Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre M

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 216-238).
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M


MACHECROUTE. — 1, s. f. Énorme mannequin que l’on portait jadis à notre carnaval. « C’estoit, dit le tant gracieux Rabelais, une Effigie monstrueuse, ridicule, hideuse, et terrible aulx petits enfans, ayant les œilz plus grands que le ventre, et la teste plus grosse que tout le reste du corps, avecque amples, larges et horrificques maschoüeres bien endentelées tant au dessus comme au dessoubs : lesquelles avecques l’engin d’une petite chorde cachée… l’on faisoit l’une contre l’aultre terrificquement cliqueter. » Le Duchat dit en note : « On ne le porte plus à Lyon, quoiqu’on y en parle encore, et qu’on y menace les enfans de les faire manger à la Maschecroute. » La Mâchecroûte était évidemment un souvenir du Manducus latin, d’après Plaute et Festus mannequin pourvu de mâchoires et de dents énormes, qu’on promenait dans certains jeux publics. La tradition, comme le mot, est complètement oubliée.

2, s. m. Instrument en fer, composé d’un levier denté et d’une partie fixe, qui servait à briser la croûte du pain pour les vieillards sans dents. Il ressemblait à l’instrument dont on se sert pour mâcher et amollir les bouchons. Depuis soixante ans, c’est-à-dire depuis qu’on fait des fausses dents, l’instrument est hors d’usage.

MÂCHÉ. — Avoir les yeux mâchés. Se dit lorsqu’on a les yeux cernés, battus. J’ai vu la fenne de M. Bardanet, que s’est marié samedi. — Est-elle jolie ? — Elle serait pas mal, si elle avait pas les yeux mâchés.

MÂCHILLER, MÂCHOUILLER, v. n. — Manger sans goût, sans appétit, en retournant les morceaux dans la bouche sans les avaler. — Fréquentatif de mâcher.

MÂCHILLÈRE. — Dent mâchillère, Dent mâchelière. Le Lyonnais ayant le verbe mâchiller, il a substitué tout naturablement mâchillère à mâchelière, d’ailleurs peu compréhensible, car il devrait être mâchière.

MACHIN. — Mot bien agréable pour ceux qui n’ont pas la mémoire prompte : Parnon, prête-me don ton machin ? — Quoi don ? — Ton couteau, pardine !… Tonine, fais-nous don manger de machins, ce soir !… Bargeois, y a M. Machin qu’est venu vous demander ; j’y ai dit que vous étiez chez M. Chose, et ainsi de suite.

MÂCHON, s. m. — Bon repas, forte noce. Au fig. Morceau, chose difficile à dire. « Enfin, elle se voit feurcé de li déclarer le mâchon. » (La Sedution.)

MÂCHOUILLER. Voy. mâchiller.

MÂCLE, s. m. — Le plus souvent, colique néphrétique. — De masculum, parce que la pierre est une maladie particulière à l’homme, la femme pouvant facilement évacuer le calcul. De la maladie de la pierre le sens s’est étendu à colique néphrétique, quoique la colique néphrétique atteigne aussi la femme. Puis de colique néphrétique le sens s’est étendu aux maux agissant par crises, comme l’asthme, l’emphysème, etc. Le père Trouillas, dont j’ai parlé au mot grâces, était sujet à ce genre de mâcle et prenait de terribles accès de toux suffocante. La mère Trouillas se précipitait, et lui faisait vite « une infusion de poivre assorti » (historique), qui « arrêtait le mâcle ». Par ainsi, il a pu vivre jusqu’à sa mort.

MADELEINE, s. f. — Mantis religiosa. Insecte. Ainsi nommée par le même motif qui l’a fait nommer en français mante religieuse, c’est-à-dire parce qu’elle joint ses deux pattes de devant dans l’attitude de la prière. On y a vu la figure de la Madeleine repentante. En dépit de leurs habitudes de piété, les madeleines font des piqûres terribles, quoique, à la vérité, non venimeuses.

MAGNIN, s. m. — Chaudronnier ambulant. Les magnins viennent tous d’Auvergne. Lorsque le ciel est très noir, très chargé, on dit parfois Qu’il va pleuvoir des magnins, pour autant que les magnins sont mâchurés. — De machinarius, avec substitution du suffixe anus à arius.

MAGNONS, s. m. pl. — Vers à soie. — De meigna, petite famille, petits enfants ; du vieux franç. mesnie (mansionata). Le nom a été donné sous l’influence d’idée d’élevage.

MAIGRE, s. m., terme de taille de pierre. — Cette pierre a du maigre, c’est-à-dire que ses dimensions sont un peu plus faibles que celles déterminées par le plan.

Avoir les yeux bordés de maigre de jambon. Vaut autant à dire comme bordés d’anchois (voy. anchois).

MAIGRIR, v. a. — Tous ceux qui se sont donné mission de réformer les locutions provinciales, les Humbert, les Grangier, les Bonhote, etc., ont proscrit cette phrase : La maladie l’a maigri, maigrir ne pouvant être employé au sens actif. Ils avaient raison lorsqu’ils écrivaient, mais, dans sa dernière édition, l’Académie donne cet exemple : Sa longue barbe le maigrit.

MAILLE, s. f. — 1. Câble pour le halage des bateaux. Tira la mailli ! C’est le cri qui, jadis, retentissait à chaque instant du bateau en tête des trains que halaient d’interminables coubles de chevaux herculéens.

2. Terme de canuserie, Boucles de soie dont la réunion compose la lisse (voy. ce mot), et dans lesquelles passent les fils de la chaîne. Il y a diverses espèces de mailles suivant la disposition de la boucle : la maille à crochet, la maille à coulisse, la maille à culotte. — De macula.

MAILLÉ. — Du sang maillé, en parlant du sang amassé sous la peau par suite d’une contusion. — De mailler (voy. ce mot).

MAILLER, v. a. — Tordre, froisser, marteler. Mailler une riôte, tordre un osier afin d’en assouplir les fibres avant de s’en servir comme d’un lien. — Du vieux franç. mailler, frapper avec un maillet, un marteau, etc., lui-même de mail, masse de bois.

MAILLETTE, s, f. — Câble moins gros que la maille. C’est le petit câble des barquettes, que l’on remontait à la maillette, c’est-à-dire en les halant au moyen de chevaux.

MAILLOCHE, s. f., MAILLOCHON, s. m. — Très gros maillet.

MAILLON, s. m., terme de montage de métier pour façonnés. — Petit œil de verre qui comprend plusieurs trous pour recevoir un ou plusieurs fils de la chaîne. L’ensemble des maillons remplace le remisse usité dans l’uni. Voici les noms de quelques espèces de maillons par ordre de grosseur.

1. Maïllon dit cafard, pour les articles perles appelés gouttes d’eau. C’est un maillon énorme, qu’avec beaucoup de bonne volonté on peut comparer à un cafard.

2. Maillon dit cafard, pour les articles perles ordinaires. On peut comparer celui-ci à un jeune cafard qui n’a pas encore atteint sa majorité.

3. Maillon dit sabot, pour les articles gaze. C’est dans ce maillon que passe le fil de la culotte. — De ce qu’il a la forme approximative d’un sabot.

4. Maillon pour les articles meubles. Quelques-uns ont jusqu’à 12 trous, permettant de passer 10 fils.

5. Maillon ordinaire, pour tous les articles façonnés, avec ou sans lisses. 6. Maillon ordinaire, dit puce, pour les articles bien confus (voy. ce mot), de 12, 000 à 20, 000 maillons en 60 ou 70 centimètres de largeur. — C’est si ressemblant qu’on va pour l’écraser avec l’ongle.

Tous ces maillons sont appondus par le trou supérieur au fil de maille (voy. ce mot), et le trou inférieur sert à recevoir le fil auquel est appondu le plomb tréfilé dont le poids tient l’ensemble tendu. L’ensemble des maillons se nomme corps. Par extension on donne le nom de maillon à l’appareil tout entier composé du maillon en verre, du fil de maille et du plomb.

MAIN. — Prêter la main, Aider, donner un coup de main. Un brave homme me disait : Couyôrd est un be n’ami ; il m’a prêté la main pour tous mes enfants. Il entendait qu’il leur était venu en aide. — Se prêter la main, S’aider tour à tour dans un travail, un embarras, une difficulté.

Avoir mal à la main qui donne, Être large des épaules.

Il n’y en a que pour une main tournée, Ce sera fait dans un instant,

Avoir des mains de beurre, Avoir les mains malheureuses pour la casse, le beurre étant glissant.

Une main lave l’autre, Un bon procédé en vaut un autre. Il a donné une jolie montre en or à sa dame, elle y fait un joli miaillon : une main lave l’autre.

Avoir des mains de m… (parlant par respect), N’avoir point de moigne, avoir les mains sans aucune vigueur.

MAIN, terme de soierie. — Voy. Metteuse en mains.

MAIN-COURANTE, s. f., terme de menuiserie. — C’est une barre, ronde ou profilée, ordinairement en noyer poli, qu’on fixe sur une balustrade en fer, pour que la main ne soit pas en contact avec le fer. Molard proscrit le mot et ajoute : « Dites rampe. » En quoi il se trompe de gros, la rampe étant la balustrade elle-même (voy. l’Académie). Main-courante est un terme technique très bien fait, qu’il serait impossible de remplacer.

Le mot propre est main coulante ; on le trouve dans Littré. Il a été déformé par le populaire parisien.

MAIN-MORTE, s. f. — Droit de mutation par suite de décès. Un brave homme de mes amis, se sentant très malade, disait à sa femme : Tiens, va donc tout de suite payer la main-morte. Ça sera ça de fait. En passant tu préviendras la mairie que ce sera pour ce soir.

MAIRE. — Le maire de Vaise. C’est sous ce nom que tous les Lyonnais connaissent le neuf de pique. En général la couleur pique a un caractère péjoratif : comp. le Polignac, le valet de pique. Pourquoi a-t-on identifié le neuf de pique avec le maire de Vaise ? On prétend que c’était une plaisanterie inventée au cercle des Marquants (voy. ce mot) à propos du maire de Vaise qui avait précisément fondé le cercle.

Terme employé par les gones dans certains jeux : C’est toi qui es maire. C’est celui auquel le sort a été contraire en déguillant.

MAIS, adv. de comparaison indiquant la quantité, et représenté en franç. par Plus. Depuis mai de trois semaines… (Deputation des vieux canus.) — À Saint-Laurent-d’Agny, où je fus en nourrice, il y avait une brave femme, la mère X…, fort sourde, qui offrait un dimanche le pain bénit. Elle était à genoux, fort dévotement, son cierge à la main, lorsqu’il lui échappa un sonnet. Sa surdité l’empêche de rien entendre, mais tous les voisins se prirent à rire. La bonne femme crut qu’on se moquait d’elle, à cause que son pain bénit était trop petit : Riyi, riyi, vos outres ! s’écria-t-elle ; si j’avians t’ayu mais de pôte, je l’aurians ben fait plus grous ! — De magis.

MAISON. — Une maison de confiance, Une maison de commerce de toute loyauté. Au fig. Dine-t-on bien chez M. X… ? — Oh, c’est une maison de confiance !

Avoir trois maisons à Lyon. Voy. hôpital.

MAÎTRE. — Maître de danse. Molard ajoute : « Dites maître à danser. » C’est absurde. Maître de danse ou maître à danser, dit Littré.

Il est maître quand il est tout seul (parce que sa femme porte les culottes).

Maître de métier. On n’ignore pas que c’étaient des « délégués », comme on dirait aujourd’hui, des corporations d’artisans, tant pour la nomination des conseillers de ville, que pour la surveillance des travaux dans chaque corporation. Par où nous voyons que dès le xve siècle le calembour par approximation florissait à Lyon, car en 1420 un boucher, nommé Gobier, fit deux jours de prison et paya l’amende « pour ce qu’il avoit dit villenie à Jehan Michiel, maistre du mestier des bochiers de Lion, en lui appelans maistre de merdier ».

Avoir son métier pour maître. — 1. Se dit dans la canuserie de l’ouvrier qui possède en propre son métier avec tous ses harnais.

2. Se dit aussi de l’ouvrier qui moyennant une redevance mensuelle au chef d’atelier, représentant le loyer du métier et du local, travaille comme si le métier lui appartenait. Il paie son dévidage, son tordage, etc., et touche au magasin la façon complète, tandis que le compagnon n’en touche que la moitié, mais est exonéré des frais.

MAITRILLONNER, v.n. — Vouloir faire le maitre, imposer sa volonté. — Fait sur maitre, avec un joli suffixe fréquentatif.

MAJEURE. — « Tierce majeure ; dites tierce major. » (Molard.) — Depuis Molard, tierce major est devenu un archaïsme, et tierce majeure a prévalu, non sans raison, semble-t-il, car le mot est plus conforme au génie de la langue.

MAJOR. — C’est le nom que nous donnons eu chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu. Il a été nommé major de l’Hôpital. Quelques-uns disent aussi le major de la Charité, et le major de l’Antiquaille, mais c’est une extension.

MAL. — Se donner du mal, Se donner beaucoup de peine, beaucoup de fatigue. Nous connaissions un monsieur qui plaidait en séparation. Hum, disait mon maître d’apprentissage (j’ai déjà eu occasion de faire remarquer qu’il était philosophe), c’est se donner bien du mal pour se faire déclarer c…

Être mal en train, Être mal dispos.

D’après Humbert, Se faire mal, Se blesser (elle s’est fait mal au doigt) n’est pas français. Ces « savants » en décident bien lestement. « La bise de Grignan me fait mal à votre poitrine, » écrivait Mme de Sévigné. « Sous prétexte que je me fais mal aux yeux, » écrit-elle ailleurs.

Avoir du mal, des plaies, des ulcères. Le pauvre enfant a du mal par tout le corps.

Le mal vient à cheval et se rentourne de pied, La maladie vient avec rapidité et s’en va lentement.

Avoir mal à la main qui donne. Voyez main.

Pas mal, pour Un assez bon nombre, n’est nulle part signalé par les censeurs. En dépit de Littré, qui cite l’exemple : Il n’y avait pas mal de curieux, pas mal, en ce sens, me semble un gros barbarisme. L’emploi de la locution est inexplicable.

Penser mal de quelqu’un. Un de mes amis avait pour principe qu’on ne doit jamais penser mal de personne. Il était si à cheval là-dessus qu’il me disait un jour : Je prendrais ma femme sur le fait que je ne voudrais pas penser mal d’elle, je penserais plutôt qu’elle ne l’a pas fait par exprès. — Cette expression ne parait pas absolument correcte, encore bien que La Bruyère l’ait employée. Je crois qu’un puriste dirait « Penser du mal de quelqu’un. »

MALADE. — Un temps malade, Un temps qui, sans être couvert, présage une pluie plus ou moins éloignée. Métaphore très pittoresque.

Si vous êtes malade, disait mon maitre d’apprentissage, dit le Sage de Saint-Irénée, c’est pas une raison, parlant par respect, pour embrener les autres de votre ricle ; d’autant que ça ne vous désembrènerait pas.

Tout malade, légèrement brouillé ou indisposé, à l’inverse de bien fatigué qui veut dire gravement atteint : Que don que t’as, que te ne dis rien ? — Sais pas, suis tout malade.

MALADIE. — Humbert, qui avait l’esprit beaucoup plus compréhensif que Molard, écrit : « L’expression Faire une maladie est si répandue, si claire et si commode qu’elle mériterait presque d’être française. » Son vœu n’a point été exaucé, et l’Académie n’a pas admis cette locution fort bizarre (car on ne voit guère comment on s’y prendrait pour fabriquer une maladie). En revanche Littré l’a recueillie, en s’appuyant sur un exemple de Rousseau, sans songer peut-être que Rousseau n’avait fait qu’user d’un des nombreux idiotismes genevois dont il est coutumier.

MALADIER, v. n. — Faire une maladie. Il est remis, mais il a maladié trois mois. — Dérivé très logique de maladie. Il était d’ailleurs usité au xve-xve siècle, et l’on s’étonne que la langue littéraire ne l’ait pas conservé.

MALAGAUCHE, adj. — Plaisante interversion, en manière de calembour, pour renforcer le sens de maladroite, maladroit.

MALAISANCE, s. f. — Difficulté, gêne. Très joli mot dont Montaigne usait, et qui est encore fort utile à nos maçons : 1° Posé une conche avec difficulté… tant (le prix est doublé) ; 2° Pour la malaisance… tant (le prix est redoublé), etc., etc. — On dit aussi Être dans la malaisance, Être dans la gêne.

MALAISE, adj. des 2 g. — Je suis tout malaise, Je ne me sens pas bien portant. — C’est aise, adjectif, avec un préfixe négatif, comme dans mal content, mal commode, etc.

MALAISÉE, s. f. — Je connaissais un bonhomme qui n’appelait sa femme que la Malaisée (quand elle n’y était pas). Où est donc ta femme ? — La Malaisée est à vêpres. Ou bien : Il faut que je me sauve ; la Malaisée va rentrer, et elle rognerait, et ainsi du reste. Je croyais à une invention plaisante du bonhomme, mais qu’elle n’a pas été ma surprise en trouvant que, dans le patois de la Saintonge, le femme s’appelle la Malaise.

MALANDRE, s. f. — Maladie épidémique, par extension plaie, ulcère. « Et n’eusse été quelque malandre, — Que je peschay dans la calandre… » dit, au xviie siècle, la Bernarda. — Vieux franç. malandre, lèpre.

MALANDRU, USE, adj. — Teigneux, râcheux, qui a des ulcères.

MAL COMMODE, MAL COMPLAISANT. — Pour Incommode, pour Sans complaisance, et d’autres semblables. Le moyen âge avait beaucoup de mots où mal était placé devant des adjectifs pour indiquer le contraire du thème : maldisant, malduit, malcréant, etc. Nous en avons gardé trace dans le proverbe : Qui s’attend à l’écuelle d’autrui est souvent mal dîné. Ce préfixe mal a beaucoup plus de force que le préfixe négatif ordinaire in.

MAL DE SAINT JEAN. — Mal caduc. Au moyen âge beaucoup de maux prenaient le nom du saint communément invoqué pour leur guérison : Mal de saint Roch, Mal de sainte Marguerite, Mal de saint Cyr, mal de saint Men, etc.

MALET. — S’acheter un paletot chez Malet, Mourir. Je crois bien que je n’ai plus qu’à m’acheter un paletot chez Malet, dit parfois un pauvre malade qui se désespère. Malet était un fabricant de cercueils, dont la raison de commerce existe encore.

MALHEUR. — Ça me f…iche malheur. Se dit quand un événement vous est désagréable. Il est un peu bas.

MALHEUREUX. — Malheureux comme les pierres. Dicton continuellement répété, et cependant peu exact, car les pierres me font l’effet d’être ce qu’il y a de plus heureux dans la création.

MALIN. — Un Malin de la rue de la Plume. Ce dicton que, dans mon enfance, on redisait encore en plaisantant aux marchands de la rue de la Plume, quand on y achetait quelque chose, a disparu longtemps avant la rue elle-même, supprimée par le percement de la rue Impériale.

Maline, pour Maligne. On ne peut refuser à ce mot le mérite d’être formé de façon absolument régulière. Maline est à malin ce qu’orpheline est à orphelin, saline à salin, sanguine à sanguin, etc.

Malin comme un jicle. Voy. jicle.

MAMAU, adv. — Faire mamau, Faire du mal. Je peux pas boire d’eau, ça me fait mamau. Mot enfantin qui représente mal-mal, et qui est un reste du patois.

MAMI, s. m. — 1. Poupon. Vous avez là un joli mami, qu’est tout plein drôle ! — Fait sur ami avec répétition enfantine, à l’initiale, de l’m médiale.

2. Nom propre : Maurice. Qui ne connaissait à Lyon le brave Mami Marmet, le petit-fils de François Marmet, le borgne, qui tint si longtemps les bèches ?

MANCHES. — Avoir les jambes en manches de veste. Voy. jambes.

C’est une autre paire de manches ! L’affaire est autrement difficultueuse, importante, qu’on ne pensait.

MANDARE, s. f. — Il est venu une mandare, Une pauvresse déguenillée, de mauvaise mine, susceptible de quelque mauvais coup. Par extension, se dit quelquefois d’un homme. — Même origine que mandrille.

MANDRILLE, s. m. — 1. Vagabond, gueux, vaurien. Se dit spécialement d’un gueux dont les vêtements sont dépenaillés.

2. Guenilles. Fais-me don le plési de jeter ta mandrille de robe aux vieilles pattes !

3. Épouvantail de chenevière.

Du provençal mandre, mendiant, truant, pendard. À la racine mandre s’est ajouté un suffixe diminutif ille, on a eu ainsi la seconde partie du mot : drille. Drille signifiant chiffon, le mot a pris partout, à côté du sens de 1, le sens de haillons, guenilles. C’est ainsi qu’en Normandie mandrille signifie vêtements en guenilles. Le sens de 3 se tire naturellement des sens 1 et 2.

MANDRIN, s. m. — Un mandrin, Un pillard, un maraudeur. — Souvenir du célèbre Mandrin.

MANÉCANTERIE, s. f. — 1. École cathédrale, aujourd’hui dite le Petit séminaire de Saint-Jean.

2. Bâtiment du xe ou xie siècle, voisin de la cathédrale, et qui servait autrefois au logement des clercs de l’école cathédrale. — De mane cantare.

MANÉCANTIER, s. m. — 1. Élève de l’école cathédrale.

2. Par extension Élève des écoles cléricales de paroisses ou écoles des clergeons. Mot tombé en désuétude, mais encore d’un usage courant à Belley, par exemple. — Forme savante de mane cantarius.

MANETTE, s. f. — Anse, poignée d’un tiroir, d’un objet quelconque. De manus. Manette, petite main.

MANGER. — Manger une commission, L’oublier. La femme : J’avais dit à la Gustine de me rapporter des bugnes ; elle a mangé la commission.Le mari : Des fois que te pourrais ben dire vrai ! Hi ! hi ! hi !

Manger de l’argent. Hélas ! on n’a que trop d’occasions de répéter le dicton !

Il mange le bon Dieu le matin et il rend le diable le soir. Se dit de quelqu’un que la dévotion ne rend pas meilleur.

Manger les salades par le trognon, Être au cimetière.

Se manger, Se ruiner. Un brave canut se désolait de la mortè. C’est guignolant, disait-il, on s’en…quiquine, el puis qu’après se mange !

MANGILLER, v. n. — Manger sans appétit, sans plaisir, et en prenant très peu de nourriture. La pauvre Dédèle est malade. Elle a voulu se mettre à table, mais elle n’a fait que mangiller.

MANICLE, s. f. — 1. Manique.

2. Partie, au sens de profession. Il est de la manicle, il est de la partie. C’est un enfant de la manicle. — En octobre 1847, nous revenions de Valence, sur le bateau à vapeur, avec ce pauvre Musson, vêtus de nos blouses coutumières. Sur le pont du bateau, nous liâmes conversation avec un Lyonnais, ouvrier menuisier, qui nous prit pour des coteries de la même profession. En vous entendant parler, nous dit-il, j’ai bien vu tout de suite que vous étiez de la manicle.

3. Manière, tour, ruse. Je connais la manicle… Il y a quelque manicle là-dessous.

Vieux franç, manicle, de manicula.

MANIÈRE. — De manière à ce que. Voy. façon.

MANILLE, s. f. — 1. Même sens que manette.

2. Anneau de fer qui est au bout de la corde des cloches, et dont le sonneur se saisit pour tirer la corde. De là le patois manillier, sonneur. — De manicula.

MANILLON, s. m. — Un manillon de clefs, Un trousseau de clefs. — Fait sur manille.

MANNE, s. f. — 1. Limon, spécialement le limon fétide qui se trouve au fond des boutasses.

2. Terme de maçonnerie, Argile qui se trouve quelquefois mêlée au sable. Ce sable ne vaut rien, il y a de la manne. Le bon Paradin écrit meynne. À propos des inondations qui eurent lieu vers 570, il dit : « Le pis fut qu’estant les eaux retirées, l’on trouua les caues, et maisons tant pleines, et combles de vase, de boue et de meynne, qu’on ne les pouuoit vuyder, sinon auec frais inestimables. » Du français marne, avec chute de r, probablement sous l’influence de manne, résine, substance adhésive.

MANQUABLEMENT, adv. — Immanquablement, inévitablement. Cette aphérèse de in, quoique singulière, n’est pas sans exemple. En patois, différent veut dire indifférent. Dans une pièce patoise, un homme a trois filles « qui ne sont pas différentes », c’est-à-dire trois filles qui ne sont pas indifférentes ; mais il faut remarquer que trois filles qui ne sont pas indifférentes, c’est une métonymie pour « trois filles pour lesquelles l’on n’est pas indifférent ». — Cette série de mots pris les uns pour les autres est fort drôle.

MANQUE, s. f. — Depuis que vous êtes parti, vous m’êtes de manque. Cette locution est très expressive.

MANQUER, v. a. — 1. Manquer de respect, être impoli, grossier. Ne vous laissez pas manquer, Ne souffrez pas que l’on vous manque, sous-entendu « de respect ».

2. Faire faillite. M. X… vient de manquer, Il vient de faire faillite. Comp. l’anglais to fail. — On dirait plus élégamment : « M. X… vient de lever le c… »

MANTIL (manti), s. m. — Nappe. Un petit gone ramené de nourrice fut saisi, en voyant, à la table de son papa, une nappe blanche avec de l’argenterie dessus, qui brillait. Aussi passait-il doucement sa main sur la nappe, en répétant avec admiration : Ô lo biau manti ! lo biau manti ! Lo manti de mon pôre (nourricier) équiel tot salopo, tot mardu ! — De mantil, de mantum.

MARABOUT, s. m. — Coquemart à gros ventre, terminé par un couvercle à coqueluchon. Il est en cuivre, étamé par dedans. Nom donné du temps que les turqueries étaient en faveur. On a vu je ne sais quelle vague ressemblance avec la chapelle ou tombeau dénommé marabout.

MARCHAND, s. m. — C’est le nom que le canut donne au négociant qui fait fabriquer les étoffes de soie. « Mais un canut peut bien dire — Que son marchand est un chien, » dit une chanson canuse.

MARCHANDE. — Molard ne veut pas qu’on dise Marchande d’herbes, mais herbière. Enfantillage ! Il constate lui-même que l’Acad. dit vendeuse d’herbes. Qu’est-ce qu’une vendeuse, sinon une marchande ?

MARCHANDISE. — Il y a de la marchandise. Se dit en parlant d’une grosse femme, « aux puissantes mamelles » comme la célèbre République de Jules Barbier. As-tu entendu l’Alboni ? quelle voix — Oh oui ! et puis qu’y a de la marchandise !

MARCHÉ. — Faire son marché, Acheter les provisions de ménage pour la journée. On ne fait son marché que le matin, manquablement, quoique ce soit des fois sans aller au marché proprement dit.

MARCHES, s. f. pl. — Pédales du métier de canut. — Remettre en marches, Reprendre le travail. Enfin, le mardi, il a dessoûlé, et a remis en marches… Remettre sur les marches, Réconforter, ravigoter, guérir. J’ai fait une grande maladie, mais M. Chrétien m’a remis sur les marches.

MARCHEUR, s. m. — Encore une nouvelle invention ! C’est un appareil qui dispense le canut de pousser le battant, comme déjà on l’avait dispensé de pousser la navette. On s’en sert surtout pour le taffetas. Manquablement le marcheur est actionné par les marches. Si l’on avait raconté ça à mon bourgeois !… Il aurait répondu « Vous couyonnez ! »

MARCHON, s. m. — Chantier sur lequel on place les tonneaux. S’emploie surtout au pluriel, les marchons étant accouplés. -— De marche, au sens de marche d’escalier, degré.

MARCOURER (SE), SE MERCURER, v. r. — Se ronger de chagrin, se maucœurer. S’emploie quelquefois au sens actif. Allons, allons, faut pas te marcourer le menillon ! Il ne faut pas te faire mal à l’estomac à force de te désespérer. Lorsque ma bonne mère me voyait quelque petit ennui : Ne va pas te mercurer pour ça ! me disait-elle. — De male et cor, franc se maucœurer. Quant à se mercurer, quelque bizarre que cela paraisse, on a certainement fait une confusion avec mercure.

MARDOUS, MARDU (parlant par respect), -— Terme d’amitié que l’on donne à un pelit mami. Est-ce que c’est à vous, ce joli petit mardous ? Ou bien : Venez me coquer, petit mardu ! Le français merdeux serait impoli.

MARELLE, s. f. — Poule d’eau, fulica chloropus. — Probablement pour morelle, féminin du vieux franç. moreau, noir, parce que l’oiseau est très brun, et même noir, quoique avec des blancs aux cuisses.

MARGAGNE, s. f. — Boue visqueuse, tirante, adhérente. J’ai voulu passer par le champ. Y avait mouillé. La margagne m’a tiré mes grollons comme avè un tire-botte. — De marga.

MARGAGNÉ, ÉE, adj. — Meurtri, ie. Il a le groin tout margagné, Il a le visage tout abîmé. Marie, quand vous achetez des poires, faites donc attention qu’elles soyent pas margagnées ! — Mecieu, c’est le petit Jouanni que s’est assis dessus. — D’un radical mag, mang qui, dans toutes les langues germaniques, a le sens d’estropiement, mutilation, tare.

MARGAGNEUX, EUSE, adj. — Qui a de la margagne. S’emploie au fig. À Sainte-Foy, quand j’avais aidé la maman à faire de la confiture d’abricots, j’avais les mains tout margagneuses.

MARGAILLAT, s. m. — Gros crachat visqueux et épais. Une des choses qui ont contribué à m’empêcher de prendre l’habitude des cafés, qu’ont tant de gens, c’est horreur des margaillats que les fumeurs y font attenant. — De marga, avec le suff. at et l’insertion de la syllabe péjorative aill.

MARGAUDE, s. f. — Femme de mauvaise vie. — Renferme un radical mag, marg, exprimant le sens d’infecter, de gâter, avec le suffixe péjoratif aude.

MARGAUDER, v. n. — Hanter les femmes de mauvaise vie, mener une vie de débauche, s’abimer par la débauche. « Et te seras pas exposé à margauder avéc c’te chipie de Constitution. » (Guignol député.)

MARGOT, s. f. — 1. Pie. La femme : Mon ami, as-tu fait bonne chasse pour nos invités de demain ?Le mari : J’ai tué une margot.

2. Femme qui s’enivre. Qu’est donc que tout ce bacchanal ? — C’est deux margots que se sont empoignées par la chavasse. — Du nom de Margot (Marguerite), donné d’abord aux pies privées.

MARGOTON, s. f. — Femme de mauvaise vie. Comp. Margot, femme qui s’enivre.

MARGOTTE s. f. — Marcotte. — De mergum. Le lyonnais est plus régulier que le français, où g est remonté à c.

MARGOUILLAT, s. f. — Flaque d’eau sale, mare fétide. Le père Charabotte, qui voulait toujours franchicoter, arrive un jour à l’atelier le dos recouvert d’une vraie cuirasse de margagne. — À nos questions compatissantes, il répondit qu’il avait chu dans un cloître. — Un cloitre, lui dis-je, qu’est-ce que c’est que ça ? — Un margouillat, pardine ! Vous ne comprenez don pas le français ! — De marga. Voy. margagne et comp. margouillis.

MARGOULIN, s. m. — Colporteur. Par extension, un pacan, un homme grossier. Ousque don que t’as acheté ces tire-jus ? — C’est un margoulin que me les a vendus. — Mais c’est du coton ! — J’y ai bien dit, mais i m’a garanti que c’était du coton électrique, une nouvelle évention que c’est beaucoup meilleur que le fil, mais aussi que c’est plus cher. — Te crois ça, toi, grand Benoît ? — Mais pisque y a le fil électrique, i peut ben y avoir le coton électrique !

MARIE. — Marie Graillon, Marie Guenillon. Voy. Graillon, Guenillon.

MARIER. — Épouser. S’emploie au sens actif. Le Claudius a marié la Téfanny, Il a épousé la Stéphanie.

MARINGOTE, s. f. — Cochard la définit : « Voiture légère à deux roues, très en usage sur la route de Paris. » — On me dit qu’au temps des rouliers, c’était une voiture légère, à un seul cheval, qui suivait les voitures des rouliers. Chaque train de roulier avait sa maringote. Je ne comprends pas bien quel en était l’usage dans cette circonstance. Peut-être était-elle destinée aux provisions et aux bagages des rouliers. — Cochard dit qu’on les nomme ainsi parce que les premières se sont faites à Maringues, en Auvergne. Aujourd’hui, la maringote, très usitée en Bourgogne, est, m’assure-t-on, une jardinière un peu élevée dont le conducteur s’asseoit sur le plancher même de la voiture, les pieds reposent dans un caisson. En tout cas la maringote n’est qu’une variété de la jardinière.

MARION BOMBÉE. — Grosse réjouie, à formes rondes et à devanture en saillie. — C’est un curieux exemple de corruption de sens. Le mot primitif était Marie Bon-Bec, grande parleuse, et surtout harengère, qui a passé, suivant la prononciation lyonnaise à Marion Bombè, puis, par confusion, à Marion Bombée. Sous cette forme, l’ancien sens a disparu peu à peu pour faire place au sens actuel.

MARJOLAINE, s. f. — Petite maîtresse. — Féminin forgé sur marjolet. On devrait avoir marjolette, mais le mot a été influencé par le nom de la fleur.

MARMITE. — Te ne sais pas ce que bout dans la marmite. Phrase que l’on répète aux enfants qui ne sont pas sages pour leur donner l’idée de quelque chose de mystérieux qui les monace.

MARNÈFLE, MARNEFFE, s. f. — Mazette, personne faible, musculairement ou moralement, molle, lâche, sans courage. Si le Zupère n’avait pas été une marnèfle, il aurait fiché une rouste à sa bourgeoise. — De l’ital. manevole.

MAROLLES. — Voyez Fromage.

MARPAILLER, v. a. — Écraser, gâter, abîmer, souiller. Boulachat est tombé à bouchon par les escaliers du Change ; i s’est tout marpaillé le groin. — D’un radical marp, qui parait avoir donné les vieux franç. marpaut, goinfre, vaurien, et marpas, sale, vilain.

MARQUANT, s. m. — Nom donné aux cartes qui donnent un ou plusieurs points au joueur qui les tourne. À l’écarté, par exemple, le roi est un marquant.

Epithète lancée de loin, par les gones à ceux dont le dédain les froisse mais dont ils redoutent les biceps : Eh ! va donc, grand marquant !

Le Cercle des Marquants. Sobriquet d’un cercle fondé en 1853 par le maire de Vaise, et qui était situé à l’angle de la place de la Pyramide et de la rue de Bourgogne, — où est maintenant le café du Cercle, dont le nom vient de là. Le président, à ce que l’on prétend, ayant commencé son allocution par ces mots : Messieurs, nous sommes une réunion de gens marquants…, le cercle fut aussitôt baptisé Cercle des Marquants, et c’est sous ce nom qu’on le connait encore, quoiqu’il n’ait eu qu’une existence éphémère.

MARQUE-MAL, s. m. — Se dit de quelqu’un qui a mauvaise tournure, une mine de malfaiteur. Il a passé deux marque-mal, que ça doit être les ceux qui ont escoffié la femme qu’était sur le journal.

MARQUER, v. n. — 1. Marquer bien, Avoir bonne tournure. Marie, comment était ce mecieu qu’est venu me demander ? — C’est un mecieu qui marque bien. Il avait un chapeau monté et une blouse. Par opposition, Marquer mal, Avoir mauvaise câle. Si te savais comme te marques mal avè ton chapeau d’ânier ! Te sembles un mandrin.

2. Marquer. Se dit d’une jeune fille devenue pubère. La Louisa n’a que douze ans, et elle marque déjà. Se dit, au rebours, d’une femme qui n’a pas encore atteint l’âge critique. Le médecin lui a tout de suite demandé si elle marquait encore. On dit en proverbe à ce propos : Toute pièce qui marque est encore valable.

3. Marquer le course. Lorsque le taffetier suspend son travail, il met un cabelot sous la marche qu’il doit baisser en le reprenant, afin de ne pas être exposé, en baissant deux fois de suite la même marche, à passer deux coups de navette de suite dans la même ouverture de la chaine. Mettre le cabelot, c’est marquer le course.

Je ne sais quel étrange lapsus m’a fait dire que l’on marquait le course dans le métier de taffetas. Il est évident que ce métier n’ayant que deux marches, si l’on enfonce la même marche deux fois de suite, le coup de trame que l’on vient de passer se dépassera. J’ai voulu parler des satins et des armures, avant qu’on ne les fit à l’aide de la mécanique-armure qui n’a qu’une marche. Le satin huit lisses avait huit marches, et l’on faisait des armures de onze marches. Il est clair qu’il était indispensable de marquer la marche où l’on en était avant de reprendre le travail.

MARRAIN, s. m. — Décombres, poussière de plâtras, menus débris provenant de la démolition d’un mur. Il avait jadis une signification plus étendue, et comprenait non seulement les plâtras, mais les pierres de taille brisées, les moellons, les bois, et, en général, tous les matériaux de démolition. C’est ce qui résulte d’une adjudication de 1559, relative au Pont de la Guillotière, « Lesdits priffacteurs… auront et prendront tous les marrains, tant bois que pierres rouptes et murailles… pour iceulx boys, tant vieulx que neuf, et pierre roupte faire et disposer comme de leur propre chose… » — Ce texte justifie complètement l’étymologie marrain, de materiamen.

MARRAIRE, s. m. — Pionnier, ouvrier terrassier. Beaucoup de marraires nous viennent, pour la saison d’hiver, des montagnes du Velay ou du Forez. — De marrarius ; de marra, bêche, pioche.

MARRON, s. m. — Breghot faisait observer que ce mot, au sens de celui qui exerce sans titre l’état d’agent de change ou de courtier, n’était pas français. Mais peu d’années après l’Académie l’insérait dans son dictionnaire.

MARRONNER, v. n. — Gronder, murmurer, être mécontent, grognon, mais sans explosion. — Onomatopée, comme ronronner.

MARRONNIER, s. m. — Marchand de marrons. « Vous vous abouzé comme la baraque d’un marronnié que les galopins ont attaché z’à un carrosse qui passe, » dit le pauvre Jirôme Roquet. Cette plaisanterie était encore très usitée dans mon enfance, où les marronniers, au lieu d’être en boutique, avaient des échoppes sur les places, entre autres sur la place des Cordeliers.

MARTEAU, s. m. — Dent mâchelière. J’ai trois marteaux que sont gâtes. — De la ressemblance avec un marteau, ostensiblement.

Ramolli, tombé en enfance. Eh ! va don, vieux marteau ! — Je ne saisis pas bien la relation de l’image avec l’idée. Un vieux marteau n’est pas ramolli du tout.

MARTE, s. m. — Martre, fourrure. Marte, en dépit de Molard, est une forme absolument française, qui existe à côté de martre, et a été longtemps la forme officielle. L’Acad., dans sa première édition (1694), donne Marte, en ajoutant : « Quelques-uns escrivent martre. »

MARTINET, s. m. — Sorte de fouet, composé d’un certain nombre de fines lanières de cuir souple, attachées à un manche de bois, et qui remplit la double fonction d’épousseter les habits et ce que les gones ont de plus chair.

Bénir les fesses avec un martinet. Voyez bénir.

De Martin, nom propre, avec un suftixe diminutif. Martinet, le petit Martin.

MARTINETS, s. m. pl. — Petites forges où l’on fabrique des instruments de ménage en fer. Ces petites usines sont toutes établies le long des cours d’eau. — Du bas latin martinetum, forge dont les marteaux sont mus par un moulin.

MASSACRE, s. m. — 1. Mauvais ouvrier qui massacre l’ouvrage. Bibochard, c’est pas un canut, c’est un massacre. — Subst. verbal de massacrer.

2. Travailler comme un massacre. Ce n’est pas du tout travailler comme un ouvrier qui massacre l’ouvrage, c’est au contraire travailler avec rage, d’arrache-pied, en surmontant tout obstacle. Hercule, pour épouser les cinquante filles de Danaüs, dut travailler comme un massacre.

Ce mot est un curieux exemple de corruption euphonique. L’expression primitive, encore usitée à Genève, est travailler comme un sacre. Un sacre, autrefois, était un homme capable de toute sorte de rapacités et même de crimes, par analogie avec le sacre, qui, d’après Henry Estienne, est « le plus vaillant et le plus hardi entre les oiseaux de proye ». Travailler comme un sacre, c’est donc travailler en homme hardi, énergique, que rien n’arrête. Mais ne comprenant plus ce que c’est qu’un sacre, nous avons dit massacre, ce qui, même comme sens, n’en est pas très loin, car un sacre est très capable de massacres.

MASSE, s. f. — Très grosse mailloche, fixée à un long manche, et dont on se sert pour enfoncer les pieux, pour frapper sur les coins de fer à l’aide desquels on refend le bois, etc. — De malea, malia, primitif de mateola.

Masse du battant (métier de canut). C’est la traverse inférieure du battant, beaucoup plus lourde que la partie supérieure qui se nomme poignée. — De massa.

MASTOQUE, adj. des 2 g. — Lourd, grossier, trop gros, en parlant des choses ou des personnes. L’Alboni était une merveilleuse chanteuse, mais elle était un peu mastoque. Qu’importe : grosses gens, bonnes gens ! Le plus lourd reproche que l’on puisse faire à une architecture aux yeux du bourgeois, c’est de dire qu’elle est mastoque.

Je crois bien que la première partie du mot est masse, auquel on a cousu un suff. péjoratif oque. Le phonème oque est caractéristique de lourdeur, de stupidité. Comp. boque, gnoque.

MASTROQUET, s. m. — Marchand de vin. Ce mot de l’argot parisien s’est répandu à Lyon. Il n’aurait pas d’intérêt pour nous, s’il ne donnait lieu à une observation philologique. Malgré la dissemblance de profession, un mastroquet est un maître queux, nom qui se donnait jadis au chef des cuisiniers dans les grandes maisons. En est témoin maistroqueux, forme que l’on trouve au xvie siècle.

MÂT DE COCAGNE. — Se dit d’une personne grande et très mince. As-te vu ce mât de cocagne que la Félicia va marier ? Elle lui appond à l’embuni.

Ouvrir les yeux (parlant par respect) comme un chien qui caque des mâts de cocagne en travers. Les ouvrir considérablement, comme cela se comprend facilement par l’exemple.

MATEFAIM, s. m. — Crêpe. « Un jour de mardi-gras nous avions évité le père et le compagnon à manger des matefins tramés de bugnes. » (Ressit.) — De mater et faim : ce qui mate la faim.

MATELAS. — De matelas que donnent de coups de poing dans les côtes. Se dit de matelas aussi moelleux en leur genre que les poufs rembourrés de noyaux de pêches.

MATELOTTE, s. f. — Suivant Cochard, « Espèce de gilet sans poche et sans manches, que l’on met sous la veste, et qui se fait généralement en molleton ». Je ne connais point ce harnais, et matelotte pour matelotte, je préférerais celles de la mère Guy.

MATHEVON, s. m. — Sobriquet donné aux terroristes de Lyon pendant la Révolution. Dans mon enfance, on ne les désignait que sous ce nom. « Qu’est-ei don cela grand’ fêta, — Que j’avons dedins Lyon ? — Disave la mare Têta — U compare Mathevon, » dit une chanson politique du temps. — Suivant Cochard, le mot de mathevon viendrait d’une pièce bouffonne, intitulée la Vogue de Saint-Denis de Bron, dans laquelle figurait un taffetatier, nommé Mathevon, qui se mêlait de parler politique, et sans doute développait les théories révolutionnaires.

MATIÈRE, s. f. — Euphémisme décent pour gandouse, que les personnes délicates considèrent comme bas. Une romance sentimentale, intitulée la Demoiselle de Venissieux, se termine ainsi :

Vierge qui possèdes un cœur,
Ne te livre pas tout entière !
Bien loin d’épuiser la matière,
On n’en doit prendre que la fleur !

MATIN. — Il va partir pour Carouge un de ces quatre matins, c’est-à-dire sous peu.

Pluie de matin n’effraye pas le pèlerin.

MATIN, s. m. — Côté du levant. Une maison exposée au matin. Cette expression se trouve constamment dans les vieux actes : « Ledit bâtiment borné de matin, etc. » Une vache blanche, marquée de noir du côté de matin, dit un procès-verbal de saisie par huissier. Le même sens de matin se rencontre dans Hermann et Dorothée (Kalliope, vers 1848°) : Und von Morgen wehet der Wind, Et le vent souffle du matin.

MATINAL. — Le Matinal, nom que nous donnons au vent d’est, parce qu’il souffle du côté du matin.

MATINIER, ÈRE, adj. — Qui se lève de bon matin.

MATOU. — Ce monsieur est un vilain matou. Expression peu louangeuse pour un homme désagréable, voire même quelque chose de plus.

MATRU, UE, adj. — Chétif, misérable, gringalet. Me parait avoir vieilli, mais il est encore très usité dans nos campagnes sous la forme môtru. — Un matru gone, Un méchant gone. Avè une matrue mécanique, on peut pas faire de la bonne ouvrage. — Du vieux provençal malastruc, malheureux ; de male astrutus, né sous une mauvaise étoile.

MATTE, s. f. — 1. Baguette de tambour.

2. Mailloche de grosse caisse. — Subst. verbal de matter, frapper sur un métal pour l’amincir.

MATTER, v. n. — Pouvoir s’agglutiner. Quand la neige tombe par un gros froid, elle est sèche et ne peut plus se mettre en boule. Elle ne matte plus. (P. B.)

MATTHIEU SALÉ, MACU SALÉ. — Mathusalem. Déjà Villon avait écrit : « Et Loys, le bon roy de France… — Vive autant que Mathusalé ! » — C’est pas étonnant que celui-là se soye si bien conservé, me disait un bon canut, pisqu’il équiet salé !

MATTON, s. m. — Tourteau fait du résidu des noix dont on a extrait l’huile ; tourteau de colza, etc. — Peut-être d’un fictif mattar, de ματτειν, pétrir.

MAUVAISES. — Mauvaises raisons. Voy. raisons.

MAYE (ma-ye), s. f. — Gerbier. — De meta, cône, pyramide, monceau.

MAYE (mè-ye), s. f. — 1. Pétrin.

2. Table recreusée du pressoir. — De magida pour magidem.

MAZAGRAN. — Barbe à la Mazagran. C’est une manière de porter la barbe, les joues étant rasées et la barbe comprenant toute la partie inférieure du visage, à partir des moustaches. On l’appelait de ce nom parce que les officiers des chasseurs de Vincennes la portaient ainsi. Je crois que cela s’appelle aujourd’hui barbe en fer à cheval ou en cœur d’artichaut.

MÉCANIQUE. — La Mécanique tout court signifie la Mécanique à la Jacquard.

Mécanique-armure. — 1. C’est une modification simplifiée de la Jacquard, dans laquelle le cylindre, au lieu d’être percé de trous, est au contraire garni de chevilles qui entrent dans les trous des cartons. La mécanique, n’ayant pas d’aiguilles, est économique, mais elle a cet inconvénient que l’armure fabriquée ne peut se composer de plus de coups que le polyèdre dénommé cylindre n’a de faces.

2. Par extension, on donne ce nom aux petites mécaniques de 80 à 104 crochets, employées pour les armures de préférence au carête, et qui ont cet avantage que le métier n’ayant qu’une marche on n’a pas à craindre les pieds-faillis.

MÉCHANT. — Méchant comme un derne. Voyez derne.

Molard ne veut pas qu’on dise Méchant comme la gale, mais méchant comme la grêle. Cette faiblesse envers la gale part d’une bonne âme, mais elle est fort singulière.

Il fait méchant sortir avec ce froid… Il fait méchant marcher avec cette bassouille, et autres phrases de même genre. Locutions très expressives.

Il fait méchant sortir avec ce froid est dans le sens originel du mot.

MÉCHANTISE, s. f. — Méchanceté, malice. Il ne l’a pas fait par méchantise. On trouve meschantise au xvie siècle. — Fait sur méchant, comme vaillantise sur vaillant, etc.

MÈCHE. — Il n’y a pas mèche, Il n’y a pas possibilité. — Métaphore tirée du vieux fusil à mèche.

Faire mèche avec quelqu’un ; être de mèche avec un autre. Métaphore tirée aussi de la mèche de fusil.

MÉDARD. — S’il pleut à la Saint-Médard, il pleut pendant quarante jours, mais saint Barnabé peut encore tout raccommoder. Une année que les pluies de la Saint-Médard contrariaient Jean Brunier (prononcez Bruni), notre granger, il s’écriait d’un ton de mauvaise humeur. I z’auriant ben pu f… ce saint en hiver !

MÉDECIN. — Un jour Gnafron était appelé en justice comme témoin. Le président : Votre profession ?Gnafron : Médecin…Le président : !!!Gnafron, achevant sa phrase : De la chaussure humaine.Le président avec bienveillance : Plût à Dieu que les médecins nous raccommodassent comme vous les grollons !

MEDÉE, s. f., terme de canuserie. — Partie de la chaîne entre le remisse et l’étoffe déjà fabriquée. C’est donc la partie où passe la navette.

La Daudon Medée. Voy. Daudon.

MELACHON, s. m. — 1. Melette du cayon. — C’est melette avec substitution d’un suffixe péjoratif.

2. Surnom donné par les canuts aux commis gommeux qui font leur fendant. As-te vu dimanche le melachon de mon marchand que se baladait à cheval ?

MELATRU, adj. m. — Chétif. Que veux-tu donc qu’i fasse, il est ben trop melatru. Forme archaïque de matru, avant la syncope de a initial dans male astrutus. Comp. le français malotru.

MELETTE, s. f. — Parlant par respect, Testicule de mouton. Se donne le plus souvent au miron. Pourtant il y a des chrétiens qui la mangent en fricassée. Comme un miron entre deux melettes (c’est l’âne de Buridan). Un de mes amis m’écrivait : Marierai-je la Mélie ? Marierai-je la Glaé ? Je suis comme un miron entre deux melettes. — Du vieux français mesle, nèfle, de mespilum : mesle, mêle, melette. Comparez le rouchi prones, prunes ; au fig. polimina ; à Rive-de-Gier me z’ambricots.

MELON. — Durant quarante années, un brave homme à boucles d’oreilles et à voix de centaure, poussant devant lui sa petite charrette, a fait, quand venait août, retentir nos rues de ce cri :

\relative c'' {
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  \stemDown
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  d4 d d( b2)
  d4 d d b2
  a4 a a2
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}
\addlyrics {
  Aux me -- lons ! Aux me -- lons ! Ah, les beaux ca -- vail -- lons !
}

Hélas ! je crains bien qu’il n’ait pas pris sa retraite avec de grosses rentes.

J’ai rêvé que j’étais melon et que tu me sentais au… dessous pour savoir si j’étais bon. Très grossière plaisanterie, mais très usitée et qui a son origine dans l’habitude de flairer les melons vers le pédoncule avant de les acheter, afin de juger de leur parfum.

Femme et melon, on a beau les sentir, on ne sait jamais si c’est bon, avait coutume de dire mon maitre d’apprentissage.

MEMBRÉ, — adj. Un homme bien membré, pour Un homme bien membru, Qui a les membres gros et robustes. Étrange idée d’Humbert, de proscrire ce mot qui était déjà de son temps au Dict. de l’Académie.

MÊME. — Être refait au même, Être dupé. I m’a refait au même : i m’a fait marier sa fille, que j’ai trouvé le pot fêlé. — Je crois le terme emprunté au jeu de billard.

La même chose, loc. adv. Également, de même. Et la toux de la bourgeoise ? — Toujours la même chose… Votre gone mord-il enfin à la canuserie ? — Pour changer, c’est la même chose. Qu’i pleuve, qu’i pleuve pas, la même chose j’irai.

MÉNAGER. — Ménagez-vous. Expression d’intérêt, exigée par la politesse, toutes et quantes fois que vous quittez un ami. Adieu, ma femme m’attend. — Ménagez-vous ! Cela équivaut à dire : « Soignez votre santé ; elle est précieuse ; ménagez vos forces, u’abusez pas du travail, etc. »

MENAISON, s. f. — Parlant par respect, Diarrhée où Dysenterie. J’ai eu la menaison toute la nuit. — Archaïsme. « Le roy avoit la maladie de l’ost et menoison moult fort, » dit Joinville.

MÈNE, s. f. — Être de bonne mène, Être de bon command, être facile à gouverner. — Subst. verbal de mener.

Une médecine qui vous mène, sous-entendu « où vous savez ».

Mener grand bruit.Je sais pas quel bruit i se mène dans la rue ! — C’est de soûlauds que se chancagnent.

MENER, v. a. — Donner la courante. Quand je mange de pruneaux, ça me mène.

MENILLON, s. m. — 1. Fanon du taureau, du bœuf, de la vache.

2. Au fig. Estomac, poitrine. Depuis ce matin je n’ai rien dans le menillon. Autre : Pour être pauvre fille, on n’en a pas moins quèque chose sous le menillon.

3. Se dit, par raillerie, de le peau ridée du cou d’une vieille femme. Ma pauvre Christine, c’est le coup de mettre des cols montants pour cacher le menillon.

Se marcourer le menillon. Voy. marcourer.

De manus, plus le suffixe illon exprimant l’agitation. Comp. l’espagnol menear, remuer, agiter, de manus.

MENSONGE, s. m. — 1. Pellicules qui croissent dans le voisinage des ongles. Autant que l’on a dit de mensonges, autant de pellicules. Mariette, t’as dit un mensonge, j’en vois à ton ongle. — Mais non, p’pa ! pisque c’est un mensonge, c’est que je n’ai point dit de mensonge !

2. Âme de peloton (voy. âme). Le bourron de papier au cœur du peloton est un mensonge, parce que le peloton représente ainsi plus de fil qu’il n’en contient.

MENTON. — Un menton à galoche, Un menton saillant, qui a l’air de se relever. — Son menton et son nez font la bataille, Tendent à se réunir. Cela se voit souvent chez les vicilles gens.

MENTONNIÈRES, s. f. pl. — Rubans attachant un bonnet ou un chapeau. Littré ne donne pas cette acception.

MENUES, s. f. pl. — « Petites herbes de la salade. » (Molard.) — Je n’ai pas eu occasion d’entendre ce mot.

MENUSAILLES, MENUSES, s. f. pl. — Menues parties du porc, queue, oreilles, débris, etc. « Los Antonins venont bien, — Portant de menuises, » dit un noël lyonnais de 1723. — Vieux franç. menuises, menus morceaux, petits objets.

MÉPHIBOSET, s. m., MÉPHIBOSETTE, s. f. — Boiteux, contrefait, noué. C’est un pauvre méphiboset. Ce mot, très usité jadis, me paraît tombé en désuétude. Il est encore employé à Genève, d’où il nous est peut-être venu, Genève étant plus familier que nous avec la Bible, surtout autretois. C’est en effet un souvenir biblique, ce que n’a pas manqué de rappeler Mme Évesque. « Or Jonathas, fils de Saül, avoit un fils qui étoit boiteux des deux jambes ; car lorsque la nouvelle de la mort de Saül et de Jonathas vint de Jezraël, il n’avoit que cinq ans ; sa nourrice, l’ayant pris entre ses bras, s’enfuit, et, comme elle fuyoit avec précipitation, l’enfant tomba, et en fut boiteux. Il s’appeloit Miphiboseth. » (Rois, l. ii, chap. iv, vers. 4.)

MERCI. — Merci de la peine. Humbert considère merci de comme un provincialisme. Il oublié son Lafontaine : « Bien grand merci du soin. »

MERCREDI. — J’ai z’été au banquet électorable. Y avait de cito-yens en veux-tu en voilà, et le député au beau milieu, comme le mercredi. — De ce que le mercredi est au beau milieu de la semaine.

MERCURER (SE). Voy. marcourer.

MERDAILLE, s. f. — Se dit d’une tapée d’enfants. C’te merdaille menont un boucan ! — Du mot connu, avec le suffixe collectif et péjoratif aille.

MERDAILLON, s. m. — Petit gone. As-te vu ce merdaillon que fume la pipe ?

M… (parlant par respect). — Dans tous les pays ce mot ignoble fournit des foisons de métaphores. Il en est chez nous comme ailleurs. J’avoue que j’ai un peu hésité à écrire les lignes suivantes. Pourtant il est difficile dans un dictionnaire de ce genre de passer sous silence le mot le plus fécond de notre littérature. — Après tout, l’on n’a qu’à sauter la page.

Un sac à m… Se dit d’un homme ventru et grossier.

Faire de la m… avec les dents, Manger. J’entendais un jour sur les cadettes de Bellecour une vierge timide dire à sa compagne : Après la danse, M. Jules m’a dit comme ça : « Allons, Mameselle, si vous voulez faire un peu de m… avec les dents, nous irons au buffet. » Je me suis pas laissé manquer et j’y ai répondu : « Mecieu, vous n’êt’ un cochonnier ! »

Si l’on voulait de la m… de vilain, on n’aurait qu’à lui pendre un panier au… Ne se dit pas par manière de grand éloge. Vilain peut se prendre au propre ou au figuré (voy. vilain).

C’est la m… que monte à cheval. Se dit de quelqu’un qui veut paraître au-dessus de sa condition. As-te vu la Maria sur les Tapis, avè sa robe de soie el ses farbalas ? — La m…, que monte à cheval !

Il ne garderait pas de la m… dans sa chemise. Se dit de quelqu’un d’incapable de porter le moindre secret.

Il faudrait être quatre pour lui dire m… Se dit à propos de quelqu’un de faraud, qui fait le fier : Avè ta vagnotte neuve et ton bugne, i faudrait être quatre pour te dire m…

Au jour du jugement, autant vaudra la m… comme l’argent. On devrait se répéter ça toute la journée. Il y aurait moins de gens avides d’être riches.

Il n’a pas de m… aux yeux, mais y a de place pour en mettre, se dit de quelqu’un qui fait son fendant. Sais-tu que M. Pommadin est un beau garçon ? — Ça, c’est vrai, i n’a pas de m… aux yeux ! mais y a de place pour n’en mettre.

Des mains de m… Voy. main.

Une bonne femme, dans son exaspération contre son mari, qui ne savait se retourner dans rien, et mangeait de l’argent où les autres en gagnaient, me disait devant lui : Il est si bête qu’i ne saurait pas trouver de la m… à ma chemise !

Au jour d’aujourd’hui tout le monde veut la manger avec un cuiller d’argent. Métaphore trop énergique pour dire qu’aujourd’hui même les gens des plus infimes conditions veulent avoir du luxe.

On fait toujours précéder toutes ces locutions ou expressions de la précaution oratoire : « parlant par respect, » mais cela ne les rend pas beaucoup plus belles, et, en général, l’on fera mieux de s’en abstenir, surtout devant les dames.

Rêver à la chose, signe d’argent. Heureux les joueurs de Monaco, quand ils en ont rêvé ! Plus heureux ceux qui, sans s’en apercevoir, ont marché dessus | Mais la principauté est si bien tenue que ce n’est que sur terre de France qu’on peut espérer cette bonne fortune.

MÈRE GRAND’, s. f. — Grand’mère. On dit plus volontiers la Grand’.

MERLAN, s. m. — Perruquier. Une vieille chanson dit :

Voulez-vous savoir, Mesdames,
Ce que c’est qu’un merlan frit ?
Il a vendu sa boutique
Pour un morceau de pain bis.

Le bataclan du merlan. Voy. bataclan.

J’ai lu, je ne sais plus où, que le mot avait une origine historique, et venait de ce que Henri IV, passant par Sisteron, avait été coiffé par un perruquier du nom de Merlan. « Qui le voudra croire le croie. »

MERLASSE, s. f. — Femelle du merle. Je connaissais un bon ménage où l’on avait eu la plus grande affection pour un merle, devenu mort. Au bout de l’an, le mari se prit à dire : Il y a pourtant un an aujourd’hui que notre pauvre merle est mort ! — Ah, reprit la femme en pleurant, si tu disais notre pauvre merlasse ! — Je te dis que c’était un merle ! — Et moi je te dis que c’était une merlasse ! — Chacun s’échauffant dans son dire, le dialogue finit par une bonne chauchée. Au second anniversaire, le mari se reprit à dire : Il y a pourtant deux ans aujourd’hui, etc. Même dialogue, même dénouement, et ainsi de suite tous les ans, tant que le mari et la femme vécurent. Après cela, était-ce un merle, était-ce une merlasse ? Malgré tout le mal que je me suis donné, je ne l’ai jamais pu tirer au clair.

MERLE. — Chante, merle, la cage brûle. Voyez chanter.

MERLUCHE, s. f. Femme grande et sèche. Le Touane a marié une grande merluche… La Marion Bombée ou la Marion Merluche, qu’aimerais-tu le mieux ? — J’aime mieux la viande.

MERLUCHIER, s. m. — Épicier, et surtout marchand de denrées coloniales.

MÉSENTENDU, s. m. — Malentendu. À ma grande surprise, je vois que Littré a recueilli ce mot peu académique.

MÉTÉRÉE, s. f. — Mesure agraire équivalente à la bicherée. — De metare pour metiri.

MÉTIER. — Avoir son métier pour maître. Voy. maître.

Monter un métier. Voy. monter.

Avoir un enfant sur le métier. Se dit d’un mari dont la femme est grosse.

METTAGE. — Mettage en mains, Ouvrage de la metteuse en mains.

METTEUSE. — Metteuse en mains. C’est l’ouvrière chargée de diviser les paquets de soie ouvrée ou grège qui lui sont confiés par le fabricant. Elle a pour mission d’assortir les grosseurs, de choisir les flottes ; de faire un triage afin de faciliter et de régulariser l’emploi de la matière première. Après ce triage, les flottes et les matteaux, formes sous lesquelles la soie se présente dans le commerce, sont transformés en paquets, mains et pantimes. Chaque paquet est divisé en 10 mains. La main d’organsin peut peser 150 grammes en moyenne, et ln main de trame 250, et peut aller même à 300 grammes. Chaque main est divisée en 4 pantimes, et chaque pantime est formée de 10 à 15 flottes.

METTRE, v. a. — Mettre de coin, Mettre de côté. Mets donc ces ciseaux de coin pour les retrouver quand ils te feront faute.

Mettre de l’argent de coin, Mettre de l’argent de côté.

Mettre en mains. Voyez sous Metteuse en mains.

Se mettre de quelque chose. Exemple : Je me suis metu de la société des Bras-Neufs. — Oh, c’est ben une bonne société. — C’est pour ça que nous sons une quantité.

Mettre les pouces, — Venir à jubé, se soumettre par contrainte. Je suppose que la métaphore est tirée de l’action de joindre les pouces dans l’attitude dela prière.

Admettre. Mettons que ça soye vrai, que ta fenne t’en fasse porter. Et après ?

METU, — Participe passé de mettre. Voyez éteindu.

MURTE. Voy. morte.

MIAILLE, s. m., MIAILLON, s. m. — Petit enfant, mami. Emporte don ton miaille, qu’i nous fait partir les oreilles ! Te vois bien qu’i veut son tetet ! — De miailler, crier, vagir.

MIAILLE, s. f. — Bouche. Se faire peter le miaille, S’embrasser avec des baisers bruyants. — Sub. verbal de miailler, parce que c’est avec la bouche que l’on miaille.

MIAILLER, v. n. — Crier, vagir. À Bollène (Comtat), il y a la rue des Miailles, « Rue des vagissements, des cris ». De même à Crillon (Comtat), il y a la rue des Mians. — Fait sur l’onomatopée mialh.

MICHAILLE, terme de maçonnerie. — Pierrailles, petits débris. On le trouve dans un texte de 1468. — De mica, parcelle, débris, mais il faut supposer une forme micca.

MICHE, s. f. — Pain de luxe d’une demi-livre ou d’une livre. Quoique le mot soit au dictionn. de l’Acad., à Paris les boulangers ne savent pas ce que c’est, et vous rient au nez quand vous leur demandez une miche. Racine emploie cette expression dans une lettre à l’abbé Levasseur, du 27 mai 1661 : « Il (M. de la Charles)… commença une harangue qui ne finira qu’avec sa vie si vous n’y donnez ordre, et que vous ne lui fermiez la bouche par une grande lettre d’excuses, qui fasse le même effet que cette miche dont Énée ferma la triple gueule de Cerbère. »

Miche à fesses (parlant par respect). C’est une grosse miche rebondie, divisée par une raie dans toute sa longueur. À la maison on ne connaissait pas d’autre mot. Marie, vous prendrez une miche, pas une petite miche (la miche de demi-livre), mais une miche à fesses (la miche d’une livre). Les demoiselles sucrées disent par pudeur « Une grosse miche. »

Il y aurait à examiner si une miche à fesses n’est pas une miche à fente, une miche fendue, 'fissa. (M. D.)

Les miches de Saint-Étienne, Des cailloux.

Manger sa miche la première, Connaitre d’abord les bons jours, puis les mauvais jours.

D’une racine germanique mik, qui, à l’origine, avait la signification de farine fine.

MICHÉ, s. m. — Apprenti canut, avec un sens assez peu laudateur. — « Noutron Michi d’aprinti — Soute à bas de son meti. » (Noël de Jean Guigoud.) — C’est Michel, pris dans un sens péjoratif (voy. Liaude).

MICHIER, s. m. — Terme plaisant dont on use quelquefois pour boulanger. Michier, faiseur de miches.

MIDI. — Midi ont sonné. Dans cette locution nous considérons midi comme égal à douze heures. Or on dirait très bien : « Douze heures sont sonnées. » — Et nous disons ont sonné, parce que nous considérons sonner comme égal à retentir. Or on dirait très bien : « Douze coups ont retenti. » Les irrégularités du langage populaire ne sont pas de pures fantaisies. Elles sont fondées sur des analogies, souvent non sans une liaison logique d’idées.

MIGRACE, s. f. — Grimace. « Ne fais donc pas des migraces ! » me disait souvent ma mère en plaisantant. — Métathèse bizarre de grimaces, qui me parait avoir eu pour origine une fantaisie burlesque, mais qui est devenue assez populaire pour qu’on la retrouve jusque dans le Berry.

MIL. — Mameselle Pierrette, quand est-ce que nous marions ? — En mil huit cent jamais. Attrape !

MILIEU. — Juste dans le milieu, comme le mercredi. Voy. mercredi.

MILLE-PATTES, s. m. — Scolopendre.

MILLET. — C’est un grain de millet dans le bec d’un âne. Voy. âne.

MILLIASSE, s. f., MILLON, s. m., terme de maçonnerie. — Petits fragments de pierre. Il faut garnir avec de la milliasse, du millon, Il faut mettre de petites pierres dans les interstices des grosses. — De mille, à cause que ces pierres sont tellement menues qu’elles sont par milliers.

MIMI. — Faire mimi, Donner un baiser. — Un jeune architecte lyonnais fut mandé pour la construction d’une maison de campagne. Après quelques instants de conversation, le monsieur, appelé par ses affaires, laisse l’architecte avec sa femme, lui disant : « Vous ferez tout ce que ma femme vous dira. »

La dame était jeune, fraîche, en fort bon point, déparée seulement en ce qu’elle béguait, non sans quelque grâce même. On arrête les dispositions générales. Supplications à l’architecte de commencer les fondations. Il déclare la chose impossible. Monsieur, disait la dame avec une grâce infinie, vous… vous me ferez ce mi… mi… L’architecte se souvenant de la recommendation du mari de faire tout ce que dirait sa femme, il l’embrasse. Racle ! fait la femme, en le repoussant avec violence. L’architecte comprit, mais trop tard, qu’elle avait voulu dire « miracle ». — Il faillit n’en pas faire la maison, mais tout s’arrangea.

Mimi est forgé par répétition de syllabe, comme les mots enfantins, possible avec l’intention d’imiter le bruit du baiser sur chaque joue.

Faire mimi à la pincette, C’est un baiser qui se fait d’une manière aimable en tirant les deux joues de la personne embrassée (pour autant qu’alors on ne peut pas l’embrasser sur les joues).

Je connaissais un jeune licencié ès lettres qui faisait étalage de son latin. Toutes les fois qu’on donnait une pénitence aux jeux innocents, il se précipitait sur une dame (ou une demoiselle) pour l’embrasser, en criant : Primo mini !

MINABLE, adj. des 2 g. — Misérable, chétif. Avoir l’air minable, Avoir une apparence de misère. — De miner, comme le franç. miné, consumé.

MINÉ, s. m. — Travail qui consiste à défoncer la terre en faisant des fossés successifs. Faire un miné.

MINER, v. a. — Faire un miné à une terre. — Dérivation de sens du franç. miner.

MINISTRE, s. m. — Porc. L’injure ne vise pas les ministres politiques ; avant l’invasion du journalisme populaire, le menu peuple ignorait presque ce que c’est qu’un ministre. Elle remonte au xvie siècle et a son origine dans les querelles religieuses. C’est une injure des catholiques contre les « ministres du saint Évangile ». En Limousin la même appellation désigne les ânes.

MINON, s. m. — 1. Fourrure en général. J’ai fait garnir ma robe avec du minon pour cet hiver… Tel que vous voyez ce manteau, j’y ai fichu pour huit cents francs de minon.

2. Hermine des magistrats. C’est des gens qu’ont de grand’s manches avè de minon blanc.

3. Sorte de palatine.

4. Petit chat.

5. Terme libre. Pubes feminea.

Pour 1, 2 et 3, de hermine, devenu herminon, minon. Pour 4 et 5, forme de minet.

MIÔLE, s. f. — Moelle.

On entendrait gasser la miôle dans mes os, dit Jean-François-Benoni Petavet, compagnon taffetatier, dans sa déclaration à Mlle Daudon Medée. — De medulla.

MIQUE, s. f. — Dans l’expression Une grande mique, une grande fille niaise et dégingandée. C’est par erreur que Fraisse écrit nique. S’emploie en opposition avec boque (voy. ce mot). — C’est, avec extension de sens, le patois mica, amoureuse, maitresse ; ina petita mica, une petite fille ; du vieux provençal mica, lui-même d’amica.

MIRACLE. — Faire un miracle, Casser quelque chose. Fais don pas porter c’te pile d’assiettes à la Lucie : te sais ben qu’alle est adroite comme l’oiseau de saint Luc ; alle va faire un miracle, pour sûr !

MIRON, s. m. ; MIRONNE, s. f. — Chat. Chatte. Les femmes, c’est comme les mironnes : elles vous font miaou, miaou ! Puis quand vous les touchez, elles vous graffinent. (De mon maître d’apprentissage.) — Onomatopée du ronronnement.

MISE, s. f. — Mèche de fouet. — De myxa, qui donne misse, passé à mise, par confusion avec le participe passé de mettre.

Mise en carte. Voy. carte.

MISER, v. a. et n. — Surenchérir. J’irai à l’incan. Y a une calèche. Je la miserai jusqu’à cinquante francs : tant pis si elle me reste ! J’ai toujours cru ce mot français, jusqu’à tant que j’aie vu qu’il n’était pas dans Littré.

MISÈRE. — Misère, Misère ! tu as tué mon père, mais maintenant je te tiens ! Phrase qui se dit lorsqu’on est en présence de quelque situation difficile.

Faire des misères à quelqu’un, Lui faire du tort, du chagrin, lui susciter des difficultés. Ah, Monsieur, on m’a tant fait de misères ! Que de fois j’ai entendu dire cela à des gens à qui personne n’avait fait du mal qu’eux-mêmes !

Chercher des misères à quelqu’un, Lui chanter pouille, lui créer des embarras. Sa femme lui a cherché de misères par rapport qu’il lui avait mangé son saint-frusquin.

MISSELER, v. a., terme de batellerie. — 1. Réunir deux câbles bout à bout au moyen de petites cordes appelées batafis (voy. ce mot).

2. Fixer la maille ou gros câble de halage à la sangle du bateau au moyen de cordes plus grosses que le batafi et appelées varlets (voy. ce mot). — De miscellare, formé sur miscellum. L’idée est « mêler deux objets » pour en faire un seul.

MISSIAUX, s. m. pl. — Nœuds des varlets (voy. ce mot). — De miscellum (v. misseler).

MITAN, s. m. — Le coup de fusil a attrapé au beau mitan de la cible. — De medietantem.

MITE, s. f. — Mitaine. Une bonne mère à sa petite, qui n’est pas sage : Attattends ! c’est moi que vas prendre des mites pour te fecer ! — Assez vraisemblablement du germanique mitte, milieu, les mites étant des demi-gants.

MITONNÉE. — Soupe mitonnée, Soupe de pain cuit.

MITONNER, v. a. et n. — Préparer dans l’ombre. — Il se mitonne un mariage du garçon à M. Pelosse avec Mlle Pocasse, la devideuse.

MITRAILLE, s. f. — Monnaie de billon. J’ai apporté ma pleine poche de mitraille pour jouer au bouchon. — De mitte, petite monnaie flamande de cuivre. Un amas de ces petites pièces se nommait mitaille. D’où mitraille par l’insertion de r sous l’influence de mitraille, le billon pouvant d’ailleurs se comparer avec les fragments dont se compose la mitraille.

MODE, s. m., terme de batellerie. — Remonte d’un bateau à la bricole dans tout le parcours de Lyon, d’Ainay à Serin. — Substantif verbal de moder.

MODER, v. n. — Partir, s’en aller. Allons, c’est tard ; faut moder. — De motare ou movitare.

MODÈRE, s. m. — Membre de la corporation des Modères, qui avait jadis le privilège de la remonte des bateaux dans la traversée de Lyon. — Fait sur moder, avec le suffixe aire, ère, applicable aux noms de métier.

MOGNE, s. f. — Force musculaire, spécialement en parlant des bras. J’aime pas ces hommes que n’ont gin de mogne, disait la petite Louison. — Formé sur main, comme poigne est formé sur poing.

MOGNIAU, s. m. — Moineau ; MOGNIAUDE, s. f. — Femelle du moineau.

Tête de mogniau, terme de canuserie, Gros bourron à un fil de la chaîne.

MOIGNEUX, EUSE, adj. — Qui a de la moigne (voy. ce mot).

MOINE, s. m. — Sabot, toupie qu’on fait tourner à coups de fouet. — De molinum, de mola, chose qui tourne.

MOINS. — Le moins des moins, Pour le moins. Quelle dot a-t-elle ? — On ne sait pas trop bien, mais deux mille francs pour le moins des moins. C’est un renforcement de pour le moins.

MOLLASSE, s. f. — 1. Se dit d’une personne molle, lâche, paresseuse. Veux-tu ne pas traîner la grolle comme ça, mollasse ! Un grand architecte a pris à l’Académie du Gourguillon le pseudonyme de Mollasson… par antiphrase.

2. Espèce de pierre, Grès tendre qui nous vient du Dauphiné. La façade de Saint-Maurice à Vienne est bâtie de cette pierre.

MOLLETTE, s. f. — Une mollette de beurre, Très grosse pelote de beurre, que les ménagères achètent communément pour faire fondre. Les canuts content en plaisantant la gandoise suivante : Le père à sa fille Parnon, qui est sur la suspente : Parnon, tu là-haut ? Parnon, ; tu là-haut ? Parnon finit par répondre timidement : Oui, p’pa.Le père : Ah, t’esses là-haut ! Te liches la mollette, t’i pas ? Attattends, c’est moi que je vas te licher les fesses !

Avoir l’esprit aiguisé comme une mollette de beurre. Ce n’est pas l’avoir très aiguisé.

MOLLON, s. m. — 1. Mie de pain.

2. Pulpe des fruits.

MOMENT. — Un bon moment, Un moment long. Monsieur y est-il ? — Il est sorti, il y a un bon moment. Cela veut dire une heure, ou plus ou moins, suivant les idiosyncrasies des bonnes.

MONDE, s. m. — Au sens de « les hommes », il est toujours pluriel : Le monde sont si méchants ! — C’est un latinisime : Turba ruunt.

Comme les chiens pour mordre le monde. Se dit d’une chose naturellement propre à faire le mal. Ces vélocipattes, c’est inventé pour faire tomber les gens, comme les chiens pour mordre le monde.

Dans le monde rien, Rien, absolument rien. Il a demandé quéque sous, on lui a rien donné, Madame, dans le monde rien.

Pas le moins du monde, Pas du tout. Très usité. Croyez-vous qui soye heureux avè se n’épouse ? — Pas le moins du monde. L’idée est : pas le moins qu’il puisse exister de bonheur dans le monde.

MONDURES, s. f. pl — Épluchures. De mondures de truffes. — Fait sur monder, comme épluchures sur éplucher.

MONINE, s. f. — Femme méchante. Cete monine m’a graffiné.

MONNAIE. — Manquer de monnaie, faute de grosses pièces, N’être pas un Rothschild.

MONNAYÉ, ÉE, adj. — Qui a de la fortune. Le Glaudius n’est pas très bien de chez lui, mais sa femme est monnayée. Sur cet emploi du partic. passé au sens de possédant ce qui fait l’objet du thème du verbe, comp. un homme argenté, un homme qui a de l’argent ; un homme renté, un homme qui a des rentes ; un homme aisé, un homme qui a de l’aise ; un homme bien jambé, un homme qui a de solides jambes.

MONTAGE, s. m. — Action de monter un métier.

MONTAGNES. — Elle ferait battre quatre montagnes. Voy. battre.

MONTCHAT. — C’est le terrain de Montchat, il y faut un jour de soleil, un jour de pluie, un jour de m… Se dit des terrains secs et caillouteux comme ceux de Montchat.

MONT-D’OR, s. m. — Fromage de chèvre, qui a la forme d’un disque (pas la chèvre, le fromage) et qui se fabrique dans les villages sur les pentes du Mont-d’Or. Il est très renommé. Un mont-d’or bien raffiné.

MONTÉE. — Une montée d’escaliers (escaliers signifie ici marches). On dit souvent la montée tout court. Y a de mirons que viennent faire leurs zécommuns dans la montée… Avè la Josette nous demeurons dans la même montée. On dit de même : Une descente de cave, mais jamais une descente tout court.

Se dit d’une rue avec très forte pente : la montée du Gourguillon (ou le Gourguillon), la montée du Chemin-Neuf (ou le Chemin-Neuf), la montée Saint-Barthélemy, la montée des Anges, la montée de la Glacière (aujourd’hui rue Romarin), la montée de la Butte. Se dit parfois d’une montée en escaliers : la montée des Épies, la montée de Tirecul (aujourd’hui des Chazeaux), la montée du Garillan, la montée des Carmes-Déchaux, la montée Bonafous. En place, on ne dit pas la montée du Change, la montée des Capucins, mais les escaliers du Change, les escaliers des Capucins. Les trois montées qui conduisent à la Croix-Rousse se nomment côtes (voy. ce mot).

MONTER, v. a. — Monter un commerce, un établissement (c’est-à-dire un café, une brasserie). Ces expressions que les forts en grammaire ont oublié de signaler, sont si généralement employées que je les avais toujours crues françaises. J’en dirai autant de :

Monter le feu, Le préparer de façon qu’on n’ait qu’à l’allumer. Cette expression doit être particulière à Lyon, car un jour, dans un hôtel de Nice, je sortis à midi en recommandant de monter le feu dans ma chembre. La bonne paraissant n’avoir pas entendu, je répétai la phrase et sortis. Rentrant à neuf heures, je trouve un rafoyaud qui durait depuis midi, et avait consommé quatre paniers de bois à 2 fr. 75. La bonne ne pouvant parvenir à comprendre ce que c’était que de monter le feu, s’était adressé à la maîtresse d’hôtel, qui n’avait pas compris davantage. On avait tenu conseil et décidé que cela voulait dire l’allumer et l’entretenir.

Monter un métier, Le disposer de façon à recevoir la pièce qu’on lui destine ; le munir de ses agrès, faire faire le remettage, etc.

MONTEUR. — Monteur de métier, Ouvrier qui, lorsqu’il s’agit d’un article nouveau pour un métier, vient organiser celui-ci d’après la disposition donnée par le marchand. C’est une opération des plus compliquées, que le canut sait faire, mais celui-ci préfère, le plus souvent, appeler un monteur qui le fait beaucoup plus rapidement.

MONTFALOU, s. m. — On dit que, depuis quelques années, cette expression s’est introduite pour Pacan, Paysan mal dégrossi. — L’origine est évidemment le mont Falou inventé par Victor Hugo dans sa ballade de Gastilbeza. Par métonymie, on a fait de mont Falou un habitant de ce mont que l’on suppose très sauvage et très reculé. Cette locution stupide a été évidemment rapportée de Paris par quelque bel esprit.

MONTMERLE. — T’as vu la Génie avè sa calèche à marabouts ? — Elle est comme la sainte Vierge de Montmerle, tant plus qu’on la pare, tant plus elle est laide.

MONTRE. — Quelle heure est-il ? — Dix heures. — Vas-tu bien ? — Comment ! c’est ma montre qui règle le soleil ! Il est de règle qu’on réponde par cette spirituelle gandoise.

MOQUE. — Je t’en moque !Il a voulu se faire nommer conseiller municipable, mais je t’en moque ! On dit aussi dans le même sens : Je t’en casse !

MORDURE, s. f. — Morsure. Fait sur mordre, comme pâture sur paître, bordure sur border.

MORIBONNE. — C’est le féminin que nous donnons à l’adjectif moribond. Y a la Toinette qu’est moribonne.

MORJON, s. m. — 1. Gland d’un bonnet de nuit. — Je crois que c’est morion tourné en ridicule.

2. Méchant petit gamin collant dont on ne peut se débarrasser. Veux-tu t’ensauver, petit morjon ! — Euphémisme pour un mot qui ne doit pas être prononcé.

MORNAIN, s. m. — Nom de deux cépages, le mornain blanc et le mornain noir.

MORSILLER, v. a. et n. — Mordiller. Les jeunes chiens aiment à morsiller. — Tandis que mordure est une formation récente sur mordre, morsiller est une formation ancienne sur morsum. Le vieux français avait amorsiller, même sens, que nous avons réduit à morsiller.

MORT. — La Mort qui file. C’était, me disait mon père, une enseigne (j’ai oublié où) représentant la Mort filant. Elle faisait une grimace épouvantable, d’où, lorsqu’on se tord la bouche et les yeux, on appelle cela faire la Mort qui file. L’expression est ancienne, car je l’ai retrouvée dans je ne sais plus quel bouquin du moyen âge.

Mort d’un côté, Paralytique hémiplégique. Le pauvre père Melonnier a pris une attaque, il est mort d’un côté.

MORTAVIE, s. f. — Moldavie ou Mélisse de Constantinople, qu’on emploie comme vulnéraire et réchauffant. Mais le canut donne surtout ce nom à la liqueur de ménage que l’on fabrique en faisant macérer des feuilles de moldavie dans de l’eau-de-vie.

MORTE (les canuts prononcent le plus souvent Meurte). — 1. Temps de chômage pour la fabrique. « La meurte, hélas ! a remplacé la presse. » (Ma Navette.) Dieu seul sait ce que ce mot de morte peut représenter de souffrances ! Pourtant aujourd’hui la morte est moins terrible encore que jadis, parce que la majeure partie des métiers étant au dehors de Lyon, l’ouvrier de la campagne, qui n’a pas que son métier pour seule ressource, est plus à même de supporter quelque chômage.

2. Endroit d’une rivière où l’eau ne court pas, soit que l’eau y dorme, soit qu’elle y forme un tourbillon (voy. moye).

MORTUAIRE, s. m. — Extrait mortuaire, J’ai fait venir le mortuaire de mon oncle.

MOTTET, s. m. ; MOTTETTE, s. f. — Petit garçon, Petite fille. Par extension, Un brave mottet, Un honnête jeune homme : Le garçon à la Toinon a l’air d’un brave mottet. On dira encore : T’as ben pour prétendu un joli mottet, Un garçon alerte. — Ce mot, que ma mère employait souvent, doit nous être venu de la Bresse. Je le crois vieilli. — De mustum, jeune.

MOU, s. m. — Poumon des animaux, spécialement du mouton ou du bœuf, qu’on donne aux chats. « J’y découpe tous mes vieux panaires. I croit que c’est de mou. I se regâle ! » (Duroquet.)

MOU, adj. — Mou comme de tripes. Voy. tripes.

MOUCHE À MIEL. — Abeille. Très bon français quoique proscrit par Molard, j’ignore pourquoi.

MOUCHER, v. a. — 1. Couper le bout à quelque chose. Il faut moucher cette branche, il faut en couper le bout. C’est évidemment de moucher dans ce sens que vient l’expression moucher une chandelle.

2. Voler, faire disparaitre. Je suis allé à la vogue de la Guillotière, on m’a mouché mon porte-liards… Prends garde au chien, mon petit, qui te moucherait ton bon ! — Ce sont des dérivations de sens de moucher son nez.

Se moucher du coude. Voy. coude.

Droit comme mon bras quand je me mouche. Voy. droit.

Attraper.Moucher un rhume, ce qui ne veut pas dire user de son tire-jus, mais bien être mis dans le cas d’en user fréquemment.

MOUCHET, s. m. — 1. Petit bout d’une branche, bouquet de cerises pendant à une branche, et autres choses semblables. Par extension, un tout petit morceau de quelque chose en général. Veux-tu du cabrillon ? — J’en prendrai un mouchet. — De moucher (voy. ce mot).

2. Barbiche. Il a un mouchet que s’i sentait le bouc, on croirait que c’en est un. Dans un noël de 1723, l’enfant Jésus lorgne avec étonnement « le mouchet » que portaient alors les PP. Lazaristes. — Du franç. mouche, au sens de barbiche.

MOUCHON, s. m. — Bout d’une mèche consumée de lampe, de bougie, de chandelle. « Si nous croyons Pline, l’enfant estant au ventre de sa mère peut estre suffoqué par l’odeur d’un mouchon de chandelle mal esteint, » dit l’honnète Bouchet.

Vivre de mouchons de chandelle, Être très mal nourri. Elles ne mingeont pas de mouchons de chandaila, disait au sviie siècle la buyandière, en parlant des dames qui la faisaient travailler.

Le mouchon ne vaut pas la chandelle, L’affaire n’en vaut pas la peine.

Voilà une belle maison ! — On ne l’a pas rien bâtie pour des mouchons de chandelle ! Pour dire que sa construction a dû coûter gros d’argent.

MOUILLASSER, v. imp. — Mouille-t-i ? — Non, i mouillasse seulement, pour dire qu’il tombe une petite pluie très fine. Le suffixe asse, qui est ordinairement augmentatif, est ici, par exception, diminutif.

MOUILLER, v. imp. — I mouille, Il pleut.

MOULE, s. m. — Un moule de bois, Mesure de bois de chauffage, qui avait quatre pieds dans tous les sens. Aujourd’hui on appelle un moule, un stère.

Du bois de moule, Bois de chauffage rond, propre à être mesuré au moule.

MOULÉES. — Lettres moulées, lettres d’imprimerie. Oh, pour être vrai, c’est vrai ! je l’ai vu en lettres moulées. Le peuple, avait, autrefois, une très grande superstition de la lettre moulée. Cela semblait donner à la chose énoncée un caractère officiel qui emportait la certitude. Un des bienfaits de la presse a été de lui faire perdre cette superstition.

MOULER, v. a. et n. — Lâcher doucement, faiblir. Moula la maillette, Lâche doucement le corde ! C’était le cri de nos mariniers. — Souffres-tu toujours autant ? — Ça moule un petit peu, La douleur diminue. Le prix du vin a moulé, a baissé.

Mouler en douceur. Voy. douceur.

Naturellement de mollem, comme mollir.

MOULES. — Une paire de moules de gants, Une paire de gifles.

MOUNICHE, s. f., terme libre. — Pubes feminea. — De mouna, femme (voy. mounine), avec le suffixe iche, par analogie avec barbiche.

MOUNINE, s. f. — 1. Guenon. Au fig. une femme grimacière, minaudière. As-tu vu c’te mounine, que faisait les yeux blancs ?

2. Petite fille avec un sens un peu railleur. On le fait précéder de petite : Venez ici, petite mounine ! — Du patois mouna, femme, avec sens péjoratif. Mouna vient lui-même de madona, contraction de mea domina. On a ajouté le suffixe diminutif ine.

MOURVE, s. f. ; MOURVET, s. m. — Mucosité du nez. Delaïde, mouche don ton Jules qu’a la mourve au nez ! — Un paysan de Sainte-Foy était allé demander la main de la fille au père Broquet. Mais comme il était orgueilleux, il avait résolu de ne faire aucune démarche servile. La demande faite au père, il ajouta avec dignité : Vêquia ! Adonc (maintenant) bailli-me-la, me la bailli pôs, m’en foti autant que du mourvet ! Et prenant son nez de ses deux doigts, il fit comprendre la métaphore par la réalité même.

MOUTARDELLE, s. f. — C’est mortadelle, peu commode au prononcer, et qui a été influencé par moutarde, encore bien qu’il n’y ait point de moutarde dans la moutardelle.

MOUTARDIER. — Il se croit le premier moutardier du pape, pour dire de quelqu’un qu’il s’en croit beaucoup. J’ignore quelle est exactement la fonction du premier moutardier du pape, mais il pürait que c’est un beau poste.

MOUTÉE, s. f. — Une moutée d’huile, Une moutée de vin, Une pressée d’huile, Une pressée de vin. — Fait parallèlement à mouture (qui n’a pas le même sens) et par analogie avec les substantifs en tée : assiettée, charretée, potée, etc.

MOUTONNASSE, s. f. — Ce gigot a le goût de moutonnasse. C’est un certain goût désagréable qu’on pourrait comparer au goût de chandelle. Il y a une saison de l’année, durant les mois d’été, où la viande de mouton a en partie toute le goût de moutonnasse.

MOUTONS, s. m. pl. — Métaphore idyllique pour désigner les petits vers qu’on trouve dans les cerises. — De la couleur blanche du ver.

MOUTU, UE, adj. — Moulu, ue. Le français moulu a été formé à un moment où l’on avait mol-dre, d’où molu. Le lyonn. a fait de moud-re, moudu, puis moutu, par analogie avec mouture.

MOUVANT, s. f. — Jeune moineau qui sort du nid. — De mouvoir. Le moineau commence à se mouvoir.

Gone mouvant. Voy. gone.

MOYE (mo-ye), s. f. — Tourbillon d’eau. On sait combien était redoutable la moye de la Mort-qui-trompe, au Pont-de-Pierre. — De mota, subst. verbal de motare.

MOYEN. — Tâcher moyen, Faire en sorte. Tâche moyen que ça ne te retourne pas arriver ! C’est à la fois une ellipse et un pléonasme, car cela peut se traduire par « Tâche de prendre les moyens pour… », aussi bien que par : « Fais effort pour… » Quoi qu’il en soit, cet assemblage de mots est fort drôle. On dit encore mieux : Tâche moyen de faire en sorte.

MOYENNANT. — J’irai moyennant que vous y soyez ; « cette manière de parler n’est pas française, » dit Molard. En effet, moyennant que ne figure pas au Dictionnaire de l’Académie, mais on le trouve dans Landais, dans Bescherelle sous cette définition : « loc. conjonctive, À condition que ». Et Littré, qui le donne aussi, ajoute l’exemple : « On aura ses services moyennant qu’on le paiera. » J’avoue que j’aurais préféré un exemple tiré d’un auteur classique.

MOYENNÉ, ÉE, adj. — Qui est commode, qui a quelque fortune. Mot charmant, dont use l’honnête Eutrapel : « Encore que vous, seigneur Eutrapel, ne soyez que simple gentilhomme, assez moyenné et riche… » — Être moyenné, avoir des moyens, figurativement.

MOYENNER, v. a. et n. — Faire en sorte, prendre les moyens pour. Il faut pourtant moyenner cette affaire… Il a tant et si bien moyenné qu’il a fini par marier la Suson.

Il n’y a pas moyen de moyenner, Il est impossible de venir à bout de cette affaire. Très usité.

MOYENS. — Avoir des moyens. — 1. Être intelligent, capable. Le fils Polaillon a eu une mention à l’école municipable du soir pour les dessinandiers. Paraît qu’il a beaucoup de moyens.

2. Être calé, être riche. On dit que Rochide a des moyens. — Sûr qu’il a mai de liards que toi.

Un homme à moyens, Un homme qui a des moyens au sens 1. Descartes, Pascal, Leibnitz, Newton étaient des hommes à moyens.

MUGUET, s. m. — C’est le nom que nous donnons au violier jaune, cheiranthus cheiri. Au muguet nous donnons le nom de grillet.

MURAILLÈRE, MUREUSE. — Pierre muraillère, Pierre mureuse. Se dit de la pierre en fragments bruts qui sert à bâtir les murs. Le premier mot est fait sur muraille, avec le suffixe ière. Comp. terre truffière. Le second mot est fait sur mur avec le suffixe euse, moins bien approprié. Littré, dans son Supplément, cite pierre mureuse dans une loi du 5 août 1821.

MUSETTE, s. f., terme d’ourdissage. — La musette est un assemblage de 40 fils de la chaîne, ou demi-portée, qui. à l’ourdissage, est dévidé comme un seul ruban et s’enroule autour de l’ourdissoir, en formant un nombre de spires à égale distance sur toute la hauteur.

Ça lui a coupé la musette. Ça l’a tout interloqué, ça l’a mis hors d’état de répondre. Musette est ici l’équivalent de sifflet dans la locution : Ça lui a coupé le sifflet. Sifflet ou musette, ce n’est pas loin.

MUTUALISTES. — C’était le nom d’une société de secours mutuels de canuts qui, dans les premières années du règne de Louis-Philippe, eut un rôle important, en ce que sa commission représentait à peu près ce que sont aujourd’hui les syndicats ouvriers. En février 1834, elle décréta la suspension du travail dans tous les ateliers. Elle était très redoutée des chefs d’atelier qui entendaient garder leur indépendance. À l’enterrement d’un ouvrier, le 6 avril, il y eut une sorte de revue des forces ouvrières et révolutionnaires. Les Mutualistes et les Ferrandiniers y défilèrent au nombre d’environ 8.000. Une loi sur les associations avait été votée, d’après laquelle nulle association ne pouvait exister sans avoir été approuvée. Une protestation violente se couvrit de 2.600 signatures. Les journées d’avril furent l’œuvre de la Société des Droits de l’homme, purement révolutionnaire, et des Mutualistes coalisés avec les Ferrandiniers. Après la répression de l’insurrection, l’association mutualiste fut dissoute.

Mutualiste est une corruption de mutuelliste.

MUTUELLE. — La Mutuelle, nom donné aux écoles de la Société d’instruction primaire, parce que l’instruction s’y donnait sous la forme de l’enseignement mutuel.