.

COUAME, COUÊME, adj. — Timide, embarrassé, qui a l’air couyon. Le mari : J’ai biché le Pétrus avè la bourgeoise ! Si t’avais vu comme i z’aviont l’air couame ! En normand, couême signifie bouse de vache. M. Fleury le rattache à l’allem. et danois kuh, vache, et danois eme, fumier. S’il a vu juste, couême signifierait mou comme une bouse.

COUANE (quelques-uns écrivent couenne). Homme indolent, timide, sans énergie. Cours d’histoire de France : « Henri IV n’était pas couane, mais trop couratier. Louis XIII était couane avec les femmes. Louis XIV a été couane en se laissant mettre le grappin dessus par la Maintenon. Louis XV n’était que la dernière des couanes. Louis XVI a été trop couane avec les révolutionnaires. Louis-Philippe était un digne homme. Dommage qu’il était un peu couane. » Continuez.

Comme il n’y a aucun rapport entre un homme timide et de la couenne de cayon, je crois que couane n’est autre que couame influencé par l’homophonie avec couenne (qui comme on le sait se prononce couane),

COUARE, COIRE, s. f., terme de boucherie. — Un morceau de coire, Morceau de la cuisse de bœuf, en dehors, séparé du filet par le pendant de filet. — De coua (coda), à cause du voisinage de la queue. En Languedoc, le coual est une pièce de mouton où la queue tient. Couare est pour couard = coual = caudalis.

COUBLE, s. m. — 1. Voiture attelée de deux bêtes de front.

2. Le couple formé par ces deux bêtes. — De copulum.

3. s. f. — Sorte de vaste filet aux bords duquel sont suspendues des balles de plomb pour le faire aller à fond. — De copula, au sens de lien, chaîne.

COUCHER. — Il faut coucher sous la pendule. C’était le dicton favori de mon père. Maxime de négociant lyonnais pour dire qu’il faut soigner l’heure, afin de ne pas manquer l’échéance.

Je vais me coucher pour te plaindre. Pour autant que, dans cette position, on plaint les autres plus agréablement. Dicton que l’on ne faut pas à répéter à tous ceux qui se plaignent de maux sans importance.

Si tu n’es pas plus sage, je te ferai coucher ce soir les pieds nus et la têtee sur le chevet ! Punition redoutable dont on menace les enfants, et dont l’idée, vague pour eux, ne laisse pas de les impressionner fortement. Quoique ça, je ne m’y laissais pas prendre.

COUDE. — Huile de coude. La maîtresse de maison : Marie, les grollons de Monsieur ne brillent rien. — Madame, c’est le cirage qu’est mauvais. — C’est pas le cirage qu’est mauvais comme l’huile de coude que manque. — Je connaissais un grand-père qui donnait sa bénédiction à son petit-fils le jour de ses noces : Attention, te sais ! Faut de l’huile de coude !

Avoir mal aux coudes, Être paresseux, mollasse.

Lever le coude, Être fort pour la chopination.

Ne pas se moucher du coude. Se dit de quelqu’un d’énergique, d’intelligent, qui ne se laisse pas facilement monter sur les arpions. Napoléon Ier ne se mouchait pas du coude. Napoléon III en avait son plein coude.

COUDIÈRE. s. f. — C’est ce qu’à Paris ils nomment assez improprement appui de fenêtre, car il semble que c’est la fenêtre qui s’appuie, tandis que chez nous on voit tout de suite que ce sont les coudes.

COUDRE. — Coudre comme un curé. Se dit d’une ouvrière qui ne coud pas aussi bien que peignait Raphaël.

COUENNE. Voy. couane.

COUET, ETTE, adj. — Penaud, honteux. La Zoé, la compagnonne, s’était mariée avec Jean Miel, le compagnon. Elle disait à sa bargeoise : Mame Chipotot, figurez-vous que ce pauvre Jean Miel est resté tout couet !La bargeoise : C’est extraordinaire, j’aurais jamais cru !… — De quietum.

COUETTE, COITE, s. f. — 1. Couverture piquée. — Français couette, aujourd’hui presque inconnu, qui signifiait matelas de plume. De matelas le sens a passé à couverture.

2. Petite queue. — De cauda.

COUFLE, COUFLETTE, adj. — Gonflé, plein, rempli. Un bon mari, après dîner : T’esses fatiguée des fiageôles ? — Non, mais je suis coufle. — Adj. verbal de conflare.

COUGNASSE, s. f. — Superlatif de cougne. Tout ce qu’il y a de mieux en fait de cougne.

COUGNASSER, v. n. — Superlatif de cougner.

COUGNE, CÔGNE, s. m. — Mendiant, spécialement mendiant plaignard. — Subst. verbal de cougner.

COUGNER, v. n. — Mendier de façon plaintive, en gémissant. — Probablem. couiner avec mouillement de la nasale : couigner, cougner.

COUINER, v. n. — Pousser le cri étouffé d’une personne qu’on étrangle. Figure-toi qu’hier, en mangeant un œuf, j’y ai trouvé le petit poulet dedans. — Et te l’as laissé ? — Il a ben couiné, mais a ben fallu qu’i passe ! — Les formes de divers dialectes montrent que couiner est une onomatopée du cri des petits porcs.

COULANT. — Coulant de serviette. À Paris, ils l’appellent rond de serviette, ce qui n’est pas plus français et n’est pas intelligible. — De couler. Compt. colan.

COULER. — Couler la lessive, Faire passer le lissieu au travers du charri.

Se la couler douce et heureuse. Sous-entendu vie.

COULEUR. — Couleur de ménage. Se dit d’une belle couleur jaune canari. Une robe couleur de ménage… Il a la figure couleur de ménage, Il a la jaunisse.

COULEUSE, s. f. — Femme qui coule la lessive.

COULOIR, s. m. — Vaisseau en tôle sur plan rond, et formant par conséquent un cylindre. La partie supérieure est tronquée en sifflet, ce qui lui fait un bec. Il est muni d’une ansière mobile en haut, et d’une poignée fixe sur le côté. On y met du menu, qu’on jette sur le foyer en tenant le couloir par l’anse et la manette. Ustensile très apprécié de nos ménagères.

COUP, s. m. — Fois. Le premier coup qu’i pleuvra, nous aurons les fraicheurs. L’acception est ancienne. « Ayant prouvé, par bons et valides arguments, que c’estoit à ce coup que tout iroit bien, » dit la Satire Ménippée. — De colaphus, coup de poing. Un coup de poing devenir une fois, la dérivation de sens est tout de même extraordinaire.

Un mauvais coup, Un coup qui tue ou estropie. La bonne Mme X… détournait son mari de la candidature à la députation. Elle avait peur qu’à la Chambre, dans les discussions, « il n’attrapât quelque mauvais coup ».

Être là pour un coup, Être là pour une aide, un coup de main.

Donner coup. Se dit d’un mur qui cède. — Figurém. Il a donné coup, Sa santé est atteinte dans les forces vives. L’expression est singulière, car un étranger traduirait avec son dictionnaire : « cette maison a donné coup », par : « cette maison a frappé. »

Tenir coup, Résister. C’est le contraire de donner coup.

Donner un coup de pied chez quelqu’un, Y faire un saut, rien qu’aller et revenir.

Être aux cent coups, Ne savoir plus où on en est. Être atterré. Le Denis, quand il a perdu sa fène, ça lui a pas ôté son diner, mais quand il a perdu son cabot, il était aux cent coups.

Faire les cent dix-neuf coups, Faire toute espèce de folies, de bêtises, etc. I se sont fiôlés à la vogue de Messimy. I n’ont fait les cent dix-neuf coups ! Pourquoi juste cent dix-neuf ? Je n’en sais rien. Mais si vous disiez qu’ils ont fait les cent vingt coups, personne ne vous comprendrait.

Un coup de sang, Une remontée de sang.

Un coup de froid, Saisissement du froid qui cause une maladie, une indisposition. Coup d’air est français, mais coup de froid ne l’est pas. Ô grammaire ?

Battre un coup sur la caisse et un coup sur le tambour, Ménager la chèvre et le chou.

Coup de pied au Cheval de Bronze, Cuir, Donner des coups de pied au Cheval de Bronze, Faire des cuirs. Origine obscure. Je ne vois d’autre analogie possible, sinon que, lorsqu’on donne au réel des coups de pied au Cheval de Bronze, on se fait mal au pied, et lorsqu’on en donne au français, on fait tort à ses connaissances.

Donner (ou recevoir) un coup de pied dans le bas de la Grand’Côte. Voy. bas.

Valoir le coup, Valoir la peine. Se dit d’une chose qui, sans être bien extraordinaire, n’est pas sans quelque valeur. Avez-vous lu les poésies de Cuchonnet ? Est-ce bon ? — Heu, heu, ce n’est pas du Victor Hugo, Mais enfin ça vaut le coup. (N. B. Éviter de le dire en parlant des äames.)

Coup d’hasard. Pittoresque expression, pour Enfant né hors mariage.

Coup, terme de canuserie, Passage d’un fil de trame. Cette armure se fait en sept coups, littéralement en sept coups de battant.

Le premier coup, le second coup, le dernier coup, ou, plus simplement, le premier, le second, etc., Sonnerie successive des cloches pour inviter les fidèles à la messe du dimanche. Je connaissais un architecte qui était un dimanche matin en Beaujolais dans le château d’un client. On lui avait donné la chambre contiguë à celle de Monsieur et Madame. Je ne sais ce qu’ils tarabâtaient, mais j’entendis la voix de Madame : Allons, Monsieur, dépêchez-vous, voilà le dernier qui sonne !

COUPE. — Avoir bonne coupe, mauvaise coupe, Avoir bonne façon, mauvaise façon. — Extension du mot coupe au sens des tailleurs.

Une coupe foireuse. Se dit, au jeu de cartes, d’une coupe qui n’est pas nette et laisse mêler les cartes.

La politesse exige que lorsque quelqu’un coupe de cette façon vous lui disiez ce proverbe spirituel : Qui coupe foireux retourne merdeux.

COUPER. — Couper son eau. M. Fumeron debout contre un mur, le dos tourné à la rue. De la main gauche, il avance soigneusement le pan de sa redingote. Passe Mme Mignotet. M. Fumeron : Bien le bonjoû, mame Mignotet ! Cusez si je coupe pas mon eau, mais on dit comme ça que ça fait beaucoup du mal.Mme Mignotet : Faites pas attention, mecieu Fumeron. C’est assez connu par tous nos anciens qui faut jamais couper son eau. Bien le bonjoû à Mame Fumeron (elle continue son chemin). — M. Fumeron, se repentant d’avoir oublié la politesse : Mame Mignotet ! (elle se retourne). Cusez si je vous quitte pas mon chapeau ; j’ai les deux mains occupées.Mme Mignotet : Vous faites pas de mauvais sang, mecieu Fumeron. C’est pas votre faute. C’est pas comme nous que ça se fait tout seul. Hi, hi, hi !

COUPERON, s. m. — Couperet dont la cuisinière se sert pour couper les viandes sur la planche à hacher.

COUPILLER, v. a. — Fréquentatif et diminutif de couper. J’ai remarqué qu’au palais, les avocats et les procureurs avaient tout coupillé la barre devant laquelle ils plaident.

Il n’a pas été coupé en bonne lune. Se dit d’un pauvre diable qui n’a pas de chance. — On sait que le bois coupé en mauvaise lune s’artisonne tout de suite. Mais ici, pour l’exactitude, il faudrait semé au lieu de coupé.

COUPON, s..m. — Saladier. Oncques à la maison ne dit-on autrement, toutes et quantes fois qu’il s’agissait de faire la salade : Coco, fais-moi passer le coupon (Coco, c’était moi) ; Lustucru, va à la cuisine chercher le coupon (Lustucru, c’était moi) ; Allons bon ! voilà le coupon qu’est berchu ! Un jour une dame me racontait combien sa fille était bonne nourrice : Monsieur, elle te vous a des nénets que chacun ferait un plein coupon ! — Comme bien s’accorde, de coupe.

COURATER, v. n. — Sortir constamment. Courir sans cesse de côté et d’autre. Eh ben, Mame Gringrignôte, où don qu’est le Jirôme ? — Vous savez ben qu’i ne fait que courater toute la sainte journée. On peut pas en jouir ! Se prend quelquefois dans le sens de courir le sexe. Et le Tonius ? — Oh ! c’est pas méchant, mais ça courate un peu. — C’est la force du bois. Vieux franç. courrater, faire le métier de courtier, dont nous avons dévié le sens, en y voyant à tort un fréquentatif de courir.

COURATERIE, s. f. — Action de courater.

COURATIER, ÈRE, s. — Quelqu’un qui courate, dans l’un ou l’autre sens. C’te Jeanne, ton amie, c’est une couratière ! — Oh ! pet-on bien ! — À preuve qu’on l’a vue avè z’un houzard. — Oh ! pet-on bien ! C’était z’un dragon.

COURATIER-PÉLERIN, s. m. — Se dit de ceux qui ont la dévotion de saint Trottin, qui courent sans cesse aux pélerinages, etc.

COURGE, s. 1. — Courle. Mot français, mais absolument inusité. Dont vient que les Parisiens disent toujours potiron, et ont même un imperceptible mouvement d’épaules quand ils nous entendent dire courge. C’est la cause pourquoi, manquablement, la Cuisinière bourgeoise dit : « Courge, voyez potiron. » En retour, le Bon jardinier, qui est moins stylé, dit : « Potiron, voyez courge. » — De cucurbica pour cucurbita.

COURGE-BOUTEILLE, COURLE-BOUTEILLE, s. f. — « Petite courge, dit le savant du Pinet, dans son Histoire naturelle, qui a aulcuns rapports de ressemblance avecques un vieil teton. » Une fois vidée des graines par le goulot, et convenablement affranchie, elle sert de bouteille pour les liquides.

COURIR. — Courir tant qu’on a de jambes, Courir à toute vitesse, jusqu’à ce que, les jambes étant usées, on finisse par ne plus courir que sur les moignons.

Courir comme un rat empoisonné. Dicton inexact. J’ai vu des rats empoisonnés. Ils marchaient à peine, titubant comme s’ils avaient trop bu.

COURIRAI, AS, A, etc. Futur du v. courir. — Si les bleus viennent, nous courirons. Analogie avec maigrir, maigrirai ; guérir guérirai, etc.

COURLE, s. f. — Courge. — De cucurbita, par l’intermédiaire provençal cougourda, avec un changement insolite de d en l.

COURONNE, s.f. — 1. Couronne de pain, Pain qui a la forme d’une couronne.

2. Couronne de mitron, Rond en forme de couronne, d’une grandeur telle qu’il tienne sur la tête, garni de bourre et communément recouvert de morceaux de velours de diverses couleurs, taillés en triangle, ce qui fait un très joli effet. Le mitron met la couronne sur sa tête, à seule fin que la paillasse, lourde de pains, ne lui offense pas la bosse du crâne.

3. Couronne de comptable, Rond de cuir sur lequel s’asseoient les personnes qui ont le cœur sensible. Quelques incongrus disent couronne à fessier, mais cette expression ne serait tolérée qu’à la tribune, dans une réunion publique.

COURSE, s. m., terme de canuserie. — Voy. sous marquer.

Course (pour cours), s. m., terme de canuserie, Subdivision des fils de la chaîne dans le remettage (voy. ce mot).

De course, loc. ad. Vivement, promptement. M. Trancanoir m’y a dit : « Père Lantimèche, faut me faire cette pièce de course. » De course est pour à la course.

COURSIÈRE, s. f. — Sentier qui coupant d’un lacet d’une route en pente à un autre, permet d’abréger le chemin. — Non de course, mais du vieux franc. acorcier, raccourcir.

COURT-BOUILLONNÉ. — Visage court-bouillonné. Image aimable pour un visage couperosé.

COURTEROLLE, s. f. — Grillo talpa vulgaris, courtilière. — Du vieux franç. courtil, jardin, avec le suffixe olle. On a donc eu courtillole, devenu courterolle.

COURTET, ETTE, adj. — Tout petit, ite. Diminutif de court.

COURTIAUD, AUDE, adj. — Forme francisée de cortiaud.

COUTEAU. — Couteau de miel, Gâteau de miel. Le bon Humbert y voit le figuré de rayon de miel, mais il faut une grande puissance dans la création des métaphores pour figurer un rayon de miel par un couteau. La vérité, c’est que couteau représente ici culcitellum, de culcita, couche.

Couteau à trouillée, Sorte d’énorme couperet qui sert, lorsqu’on tire le vin, à couper de la trouillée tout ce qui déborde le manteau.

COUVENT. — Le Couvent de saint Joset, quatre pantoufles sous le lit. C’est le saint état de mariage. Un jour, un ecclésiastique rabaissait si vivement l’état du mariage comparé à la virginité en présence de ma grand-mère, Mme Durafor, que celle-ci, piquée, lui dit : « Mousieur l’abbé, j’ai vu dans l’Évangile que Notre-Seigneur avait assisté à des noces ; je n’y ai pas vu qu’il eût assisté à une prise d’habit. »

Le Couvent de saint Benoît, on se couche deux, on se lève trois. Même sens. Un de mes oncles de Mornant avait une petite fille qui disait toujours qu’elle voulait se faire religieuse. — Oui, ma fille, répondait le bonhomme, je te mettrai au couvent de saint Benoît. — C’est ça, papa, ce doit être un joli couvent ! — Elle n’a pas manqué d’y entrer, et elle a si bien observé la règle, qu’elle a eu dix enfants.

COUVERCLE. — Il n’est si vilain pot qui ne trouve son couvercle, Il n’est si laide fille qui ne trouve à se marier.

Cf. Regnier :

Il n’est si décrépite
Qui ne trouve en payant couvercle à sa marmite.

COUVERT, s. m. — 1. Garniture de table à manger. — Mettre le couvert ; ce qui couvre la table.

2. Un cuiller et une fourchette. C’est un dérivé du sens 1.

Les vieux Lyonnais appelaient la réunion de la cuiller et de la fourchette un service et non un couvert. On dit, du reste, un service à découper et non un couvert.

3. Toit, toiture. On le trouve déjà dans ce sens dans un acte de 1518.

Adj. — Un homme bien couvert, Un homme bien floupé.

COUVERTE, s. f. — 1. Couverture. Molard n’a point failli à écrire : « Couverte, dites couverture. » Pourtant Regnier avait dit :

Un garde-robe gras servait de pavillon ;
De couverte un rideau…

Contradiction du langage ! couverte n’est point ici la chose couverte, mais la chose couvrante. Il en va du reste exactement de même avec découverte. Si les grammairiens avaient quelque logique, de même qu’ils disent la couverture du lit, ils devraient dire la découverture de l’Amérique.

2. Terme de construction, Pierre taillée ou pièce de bois placée sur une baie pour la couvrir horizontalement.

COUVERTINE, s. f., terme de construction. — Dalle plate ou bombée, servant à couronner un mur.

COUVET, s. m. — Pot de terre dans lequel on met de la braise pour servir de chauffe-pieds. Ce n’est point, comme l’a cru Littré, un dérivé de couver. C’est un dérivé de chauffer, de calefare, comme l’indique la forme provençale caufet.

Faire couvet. C’est quand une femme s’asseoit devant le feu en écartant les jambes et en troussant sa cotte, pour que le feu la réchauffe bien sous ses vêtements. On appelle aussi cela Faire la petite chapelle, expression qui me semble singu-lière, car j’ignore quel saint on y peut honorer.

COUVRE-AMOUR, s. m. — Chapeau. La comtesse : Vous cherchez votre couvre-amour, marquis, il est resté dans l’antichambre. Baptiste, allez chercher le couvre-amour de M. le marquis.Baptiste : Madame la comtesse, il n’y a que le bugne de M. le comte.La comtesse : Ah, pardon, marquis ! j’étais assise dessus ; le voilà. Ça l’a un petit peu cabossé.

COUVRE-ARÇONS, s. m. — Morceau de lustrine, verte communément, que l’on met par-dessus les arçons. Les ballouffières, les couvre-arçons, les béguis, les corsets, les flênes, etc., font toujours partie du trousseau que l’on remet à la nourrice.

COUVRE-PLAT, s. m. — 1. Vaste cône tronqué de ferblanc, très aplati, que l’on place sur les plats et les casseroles. Ce n’est pas du tout, comme le croit Molard, la même chose qu’un couvercle. Le couvre-plat servait particulièrement à couvrir le rôti, lorsqu’on le rapportait de chez le boulanger chez qui on faisait cuire les rôtis et aussi les pièces de pâtisserie façonnées par la bourgeoise rapport à l’insuffisance des potagers de ménage.

Des oreilles comme des couvre-plat. Comparaison élégante et très employée pour dire de grandes oreilles.

2. Chapeau plat à grands rebords. Se dit parce qu’il a quelque analogie de forme avec un couvre-plat, mais aussi parce que, quel que soit le personnage qu’il couvre, il y a beaucoup de chances pour qu’il couvre un plat.

COUYON, s. m. — Benoît, mollasse, couâme, cogne-v…, etc. Ce mot n’a absolument rien chez nous du caractère déshonnête qu’on attribue, perait-il, au français coïon.

Un couyon de la lune, même sens. — Chacun sait que les femmes ont en partie toutes un quartier de lune dans la tête, sans compter les pêcheurs de lune, illustrés depuis peu par E. Rostand. Il résulte de toutes ces acceptions qu’on reporte à la lune l’influence de rêvasserie qu’on retrouve dans l’expression Il est toujours dans la lune pour désigner quelqu’un qui pense toujours à autre chose que ce dont il doit s’occuper dans le moment.

Quand je revins de nourrice, j’avais une bonne grosse face large, mais sans flamme. On me mène chez des amis pour me faire faire connaissance avec leur petite fille âgée de deux ou trois ans de plus que moi et qui béguait. Je la regardais intimidé. — Comment que tu le trouves, fit mon père ? — Je trou… trou… ve qu’il a l’air d’un tou… tou… touyon de la lune !

COUYONNADE, s. f. — 1. Gandoise.

2. Niaiserie. Dire des couyonnades, Dire des plaisanteries, des niaiseries. Ne s’entend nullement de dire des choses déshonnêtes.

Couyonnade en bâtons, Crème de niaiserie.

COUYONNE. — Mar-chand d’eau dé Couyonne ! C’était sur une mélopée triste et lamentable, que de pauvres traine-grolles, généralement très vieux, criaient ainsi par les rues la vente de l’eau de Cologne dans des fioles très minces, longues comme un crissin de chez Casati, et qu’on ne pouvait tenir autrement que couchées. Dire que de pauvres gens gagnaient ainsi leur pauvre vie, cela semble extraordinaire, car enfin l’eau de Cologne n’est pas une denrée à vente démocratique comme les courles. Il y a beau temps que les bazars ont tué les marchands d’eau dé Couyonne !

COUYONNER, v. n. — Plaisanter, railler, gausser. Vous dites que maintenant on se cause de Paris à Lyon ? Vous couyonnez !

Couyonner le service, Mal s’acquitter d’un office, d’une commission, d’un devoir. Te voilà marié, disait le père Carbouillon à son fils lo soir de ses noces, va pas couyonner le service !

COUZON. — Duel à l’épée de Couzon, Duel à coups de poing.

COUZONNAIRE, AISE. — Habitant, ante de Couzon. À Lyon, on appelle plus spécialement Couzonnaires les mariniers qui apportent la pierre de Couzon, dont tout Lyon est bati.

COVIN, s. m. — Piquette, second vin. — Cum vino.

COYAU, s. m. — Morceau de bois rapporté sur l’extrémité inférieure du chevron dans les toitures à forte pente et qui les fait se terminer agréablement par une courbe concave. On trouve déjà coiau au xive siècle. — De cauda, queue.

CRABOUILLER, ÉCRABOUILLER, v. a. — Écraser, réduire en capilotade. Quand mon grand-père était petit, mon arrière-grand-père, donc le passementier de la rue de l’Hôpital, l’envoya une fois acheter un quarteron d’abricots, bien mûrs. Mon grand-père, n’ayant pas de panier (ni de gilet), ouvre sa chemise à l’estomac, met les abricots dedans. Les abricots, par leur poids, petit à petit, tirent la chemise, la font passer par-dessus la ceinture, et les abricots dans le ruisseau. Mon grand-père veut les ramasser, il glisse, pouf ! et le voilà à plat ventre sur ses abricots, nageant à la grenouille. Si les abricots furent écrabouillés ! — Le petit gone fut obligé de les manger sur place. — Aussi mon grand-père, dans sa vieillesse, recommandait-il à ses petits-enfants de ne jamais aller acheter d’abricots sans avoir bien serré la ceinture de leurs culottes. — Vieux franç. escharbouiller, de carbuculare.

CRACHAT. — Se noyer dans son crachat. Se dit de quelqu’un qui se fait des monstres des moindres difficultés. Le grand Ampère écrivait : « L’état de mon esprit est singulier ; je suis comme un homme qui se noierait dans son crachat, et qui chercherait inutilement une branche pour s’accrocher. » — J’ai remarqué que, de tous les défauts, c’est celui sur lequel la volonté a le moins de prise.

CRACHÉ. — C’est son père tout craché. La plupart du monde emploient un autre mot que craché, mais il faut avoir de la distinction. Un jour, place Bellecour, je rencontre Mme ***, tenant par la main un enfant. Moi, tout de suite, selon la politesse : Oh, comme votre mami est drôle ! C’est votre homme tout craché ! — Comment, reprit la dame, furieuse, vous trouvez qu’il ressemble à mon mari ! C’est l’enfant d’une de mes amies !

CRACHER. — Cracher en l’air pour qu’il vous retombe sur le nez, Accomplir une action, une vengeance inutile et qui peut vous être nuisible. La Dodon : Je veux plus aller avec la Catherine.La Jeanne : À cause ?La Dodon : Te sais pôs qu’a va faire un pet à vingt ongles ?La Jeanne : B… de sampille !La Grand’, sur ses anilles, qui a de l’expérience : Crachez pas tant en l’air, que pourrait vous retomber sur le nez !

Cracher au bassinet. Voy. bassinet.

Faut cracher dessus et prier le bon Dieu que ça gèle. C’est ce qu’on dit aux enfants quand ils ont cassé une assiette et qu’ils en rapprochent les morceaux. (N. B. Le dicton ne dispense pas de la patte mouillée ou du robinet.)

CRACOVIE. — Te vois pas qu’i revient de Cracovie, Qu’il dit des mensonges. Jeu de mots sur craque.

CRAILLON, s. m. — Crachat. Mais, parlant par respect, crachat particulier, horrible, ostréiforme. L’onomatopée, très différente de celle de cramiau, indique de grands efforts pour l’expulsion ; tandis que cramiau, ça file tout seul. Il n’y a que le lyonnais pour avoir de ces nuances. — - German. hraki, auquel nous avons appondu un ignoble suffixe aillon : Comp. tripaillon, penaillon, graillon, ete.

CRAINDRE. — Craindre quelque chose, Ne pas l’aimer. Ne pas craindre une chose, L’aimer, sans l’aimer passionnément. La maîtresse de maison, tendant un plat : M. Oscar, aimez-vous les viédazes ? — Merci, Madame, je ne les crains pas.

Ne pas craindre quelqu’un, Ne pas avoir peur qu’il vous communique du mal. La demoiselle de la maison au charbonnier qui a monté une benne de malborough : Allons, buvez un coup. Voilà un verre, mais j’ai bu dedans, je vas vous en chercher un autre. — Oh, Mademoiselle, pas besoin, je vous crains pas ! Ce n’en serait pas moins imprudent de boire comme cela dans le verre de toutes les demoiselles.

Une étoffe, une robe qui craint. — Entre deux dames : Vous avez une bien jolie robe ! — C’est vrai ; dommage que ce soye une étoffe qui craigne tant ! — Nous avons en partie toutes les jolies couleurs qui craignent.

CRAMAILLER, ÉCRAMAILLER, v. a — Écraser, écrabouiller. Il a reçu un coup de poing qui lui a tout cramaillé le nez. — D’un radical carp (carpere) et de mailler, en vieux français frapper avec un maillet, un marteau.

CRAMIAU, s. m. — Parlant par respect, Crachat. — Un Lyonnais reçoit un Marseillais. Salon scrupuleusement ciré. Le Marseillais : Il fume et envoie un cramiau splendide sur le parquet. — Le Lyonnais : Il a l’air inquiet et pousse timidement du pied un crachoir. — Le Marseillais : Il refume et envoie un recramiau. — Le Lyonnais : Il a l’air de plus en plus mal à l’aise, et avance un peu plus le crachoir. — Le Marseillais : Il rerefume et envoie un rerecramiau. — Le Lyonnais, agité : Il pousse le crachoir un peu précipitamment et heurte légèrement la cheville du Marseillais. — Le Marseillais, impatienté : Ah ça, mon cer, si vous me poussez encore une fois votre boîte dans les zambes, ze vous préviens que ze crace dedans ! — Onomatopée fabriquée sur le radical de cracher.

CRAPAUD, s. m. — 1. Petit chariot à roues très basses, qui sert à transporter les matériaux dans un chantier. Les objets qui portent ont pris en général le nom d’animaux (voy. cayon). Ici la comparaison est d’autant plus frappante que le chariot est bas et avance avec lenteur.

2. Terme de canuserie, Défaut de fabrication dans une étoffe. Il se produit lorsque quelque maille du remisse est cassée, et que le fil n’obéissant plus à la lève ou à la baisse des lisses, la trame passe par-dessus ou par dessous, ou par quelque autre raison de ce genre. Avec une très grande bonne volonté, complétée par une très grande imagination, l’on peut y voir l’image d’un crapaud.

Chargé d’argent comme un crapaud de plumes. Voy. chargé.

CRAPPE, s. f. — Marc du raisin. Du vin de la crappe, Vin des dernières pressées.

CRAQUANT, s. m. — Lorsque vous achetez des souliers, ne faillez point à vous y faire mettre par le cordonnier un peu de craquant, dût-il vous en coûter quelque chose de plus. Il n’y a rien qui achatisse les bôyes comme des souliers qui craquent. On voit tout de suite que vous êtes un homme distingué.

CRAQUE, s. f. — Gandin, colle, surtout dans le sens d’exagération, de gasconnade. — Subst. verbal de craquer.

CRAQUER, v. n. — Faire des craques, battre des colles. C’est le fig. de craquer, faire du bruit, d’où faire le vantard.

CRAQUEUR, EUSE, s. — Celui ou celle qui fait des craques. Une vieille chanson lyonnaise dit :

Tu me disais que tu m’aimais,
Menteuse,
Craqueuse,
Tu me disais que tu m’aimais,
C’est un’ carott’ que tu m’ tirais !

CRAQUELIN, s. m. — Sorte de gâteau sec, sans beurre, avec force blancs d’œufs. Il est en forme de couronne, avec de petites cornes de temps en temps, comme une couronne d’épines aimable. Quelques-uns le nomment gâteau à l’eau. C’est, me dit-on, l’échaudé parisien, avec cette différence que l’échaudé a la forme d’une barquette. Nourriture favorite des canaris. — Diminutif de craquelle, sorte de vieille pâtisserie lyonnaise. En 1573, Lyon fut menacé de la famine. Le 1er mai, le Consulat ordonna qu’on irait prier M. le Gouverneur de « faire défense aux boulangers, pâtissiers et autres de la Ville, de cuyre aulcunes miches, tartres, radisses, saffranées, pastez, bugnes, chaudellets, cachemuseaulx, craquelles, et autres semblables sortes de pâtisseries où il se consomme grande quantité de farine passée, pendant trois mois prochains, sous peine de grosse amende arbitraire. » — Craquelle, de craquer, indubitablement.

Avoir ses bas en craquelins, Les avoir en façon de colonnes torses, faute de les retenir par des ficelles. Une dame qui a toujours ses bas en craquelins n’est pas donnée comme un modèle de femme soigneuse, généralement parlant.

CRAS. — Être à cras, Être à toute extrémité. Le marchand, quand il va déposer son bilan, l’homme quand il va mourir, sont à cras. En 1870, la France était à cras. O Navis, referent in mare te novi fluctus ! — Subst. verbal d’écraser.

CRASE, s. f. — Ravin, creux de terrain. Passe don pas dans la crase, y a de gabouille. — De corrosa. La forme crase a été facilitée par l’influence de rase, creux, fossé.

CRASSE, s. f. — Faire une crasse, Manquer de magnificence dans quelque circonstance. Un bonhomme, chaque samedi, donnait une pièce blanche à un pauvre. Vint un jour que le bonhomme, faute de pièce blanche, donna du billon. Le pauvre fit son compte : il y manquait un sou. Ce cochon-là m’a fait une crasse ! faisait le pauvre avec indignation. — Subst. verbal de l’inusité crasser, faire acte de crasseux au sens d’avare, les avares étant généralement malpropres.

Crasse de beurre. Voy. beurre.

CRASSE, s. m. — Chapeau. Hortensia, faut que j’aille chez le préfet : porte-moi mon panneau, ma cravate blanche et mon crasse ! — Se dit surtout d’un chapeau monté, quelquefois d’un chapeau melon, mais jamais d’un chapeau de paille. On dirait alors : « Donne-moi mon chapeau d’ânier ! »

CRÈCHE, s. f. — Nom donné à Lyon à des représentations du mystère de le Nativité au moyen de marionnettes suspendues par des fils. Ces représentations étaient destinées aux enfants.

CRÊME. — Bonnet de crême. Voy. Bonnet.

CRÊMER, v. n. — Se dit de l’eau quand il ne gêle pas assez pour que les aiguilles de glace se soudent. Ô Madame, s’écriait un amoureux de ma connaissance, vous êtes de glace pour moi ! — Non, je crême seulement, répondit la dame. Il me semble que cela laissait quelque espoir. — On dit aussi quelquefois crêper, parce que la surface de l’eau est alors rugueuse comme un crêpe.

CRÉNEAU, s. m. — Sorte de grande cage sans fond, composée de quatre cerceaux (habituellement faits avec des cercles de tonneaux), reliés entre eux par un filet à très larges mailles. Cela fait une manière de cloche sous laquelle on met les poulets lorsqu’on veut qu’ils soient en plein air, et qu’ils ne vaguent pas. — Peut-être d’un radical celtique qu’on trouve dans tous les dialectes avec la signification de chose qui recouvre, sous les formes cren, crwn, cron, cruin.

CRÊPER. Voy. sous crêmer.

CRESSURES, s. f. pl. — Douleurs dans les membres qu’éprouvent les enfants et que le populaire attribue à la croissance des os. — Fait sur cressu, participe du vieux lyonn. creitre, croître.

CREST (crè), s. m. — Sommet d’une montagne. — De crista, crête.

CREUX, s. m. — Voix. « Comme elle chantait à vêpres et à complies ! Elle vous avait un creux ! i fallait voir ce creux ! » (Oraison funéraire.) — Pour nous la voix ne sort pas du larynx, mais du creux de la poitrine. C’est d’ailleurs bien plus naturel.

CRÈVE, s. f. — Avoir la crève, Avoir une maladie dont on croit mourir. — Subst. verbal de crever.

CRÈVE-FAIM, s. m. — Terme méprisant pour un homme incapable de travailler et qui ne sait que croupir dans la misère. — Contraction de crève-de-faim.

CREVOGNÉ, ÉE, adj. — Fatigué, abattu. Le Docteur : Madame la duchesse, que se sent-elle ? — Ah, docteur, je suis toute crevognée ce matin. — Dormez-vous ? — Oui. — Digérez-vous ? — Oui. — Allez-vous bien à la selle ? — Oui. — Allons, allons, tranquillisez-vous, nous allons vous faire passer tout cela.

CRIER. — Crier quelqu’un. En partie toutes les femmes crient leurs maris du matin au soir, c’est-à-dire les grondent, les bourrent, les scient, les sèchent, les tourmentent, les agacent, les énervent, les tamponnent, les horripilent, etc., etc. Les domestiques non plus n’aiment pas qu’on les crie sans cesse, mais eux ils peuvent s’en aller.

CRIMER, v. a. et n. — Se dit des objets qui brûlent sans flamme. Le lait a crimé au fond du pot… J’ai crimé ma robe au poêle. — Probablement corruption de rimer, même sens, sous l’influence de cremare, patois crémé.

CRINSER, v. a. et n. — Se dit des objets qui brûlent sans flamme et en se crispant. La femme, en entrant : Comme i sent la corne brûlée !Le mari : C’est moi qui m’ai crinsé les cheveux. On dira encore : Fais don attention ! te vas crinser tes bamboches en te chauffant les clapotons ! — Vieux français crincier, crainser, se crisper ; de crin, comme crincier, tamiser. Le mot est assez répandu pour que je lise dans le Salut Public du 15 février 1874 : « Jusqu’à ces derniers froids l’extrémité seule de leurs rameaux (des eucalyptus) avait été crainsie. » — Quelques-uns disent grincer.

CRIQUE, s. f. — Usité seulement dans cette locution : Que la crique me croque ! manière de dire : « Que le diable m’emporte ! » mais plus convenable. Mame Potachier, une femme vartueuse ! elle a de la vartu comme vous et moi ! Si son mari entre en paradis sans se baisser, je veux bien que la crique me croque ! C’est ce que Mme Catinet, notre voisine, disait un jour à mon bargeois. Le bargeois, lui, avait une façon encore plus honnête de jurer. « Si c’est pas vrai, disait-il souvent, je veux bien que la carcasse d’un poulet m’entre dans le ventre ! » — Sur le point de savoir ce que c’est que la crique, adressez-vous à ceux qui ont fait leurs classes.

CRISSIN, s. m. — Pain au lait, extrêmement long et mince, très craquant, importé d’Italie : génois grissin. Mais j’ignore l’origine de ce dernier.

CRISTAUX, s. m. sing. — Cristaux de soude qu’on fait dissoudre pour blanchir le linge. La maîtresse de maison : Glaudia, pourquoi-t’est-ce que ce linge est si mal lavé ?La bonne : Madame, c’est des cochonneries, que ça ne partira qu’avec du cristaux.La dame : Oui, mais faites votre cristaux pas trop fort, pour ne pas manger le linge.

CRISTELLES, s. f. pl. — Terme de canuserie. — Cordelettes serrées sur le lisseron et auxquelles les mailles composant une lisse sont arrêtées, pour maintenir l’écartement des mailles entre elles dans la largeur voulue. Je. suppose qu’en italien l’objet doit s’appeler crestella. Sinon, on a dû former le mot par analogie avec l’italien crestella (de crista), bordure du peigne, laquelle recouvre le plomb de la soudure des dents.

CROQ, s. m. — Escroc. Croc est la vieille forme lyonnaise, signalée par Molard, et depuis lors tombée en désuétude. Nous ne disons plus guère : C’est un croc ; malheureusement, il y en a plus que jamais.

CROCHET, s. m. — 1. Instrument pour peser. C’est proprement une romaine. L’instrument étant muni d’un crochet pour y suspendre l’objet à peser, la partie a donné le nom au tout. Du temps de nos grand’mères, il n’y avait pas un ménage où il n’y eût un crochet, à seul fin d’éviter d’être refait au même par le marchand.

2. Os au-dessus du creux de l’estomac. Nous l’appelons crochet, parce que tout le monde sait qu’il fait le crochet et que c’est à cet os qu’est appondu le gigier ou estomac. Aussi rien de si mauvais que de se décrocher l’estomac. C’est des fois de misère, des fois une forçure, mais c’est très mauvais. Les médecins n’y entendent rien, mais M. Chrétien avait de remèdes pour le recrocheter, notamment « le remède que nous portons tous avec nous ».

3. Organe de la Jacquard. Les crochets sont des aiguilles verticales recourbées aux deux extrémités. Le croc inférieur supporte le collet (voy. ce mot). Le mouvement de la mécanique enlève le crochet par son croc supérieur ; et le crochet, par son croc inférieur, enlève le collet et les branches d’arcades (voy. ce mot) qui y sont appendues. Il y a aujourd’hui des mécaniques jusqu’en 1100 crochets et peut-être plus.

4. Harnais du métier de canut. C’est une règle de bois, aussi longue que la chaine est large, munie de crochets d’un côté et à laquelle sont attachées des cordes qu’on nomme cordes à encorder. Lorsqu’une pièce touche à sa fin, et que le compasteur quitte le rouleau de derrière, on accroche les crochets au compasteur en les faisant passer entre les fils et on enroule les cordes sur le rouleau de derrière. Les cordes, en se déroulant, permettent de conduire le compasteur jusque derrière le remisse, et de ne rien perdre de la chaine.

CROIRE. — S’en croire. Être vaniteux, s’imaginer qu’on est le premier moutardier du pape ; on dit aujourd’hui à l’Académie « se gober ». Je connaissais un brave infirmier dans un hospice, qui était chargé, parlant par respect, de faire chauffer les lavements. Comme il était soigneux et intelligent, il fut appelé à la fonction supérieure de les donner. Ainsi que le faisait judicieusement remarquer un de ses collègues, ce n’était pas une raison pour son épouse de s’en croire tant comme elle s’en croyait.

Ce n’est pas de croire, Ce n’est pas croyable.

Faut croire. Formule d’assentiment très usitée. Chavasse est-i venu ? — Non, — Manquablement il aura reçu une pièce. — Faut croire.

CROISSANT, s. m. — 1. Faucille de moissonneur.

2. Serpe emmanchée à un long bâton pour élaguer les arbres. — De la forme en croissant de lune.

3. Crochet en cuivre placé horizontalement de chaque côté d’un intérieur de cheminée pour retenir la pelle et les pinces. — De la forme, qu’avec de la bonne volonté, on peut comparer à un croissant exagéré.

CROIX. — C’est un usage pieux, conservé dans les vieilles familles, lorsqu’on entame un pain, de tracer une croix dessus avec le couteau.

Faire la croix dessus. 1. En finir avec une chose. Eh ben, père Fenassu, c’est-t-i vrai, ça qu’on dit, que vous courez toujours ? — Oh, y a beau temps que j’ai fait la croix dessus.

2. Se résigner à une perte. Et vos Lyon-et-Loire ? — Oh, je n’y pense plus, j’ai fait la croix dessus.

Ayez soin, quand vous serez à table, de ne pas mettre en croix deux couteaux ou bien votre couteau et votre fourchette. Cela porte infailliblement malheur. Il m’est arrivé de chagriner ainsi, faute d’attention, beaucoup de bonnes gens.

CROIX-DE-MALTE, s. f. — Lychnis chalcedonica, plante à fleurs d’un rouge éclatant, à pétales opposés, de manière à paraitre figurer une croix de Malte.

CROIX-PILE. — Se mettre à croix-pile, Se coucher à bouchon les bras et les jambes écartés. On est à pile, puisque le revers de la médaille est en l’air, et en même temps l’on est à croix, puisqu’on en a pris la forme. C’est très champêtre, dans un pré, pour faire son quart d’heure.

CROMPIRE, s. f. — Pomme de terre. — All. grundbirn ; holland. grondpeer. Introduit lors de l’invasion de 1815.

CROQUE, s. f. — Contusion ou petite blessure sur un endroit osseux. On a beau faire avec les mamis, les mettre dans des tintebiens, leur ajuster des bourrelets comme des couronnes de Guillaume III, c’est bien rare s’ils passent une demi-journée sans se faire une croque au front. — Radical de croquignole. Croquignole, pelite croque.

CROQUER. — Croquer un rhume de cerveau. Si vous avez ce désagrément, il faut bien vous graisser la racine du nez avec de la chandelle des six, le soir avant de vous coucher, et, pour que le rhume ne vous tombe pas sur la poitrine, vous mettre un bas de laine sale autour du cou. — Croquer, saisir avec un croc.

CROSSE, s. f. — 1. Béquille, anille. — D’un rad. croc qui se trouve dans le germanique et le celtique.

2. Terme de construction, Pierre de taille, mince et longue, posée debout, et alternant avec des pierres posées sur plat, qu’on nomme lancis, pour former le jambage d’une baie. — Je ne vois pas sous quelle influence a pu s’opérer cette déviation du sens primitif de crosse.

3. Terme de serrurerie, Clou forgé, très long, à section carrée, avec une tête oblongue, pour planter dans les murs (pas la tête, la pointe). — De la forme de la tête, qui lui donne une ressemblance avec crosse 1.

CROSSER, v. a. — 1. Bercer. Dans certaines de nos montagnes, on place le crosson sur un rayon à rebord, contre le lit conjugal. On y attache une corde, et du lit, la femme crosse le mami tant que dure dure. Mais, des fois, il y a des interruptions. — Terme emprunté au jeu de paume. Crosser, c’était lancer une paume avec une crosse. Crosser un berceau, c’est le faire aller et venir comme une paume.

2. Railler. Littéralement se jouer de quelqu’un comme d’une paume. L’argot parisien a balancer dans le même sens.

CROSSEUR, s. m. — Un railleur, un gausseur. Y avait à la vogue de Messimy un montreur qui disait qu’il montrait un cheval sans tête et une femme sans malice. Mais j’ai pas entré. J’ai bien vu que c’était un crosseur.

CROSSON, s. m. — Berceau. Le crosson est en planches et surtout usité à la campagne. À Lyon, on se sert de balles en osier.

CROTTU, USE, adj. — Marqué de petite vérole. Ça serait un bel homme, s’il avait pas le groin crottu. — De crupta (crypta), trou.

CROUPETON. — Se mettre à croupeton, Se mettre à cacaboson. On le trouve dans Villon. — De croupe.

CROUSTENDILLE, CRUSTENDELLE, s. f. — Cartilage. La croustendille de l’oreille, Le cartilage de l’oreille. Quand on mange un oreillon, il y en a qui aiment la croustendille, mais il faut toujours bien regarder auparavant si la cuisinière n’a pas oublier d’ôter le coton (pour le cas où le veau aurait eu des maux de dents). — Du vieux franç. crussir, craquer. L’introduction du t s’est produite sous l’influence de crusta, croûte.

CROÛTES. — Il est aux croûtes de son p’pa, Il vit aux dépens de son père. Être à ses croûtes, Vivre de son travail, être sorti d’apprentissage.

CRÛ, s. m. —- Excellent substantif, fait du verbe croître, — C’t enfant a fait son crû, Il a atteint toute sa croissance pour son âge. Molard, qui avait proscrit le mot, s’est sans doute aperçu qu’il était au dictionnaire de l’Académie, car il a disparu de l’édition de 1810.

CRUCIFIX. — Désargenté comme le crucifix de saint François. Se dit de quelqu’un qui manque de monnaie faute de grosses pièces. Le crucifix n’est pas celui de la riche paroisse de Saint-François-de-Sales, mais celui des frères Mineurs.

Il ferait noyer une barque de crucifix. Image énergique pour dire de quelqu’un qu’il porte bissêtre.

Ç’TUI, adj. dém. — Celui. Ç’tui qu’a éventé la vapeur n’équiait pas rien la moitié d’une bête ! On dit aussi Ç’tui-là pour Celui-là. « Et que, plus tard, devient le feu de l’enfer, et par conséquent cetuit-là de la mort. » (Calamitances.) — Vieux franç. cestuy, de ecce istui. « Cestuy là a fait caca dans nos paniers, » dit la Satire Ménippée.

CUCHON, s. m. — Tas, amas de matières quelconques, généralement de forme conique. Un cuchon de z’équevilles. Mon camarade Greluchard me disait un jour : Figure-toi qu’à la sortie de l’Alcazar, c’était bachique : y avait par terre un cuchon de masques qu’équiont soûls. — Vieux franç., cuche, même sens, d’origine inconnue.

CUILLER. — Tourner la cuiller autour du pot, Prendre des précautions oratoires. D’après La Rochefoucauld, l’amour platonique serait proprement le tour de la cuiller autour du pot.

CUINÉ, ÉE, adj. — Ruiné, perdu, qui est à cras. À l’écarté, abattant son jeu : Le roi et le point ; t’esses cuiné ! — Forme de couiné. Celui qui est cuiné est comme celui qui est couiné, c’est-à-dire qui a poussé son dernier cri.

CUIR. — Le cuir sera bon marché, les veaux s’étendent. Se dit amicalement à quelqu’un qui s’étire.

CUIRASSIER, s. m. — Celui qui fait des cuirs.

CUIRE, v. n. — Mettre à cuire, avoir affaire à forte partie, par suite de démarche ou attaque imprudente. (M. D.)

CUISON, s. f. — Cuisson, surtout dans le sens de douleur à la peau. Touche pas les chenilles, ça donne de cuisons.

CUISSE-FROIDE, s. f. — Se dit d’une personne qui n’a rien d’un volcan. Je demandais un jour à la bonne Mme du Poivre pourquoi elle ne mariait pas son aîné, qui était chez un marchand de mélasse. Que voulez-vous que je marie cette cuisse-froide ! me fit-elle avec un ton d’indicible mépris.

CUIVRE. — Eau de cuivre, Eau pour nettoyer les objets de cuivre. Métonymie simplifiante.

CUIVRER, v. a. — Donner de l’argent. Un jour, aux Célestins, l’acteur Huguet étant indisposé, le régisseur proposa au public d’échanger ses billets contre des billets pour une représentation ultérieure où jouerait l’acteur. Mais le parterre debout se révolta. Nous ons cuivré, criait-on de toutes parts, nous volons gin de papi !

CUIVRES. — Faire ses cuivres. C’est, pour nos ménagères, frotter tous les cuivres de l’appartement : tirages de sonnettes, boutons de porte, cadres de cheminée, croissants, etc., de manière à leur faire tirer les yeux. Dans un ménage bien ordonné, on ne faut jamais à faire ses cuivres tous les samedis. C’est une agréable plaisanterie de dire à quelqu’un qui s’est lavé le visage : On voit que c’est samedi, aujourd’hui ; tu as fait tes cuivres.

C… (parlant par respect, je le dis ici une fois pour toutes) — Avoir la v… du c… tournée. Voy. v….

Tourner le c… au pain, Agir contre ses intérêts. D’un candidat qui n’a pas voulu se faire radical, on dira : Il a tourné, etc.

Avoir le c… sur le visage, Avoir une mine florissante de santé.

Prendre son c… par l’oreille, S’en aller.

Se sauver sans prendre le temps de dire au c… de venir, Décaniller à toute vitesse.

Avoir l’esprit pointu comme le c… d’une bareille, Ne pas l’avoir très subtil.

Prendre son c… pour ses chausses, Se tromper lourdement. En effet l’erreur est forte.

Mettre une bareille à c…, La lever sur le fond.

Rencontrer c… à son nez, Rencontrer quelqu’un qui vous résiste en face.

Être à c…, Être à cras, être ruiné, etc.

Donner un coup de c…, S’armer de courage pour faire une montée. Par extension, faire un effort en général. J’écris une élégie à faire fondre en larmes, m’écrivait un poète. Encore un coup de c…, et elle sera finie.

Coup de c…, La montée elle-même. De la Maison-Blanche à Yzeron, il y a un bon coup de c…

Montée de Tire-c…, Aujourd’hui montée des Chazeaux.

C… sur c…, En désordre, sens dessus dessous. Nous sommes en remuage. Chez nous tout est c… sur c…, mo disait la très digne Mme V…, dont le gendre a été président du Tribunal de commerce.

Être c… et chemise. Se dit de deux personnes intimement liées. Ce sont deux c… dans une chemise, même sens.

Un visage comme un c… de pauvre. Se dit du visage d’une personne grasse, fraîche, rose, en bon point. C’est un compliment que l’on fait volontiers à quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis un peu de temps, et qui fait toujours plaisir : Eh bonjour, chère Madame, quelle bonne mine vous avez ! un vrai c… de pauvre ! — Vous êtes vraiment trop aimable. Mais ce n’est rien, ça : si vous voyez du corps ! Le fait est que mon mari me disait hier soir que je rajeunis tous les jours.

On dit aussi Des joues comme les fesses d’un pauvre homme. On choisit : affaire de goût.

Lever le c…, terme de commerce, Faire faillite. Autrefois, à Lyon, le failli était astreint à convoquer ses créanciers sur le parvis de Saint-Jean, à se dépouiller de ses vêtements devant eux pour leur montrer qu’il leur abandonnait tout ce qu’il possédait, et à s’asseoir à cru sur la cadette.

Au xve siècle, Guy Pape nous apprend que celui qui demandait à faire cession de ses biens s’asseyait encore nu en public sur une pierre qui était devant l’auditoire. Dans la suite, il dut seulement se présenter à l’audience « dans une attitude humble » et là, en présence du juge, il ôtait sa ceinture, qu’il abandonnait à ses créanciers. Aujourd’hui il n’a plus qu’à déposer son bilan. D’après une loi en préparation, il suffira qu’il leur fasse la gniaque.

Je crois que cette dame s’est levée ce matin le c… le premier. Se dit d’une personne qui paraît de mauvaise humeur. Nous avons des dames qui ne se lèvent jamais la tête la première.

Brûler le c… Voy. brûler.

Baiser le c… de la vieille. Voy. baiser.

C…-bénit, Mot qui ne doit pas se dire pour personne mariée. En les entendant se disputer, j’ai compris tout de suite que c’était des… personnes mariées. On ne saurait trop recommander aux jeunes gens qui sont en fréquentation d’éviter de se servir devant leurs futures de cette expression, que l’on s’étonne de ne pas voir proscrite par le respectable Molard.

C…-blanc, s. m. — 1. C’est le nom que nous donnons à un oiseau qui a des plumes blanches sur le croupion. Le bon Molard qui orthographie cublan, prétend qu’il faut dire un vitrec. Depuis Molard le nom de vitrec a été remplacé par celui de saxicole. Quand vous déterminerez un chasseur à dire : J’ai tué un saxicole, au lieu de J’ai tué un c…-blanc, il fera cent vingt-cinq degrés de chaleur, raie au mur. — Je ne sais pourquoi le vénérable Molard a fait disparaitre cublan de l’édition de 1810.

2. Bisque, colporteur du « pays nostre ». Les c…-blancs, jusqu’en 1840, formaient une partie importante de la clientèle de la maison Puitspelu, en rue Basse-Grenette, au numéro 14 : Rouennerie, toiles, cotonnades, enfin pattes à briquet en général. — Le nom vient de ce que les c…-blancs portaient ordinairement des vêtements de toile grise ou blanche.

C…-de-piau, s. m., Marinier. Pour autant que le fond de leurs culottes, pour plus de solidité, est communément garni de cuir.

C…-de-plomb. s. m., Homme sur un rond de cuir, devant une table à écrire. — Méchant métier pour la santé. Ce qu’il y a dans ce rond de cuir d’anorexies, de chiragres, de podagres, de néphrites, d’anémies, de paraplégies, d’hémiplégies, de cystites, d’arthrites, de gastralgies, de dyspepsies, de glycosuries, de phosphaturies, d’azoturies, d’albuminuries, de prostatites, de pyélites, etc., etc., etc., nul ne le saura jamais.

Voici qui montre quel tort c’est de ne pas enseigner le lyonnais dans les couvents et les lycées de jeunes filles. Je connaissais une aimable demoiselle en âge d’être mariée. Le père voulait d’un commis de ronde. Comme bien s’accorde, la mère n’en voulait pas. Elle entendait d’un employé à la recette générale. Je veux pas qu’Aspasie épouse un cul-de-plomb ! s’écriait le père avec véhémence.

Comme bien s’accorde, Aspasie écoutait à la porte. Elle était trop instruite pour ignorer qu’on fabriquait des nez d’argent et des têtes en buis pour les invalides estropiés. — On l’appela. Comme bien s’accorde encore, la mère l’avait emporté. Aux premiers mots, l’infortunée jeune fille tombe à genoux en sanglotant : Ô maman… an… an !… je t’en supplie ! Pas un homme qui en ait un en plomb… omb… omb !…

C…-levé, Faire un c…-levé à l’écarté, c’est jouer alternativement, chaque joueur qui perd se levant et cédant la place à un autre.

Peigne-c… Se dit de ceux qui écorchent les poux pour en avoir la peau. L’idée est que le de cujus ne reculerait devant aucune besogne pour en tirer profit. Souvenir du xvexvie siècle, et des barbiers attachés aux étuves des deux sexes, lesquels étaient fort déprisés à cause de la nature de leur besogne, exprimée dans le vers célèbre du Rondeau des Barbiers : « Tondre, etc. » (Recueil de poésie françoise, 1550.)

Révérence à c… ouvert (le mot salut serait plus exact, mais révérence est l’expression accoutumée). C’est une rigoureuse observation des lois de la physiologie qui a conduit les Lyonnais à donner ce nom à un profond salut, qu’il s’adresse d’ailleurs à un monsieur ou à une dame, il n’importe. L’agent principal du phénomène consigné dans cette expression est la contraction des muscles abdominaux : le grand droit, le pyramidal qui lui fait suite, le grand oblique, le petit oblique et le transverse. À cette contraction correspond, naturablement, l’extension des fibres antérieures du muscle que, parlent par respect, les physiologistes nomment le grand fessier. Ce muscle rhomboïdal, épais, constitue l’élément le plus actif de la station debout. Son bord inférieur forme la limite de la πυγή. Lorsque le saluant s’incline, l’ἰσχίον cesse d’être recouvert par le muscle, et l’ὀρροπύγιον s’entr’ouvre proportionnellement. L’opération inverse a lieu lorsque le muscle, sous l’action nerveuse, reprend sa position primitive et vient de nouveau recouvrir l’ἰσχίον. Les sphincters sont étrangers à ce mouvement ; cependant ils cèdent relativement dans la position baissée, et c’est ce qui explique pourquoi il n’est pas sans exemple qu’une révérence trop profonde n’ait amené des accidents, sans importance au point de vue pathologique, il est vrai, mais contraires aux lois de la politesse.

Si nous avons bien pu faire comprendre ce qui précède, il en résulte que, appelant :

E, l’écartement de l’ὀρροπύγιον au maximum du salut ;

N, le salut ou inclinaison du corps en fonction de cette écartement ;

R, l’importance de la personne saluée ;

On a :

D’où :

D’où :

On peut donc en mesurant dans la pratique l’écartement de l’ὀρροπύγιον du saluant, connaitre l’importance du salué.

Quant à la valeur de R, elle est pratiquement variable. Autrefois elle s’obtenait par la multiplication de divers coefficients ; moralité, considération, rang social, services rendus, etc. Aujourd’hui il n’en est plus de même, et je connais des députés, des préfets, des sous-préfets, des magistrats, dont je ne donnerais pas deux sous, et que de pauvres diables sont obligés de saluer à sept, huit, neuf et jusqu’à dix centimètres d’écartement.

CULASSE, s. f. — Pétardier. Ceux qui ont eu le bonheur d’entendre l’Alboni se rappellent qu’elle avait la culasse aussi forte que la voix belle.

CULASSIER, s. m. — Cuirassier. La Bélonie me disait un jour comme ça : Mon cusin Dodo (Adolphe) est st bel homme qu’i l’ont metu dans les culassiers. — De ce qu’une culasse est un objet plus connu qu’une cuirasse. Et peut-être que Dodo était aussi remarquable par l’une que par l’autre.

CULOT, s. m. — Le dernier né. Quand j’étais petit, on m’appelait volontiers le culot, encore que je ne fusse que le cinquième sur six, mais le dernier étant mort en bas âge, j’avais pris son rang. Cela ne laissait pas de m’humilier, bien qu’il n’y ait rien d’humiliant à être le dernier, mais c’est ce nom de culot qui n’est pas joli. — Parlant par respect, de c…, parce que le dernier-né est considéré comme le bout, la fin de la famille. On y a ajouté le suffixe diminutif ot, le dernier étant le plus petit. En Dauphiné, on l’appelle le serre-buissou, celui qui ferme le buisson ; en Gévaudan, le gasta-gnis, celui qui souille le nid. En Provence on l’appelle plus crûment le cago-nis.

Si tu ne le corriges pas culot, il te chagrinera culasse, C’est-à-dire si tu ne le corriges pas pendant qu’il est petit, il te fera des misères quand il sera grand.

Il a du culot. Expression idiote qui, m’assure-t-on, s’est introduite à Lyon depuis quelques années pour dire : Il a de l’aplomb, il a du toupet.

CULOTTE, s. f. — Terme de construction. — Portion de tuyau en terre cuite, en forme d’y grec, et destiné, parlant par respect à conduire du siège des commodités au cornet de chute le résidu des repas.

CULOTTES, s. f. pl. — Braies. Nous l’employons toujours au pluriel, comme nous disons des pantalons (Voy. ce mot), témoin la célèbre chanson :

Quand j’étais petit, je n’étais pas grand ;
J’avais des culottes de fromage blanc :
Je montrais mon … à tous les passants.

Nous appelons de même culottes les pantalons, quoique les objets soient différents. M. de Maupassant, dont le style est si ferme et si serré, a suivi notre exemple : « Il avait dès lors supprimé les pantalons de couleur et les vestons de fantaisie, porté des culottes noires et de longues redingotes… » (En Famille.)

Nous avions pour voisine en rue Grenette une bonne femme qui eut le malheur de perdre son mari. Quelque temps après, fouillant dans ses placards, elle trouve une paire de pantalons : Ah, s’écria-t-elle d’un ton déchirant, fondant en larmes, voilà bien les culottes, mais le c… n’est pas dedans !

Il semble que le bon Dieu vous descend dans le gosier en culottes de velours. Voy. Bon Dieu.

CULUIT, s. m. — Femelle du lampyre luisant, vulgo ver luisant. L’épithète est exacte. C’est en effet de cette partie incongrue que le ver luisant jette sa lumière. Il faudra désormais changer le vers célèbre :

C’est du nord aujourd’hui que nous vient la lumière.

Au fig. s’emploie pour désigner une méchante petite lampe, un chelu qui éclaire mal. Comment veux-tu que j’y vo-ye, avè ton culuit ?

CUPELU. — Non fréquemment donné au Puitspelu.

CURAGE, s. m. — Persicaire ou poivre d’eau, polygonum hydropiper. Lisez, parlant par respect, cul-rage. Mon excellent collègue, le docteur Saint-Lager, veut bien me communiquer l’explication que donne de ce mot Matthias de Lobel dans les Stirpium adversaria nova : « Persicaria hydropiper, Gallis Culraige vocatum, ut cujus folia quæ quis podicis (honos sit auribus) abstergendi causa affricuerit, inurant rabiem clunibus, sive ut loquentur Leguleii Culo (ce Leguleii est sublime !) » — À curage, Littré met : « étymol. inconnue. » Tout le monde n’est pas tenu de connaitre Lobel, mais le bon Cotgrave dit expressément : Culrage, as curage, the herb Water-pepper Arsemart (on sait que arse = podex et smart, cuisson), Killridge ou Culerage, — Le sage Rabelais met la « persiguiere » au nombre des herbes dont il faut éviter de se servir lorsqu’on se trouve à la campagne, à peine d’avoir la « cacque sangue de Lombard ».

CURAILLE, s. f. — « Le milieu d’un fruit dont on a ôté ce qui est bon ; dites trognon. » (Molard.) — D’après l’Acad. trognon a deux sens : 1° tige de chou, etc. ; 2° milieu d’un fruit. Lyon ne voulant pas d’équivoques, a deux expressions. Sans compter que trognon, de trogne, nez, n’a absolument rien à faire avec l’intérieur d’un fruit. L’utilité de cette distinction se marque d’une manière frappante dans le sermon du bon chanoine aux mariages dotés (10 avril 1810) : « Faites comme le bon profête Grignole, qu’aimit mieux laissé manger ses joyes par les bardanes, plutôt que de succombé z’à la tentation du péché de la chaire, et que, s’escannant d’un monde corrompu, a vivu trois ans dans une île desarte, rien que de trognons de salade et de curailles de pommes. »

CURE-OREILLE, s. m. — 1. Forficula auricularia. Dans certains pays on s’imagine sottement qu’il perce les oreilles, mais nous savons qu’il se contente de les nettoyer avec soin.

2. Petit instrument d’ivoire ou d’os, en forme de cuiller, qui sert à enlever le cérumen. J’ignore son nom français.

CURET, s. m. — Vidangeur. Ce mot, tombé en désuétude, a été généralement remplacé, parlant par respect, par celui de gandou. Au xviiie siècle, les Curets formaient une compagnie célèbre. On les aimait, parce que leur voisinage assurait la sécurité mieux que la Compagnie du Guet. Ils avaient du reste un mot de passe, et quand on leur criait : « Curets, quelle heure est-il ? » ils répondaient par un mot dont la première lettre est effacée dans mon exemplaire des Lyonnais dignes de mémoire, et dont il ne reste que erda. Je suppose que c’est de l’allemand, et qu’il s’agit du cri des Prussiens : wer da. — De curer, manquablement.

CURIEUX. — Vous êtes curieux comme un confessionnal, dit-on à un indiscret.

CUTI, IE, adj. — Se dit des cheveux agglomérés (voy. s’acutir). Au lendemain matin d’une cuite, on a souvent les cheveux cutis par je ne sais quelle substance gluante.

CUVIER, s. m. — Local où sont placées les cuves.

CYLINDRE, s. m. — Organe de la Jacquard. Prisme en bois à quatre pans, percés de trous qui reçoivent les aiguilles horizontales de la mécanique. Le cylindre accomplit un tour de révolution à chaque coup de battant.

  1. Le chiffre de 60.000 métiers, pour l’époque désignée, m’a été obligeamment fourni par un ancien fabricant, membre de la Chambre de commerce. Il est de tradition dans la fabrique lyonnaise. Dons ces 60.000, on comprenait les métiers au dehors de Lyon, qui, de mon temps, commençaient à être assez nombreux. M. Rondot, dans le Bulletin des soies (24 juillet 1894), donne, sans citer d’ailleurs les sources où il a puisé, le chiffre de 27.450 métiers montés et en activité, intra muros, en 1840. M. Robin, cité par M. Morand (la Fabrique lyonnaise, page 27), donne, pour juin 1870, le chiffre de 35,216 métiers intra muros. — Enfin quoi ! suffit que de mon temps il y avait beaucoup de métiers, c’est sûr, et que l’on ignorait encore Les métiers mécaniques qui peu à peu envahissent tout.
  2. D’après P. Blanc, ce n’est pas le fruit du Gallium, mais celui du Lappa magna ou bardane.
  3. Y est-on bien ? — Très bien, fit Gavroche. Là, vrai, chenument. (V. Hugo, Les Misérables.) Chenu se trouve dans le dictionnaire d’argot de Lorédan Larchey.
  4. C’est le tableau de Drolling que le gouvernement venait de donner au musée de Lyon.