Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre P

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 248-282).
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PACAN, s. m. — Rustre, grossier personnage. Y a Vachard qu’est un pacan, me disait un jour Patient Benachon ; je l’ai évité à ma noce. À la soupe i pinçait les gras à ma belle-maman ! Si n’avait au moins attendu la tourte ! — De paganum.

PAGE QUE. — Parce que. Je me sons marié pace que la maman y a voulu, me disait Agnus Poupard. — Le populaire fait l’économie d’une consonne.

PACHE, s. f. — Marché. Faire pache, Conclure un marché. « Le tiers, faisoit secrettes paches, et promesses à ceux qui tenoyent son parti, » dit le bon Paradin. — De pacta.

PAILLASSE, s. f. — 1. Petite corbeille d’osier, en forme de calotte sphérique, où l’on met la pâte destinée à faire un pain.

2. Grande corbeille où le mitron met les pains pour les porter aux pratiques. — De paille, le jonc tressé étant considéré comme uns sorte de paille.

PAILLE. — Tout y va, la paille et le blé. Se dit à propos d’un enjeu ou de toute autre chose où vous mettez tout ce qui vous reste. Un supposé qu’au jeu vous ayez perdu huit sous sur dix que vous aviez, vous mettez les deux sous qui vous restent en disant : Tout y va, la paille et le blé ! De même si vous soldez un plat de truffes frites en versant dans votre assiette tout ce qui reste, et autres cas semblables.

Mme Seignevesse, donneuse ! Elle se tirerait une paille du virolet pour se nettoyer les dents ! Dicton un peu vulgaire, qui se dit fréquemment à propos des personnes trop économes.

PAIN. — Pain ferain, Pain blanc (qui n’est cependant pas du pain de luxe comme la miche). « Il fut décidé que les boulangers ne feroient plus que deux sortes de pain, la miche et le pain farain ou bourgeois. » (Paradin.) — Il y a une soixantaine d’années, la taxe officielle portait encore le mot de pain farain. — De farranus, de far, froment.

Pain de ménage, Pain inférieur en blancheur au précédent, mais cependant fait avec de la farine de froment.

Pain à tout, Pain grossier pour lequel le son n’a pas été séparé de la farine.

Pain bénit, Pain qu’on bénit le dimanche à la grand’messe, et qu’on distribue aux fidèles. À la campagne c’est un modeste pain blanc, mais à la ville c’est une tour Eiffel en couronnes de brioche, recouvertes par un long manteau de velours rouge et couronnées par un beau panache blanc. La règle est qu’il doit y avoir sept couronnes superposées, en souvenir des sept pains de proposition. Elles vont en diminuant de grandeur en montant, de façon à faire la pyramide. Outre les couronnes il y a une grosse brioche pour M. le curé et de plus petites pour les vicaires. Le tout, aux grandes solennités, est porté par deux lévites en aube et avec les orfrois.

C’est pain bénit, C’est bien fait. Ce galapian a voulu donner un coup de poing au Bonaventure, mais il a glissé et s’est cassé la jambe. C’est pain bénit !

Soupe de pain cuit. C’est une soupe de pain longtemps mitonnée. Ça permet de profiter les vieilles croûtes.

Le Boniface, c’est du pain à toute sauce, C’est-à-dire qu’on en fait ce qu’on veut, qu’il est propre à tout.

Faire passer le goût du pain, Tuer. Au moyen âge on présentait du pain à la bouche d’une personne mourante ou évanouie, pour s’assurer si elle avait déjà perdu ou non le goût du pain. Cette action est décrite dans plusieurs romans de chevalerie. D’où perdre le goût du pain, mourir.

Prendre un pain sur la fournée. Se dit de deux amoureux qui ont voulu prendre un petit acompte avant le mariage.

Embrasser comme du pain chaud. Voyez embrasser.

Pain de côtelettes. C’est quelques côtelettes de porc réunies ensemble, qu’on achète toutes chaudes chez nos charcutiers. J’y rêve encore.

PAIR. — Pair et compagnon. Se dit de deux personnes qui vivent sur le pied de parfaite égalité. Le Pacôme et le Jouagny sont pair et compagnon : i sont aussi bien cherchés que trouvés… Tous ces gens de Panama, i sont pair et compagnon : i se partageont nos liards.

PAIRE. — Nous le faisons masculin. La Glaudine a ben un bon paire de posses ! Humbert dit que c’est un archaïsme, et que paire était masculin en vieux français. Je ne l’en crois mie, car les Cent nouvelles font bien paire féminin : « la douce paire. »

L’italien et le provençal font paire du masculin. (M. D.)

PAISSEAU, s. m. — Échalas. — De paxillum. Au fig. jambes (comp. canilles, flûtes, etc.)

PAIX. — Avoir la paix et les quatre repas a toujours été considéré par les Lyonnais comme le dernier terme du bonheur. C’est qu’en effet on n’a pas la paix quand on n’a pas les quatre repas, et l’on peut avoir les quatre repas sans avoir la paix.

PALAYER (SE), v. pr. — Se faire mal, mais avec l’idée de dislocation, de luxation. — Du patois pala, épaule. L’idée primitive était se luxer l’épaule, puis le sens s’est étendu à luxation en général.

PALETOT. — S’acheter un paletot chez Malet, Voy. Malet.

PALETTE, s. f. — 1. Dent incisive, à cause de la forme qui ressemble à celle d’une petite pelle.

2. Jeu de gones, Cheval fondu. « Et dans peu vous li fait faire (à la vertu de Suzanne) un saut de palette. » (Ét. Blanc.) Je crois ce mot tombé en désuétude.

PALOURD, s. m. — Peu agile, peu dégourdi. C’est une forme de balourd.

PAN. — Pan couvert ! Cri des mariniers lorsque sur les bateaux à vapeur ils sondent le fond avec une perche de bois vert, sur laquelle, après avoir mesuré plus que le tirant d’eau du bateau, on a écorcé une zone blanche, de la hauteur d’un pan. Le marinier qui sonde à l’avant crie Pan couvert ! si l’eau recouvre la zone blanche ; demi-pan ! si elle n’en couvre que la moitié ; pan lôr (pan large), si le pan est fortement recouvert d’eau, etc. Alors l’on manœuvre en conséquence. On sait que le pan (palmum) fait ordinairement la longueur de la main étendue, de l’extrémité du gros det à celle de la longue dame. Dans pan lôr, lôr représente largum, copieux, abondant.

PANAFLE, s. m. — S’emploie parfois pour fanal. Vraisemblablement une corruption fort usitée de fanal.

PANAIRE, s. m. — 1. Grand morceau de peau dont le canut recouvre la façure pour ne pas la ternir en travaillant.

2. Au fig. Panneau, habit. J’ai pris mon panaire pour aller à la noce.

3. Poêle nuptial. I z’y ont étendu sur lieu têtes le panaire nuptial. — De pannum.

PANAMAN, s. m. — Essuie-mains. Au fig. Homme mou, poltron (comp. panosse). « Il faut que je te voie l’épée à la main, — Car tu n’est rien qu’un panaman, » dit Gatillon dans la Bernarde. Panaman est une forme patoise. Les lettrés disaient panne-main, comme on le voit dans l’Invent. de la Manécanterie, de 1633. — De pannare (de pannum) et manus.

PANARET, s. m. — S’emploie quelquefois pour Écouvillon de four. C’est un mot venu du Dauphiné. — De pannare.

PANARETTE, s. f. — Bouchon de paille que l’on place au fond de la cuve, contre le trou de la bonde, pour empêcher la rafle d’obstruer le trou. — De panne, non sans doute qu’on ait jamais fait usage de linge pour cet office, mais parce que le bouchon de paille a quelque analogie de forme avec un paquet de chiffons.

PANCANE, s. f., terme de canuserie. — C’est un guindre ou double cylindre, un peu plus grand que ceux des mécaniques à dévider, ajusté sur un montant en bois avec coulisse, ce qui fait que le cylindre inférieur monte ou descend selon la longueur de la flotte. Cela sert à mettre en canettes les soies qui peuvent se passer de dévidage. — De l’ital. panca, banc. « Panca dell’ orditoio, littéralement banc de l’ourdissoir », appareil en bois avec des fers verticaux pour enfiler les cannes de l’ourdissoir. C’est le squelette de l’ourdissoir. D’où pancane, diminutif de panca. Par métathèse on dit souvent campane :

I gn’ia que l’apprentiss’ qui toujours se cancane
Et voit z’avè plési reposer sa campane.
(Pétition à M. de Saint-Cricq.)

PANCHER, 1. v. n. — Verser, s’écouler, spécialement par une fissure. Mon grand avait un granger qui avait bu de son vin. En faisant sonner le fond du tonneau, il s’aperçut du déchet. Voyant le coup, il appelle le granger. Celui-ci regarde, fait sonner à son tour, réfléchit longuement, parait étonné, puis dit : Faut que lo tuniau oye panchi !

2. v. a. Pancher de l’eau, parlant par respect, Changer l’eau de son canari. — De pandicare.

PANE, s. f. — Être dans la pane, Être dans la gêne. — Subst. verbal de paner (voy. pané).

PANÉ, ÉE, adj. — Qui est dans une grande gêne. — Du vieux franç. paner, essuyer avec un linge, de pannum. Un homme pané est un homme essuyé, torché, auquel il ne reste rien que sa personne. Comp. Il est rincé, nettoyé, pour Il a tout perdu.

PANET, s. m. — Grappes de millet. J’ai acheté du panet pour mon canari. — De panicum.

PANIER, s. m. — Panier à salade. C’est le nom pittoresque que nous donnons aux voitures des prisons, de l’Antiquaille, etc. Hélas, me disait tristement mon pauvre camarade Langlué, qui était romantique, des estafiers barbares, sans pitié pour la beauté, ont fait monter me n’amante dans le panier à salade !

PANIÈRE, s. f. — 1. Grande corbeille en osier, avec des manettes et un couvercle, pour mettre la provision de pain. — De panaria, de panem.

2. Terme de construction, Voûte en briques dans l’enchevêtrure d’un plancher, que l’on a ménagée pour le passage des gaines de cheminée. Se dit quelquefois de l’enchevêtrure elle-même. — À Paris, l’enchevêtrure s’appelle trémie, par analogie avec la trémie des moulins à farine. Je ne doute pas que la même analogie n’existe pour panière, qui a dû être, dans les moulins de nos contrées, le nom donné à la trémie.

PANNEAU, s. m. — Habit noir. Père Fricoteau, que je disais un jour à un bon canut, vous n’avez jamais vu le café chantant : je vous y paie ce soir ! — Merci bien, Mecieu Puitspelu, qu’il me fit : On n’est reçu qu’en panneau, t’i pas ? — De pannellum, de pannum.

Il y avait des habits à panneau, témoin la chanson des Deux sous par aune :

Habit à panneau,
Perruque à marteau
Et canne à pommeau.

PANOSSE, s. f. — Personne molle, sans énergie. — De panossi, torchon, linge à essuyer, qui existe encore dans nos patois, et vient de pannucea. Panosse, appliqué aux personnes, signifie donc « mou comme un linge ». On trouve en vieux français panosse, vieille panosse, « vieille édentée, sale, en haillons, » dit Cotgrave. Panosse répond ici au français populaire Un vieux torchon, en parlant d’une femme. C’est dans ce sens que doit être comprise l’injure vieilles panosses, que se crient les femmes dans la grande bataille des habitants de Flame&ux et de Vindelles, telle qu’elle nous est contée par le bon seigneur de la Hérissaye.

PANOUILLON, s. m. — Écouvillon du four. De pannum, avec un premier suffixe ouille, péjoratif et un second suffixe on, diminutif.

PANSEROTTE, s. f. — Double (voy. ce mot) du cayon. Excellent à la vinaigrette, ou passé au beurre avec des oignons. — Fait sur panse, avec le suffixe otte, relié par r.

PANTALON. — Nous ne l’employons qu’au pluriel : Donne-moi mes pantalons de nankin. Ou bien avec le mot paire : Il faut que je me fasse faire une paire de pantalons pour cet hiver. Cela veut dire un pantalon. C’est que le pantalon, comme la culotte, comme le caneçon, se compose toujours de deux parties égales et symétriques. Les Anglais disent, comme les Lyonnais, a pair of pantaloons, a pair of trowsers, a pair of drawers, a pair of stairs.

Pantalons à grand pont. Ce sont des pantalons où le devant s’abat dans toute sa largeur. Lorsque les dames portent des pantalons fermés, c’est au contraire le grand pont qui est derrière. — Pantalons à petit pont. C’était d’abord des pantalons où le pont-levis n’occupait qu’une partie du devant, faisant ainsi guichet. Cet usage s’étant perdu (aussi bien d’ailleurs que celui des pantalons à grand pont), on donne maintenant le nom de pantalons à petit pont aux pantalons fendus par devant, quoiqu’il n’y ait aucun pont du tout. Ainsi les noms durent plus que les choses. — Je connaissais un pensionnat les pantalons à grand pont étaient seuls tolérés par rapport à la décence.

PANTIME, s. f. — Partie de soie assortie par la metteuse en mains (voy. ce mot).

PANTINURE, s. f. — Marque indiquant le classement de la pantime. Le plus souvent la pantimure est un fil qui a un, deux ou trois nœuds. Cette subdivision correspond au classement des grosseurs. D’autres fois on différencie les grosseurs de la soie par la couleur variée des pantimures.

PANTINS, s. m. pl. — 1. Organes du carête (voy. ce mot). Ce sont deux règles de bois, chacune mobile sur une grenouille placée à son extrémité, et auxquelles sont suspendues les lisses. Ces règles sont reliées chacune à un bout par deux tringles de fer à une traverse mobile au-dessus d’elles et jouant sur un rouleau en façon de fléau de balance. De cette manière un pantin, en s’abaissant, sous l’action de la marche, fait baisser le fléau par un bout et lever par l’autre, et par conséquent lever le pantin voisin. Les lisses, en suivant le mouvement des pantins, entr’ouvrent la medée. — De ce que le peuple donne volontiers le nom de pantin à tout objet qui remue sous l’action d’un fil.

2. Organes de la navette à défiler. Ce sont deux petites tiges garnies d’agnolets dans lesquels passe successivement la trame. Les pantins, mobiles, sont retenus par des ressorts destinés à donner à la trame la tension nécessaire.

PANURE, s. f. — Croûte de pain séchée au feu et réduite en poudre, dont on se sert pour faire des soupes, pour gratiner le poisson, etc. De panem.

PAOUR, s. m. — Homme lourd et sot. — Paraît simplement un assemblage de sons péjoratifs.

PAPE. — Tant qu’un pape en pourrait bénir. Voy. bénir.

PAPIER, s. m. — Papier mou. J’espère que mes lecteurs savent ce que c’est, car je ne connais pas d’équivalent français. Toutes les fois que j’ai dit papier mou, on m’a repris : « Dites papier de soie ! » Mais dans les dictionnaires, je n’ai pas plus trouvé papier de soie que papier mou.

Papier cassé. C’est du papier en grande feuilles qui ont des tares, des déchirures, etc. et que les papetiers vendent à bas prix. À Genève du papier cassé, c’est du papier brouillard.

Papier à remonder, terme de canuserie, Grandes feuilles de carton mince et blanc que le canut place sur des chevalets en dessous de la longueur, pour que les fils de la chaine, qui se détachent ainsi sur du blanc, puissent mieux se distinguer.

Papier marqué, Papier timbré. Mon père disait toujours que c’était le papier qui était marqué, et le plaideur qui était timbré.

Papier-biscuit. Voy. biscuit.

PAPPE, s. f. — Bouillie sucrée. Soupe de pappe. « Nous mangimes de pain de radisse, de petits potets de soupe de pappe, qu’était douce comme de melasse. » (Les mariages dotés.) — Subst. verbal de pappare, manger, en parlant des enfants. Le même mot existe en ital. (pappa) et en allem. (pappe).

PÂQUES. — Faire Pâques avant Carême. Se dit des pauvres amoureux qui, pressés par la faim, prennent un pain sur la fournée avant le mariage.

PAQUET. — Donner son paquet à un employé, à un domestique, Le renvoyer.

PAR. — Au sens de Dans, Sur. Tomber par les escaliers… l’eau lui jicla par la figure. Vieilles tournures. « Car il avoit la vue courte, dit l’honnête Eutrapel, pour ce que depuis que Vichot l’avoit abattu de coups de trenche par les fesses, les yeux lui avoient tousjours pleuré. » C’est un latinisme : Per digitos humerosque plumae, dit Horace.

Par après, Par ainsi, Par ensuite, ne sont point des fautes, mais des archaïsmes dont le tour familier peut à l’occasion donner du piquant à la phrase.

Brin par brin. Humbert prétend que cette locution n’est pas correcte, et qu’il faut dire brin à brin.

PARADIS, s. m. — Beau reposoir qu’on fait le Jeudi-saint dans nos églises pour y déposer le Saint-Sacrement, qui y passe la nuit. Sa beauté et la présence du Saint-Sacrement en font l’image du ciel.

PARAGARE. — Nom d’un pays fantastique, rappelé dans le dicton suivant : Le pays de Paragare, où les chiens japont de la queue. On comprend qu’Être du pays de Paragare, c’est être grossier, rustre, inconvenant. Vachard, dont j’ai parlé à Pacan, était du pays de Paragare. — Mot forgé de toutes pièces, comme Papharagaramus, et d’autres de ce genre.

PARAPEL, s. m. — Parapet. — Parapel est la forme primitive. Mais il est une raison plus grave pour laquelle nous l’employons. Parapet éveille une idée inconvenante, et j’ose dire inexacte, car ce n’est point dans le but de parer à ce genre de projectiles qu’on a inventé le parapet.

PARASINE, s. f. — Poix-résine. Corruption de poix-résine. Cotgrave a parrasine, qu’il traduit inexactement par stone-rosin pour wood-rosin. Il doit avoir emprunté ce mot à quelque dialecte.

PARBOUILLI, adj. — Ce rond de veine est parbouilli, Trop bouilli. — C’est du vieux français. Dans une foule de verbes le préfixe par indiquait un renforcement, une exagération du thème. Comp. parforcer, parbriser, parbouter, pardémolir, et une foule d’autres.

PAR CONTRE, adv. — Au rebours, à l’inverse. — Affreux barbarisme, déjà proscrit par Voltaire, et qui a passé de la langue des journaux dans celle des revues, et de la langue des revues, hélas ! dans celle des académiciens.

PAR-DESSUS. — Par-dessus le marché, Littéralement, en plus du marché conclu, mais s’emploie surtout au fig. Il a épousé une femme acariâtre, et, par-dessus le marché, gaspilleuse. Je ne trouve pas cette expression dans les dictionnaires, mais elle me semble absolument logique et correcte.

PARDONNABLE. — Pardonnable, en parlant des personnes, est condamné par Molard et Vaugelas. Mais Littré fait observer que l’usage a prévalu contre les grammairiens.

PARDONNER. — Vous n’êtes pas de pardonner. Sur l’emploi de cette tournure, voy. connaître.

PARENT. — Humbert désapprouve cette expression : Nous lui sommes parents. En effet, on n’est pas parent à quelqu’un, mais de quelqu’un.

PARESOL, PAREPLUIE, PAREVENT. pour Parasol, Parapluie, Paravent. Molard voit dans la première partio παρα ; c’est simplement pare à. Mais la formation est fautive, parce que parer, en ce sens, prend la prép. de et non à. La formation populaire est plus claire, sinon plus grammaticale. Comp. le vieux lyonn. parefoux, et les mot de création moderne pare-feu, pare-étincelles.

PARER (SE), v. pr. — Se défendre, se garantir. Pare-toi de ce chien ! C’est un sens classique de se parer, mais auquel nous ne sommes plus habitués.

PARET, s. f. — Muraille. Trou de la paret, Chatière. Un vieux noël dit que le diable, qui était venu voir la fête, avait passé la tête « per lo trou de la parey ». — De parietem.

PARFAIT, s. m. — Préfet. Pour nous tous les préfets sont parfaits. C’est extraordinaire.

PARFUMEURS. — Les Parfumeurs de Venissieux. Voy. Artillerie.

PARGUE, s. f., terme de menuiserie. — Large traverse en bois, non assemblée, clouée contre des planches ou lames pour les maintenir. — Paraît être le subst. verbal de parquer. Comp. parquet.

PARIURE, s. f. — Pari. Un de mes amis, parlant par respect, avait fait la pariure avec un cafetier d’en faire cinquante d’affilée. Il en fit cinquante-trois. — « Les trois sont pour le garçon, » fit-il majestucusement.

PARLEMENT, s. m. — Parlage, action de parler beaucoup. Fenne, as-tu bientôt fini tous tes parlements ? Viens t’en voire remonder ! — C’est le sens propre et primitif de parlement.

PAR, PAR LÀ. — À peu près, environ. Quel âge peut bien avoir M. Cugniasse ? Par là dans les septante ans.

PARLER. — Parlons peu, mais parlons bien (c’est tout à fait mon avis). Préliminaire obligé de toute proposition d’arrangement.

Les femmes parlent comme les ânes pètent (parlant par respect). N’y a-t-il pas là quelque exagération ?

Il sait ce que parler veut dire, C’est un artet, un homme qui comprend à demi-mot.

Aller parler à son secrétaire. Il parait que le secrétaire habite les commodités.

Aller parler à son procureur. Même domicile.

PARLOIRE, s. f. — De parler, avec le suffixe oire, suffixe des objets moyens d’action. Donc, Parloire, machine à parler. « On dit que les femmes sont grandes parloires, » écrit le bon Béroalde.

PARMER, v. n. — Muer, changer de poil, en parlant desanimaux. Se dit aussi de changer de peau à la suite de quelque maladie. Te parmes comme la mironne, disait un bon canut à sa femme qui perdait ses cheveux. — Vieux franç. parmuer, changer complètement.

PARMI, — Parmi, employé en sous-entendant le complément, est blâmé bien à tort par Humbert. C’est au contraire un tour parfois charmant. Il n’avait donc pas lu la Fontaine : « Mais je voudrais parmi — Quelque doux et discret ami. »

PAROISSE. — Ces manches sont de deux paroisses. Métaphore piquante pour dire : Elles ne sont pas semblables.

PAROISSIEN, s. m. — Expression un peu vague, mais péjorative. Un drôle de paroissien !… En voilà, un paroissien ! Cela se dit d’un homme désagréable, hargneux, ou pourvu de quelque autre défaut.

PAROLE. — Je lui dois la parole, pour dire : Je ne lui ai jamais parlé.

PARPAILLOT, s. m. — Ne se dit pas chez nous exclusivement du calviniste, mais de tout homme sans religion. On sait que le mot vient du sieur de Parpaille, président à Orange, décapité en Avignon en 1562 (Scheler).

PART. — Et à part ça. Habile transition pour passer d’un sujet à un autre dans la conversation : Le temps est superbe ! — Il est chaud pour la saison. — Et à part ça, que pensez-vous du ministère ?

PARTERET, s. m. — Hache de boucher, couteau à partager la viande. — D’un fictif partar, répondant au vieux franc. partir, partager, d’où la vieille forme partaret, devenue parteret.

PARTERRE. — Prendre un billet de parterre, Tomber. Agréable jeu de mots. (N. B. Ne pas oublier de faire semblant, avec votre chapeau, de balayer la place où votre ami vient de tomber. Cette ingénieuse politesse a censé pour but de balayer le parterre pour lequel votre ami a pris un billet.)

PARTICULIER, s. m. — Expression péjorative équivalente à Paroissien (voyez ce mot).

PARTIE. — En partie tous, Presque tous. Nous avons en partie tous nos grands savants qui sont c…, disait un jour mon maître d’apprentissage pour consoler un sien ami qui se plaignait de l’être. Cette locution charmante, mais peu correcte, est si répandue qu’un savant académicien d’une grande ville du Midi le mit un jour en beau devant dans un rapport officiel.

Vendre en parties brisées, Vendre une propriété par lots. Je n’ai rencontré nulle part cette expression si commune chez nous.

PARTIR, v. n. — Partir pour son sort, Partir pour le service militaire. Sort se rapporte ici à l’idée de tirage au sort : partir pour obéir aux prescriptions du sort.

Faire partir les oreilles. Voy. oreilles.

PARTUS, s. m. — Trou. Un partus de rate. Un trou de souris. — Vioux franç. pertus.

PARTUSER, v. a. — Trouer, percer. — Fait sur partus.

PARTUSOLE, s. f. — Terme péjoratif pour désigner une femme ou une petite fille. La Viarginie est venue me demander un sou pour acheter un bon. « Veux-tu t’ensauver, b… de partusole, » que j’y ai dit !

PARVÉRER. Voy. éparvérer.

PAS. — Le Pas de la porte. Seuil. Y a t’un miron que vient tous les jours faire son grand tour sur le pas de notre porte.

Aller à pas de poule, Aller moins vite qu’un train rapide.

PAS, s. m., terme de canuserie. — Ouverture de la medée qui se produit quand le canut appuie sur la marche. Retrouver le pas, Défaire un morceau d’étoffe pour retrouver un coup de trame défectueux. Travailler à pas ouvert, à pas fermé, Donner le coup de battant la medée étant encore ouverte ou déjà fermée, suivant l’exigence des articles.

PAS, loc. interrogative. — Contraction de n’est-ce pas. — Ti viendras demain, pas ? On dit plus élégamment : Tu viendras demain, t’i pas ? — Ici, t’i pas est par analogie avec ne viendra-t-il pas ? Ce t’il pas a été transporté aux autres personnes du verbe. Ainsi l’on dira de même : Vous viendrez, t’i pas ?

Pas moins, adv. — Cependant néanmoins. Il a une grande fortune ; pas moins c’est un pioustre. Pas est pris comme l’équivalent de non, car Littré donne non moins comme l’équivalent de néanmoins. Je ne crois pas cependant qu’il ait raison, et qu’on puisse dire non moins c’est un pioustre, mieux que pas moins c’est un pioustre. IL faut donc convenir que notre locution est incorrecte ; pas moins, elle est très piquante.

(Pas plus tard qu’aujourd’hui, 13 octobre 1894, j’ai le plaisir de la rencontrer dans un grand journal de Lyon : « Nous savons que la vérité doit être respectée… Mais, pas moins, notre excellent confrère avouera, etc. »)

Pas, suivi de rien, pour renforcer la négation (voy. rien).

PASCONNAIS (Paconè). — Nom de toute personne que l’on ne connaît pas. Une jolie plaisanterie consiste, au théâtre, à dire à son voisin : Te vois ben cette dame, là-bas, aux premières, avè un chapeau couleur de ménage ? — Oui, qui est-ce ? — Te la reconnais pas ? — Non. — C’est Mme Pasconnais. On dira encore : Est-ce que te sais l’allemand, toi ? — Si je le sais ! C’est M. Pasconnais que me l’a-t-appris. — Enfin d’autres spirituelles gandoises de même genre.

PAS-FAILLI ou PIED-FAILLI, terme de canuserie. — Défaut dans une pièce, qui provient de ce que le canut s’est trompé de marche en appuyant le pied. — Au figuré, Fausse démarche, pas de clerc. Le Paterne aurait dû demander la Dédèle à sa m’man, au lieu de son p’pa, qu’est zéro en chiffre. — C’est un pied-failli.

PASQUIN. — Individu qui fait rire en faisant des charges, des grimaces. Il est pasquin comme pas un. On dit aussi : Il a l’esprit pasquin. Le mot n’est pas péjoratif.

PASQUINER, v. n. — Faire le pasquin.

PAS-RIEN, s. m. — Vaurien, mauvais sujet, drôle. — L’expression est très péjorative. — Contraction de Ce n’est pas rien pour Ce n’est rien.

Rien signifiant proprement chose, un pas-rien est exactement un pas-grand’ chose.

PASSAGÈRE. — Une rue passagère, Une rue où il passe beaucoup de monde. Je ne trouve pas la métonymie plus extraordinaire que dans le français une rue passante.

PASSEPORC. — Manière aimable de prononcer le mot passeport. On n’y manque jamais. — Dans les temps d’anarchie les employés de l’administration se permettent toutes les frasques. Mon père me contait que sous le Directoire, l’un d’eux s’était donné le plaisir d’écrire sur le « passeporc » d’un Lyonnais gros et gras : « Chapeau à claques, — Visage id. »

PASSER, v. n. et a. — Passer quelqu’un dehors, Le mettre à la porte. C’est une métonymie. Comp. Tomber quelqu’un, le renverser, le faire tomber.

Passer dans œuvre, Être en perte dans une affaire. Si je ne peux pas vendre mon étoffe quatre francs, je passe dans œuvre. — Terme emprunté à la construction. Une poutre que, par erreur, on a coupée trop court, de manière qu’il ne reste plus de bois pour les prises, passe dans œuvre.

Passez-moi ça bon marché. Un négociant lyonnais disait à une célèbre actrice de Paris : Allons, passez-moi ça bon marché !

Passez-moi ça en douceur. Voy. douceur.

Passer quittance est-il français ? — Je le crois, puisqu’on dit passer un acte, mais les dictionnaires indiquent seulement donner quittance.

Ne me demandez rien, je vous passe quittance. Manière bienveillante de prévenir quelqu’un qu’on n’aurait pas d’argent pour lui, s’il vous en demandait.

Passer au bleu. Voy. bleu.

PASSETTE, s. f., terme de canuserie. — 1. Instrument pour piquer en peigne. Voyez peigne.

2. Crochet pour remettre. Voy. remettage.

PASTONADE, s. f. — Carotte, daucus carota. Le mot est ancien. « Les racines sont naveaux, pastonnades, carrotes (sans doute betteraves, voy. carotte), etc., » dit Olivier de Serres. Et le très gracieux Rabelais nous conte que les gastrolâtres mangeaient des pasquenades, mot à propos duquel Burgaud des Marais met en note, bien à tort : « Peut-être un mets qu’on mangeait à Pâques. » — De pastinaca.

PATACU. — (Parlant par respect), Faire un patacu. Tomber lourdement sur son derrière. Une jeune personne bien élevée ne doit pas dire : J’ai fait un patacu. Il est aisé de trouver des expressions plus séantes, par exemple : « Je suis tombé sur mon gros visage, » ou tout autre euphémisme délicat. — La première partie du mot est une onomatopée. Comp. patapouf.

PATAFIOLE. — Mot usité seulement dans la phrase : Que le bon Dieu te patafiole ! pour Que le diable t’emporte ! — Vient-il de batafi (voy. ce mot), dauphinois batafiou ? L’idée serait : que le bon Dieu te schlague ! Comp. le gascon batafiolo (dans Mistral), égratignure, blessure légere.

PATAIRE, s. m. — Chiffonnier. On dit de préférence aujourd’hui marchand de pattes.

PATARAPHE, s. f. — Paraphe, signature. J’ai metu ma pataraphe au bas du contrat. — De paraphe, avec insertion d’une syllabe comique. Comp. carabosser.

PATASSE, s. f. — Pomme de terre blanche. On dit de préférence truffe. — Corruption de patate.

PATAT, s. m. — N’avoir pas un patat, n’avoir pas le sou, pécuniairement parlant. — De patac, jadis petite monnaie papale.

PATAUD. — Pataud est français, mais ne s’emploie qu’au propre. Nous ne l’employons au contraire qu’au figuré. Un pataud, Un pacan, un grossier personnage.

PÂTÉ. — Gros pâté. Expression de tendresse que l’on emploie à l’égard d’un bel enfant, lourd et gauche. Allons, gros pâté, venez çà, que je vous donne un bon !

Pâté de vogue. C’est un pâté de ménage absolument exquis fait avec de la fleur de farine et garni communément de poires qu’on a fait mariner pendant vingt-quatre heures dans de l’eau-de-vie et du sucre. On le dore par-dessus avec un jaune d’œuf. Ces pâtés ont la forme d’un chapeau de gendarme. C’est ce qui explique sans doute le dicton : avoir le ventre en pâté de vogue, qui se dit d’une femme ne ressemblant pas à la Vénus de Praxitèle. Je suppose que c’est parce que le ventre en profil se présente comme le côté convexe du pâté de vogue.

PATER. — Se mettre au pater malgré Dieu. Locut. énergique pour Faire quelque chose contre sa vocation ou contre les circonstances. Beaucoup veulent être poètes qui se mettent au pater malgré Dieu.

Ça lui est défendu comme le pater aux ânes. Voy. âne.

PATET, ETTE, s. et adj. — Lent, lambin, minutieux. Quelle patette que cette Tonine ! Se dit aussi des choses : Un ouvrage patet. Pour moi, je n’ai jamais pu bien mordre au remondage, c’était trop patet. Les personnes qui veulent parler français disent un ouvrage patétique, mais c’est une faute. — De palittus, fait sur pati.

PATETER, v. n. — Faire œuvre de patet. Un mien ami me disait naguère : Qu’êtes-vous don tant à pateter après votre dictionnaire ?

PATÈTERIE, s. f. — Lambinerie, tatillonnage. C’te catolle de Lionarde n’en a jamais fini avec ses patèteries. Piémontais patetaria, bigoterie scrupuleuse.

PATI, s. m. — Gésier des animaux. Au fig. Estomac. — Nous nous sons metu chècun quinze matefaims sur le pati. Nous les avons mangés. — De pastarium, fait sur pastum.

PATICHON, s. m. — Le même que patet, avec un joli suffixe péjoratif.

PATIENCE, s. f. — Petite pâlisserie fort bonne, en forme de pastille, que font nos confiseurs. Les personnes spirituelles, en offrant des patiences, ne manquent jamais à dire cette plaisanterie neuve : Prenez patience. Je crois qu’elles ont raison, car je ne vois pas d’autre origine au nom, sinon qu’on prend patience en en mangeant.

PATIFLU, USE, adj. — C’est patet, avec accentuation péjorative dans le sens de lourdeur et de maladresse, ainsi que l’indique ce suffixe moelleux.

PATINGOLER, v. n. — On dit que la terre patingole lorsque, en la serrant, elle adhère comme de l’argile. En Dauphiné, les enfants ont un jeu qu’ils appellent patingole margaule, où l’on pitrogne de la terre pour en faire des boules. Margaule signifie marne, de marga (comp. margagne). On patingole la margaule. — De patiner.

PATINS, s. m. pl. — Chaussons de lisière. Lorsque mon père avait à sortir par le verglas, ma mère ne manquait jamais à lui faire mettre ses patins par-dessus ses souliers.

PATINTAQUE. — Bruit du métier de taffetas, par opposition au bistanclaque, bruit du métier de façonné. Pa, c’est le bruit de la marche ; tin, de la navette ; tac, c’est le coup de battant. C’est un patintaque, C’est un taffetatier.

PATOIRE, s. f. — Personne lambine, sotte, qui s’embrouille facilement, qui n’a jamais fini de s’expliquer. — C’est patet, où le suff. oire a été substitué à et. Comp. parloire. Ce suffixe oire, appliqué aux personnes, est toujours très péjoratif.

PATRIGOT, PATRIGOTAGE, s. m. — Bavardage, tripotage, paquets. La Vérolique a rencontré le Pothin avè la Sicile ; elle a fait de patrigots, manquablement. Cotgrave, qui donne patricotage, le traduit inexactement par wranling, brangling, idle or unjust contention in words. — De pratique (Mistral), plus ot, d’où praticot, patricot, patrigot. Patrigot, bavardage de pratique (voy. ce mot), de personne sans valeur.

PATRIGOTER, v. n. — Faire des patrigots.

PATROUILLE, s. f. — Boue liquide. « Notre Dame de Forviri… Los fouaiti dins la patroille… » (Chans. de Revérony.) — Subst. verbal de patrouiller.

PATROUILLER, v. n. — Patauger dans la boue liquide. — C’est le français patouiller. Sur le suffixe, comp. gabouiller, bassouiller, benouiller, sansouiller, etc.

PATTE, s. f. — Chiffon, loque, morceau de linge. « Du Diable si elle sait seulement savonner une patte ! » dit dame Guillaume dans la Bernarde.

Patte mouillée, Patte à relaver, Chiffon mouillé qu’on tient au coin de l’évier, et qui sert à relaver la vaisselle.

Avoir la patte mouillée, Recevoir la correction des mamis. On leur applique quelques coups de la patte à relaver sur le derrière. Ils crient comme des perdus quoique cela ne leur fasse aucun mal. Quand ils ont l’âge de raison, on passe au robinet.

Au fig. Une patte mouillée, terme péjoratif, Une personne molle, sans énergie. Si M. Cornadaud n’était pas une patte mouillée, y a beau temps qu’il aurait passé sa femme à la porte !

Patte à briquet, Morceaux de linge brûlé qu’on étouffait dans le briquet pour servir d’amadou, et sur lesquels on battait la pierre à fusil au temps où il n’y avait pas d’allumettes chimiques.

Marchand de pattes (voy. pattier et pattaire). C’est le marchand ambulant qui crie par les rues :

[partition à transcrire]

C’est le thème dont s’est servi Halévy pour le chant célèbre : Guerre aux tyrans ! Le reste : Gn’y a-t-i rien à vendre par là-haut ? ne peut pas se noter.

Marchand de patte à briquet, terme péjoratif pour Marchand de rouennerie et d’articles de blanc.

Faire sa patte. Se dit surtout des ménagères qui épargnent sur l’argent du ménage pour se faire une petite réserve à l’insu du mari, mais en général de toute personne qui se fait en secret un petit magot. — De ce que l’on cache ordinairement cet argent dans un chiffon.

M. Meyer Lübke le rapporte au gothique paida, robe, mais nous n’avons rien tiré du gothique, qui est un dialecte du germanique oriental, et n’a rien donné au vieux haut allem., le seul canal par lequel nous ayons pu emprunter aux langues germaniques.

PATTI. — Marchand de pattes.

PATTIER, s. m. — S’emploie quelquefois pour marchand de pattes.

PATTON, s. m. — Pied. Se dit surtout en parlant des enfants. Chauffe don tes petits pattons ! — Fait sur patte.

PAUME, s. f. — Pelote ou balle pour jouer à la paume. M’man, achetez-me don une paume à la vogue ! Ce n’est pas sans étonnement qu’en compulsant les dictionnaires, j’ai constaté que paume en ce sens n’est pas français ; il ne se dit que du jeu lui-même.

PAUVRE, s. des 2. g. — Nous ne disons jamais une pauvresse, c’est trop savant pour nous, mais Une pauvre.

PAVÉ, s. m. — Espèce de gâteau carré et épais, ressemblant assez à un pavé d’échantillon, et qu’on achetait de mon temps chez un confiseur de la rue Puits-Gaillot.

PAVÉE. — Avoir la bouche pavée. Se dit de quelqu’un qui supporte les épices violentes. C’te bonne, pour manger ses sauces, faudrait avoir la bouche pavée.

PAYER. — Payez et vous serez considéré. Les Lyonnais, qui sont bons payeurs, ont cet axiome en grande vénération, et ne manquent jamais de le rappeler au joueur qui vient de perdre son sou à la quadrette.

Vous payerez la bouteille. Gandoise qui se dit immanquablement à celui dans le verre duquel on vide le fond de la bouteille.

Tu me la payeras ! Humbert veut qu’on dise : « Tu me le payeras ! » Cela dépend de ce qu’on sous-entend. Si c’est offense, injure, lésion, on a raison de dire la.

PAYS, s. m. — Espace, terrain. Pour faire une église convenable à la paroisse, il faudrait plus de pays.

Vous êtes bien encore de votre pays ! Vous êtes encore bien naïf ! Cette expression est très curieuse, surtout lorsque les deux interlocuteurs sont du même endroit, ainsi qu’il arrive le plus souvent.

PAYS-NOSTRE, s. m. — Bisque (v. ce mot). — De ce que leur habitude, en parlant des Basses-Alpes, était de dire : Le pays nostre.

PEAU, s. f. — Peau-de-diable, Sorte d’étoffe très solide, presque inusable. Je recommande toujours à mon pique-prune de doubler les poches de mes pantalons en peau-de-diable.

Peau-de-serpent, s. f., Libellule, à cause des diaprures de la robe de la libellule, qui la font ressembler à la peau que le serpent dépouille chaque année.

PECCATA, s. m. — Âne. Un petit peccata, Un petit âne. Mot inventé par les clercs, qui ont vu dans l’âne le souffre-douleurs, comme s’il était chargé des péchés du monde.

PÊCHERIE. — Emplacement sur rivière où sont réunis les bachuts des marchands de poisson vif, Quai de la Pêcherie. La poissonnerie est un marché où on vend poisson mort et poisson vif, de mer et de rivière.

PÉCUNE, s. f. — Argent, fortune. Avoir de la pécune, Être riche. — Formation savante sur pecunia.

PÉCUNIAUX, s. m. pl. — Argent. Avoir des pécuniaux, Être riche.— Formé sur pécune.

PEDONE, s. f. — Organe de la Jacquard. C’est une dent de bois placée sur chaque face du cylindre. Au carton correspond un trou piqué par le liseur, et dans lequel entre la pedone. Son objet est de faire plaquer le carton juste contre le cylindre.

Au fig. dent. Je peux plus mâcher, j’ai plus que trois pedones uses. — De l’italien pedone, souche, morceau de bois coupé ; lui-même de pedem.

PEDOUILLE, s. f. — Terme collectif pour poux. Viens n’ici, mon boson, que je t’ôte ta pedouille. — De peducula pour pedicula.

PÈGE, s. f. — Poix. — Savetier, qu’as-tu ? — J’ai la pège au, etc., dit une vieille et gracieuse chanson. Et le vertueux Rabelais parle quelque part d’une souris empeigée. — De pica pour picem.

PEIGNE, s. m. — Peigne d’Allemand, quatre doigts et le pouce. Cette expression existait déjà au xvie siècle.

Propre comme un peigne. Se dit par ironie, quoique, après tout, un peigne puisse être tenu très propre ; mais il paraît que ce n’était pas la coutume de nos pères.

PEIGNE, s. m., terme de canuserie. — Série de petites lamelles d’acier, juxtaposées et maintenues dans un cadre, et entre lesquelles passent les fils de la chaine. Le peigne est enfermé dans le battant et chaque coup de celui-ci serre ainsi le dernier fil de trame contre le précédent. Chaque intervalle entre deux lamelles s’appelle Dent du peigne.

Piquer en peigne, Faire passer les fils de la chaine dans la dent du peigne à l’aide d’un instrument nommé passette.

Donner en peigne, Compter le nombre des fils nécessaires à chaque dent, et les placer dans la passette de celui qui pique en peigne.

Dent du peigne corrompue. Voy. sous dent.

Peigne à tordre, Morceau de la chaine passée dans le peigne, qui reste quand la pièce est finie, et, se prolongeant jusque derrière le remisse, sert à relier fil à fil la chaine de la pièce suivante. On l’appelle aussi peigne de tirelle : Nous aimons mieux mangé nos peignes de tirelle. (La Châste Suzanne.)

PEIGNE-C… (parlant par respect). — Terme impoli. Voy. c…

PEIGNÉE. — Se donner une peignée, Se battre. Se dit plus spécialement en parlant des femmes.

PEIGNER. — C’est ici que les chats se peignent. Voy. chat.

Peigner son chanvre par la queue, Faire une chose à rebours. Le père Melachu avait deux filles. Ustache Crétinet demanda la cadette, qui était la plus jolie (l’aînée avait un agacin derrière le dos). On fit pache. Dot fixée à douze cents francs. La main topée, le père Melachu restait tout chose. — Qu’avez-vous don, beau-père, fit Ustache ? — Hum, hum, c’est n’agriable de marier sa fille, mais quoique ça, je pigne mon chenêve par la coua ! — Si c’est que ça, beau-père, baillez cent écus de plus, et vous le pignerez par le bon bout. — Tope !

PEILLOTTE, s. f. — Enveloppe épineuse de la châtaigne. — De pilum.

PEINABLE, adj. des 2 g. — Qui coûte de la peine, de l’effort. Faire ce dictionnaire est un travail peinable.

PEINDRE, v. n. — Écrire d’une très belle écriture. C’est plaisir de le lire : il peint.

Une voix à peindre, Une très belle voix. IL faut qu’elle soit en effet très belle pour pouvoir la peindre.

PEINE. — Tirer peine, Se mettre en peine. Il faut que je rentre, la bourgeoise tirerait peine. Avec un complément : Tirer peine de quelqu’un. Exemple : Tirez pas peine de votre n’homme, il est après se soûler avè de salopiaux.

Prenez la peine de vous reposer. Formule de politesse que vous devez employer, en avançant une chaise, pour toute personne qui vous fait l’honneur de vous visiter.

PEINTRE. — Un peintre peintru. Formule péjorative pour dire qu’il ne s’agit pas d’un Raphaël. X… est peintre ? — Oui, un peintre peintru. — Peintru représente ici peintureur.

C’est le goût du peintre. Voy. goût.

PEINTURLURER, v. a. — Peinturer au sens péjoratif, ainsi que l’indique le suffixe comique. As-te vu c’te poutrône avec ses gôgnes peinturlurées ?

PEIREROU, s. m. — Chaudronnier ambulant ; par extension, poêlier. Mon chaudron est cabossé ; faut que je le donne au peirerou. Les peirerous sont tous d’Auvergne, ainsi que le montre cette vieille chanson :

En rebenant de la Cachtourine,
Una troupa de z’Oubergnats,
Qui tout le long du chemin chemine,
Tout à coup se mit à gueula :
« Fondant les cuillas !
« Ombrant les benitias !
« Cousant les saladias !
« Peirouri, rouri, Mesdames,
« Peirouri, youpsa ! norma ! »

Au dernier vers, youp est un cri, comme dans youp ! la Catarina ! — Je ne connais point le pays de la Castourine, et je ne comprends pas le dernier mot : norma, dans lequel je crois du reste que la Norma de Bellini n’entre pour rien.

Du provençal peirol, chaudron ; lui-même du celtique per, même sens : peirolou, peirorou, peirerou.

PEJU, s. m. — Regrolleur, savetier. Lorsque Poncet construisait la rue Impériale, il me disait avec orgueil : Je ne veux pas rien des pejus pour portiers ! — De pège, avec le suff. u, d’osus.

PELÉ. — Deux pelés et un tondu. Se dit d’une assemblée qui est peu nombreuse, mais mal choisie.

PELOSSE, s. f. — Prunelle. Au jeu de boules, se dit en raillerie de petites boules : Allons, joue tes pelosses ! — Du celtique : kymri bolos, polos, prunelle.

PELU, USE, adj, — Qui a beaucoup de poil. Une fenne peluse, Une femme qui a les sourcils épais et un peu de moustache. — De pilosus.

Le Puits-Pelu. C’était un ancien puits, qui avait donné son nom à la rue (aujourd’hui rue du Palais-Grillet), et qui, probablement, devait lui-même son nom à celui de son propriétaire.

PENDANT. — Pendant de filet, terme de boucherie, Morceau attenant au filet, du côté opposé au faux filet (voy. ce mot).

PENDRE. — Dire de quelqu’un pis que pendre. Cette phrase, si usitée, représente une forte contraction : « pis que ce qui serait nécessaire pour le faire pendre ».

PENDRILLE, s. f. — 1. Lambeau pendant.

2. Mauvais sujet, garnement, vagabond déguenillé. — De pendre, plus drille, chiffon.

PENDULE. — Un négociant doit coucher sous la pendule. Voy. coucher.

PENELLE, s. f. — Très grande barque à fond plat, dont les deux bouts étaient carrés et relevés, et percés chacun d’un ou deux trous pour le passage de grandes rames servant de gouvernail. Elle était presque symétrique d’avant en arrière. Son usage est aujourd’hui abandonné. De pinella, de pinum, pin. Comp. sapine, autre espèce de barque.

Père Peju, vous m’avez fait des grollons comme des penelles. Métaphore élégante pour « des souliers trop grands ».

Par extension du contenant au contenu, penelle se dit aussi des pieds et des mains de belle dimension. Reluque-moi ces penelles ; peintes en rouge, on pourrait les mettre à la devanture d’un gantier.

PÉNIBLE. — Un enfant pénible. Se dit d’un enfant qui a des caprices, qui crie, etc.

Votre mami n’est rien pénible.

PENNE, s. f. — Graisse du ventre des habillés de soie. — De panna, de pannum, cette graisse ayant été comparée à une étoffe.

PENSÉ. — Allons, bien pensé ! Voy. allons.

PENSER. — Molard blâme l’expression : J’ai bien d’autres choses à penser. En quoi il a tort : on peut « penser les choses », comme on peut « penser aux choses. » Cela dépend du sens qu’on y attache. Fénelon dit « penser un édifice ». — Mais Molard a raison de blâmer : Vous n’avez que vous à penser, car on ne se pense pas soi-même. La correction qu’il propose : Vous n’avez à penser qu’à vous, enlève son piquant à la tournure. Le meilleur serait de dire : Vous n’avez que vous à qui penser.

Se penser, Penser. Je me pense que Mme Gaugnasson viendra ce soir. Le peuple a le goût des pléonasmes. Le militaire l’exagère. Je regardais un jour, en compagnie d’un sergent, jouer les mines au fort Saint-Jean. Je me pense à moi-même que cette pierre va tomber, qu’il me dit, dit-il.

PENSION. — J’ai pris pension chez la mère Devers. Je n’ai trouvé prendre pension dans aucun dictionnaire. Cela se dit constamment.

PÉRAT, s. m. — Des diverses sortes de houille vendue, c’est celle dont les morceaux sont les plus gros. — De petra, plus le suffixe roman at.

PERCE. — Mettre une pièce en perce. Les dictionnaires ne donnent que mettre du vin en perce, ce qui est assez absurde, car ce n’est pas le vin qu’on perce.

PERCÉ. — Percé bas, Se dit de quelqu’un dans une grande gêne. Que devient M. Déchelet ? — Le pauvre b… est bas percé. — L’idée est d’un tonneau qui, étant percé très bas, s’est vidé en plein.

PERCERETTE, s. f. — Vrille. — De percer, ostensiblement.

Avoir des yeux de percerette ou en trou de pipe, Avoir des yeux petits, perçants, et à la soute. C’est le contraire des yeux en boules de loto.

PERDRE. — Une femme à perdre dans le lit. Ne se dit pas d’une géante.

PÈRE-GRAND. — Grand-père. Voy. mère-grand.

PERFORCER (SE), v. pr. — Faire un effort énorme, au-dessus de ses forces. — De forcer, avec le préfixe per, qui équivaut à par. Voy. parbouillir. Le vieux franç. a parforcer.

PERPÉTUE, s. f. — Perspective que l’on avait, au xviiie siècle, l’habitude de peindre sur un mur terminant une allée d’arbres, et où l’allée d’arbres était représentée en se prolongeant. Nous en avions une à Sainte-Foy. — Corruption de perspective, mot incompréhensible pour le vulgaire, tandis que perpétue exprimait le sens d’une chose qui se prolonge, se perpétue.

PERRIER, s. m. — Gésier des volatiles. Dans les maisons bien ordonnées, lorsqu’on mange une poulaille, on donne toujours le perrier au culot. — De petrarium (de petra), parce que le perrier renferme très souvent des pierres.

PERRIÈRE, s. f. — Carrière de pierres. Le mot se trouve dans beaucoup de textes vieux lyonnais. — De petraria.

PERSAILLE, s. f. — Nom d’un plant de vigne à petits grains, de médiocre qualité, mais qui produit beaucoup. — Peut-être du vieux franç. pers, bleu noir, la persaille étant un raisin de cette couleur.

PERSONNE. — Être bien de sa personne. Cette façon de parler, si claire, si expressive, ne figure pas dans les dictionnaires. On trouve seulement Être bien fait de sa personne (Sévigné).

Colombine de personne. Voy. colombine.

PESANTER, v. n. — Soupeser. Pesante-moi voire un peu ce lapin !

PESETTES, s. f. pl. — Vesces. Ainsi nommées par convenance. — De pisum.

PESOU, s. m. — Gros caillou, pavé. S’emploie toujours au sens comique. M. X…, notre voisin de campagne, mettait des pesous dans ses poches quand il faisait grand vent, afin que le vent ne l’emportât pas. — De peser.

P… (parlant par respect). — Avoir toujours p… ou v…, Être sans cesse indisposé. Comment va Madame votre épouse ? — Elle a toujours p… ou v…

Avoir toujours p… ou foire, même sens.

P… de boulanger, Such a one as makes the bren to follow, dit Cotgrave en sa candeur.

P… de maçon, A fart in syrup, a squattering fart, dit encore le même auteur.

P… de confiseur, même traduction.

P… de ménage. Honnête et simple.

Faire des p… comme des coffres. — Énorme ! se serait écrié Flaubert.

Un p… comme un p… de mine. — Métaphore évidemment exagérée.

Faire un p… à vingt ongles, Faire un enfant. Se dit surtout des enfants nés hors mariage.

Partir comme un p… Se dit de quelqu’un qui est un peu soupe au lait. On se mit à parler politique, le voilà qui part comme un p… !

Hardi comme un p… Se dit de quelqu’un qui ne pèche pas par excès de timidité.

S’en croire comme un p… Se dit d’une personne qui s’en croit beaucoup.

« Cette jeune personne poussait des soupirs comme des p… de vache. » C’est-à-dire de très gros soupirs.

Toutes ces façons de parler, si appropriées qu’elles puissent être à l’occasion, ne doivent pas être employées devant des dames, ni même devant des demoiselles.

PETAFINER, v. a. — Gâter, gaspiller, laisser perdre, En ce temps-là, me disait un vieux canut, il y avait si tellement de fortune que l’on petafinait le fromage blanc. — Du vieux franç. pute fin, mauvaise fin.

PETARD, s. m. — Jouet d’enfant. C’est un tuyau en bois de sureau que fabriquent les gones et où ils placent une bourre que l’on fait partir par l’effet de l’air comprimé.

PETARDIER, s. m. — Terme décent pour derrière. J’étais un jour aux quatrièmes du Grand-Théâtre à voir représenter la Part du Diable, ou Mme Cabel jouait un travesti. Comment trouves-tu Mme Cabel ? fis-je à un camarade. — Elle a une voix charmante, me répondit-il, mais à voir le petardier, je me serais attendu à un contralto.

PETARIFFE. — Expression indéfinie qui ne s’emploie que dans la locution Lever la petariffe. Voy. lever.

PETAS, s. m, — Grosse pièce posée sans soin, raccommodage grossier. La Rose a mis un petas à mes culottes. Le bon Bouchet l’emploie au sens de tache sur le visage d’une femme grosse. C’est une métaphore. — Par extension, Un gros morceau quelconque : Un petas de lard ; Un petas de gruyère. — Du bas latin petacium, augmentatif de pelium, pièce.

PETASSER, v. a. — Mettre des pièces, ravauder, avec sens péjoratif. — De petas.

PETER (et non péter), parlant par respect. — Pète qui a peur, Se dit lorsqu’on est résolu à quelque action d’éclat. Je te joue un sou en cinq lié, à l’écarté ! Pète qui a peur !

Vouloir peter plus haut que le c… Vouloir faire quelque chose au-dessus de ses moyens, par exemple Mener un train de vie au-dessus de sa fortune, Ressentir un amour au-dessus de ses forces.

Tel croit peter qui caque, Tel croit faire une brillante affaire qui se met dedans.

Peter dans la soie, Porter des habillements luxueux. Mme Grosnoir était devideuse. Depuis qu’elle a marié son marchand, ça pète dans la soie !

Voir peter le loup. Voy. loup.

Faire peter, Faire disparaître, supprimer. I m’ont fait peter mon porte-liards, On m’a volé mon porte-monnaie. Au fig. Faire peter l’école, La manquer.

Je lui ferai voir que je pète aussi sec que lui, Je lui ferai voir que je ne le crains pas.

Peter dans la main, Montrer trop de familiarité.

Faites du bien à un vilain,
Il vous pètera dans la main.

Peter. Se dit d’un bruit sec. Le Grégoire s’amuse à faire peter des capsules ; ça me fait toute ressauter. On dit souvent : Faire peter son fouet. Un jour que je dinais en ville, la maitresse de maison essaya de déboucher en mon honneur une bouteille de Saint-Galmier, entamée de la veille. Elle n’y parvint pas, et demanda un tire-bouchon en disant : Je la déboucherais bien avec mes dents, mais je n’aime pas quand ça me pète dans la bouche.

PETEUX, s. m. — Timide, honteux. Quand j’ai vu que la bourgeoise le prenait comme ça, je suis resté tout peteux.

PETIT, s. m. — Notre petit a la rougeole. En dépit d’Humbert, cette phrase me parait très correcte. C’est une ellipse : « Notre petit, sous-entendu Jacques, Garguille, etc. »

Le Petit, au jeu de boules, Le but, le conchonnet (mot qui nous esk inconnu). Il faut tirer le petit. Voy. but. — De ce que, mathématiquement, le petit est beaucoup plus petit que les boules.

Le petit homme de Saint-Just. Voyez homme.

Du petit bois, Du menu bois. Petit ou menu, n’est-ce pas la même chose ?

Quand on est petit, on fait des canettes. Quand on est vieux, on refait des canettes. (Proverbe du Plateau.) À Chaponost, l’on dit : Quand on est petit, on va en champ. Quand on est vieux, on reva en champ. Il y a plus de profondeur dans cette parole attristante que dans maint aphorisme signé Joubert.

PETIT ENDROIT. — Commodités.

PETITES RAVES. — Radis.

PETOUGE, s. f. — Maladie, avec sens péjoratif. Ce pauvre Josephus a toujours la petouge, Il est toujours malade.

2. Embarras, ennui causé par la maladie. Lorsque, étant petit, je faisais quelque imprudence d’hygiène : Oui, oui, me disait ma bonne mère, rends-toi malade, et puis c’est moi qui aurai la petouge ! — Parlant par respect, de p… La petouge, c’est la petouse, littéralement la tympanite. Comp. Avoir toujours p… ou foire. Comp. aussi le dauphinois petouset, petit peteux.

PETOUGER, v. a. — Accabler un malade de remèdes. M. Argan était toujours après se petouger.

PÉTRAS (pétra), s. m. — Rustre. Un gros pétras. Un gros pacan. — Se rattache à empêtrer.

PÉTRIÈRE, s. f. — Pétrin. — De pétrir.

PÉTRUFIANCE, s. f. — État de quelqu’un de pétrifié. « Leur abord li causa une pétrufiance… » (Suzanne.) — L’équivalent de ce mot manque à la langue française, où il ne serait, comme dans la phrase ci-dessus, qu’imparfaitement remplacé par pétrification.

PEU. — Un bon peu, Un petit peu. Un bon père : Lustucru, veux-tu un petit peu de gratons ? — P’pa, j’en veux un bon peu, siouplaît ! Ces augmentatif et diminutif de peu sont très utiles dans le discours.

Un tant soit peu, Humbert blâme cette phrase : Donnez-m’en un tant soit peu, et veut qu’on dise simplement tant soit peu. Pourquoi cette singulière exigence ? Littré donne l’exemple contraire : Ne m’en donnez qu’un tant soit peu, et cite Millevoye : « Un tant soit peu légère. »

Prête-moi donc voire un peu ton couteau ! L’idée est : « Prête-le-moi pour un petit moment. » Mais voyez l’inconséquence : on ne dirait pas : « Prête-moi beaucoup ton couteau. »

PEUR. — Se donner peur. Expression très énergique pour Prendre peur. Les Italiens disent aussi farsi paura, se faire peur.

Pète qui a peur (parlant par respect). Voy. peter.

J’en ai plus peur qu’envie. Locut. qui s’emploie à propos de tout événement que l’on redoute. Molard ne l’eût peut-être point approuvée, mais nous l’employons tout de même.

À moi la peur ! Espèce de jurement répondant à « Je veux être pendu ! » ou toute autre chose de ce genre. Finassaud ne veut pas me payer ! Si je ne lui envoie pas les pousse-culs, à moi la peur ! Je ne saisis pas bien la filiation logique dans cette expression si usitée.

N’ayez pas peur, mais tremblez toujours ! Expression très courante qu’on n’emploie pas en vue de rassurer. Je crois bien que ma femme ne m’en fait pas porter. — N’ayez pas peur, mais tremblez toujours !

Qu’as-tu peur ? Locution bien plus énergique que l’expression correcte : « De quoi as-tu peur ? »

PEUT-ÊTRE. — Loc. renforçante. S’emploie parfois avec bien. Le mari : Te t’es encore acheté un mantelet de neuf francs ! Te veux donc me manger !La femme : Faut pet’ête bien que je m’habille comme les autres dames ? Toi, t’esses bien allé l’aut’ jour au café chantant !Le mari : Je devais pas c’te politesse au cousin Petasseux, pet’ête ?

PHILOSOMIE, s. f. — Monsieur, vous avez une philosomie que je crois avoir rencontrée quelque part, à moins que ce ne soit ailleurs. — Précisément, monsieur, j’y allais de temps en temps. — Dans philosomie on a remplacé par l l’s de physionomie, soit. Mais pourquoi a-t-on fait le contraire dans Philosophie !

PHILTRE. — La croyance aux philtres amoureux comme dans l’antiquité n’est point perdue. De mon temps on était fermement convaincu qu’une femme, pour fixer l’amour d’un homme, n’avait qu’à lui faire prendre un peu de son profluvium menstruale. Je connaissais une pauvre fille qui, pour se faire épouser par un jeune homme qu’elle aimait (il ne s’était d’ailleurs rien passé entre eux de répréhensible), lui en fit prendre un jour dans du café très fort. Mais, hélas ! aujourd’hui tout a perdu sa vertu. Il en épousa une autre peu de temps après. La pauvre fille est restée convaincue qu’un autre philtre avait annulé l’effet du sien.

PHISOLOPHIE, s. f. — Philosophie.

PIAFFE, s. f. — Esbrouffe, sotte vanité. Faire de la piaffe. Faire des embarras, de l’esbrouffe. Pour se marier, i n’ont été à l’église en voiture. — Tout ça pour faire de la piaffe. — Substantif verbal de piaffer.

PIAILLARD, s. m. — Piailleur. On sait que le suffixe ard est particulièrement péjoratif.

PIAILLE, s. f. — Criailleries. Notre fenne est comme le chien de mon pipa, disait mon maître d’apprentissage : elle est forte pour la piaille, mais elle ne mord pas. — Subst. verbal de piailler.

PIAPIAS, s. m. pl. — Cancans, médisances. La Dorothée a pris une postume de neuf mois, me disait notre petite apprentisse ; ce qui n’ont fait de piapias pour ça ! — Onomatopée du bruit d’une parole continuelle et dénuée de sens.

PIASSETTE, s. f. — Outil de tonnelier qui a la forme d’une petite houe tranchante à manche court. — Du patois piassi, pioche, de pica.

PIASTRE, s. f. — Monnaie imaginaire. Avoir de piastres, Avoir de l’argent. Par extension Un gros sou. Voilà deux piastres pour faire le garçon, disait chaque dimanche à son mari la bonne mère Durassier. — Les piastres n’ont jamais pénétré dans nos pays, non plus que les escalins et les patacs, et pourtant tous ces noms se sont introduits dans notre parler.

PIATTER, v. n. — Marcher, avec idée de répétition, de piétinement, de longue marche. À force de piatter, nous ons fini par nous lasser, et nous nous sons assis sur les cadettes. De pedem.

PIAUTRE, s. f. — Boue, avec le caractère spécial de boue tirante, adhérente, de terre grasse. J’ons embotté dans la piautre jusque par-dessus le cou du pied. — Paraît en rapport avec le vieux franç. empiétrer, empêtrer.

PICANDEAU, s. m. — Petite flèche garnie de papier à un bout et à l’autre d’une pointe en fer ou d’une épingle. À l’aide des deux index formant arc, on la lance contre un plancher, une boiserie, etc., où elle se fiche. On en fait qui sont simplement de papier enroulé en pointe. Rabelais mentionne ce jeu, que le Duchat, bien à tort, transforme en jeu de volant. — De pique, avec le suffixe eau, d’ellum et insertion d’une syllabe de fantaisie.

PICARD. — Tout est couché chez Picard, il n’y a ni feu ni chandelle. Dicton qu’on ne faut jamais à dire lorsque, arrivant pour voir des amis, on trouve maison close. J’en ignore l’origine, qui doit être historique. Il n’est pas particulier à Lyon, au moins comme sens car il existe une chanson qui a pour refrain : Ils sont couchés chez la mère Picard.

PICARLAT, s. m. — Faisceau de trois petits morceaux de bois refendus dans une branche et liés aux deux bouts par un lien de paille. La longueur variait de deux à trois pieds. Quatre picarlats se vendaient un sou. Ne pas confondre le picarlat avec le cottret, qui est un paquet de morceaux de bois courts et liés par le milieu avec une corde. Le cottret ou falourde est une marchandise parisienne. Le picarlat a disparu de la consommation lyonnaise. Il est remplacé par le paquet de bois très court, valant deux sous.

Au figuré Jambe (comparez flûte, canille, broche).

Sec comme un picarlat. Se dit de quelqu’un qui manque d’obésité.

Huile de picarlat.Frotter les rhumatismes à quelqu’un avec de l’huile de picarlat, Lui donner des coups de bâton.

La seconde partie du mot paraît représenter le prov. escarla, refendu ; et la première, piel, de piculum.

PICARLE, PICARLEUX. — Voyez piquerne, piquerneux.

PICARNU, USE, adj. — Qui a de la chassie, — Fait sur piquerne.

PICASSER. v. imp. — Se dit d’une pluie fine et peu abondante. Mouille-t-il ? — Non, il picasse seulement.

Quand il picasse, il cheit de limaces.

De piquer, avec le suffixe péjoratif asser.

PICAUDON, s. m. — Petit fromage de chèvre. — L’origine est-elle piquer ? Ce qui pique la langue ?

PICON, s. m., terme de batellerie. — Rame à l’avant du bateau, par opposition à l’empeinte, qui est la rame à l’arrière. Il est probable qu’à l’origine le picon était un harpon dans le genre de l’arpi (voy. ce mot), et qu’un homme, placé à l’avant du bateau, s’en servait pour divigor celui-ci. De là le nom a passé à une rame à demeure. — De pic.

PICOTIN, s. m. — Vin aigrelet. Allons, un verre de picotin !

PICOU, PÉCOU, s. m. — 1. Queue des fruits. Un picou de cerise.

2. Au fig. Nez. Se rougir le picou, Se culotter le nez par la boisson. — Du vieux franç. picol, quenouille de lit, qui me paraît représenter pedem coli.

PIDANCE, s. f. — Pitance.

PIDANCER, v. n. — Manger beaucoup de pain avec peu de viande, économiser le fricot. Votre petit sait bien pidancer, Votre enfant a été bien élevé : il n’a pas des habitudes de gourmandise. Ce sens est bien en rapport avec l’étymologie pictantia, petite portion de moine.

PIED. — Pied de métier, Les quatre montants du métier, qui supportent les estases et les clefs.

Tirer un pied de cochon à quelqu’un, Lui jouer un mauvais tour, le duper. Y a Gandousier que m’a tiré un pied de cochon. I m’a fait tirer d’argent de la caisse d’épargne pour le lui prêter, disant que ça serait plus sûr. Je crois bien que mes liards sont passés au bleu. — Je ne puis m’expliquer l’origine de cette singulière locution.

Marcher à pied de chausse. Marcher sans souliers, sur ses bas.

Tenir pied aux boules. Voy. tenir.

Aller de pied, pour aller à pied. — Comme vous avez chaud, vous n’avez donc pas pris le tramevet ? — Nous l’aurions bien pris, mais il était complet, alors nous sommes venus de pied.

Ne savoir sur quel pied danser, Se dit quand on a le bec dans l’eau, comme l’oiseau sur la branche. Une bonne femme me disait : Mon père est mort, mon mari est malade, je ne sais sur quel pied danser. On dit souvent : Je suis comme le poisson hors de l’eau, je ne sais sur quel pied danser.

PIEDS-HUMIDES. Voy. sous banc.

PIERRE. — Pierre de l’œil, Pierre magique, de la forme d’une lentille, extrêmement lisse. Lorsque quelque brâche est entrée dans l’œil, on sait assez combien c’est pénible. Vous mettez la pierre dans un coin de l’œil, sous la paupière. La pierre se met en marche, fait tout le tour de l’œil, et revient sortir au coin en chassant la brâche. Dans chaque famille, on conservait soigneusement la pierre de l’œil. Nous n’en avions pas à la maison ; elle s’était perdue dans un déménagement. Mais il y en avait eu une chez ma grand’, et ma mère, qui n’a jamais menti, m’a affirmé en avoir souvent usé utilement dans sa jeunesse. Beaucoup l’employaient dans le cas d’un mal d’yeux quelconque. Avait-on un peu de rougeur à l’œil, vite la pierre ! L’axiome disait : La pierre va chercher le mal. Il n’y a pas longtemps que j’ai vu cet écriteau dans une boutique : « À vendre, pierre de l’œil. »

Pierre noire. C’est une pierre des carrières de Saint-Cyr, de couleur noirâtre, très dure, portant bien le poli, et qui est en réalité une sorte de marbre. On l’appelle aussi gros banc. Tous nos beaux morceaux d’architecture du xviie siècle qui sont au voisinage du sol sont en pierre noire. On ne l’emploie plus que pour les cheminées.

La Pierre qu’arrape. — 1. C’était le nom donné au tour que j’ai vu dans mon enfance, et qui était situé, présentant sa face fermée, dans le mur de la Charité, non loin de la porte de l’église. Là, au milieu de la nuit, plus d’une fille, la tête cachée par un châle, venait tirer la sonnette placée à côté du tour. Celui-ci tournait et présentait son côté ouvert. La fille y mettait son enfant, puis se sauvait. Ce tour est resté longtemps après la suppression de l’institution, mais il n’y avait plus de sonnette. Puis on l’a enlevé et l’on a muré l’ouverture. Le joli entourage en pierre noire, avec sa corniche, qui paraissait dater du xviie siècle, doit exister encore. C’était une fondation bien touchante, bien profondément chrétienne que celle des tours. On dit qu’avec l’impudeur d’aujourd’hui il n’en est plus besoin. La fille ne rougit plus de venir au grand jour. Il me semble pourtant qu’avec le tour plus d’un infanticide serait évité. — Il était dénommé pierre qu’arrape, évitablement parce qu’il arrapait le mami et ne le rendait plus. À la vérité, il était en bois, mais supporté par une pierre.

2. Le tour a été supprimé, mais son nom a servi pour ailleurs. Je crois bien que la première pierre qui a arrapé le nom, c’est un banc à la Croix-Rousse, en haut de la montée des Esses, tout derrière le couvent des Trinitaires, sur une espèce de terrasse gazonnée d’où l’on domine Serin, Vaise, et d’où la vue s’étend sur le Mont-d’Or et la campagne lyonnaise. Les soirs d’été on y voit des amoureux en rêvation avec leurs bonnes amics. C’est la pierre qu’arrape, comme si le fond des culottes y était arrapé par de la pège ; et on y est si tellement bien qu’on ne peut plus s’en désarraper.

Les autres quartiers, jaloux, out voulu avoir chacun leur pierre qu’arrape. Non plus la pierre des amoureux solitaires, mais la pierre des bras-neufs, des compagnons du Soleil, qui y font de longues pauses. À Vaise, la pierre qu’arrape est la bordure de la fontaine de la place de la Pyramide. À la Guillotière, ce sont deux bancs de pierre placés à l’intersection du cours Gambetta (autrefois cours de Brosses) et de la place du Pont, jouxte les deux pieds-humides.

3. Par métonymie, le nom de pierre-qui-arrape s’est étendu à ceux qui s’assoient dessus. Par conséquent la pierre qui arrape, c’est un bras-neufs, un inspecteur des pavés, une loupe, en un mot une pratique. Qu’est-ce que c’est que ce gone-là ? — Hum, ça me parait bien de la pierre qu’arrape ! — Et voilà comment une humble pierre du Plateau a pu donner son nom à toute une catégorie sociale qui n’a jamais été si florissante que de nos jours. « Dieu se plait à tirer les plus grands effets des plus petites causes, » a dit, je crois, Bossuet.

PIÉTON, s. m. — Facteur rural.

PIGEON. — Pigeons ficelés, Paquets de couenne de lard, attachés par une ficelle, et que les charcutiers vendent tout chauds et à très bas prix. — Ainsi nommés par ironie.

PIGER, v. a. — Surprendre, prendre sur le fait. Y a le Nizier qu’avait fait peter l’école ; que sa m’man l’a pigé sur le Port Sablé, que jouait aux gobilles. Je voudrais pas être dans la peau de ses fesses ! — De piège ? Piger, prendre au piège ?

PIGNAIRE, s. m. — Tisserand. PIGNUSE, s. f. — Femme qui tisse. Me parait tombé en désuétude. — Confusion ironique du tisserand et du peigneur de chanvre.

PIGNATTE, s. f. — Marmite de terre. C’est du vieux français. On le trouve dans les Voyages le Marc Pol, et dans Cotgrave. On prétend que le nom vient de ce que les couvercles de ces marmites avaient une certaine ressemblance avec le cône du pin.

PIGNOCHER, v. n. — Faire une chose avec lenteur et minutie. Se dit d’un tableau léché, minutieusement peint. Au fig. manger du bout des dents, en dégoûté. — De spina, avec le suffixe péjoratif oche. Pignocher, littéralement, enlever les épines. Vieux franç. espinocher.

PIGNOLLES, s. f. pl. — Argent. Avoir de pignolles, Être riche. J’ai vu, sans qu’il soit possible de me rappeler où, pigne, employé au sens de liard. On a comparé les pignons du pin à de petites pièces de monnaie. Pignolles est un collectif de pignes.

PILAT, s. m. — Montagne au sud de Lyon sur la limite de l’Ardèche.

Quand Pilat prend son chapeau,
Et Fourvières son manteau,
Sûr qu’il ne fera pas beau.

PILE, s. f. — Volée de coups. Recevoir une pile. — Subst. verbal de piler.

PILIER. — Pilier d’hôpital. Se dit de quelqu’un qui n’a point de santé, qui est constamment malade. Ce pauvre Gargot a marié un pilier d’hôpital.

PILLANDRE, s. f. — 1. Guenille, chiffon, haillon. C’est tout en pillandre. C’est tout en loques. — Du vieux franç. peille, chiffon, avec le suffixe andre, par analogie avec filandre.

2. Au fig. Mauvais sujet, vaurien, gueux, canaille. Connais-tu Trifouillard ? Qu’est-ce que c’est ? — C’est une pillandre. Dans les grands moments, Madelon appelle Guignol grande pillandre.

PILLANDRIN, s. m. — Même sens que pillandre 2, dont il est un dérivé.

PILLERAUD, s. m. — Gueux, mendiant, vaurien. Il est venu deux pillerauds, censément deux ouvriers sans travail. — De peille (voy. pillandre), avec le suffixe péjoratif aud. Pilleraud vaut ainsi autant à dire comme guenillard.

PILLET (piliet), s. m. — Serviette d’enfant qui s’attache derrière le cou. Par gausserie, Serviette. Dedèle, baille-mè mon pillet ! — Du vieux franç. peille, chiffon, avec le suffixe diminutif et.

PILLOCHER (pilioché), v. a. et n. — 1. Dépillocher (voy. ce mot).

2. Au figuré, Manger négligemment, en dégoûté, comme en épluchant les morceaux. — Sur l’étymologie voy. dépillocher.

PILLOT, OTE, s. — Poussin, petit poulet, petite poulette. Avoir de la santé comme un pillot. Ne pas avoir un tempérament de fer. — Fort comme un pillot, Ne pas faire concurrence à Hercule. — Vieux français poillot, petit de tout volatile ; de pulleum pour pullum.

PILON, s. m. — Cuisse des volatiles prêts à être mangés. Le pilon et le perrier, dans la mense familiale, sont la part des enfants, et le cou celle de la femme. — De l’analogie de forme avec un pilon.

PILONNE, s. f. — Colonne. — Du patois pila, au sens de colonne ; lui-même de pila.

PILULER. — Vous avez ben une jolie tapée de miaillons, que je disais au père Chauchaud, le battandier, qui avait en effet une grosse famille. — Oh, qu’il me fit, ça pilule comme de chiendent !

PIMPER (SE), v. pr. — Se vêtir avec recherche, se pomponner. — Du vieux prov. pipar, pimpar, même sens.

PINCES, s. f. pl. — Pincettes de cheminée. Il paraît que ce n’est pas français ; de telle sorte que, pour bien parler, il faut dire pincettes pour les grandes pinces, et pinces pour les petites, comme les pinces de chirurgien. C’est très rationnel. Mais le mot est tellement répandu qu’on ne l’extirpera pas. — Peu après la révolution de 1830, on fit paraître une grande estampe lithographiée représentant un lion vu de profil. Derrière lui tombaient, en guise de fumées, une croix, qui signifiait M. de Lacroix-Laval, ancien maire de Lyon ; une brosse qui signifiait M. de Brosses, ancien préfet du Rhône ; une motte de terre, qui signifiait M. Paultre de la Motte, ancien général commandant la division. Une paire de pinces sortait à moitié. Au-dessous de l’estampe on lisait : Quand rendra-t-il donc les pinces ? —— Les pinces, c’était Mgr de Pins, administrateur du diocèse, très dévoué à la cause des Bourbons, et qu’on eût voulu voir remplacer peut-être par le cardinal Fesch, titulaire du siège, et exilé à Rome par la Restauration.

Faire une pince à une robe, terme de couturière, Y faire un repli pour diminuer la largeur ou même la longueur.

PINCETER, v. a., terme de canuserie. — Enlever avec de petites pinces pareilles aux pinces à épiler tous les bourrons de la façure. On trouve dans Montaigne pinceter au sens d’épiler.

PINCETTES. — Monter à cheval comme une paire de pincettes. Ne se dit pas d’un émule de Rancy et de Baucher.

PINÇON, s. m. — Piqûre d’insecte dans une douve de tonneau. — Du radical de pincer, lequel radical avait, dans l’origine, le sens de pointe.

PINÇONNÉ, ÉE, adj. — Piqué des artisons, qui à des pinçons.

PINE, s. f. — Petite trompette pour les enfants. On les faisait en bois ; aujourd’hui on les fait en ferblanc. — Onomatopée assez réussie de la musique horripilante de l’instrument.

PINER, v. n. — 1. Jouer de la pine.

2. Pousser de petits cris aigus. — De pine. Le vieux franç. avait piner, rincer.

PIOCHON, s. m. — Une toute petite pioche servant au jardinage. Le très benin Rabelais nous conte que, en l’Isle des Ferrements, il y avoit « grand nombre d’arbres portants marroches, piochons, serfouëttes, etc. »

PIOTTE, s. f. — Pied, jambe. — Qu’as-te don que te gambilles ? — Je m’ai fait mal à la piotte en descendant du tramevet. — De pedem.

PIOULER, PIOUTER, v. n. — Ne s’emploie que dans des expressions de ce genre : Il ne peut plus piouter, Il ne peut plus parler, il a une éteinte de voix. — Onomatopée du cri des moineaux.

PIOUSTRE, s. m. — Gros rustre, homme grossier, pataud. Je sons allé à la Chambre. — Eh ben, c’est ren que de monsus floupés ? — Oh, y a ben un tas de pioustres parmi ! — Assemblage d’agréables syllabes péjoratives.

PIPE, PIPETTE. — Il n’a pas seulement dit pipe, ou il n’a pas seulement dit pipette. Cette expression ne se retrouve pas dans les dictionnaires d’argot, mais elle n’est pas non plus particulière à Lyon. Je l’ai retrouvée dans un roman d’Erckmann-Chatrian, qui la met, au xviiie siècle, dans la bouche d’un soldat.

PIPER. — Ne pas piper mot, Ne pas dire pipette. — On a comparé le mot à une bouffée de pipe.

PIPI, s. f. — Pépie. Ne pas avoir la pipi, Bien boire. Donne-moi vite un pot de vin, ou je vas prendre la pipi. À l’inverse, on dit Avoir la pipi pour Avoir très soif.

PIQUE-BISE, s. m. — Chapeau d’ecclésiastique. — De ce qu’autrefois les cornes de ces chapeaux étant fortement relevées, comme encore aujourd’hui en Italie, la corne du devant était censée fendre le vent.

PIQUE-FEU, s. m. — Grappin, broche de fer pour tisonner. Il n’y a pas d’équivalent français, le tisonnier étant crochu.

PIQUE-PRUNE, s. m. — Tailleur. Piquer est pris ici au sens de manger, comme l’indique, dans des dialectes, la forme croque-prune. — L’origine de l’expression m’est inconnue.

PIQUER. — Piquer l’once. Voy. piqueur d’once.

PIQUERNE, PICARLE, s. f. — Chassie. Les personnes à tempérament lymphatique ont souvent de la piquerne aux yeux le matin. — De pica, pour pix.

PIQUERNEUX, EUSE ; PICARLEUX, EUSE, adj. — Qui a de la piquerne. On avait proposé à l’un de mes camarades une demoiselle très riche (il était pauvre), mais il n’en voulut mie parce que, disait-il, elle avait les yeux piquerneux, et que ça lui faisait regret.

PIQUE-EN-TERRE, s. m. — Coq. Ne se dit que de l’animal vivant.

PIQUETTE, s. f. — Se lever à la piquette du jour, c’est-à-dire dès que le jour commence à poindre. — De piquer. Comp. « à la pointe du jour ».

PIQUEUR D’ONCE. — On nomme ainsi ceux qui volent la soie en levant de petites flottes sur les parties qui leur sont confiées par le fabricant, et qui s’arrangent pour faire retrouver le poids, soit en humectant la soie, soit en la chargeant, s’ils sont teinturiers, ou de toute autre manière. — Une dame du Dauphiné étant venue habiter à Lyon avec ses deux jeunes filles, s’enquit d’un magasin où elle pourrait se procurer des coupons de soierie à meilleur marché que dans un magasin de nouveautés. Une bonne femme lui dit : Faut aller chez un piqueur d’once. Allez donc chez X…, rue Vieille-Monnaie, vous trouverez votre affaire. La dame, n’ayant jamais entendu prononcer le nom de piqueur d’once, crut que c’était celui donné à la profession de marchand de coupons. Elle envoie sa fille aînée avec la bonne. La jeune fille va à l’adresse indiquée, pousse la porte, et dit à un monsieur devant une banque : Pardon, monsieur, c’est bien ici chez un piqueur d’once ? Tableau (!!!), comme disent les romans modernes (historique).

PIREGLORIEUX, s. m. — Loriot. Corruption fort drôle de compère loriot, ancien nom de l’oiseau. Compère, réduit à père, s’est transformé en Pierre, nom d’homme, patois Piro. Loriot est devenu gloriot ; d’où pirogloriot, puis piroglorious (littéralement Pierre-glorieux). Nous avons perdu de vue le nom propre, et le « compère loriot » n’a plus été que le « pire des glorieux ».

PISSE (parlant par respect), s. f. — Urine. — Subst. verbal de pisser. La formation par subst. verbaux est une des caractéristiques de notre parler.

Pisse-froid dans la canicule. C’est la qualification que j’entendais un jour donner à son fils par une bonne mère. Il n’en a pas moins fait fortune dans l’épicerie, où il n’est pas nécessaire d’être un volcan.

Pisse-trois-gouttes. Se dit de quelqu’un qui en littérature par exemple, n’a pas la production très facile ni très abondante. Malherbe avait du talent, mais c’était un pisse-trois-gouttes. Se dit aussi de quelqu’un qui manque d’énergie ou d’ampleur dans les vues.

PISSER (parlant par respect), v. n. — Il pisse entre deux parenthèses, Pour dire d’un homme qu’il a les jambes arquées.

Elle est si contente de se marier qu’elle ne se sent pas pisser. — Il paraît que c’est un des symptômes du contentement, mais je ne m’en suis jamais aperçu.

Commencer à se sentir pisser. Cela se dit d’une fillette de treize à quatorze ans.

Les femmes pleurent comme elles pissent, C’est-à-dire qu’elles pleurent avec la plus grande facilité, sans y attacher d’autre importance.

Une agréable chanson de gones, que l’on chante à ceux qui ont la malheureuse infirmité d’uriner au lit :

Pisse-en-lit,
Pisse-en-paille,
Le balai au coin du lit,
Pour fouetter le pisse-en-lit.

Tout bon Français pète en pissant, proverbe patriotique qui se prononce toutes fois et quantes que l’application en est motivée. Un Français qui pisse sans péter, c’est un régiment qui défile sans trompette. Même observation.

PISSERETTE, PISSEROTTE, s. f. — Filet d’eau qui tombe d’un rocher, d’une petite fontaine fluente. Dans ma propriété de Montpouilleux, j’ai une cascade. — Tu veux dire une pisserette. On trouve au xve siècle Pisserotte, petit ruisseau, rigole.

PISSE-VINAIGRE, s. m. — Épine-vinette, berberis vulgaris. — Corruption fort étrange d’épine-vinette. Le goût acide des baies a d’abord fait transformer vinette en vinaigre ; puis épine-vinaigre ne voulant rien dire, on a compris que de manger de ces baies faisait uriner acide. D’où pisse-vinaigre.

PISSE-Z-YEUX, s. m. — Libellule, agrion vierge. De la croyance peu fondée que l’insecte, pour se délivrer de la poursuite de l’homme, lui seringue dans les yeux une liqueur corrosive.

PISSOIR, s. m. — Urinoir public. D’un emploi plus fréquent que pissotière, qui est parisien. Te sais pas, on vient de monter un pissoir au clos Jouve. — Manquablement, c’est les joueurs de boule qu’auront fait une impétition. — Faut croire.

PISSOIRE, s. f. — Canule de bois sous un cuvier à lessive, ou sous un vaisseau quelconque, et aussi le conduit par lequel découle l’eau d’une fontaine. Dans Palissy, on trouve pisseure, jet d’eau.

PISSOTIÈRE, s. f. — Please to button your breeches before leaving, lit-on en Angleterre sur les murs de ces utiles établissements.

PISTOLE, s. f. — Monnaie de compte représentant dix francs. Ce chiffre était, par un édit de 1652, la valeur officielle de la pistole espagnole qui avait cours en France. Le mot s’emploie encore quelquefois dans nos campagnes, mais il s’est complètement perdu à Lyon.

PISTONNER, v. a. — Importuner, harceler. Le marquis, à son ami : Y a la marquise qui me pistonne depuis trois mois pour que je la mène au café chantant.La marquise : Que veux-tu, je le belette !

PISTOUFLE, s. m. — Un gros homme essoufflé. Par extension, un homme lourd, maladroit. S’emploie surtout avec l’adjectif gros : un gros pistoufle. — Sorte d’onomatopée. Il semble que pist soit l’onomatopée du sifflement de la poitrine pendant l’aspiration ; et oufle celle du bruit de l’expiration.

PITAUD, s. m. — Enfant de l’hospice de la Charité. — Rien de commun avec le franç. pitaud, rustre, grossier. C’est plutôt, au contraire, un terme de commisération. Du radical dont est sorti petit, patois pitit, avec le suffixe aud, qui n’a pas ici le caractère péjoratif ordinaire, ou qui l’a perdu.

PITIÉ. — Mon Dieu, ayez pitié de moi, et jetez des pierres aux autres ! C’est la prière des bonnes catolles.

PITROGNAGE, s. m. — Action de pitrogner itérativement.

PITROGNE, s. f. — Subst. verbal de pitrogner. Notre petite apprentisse disait un jour : M. Paillardon (c’était un voisin) il est fort pour la pitrogne.

PITROGNER, v. a. — Patiner de façon malpropre et grossière. Cadet, veux-tu bien ne pas pitrogner ton pain comme ça ? Manie donc ton pain plus proprement. — On avait marié Mlle X…, d’une honorable famille bourgeoise, bien connue à Lyon. Le soir de ses noces, son mari voulut lui témoigner son amour par quelques caresses. Monsieur, lui dit-elle aigrement, aurez-vous bientôt fini de me pitrogner comme ça ? (Historique.) — De pisturire, avec substitution d’un suffixe fréquentatif et péjoratif.

PITROGNON, s. m. — Individu qui manie grossièrement les objets.

PITROGNU, USE, adj. — Homme ou femme qui fait malproprement les choses, qui pitrogne le travail. Cette cuisinière est une pitrognuse. — C’est une ancienne forme patoise.

PLACARD, s. m. — « Armoire sans fond qui tient à la boiserie de l’appartement. Ce mot n’est pas français dans ce sens. » (Molard.) — Il l’est devenu : « Placard se dit des armoires pratiquées dans les enfoncements des murs. » (Dict. de l’Académie.)

PLACE. — En place, En retour. Groluchard est bête, mais en place il est méchant. Cette locution ne serait pas approuvée par Molard, mais en place elle est très répandue et tout le monde la comprend.

PLAFOND-DE-PIEDS, s. m., terme de menuiserie. — Sorte de parquet en planches de sapin, souvent brutes. Je n’ai entendu ce terme qu’à Lyon.

PLAINDRE. — Elle est bien de plaindre. Sur cette tournure, voyez connaître.

PLAISIR. — Oh ! le beau panier de fraises ! — Faites-vous en plaisir. C’est-à-dire Usez-en largement, à votre discrétion, de manière à vous satisfaire pleinement. Cette expression est très répandue chez nous.

PLAIVE, s. f. — Pluie. Ce mot, que j’ai souvent entendu employer en plaisantant dans mon enfance, est de l’ancien patois, et doit être tombé en désuétude. — De pluvia.

PLAMUSE, s. f. — Gifle, coup de poing sur le visage. « Avec ma main gobe et rogneuse — Je veux te donner une telle plamuse… » dit le vaillant Bombirolet dans la Bernarde. Au xviie siècle on a plameuse, que Cotgrave traduit par a cuff, a box. C’est bien à tort que les éditeurs d’Ét. Blanc ont donné à plamuse le sens de visage. Les Canettes ne renferment d’ailleurs aucun texte où figure ce mot. — De plat, racine d’aplatir, et du vieux franç. muse, museau. Plamuse, ce qui aplatit le museau.

PLAN, s. m. — Moyen, chance de succès. Aller toujours son droit chemin, c’est le vrai plan pour être considéré… Il n’y a pas plan de sortir. — Dérivation de sens du français plan.

Tirer un plan, Former un dessein, concevoir une invention. Faut que je tire un plan pour que ma femme ne se doute de rien, me disait un bon mari qui réservait sa femme pour les grandes fêtes.

Rester en plan, Être arrêté dans une affaire, ne pouvoir pas aller plus loin. Quand la Félicia se maria avec le Damien, un brave garçon, mais un peu ch’ti, la Gladie lui disait le lendemain : Hé bien ! comment allez-vous tous les deux ? — Moi, je vais bien, mais ce pauvre Damien, qu’esse tout plein gentil, est resté en plan. I m’a dit que c’était la timidité. — Et moi, que j’y ai dit, suis-je t’y don pas timide ?

PLAN, adv. — Aller plan, Aller tout plan-plan, Aller doucement, tout doucement. Comparez l’ital. piano, piano. — De plunum, uni, doux, pris adverbialement.

PLANCHE. — La planche des pieds, La plante des pieds. Il est probable que planche a été substitué à plante, lorsque ce dernier mot, venu de plat, plan, n’éveillait plus l’idée d’un objet plat, mais seulement d’un végétal. Le mot de planche, au contraire, répondait à l’idée en vue.

Compter sur quelqu’un comme sur une planche pourrie. Voy. compter.

Potelée comme une planche bien rabotée. Se dit d’une dame qui manque de galbe.

PLANCHER, v. a. — Plancher quelqu’un, Le semer (voy. ce mot). J’ai planché Rasibut durant qu’il était à la pissotière. — De même que planche des pieds est pour plante des pieds, de même plancher est pour planter. Comp. planter là quelqu’un.

PLANCHETTE. — Planchette à arcades. Voyez arcade.

PLANÇON, s. m. — 1. Outil de bois qui sert à faire les trous où l’on pique les plançons.

2. Plançons, jeunes plants de légumes que l’on repique. — Du bas latin plancionem, pour plantionem.

PLANI, s. m. — Terrain plat sur une montagne, sur un escarpement. À Sainte-Foy-lez-Lyon, une rue s’appelle la rue du Planit. — De planile, de planum.

C’est aussi le nom que nos paysans donnent, lorsqu’ils veulent parler français, au plôgni, c’est-à-dire à un petit pré non arrosé, attenant à une habitation et qui sert à faire paître les chèvres et les brebis lorsque le temps est menaçant et qu’on ne veut pas les mener en champs au loin. (Voy. plôgni au Dictionnaire du patois lyonnais.) Il peut arriver que, en dépit de l’étymologie, le plani dans ce cas soit fort en pente.

PLANTIER, s. m. — Nom d’une vigne jusqu’à l’âge de trois ans.

PLANTACU. — C’est le nom que nous employons toujours pour désigner Plancus. T’esses ben si âne que te sais pas que Lyon n’a été planté par Plantacu, que c’était un Romain, donc qu’il vivait longtemps avant la grand’Revolution ?

PLAT, s. m. — Mettre les petits plats dans les grands, Tout mettre par les écuelles, tout mettre sens dessus dessous pour une belle réception.

PLAT, TE, adj. — Plat comme une bardane à genoux. Si elle n’était pas à genoux, ce serait déjà très plat. Juge un peu voire si elle est à genoux !

PLATCUL (placu), s. m., parlant par respect. — Faire un platcul. Se dit aux bèches quand un baigneur saute d’un point élevé pour faire un hausse-pieds et que perdant l’équilibre en route, il tombe dans l’eau à plat sur le d…os.

PLATE, s. f. — Bateau à laver. Le Lyonnais Besson eut le premier l’idée d’agencer une plate à l’usage des laveuses. (M. B.) Lorsqu’une bonne vous apporte quelque nouvelle importante, comme par exemple, celle du mariage du fils à la bouchère ou celle de la grossesse de la fruitière, etc., etc., demandez-lui d’où elle le tient, elle vous répondre infailliblement : Madame, on me l’a dit à la plate. — De plat, parce que ces bateaux, couverts en terrasse sont absolument, plats et carrés.

PLATEAU. — Le Plateau. C’est la Croix-Rousse, parce qu’elle est assise sur un plateau. Je demeure sur le Plateau. Je suis un enfant du Plateau. Un membre de l’Académie du Gourguillon se nomme Mami Duplateau.

PLATIÈRE. — Les Nigauds ou les Innocents de la Platière. Voy. nigauds.

PLÂTRE, s. m. — Place. Mot tombé en désuétude, et qui ne s’est conservé que dans la place du Plâtre, de l’ancien Plastre-Saint-Pierre. Il y avait aussi le plastre de la Guillotière, au bout du pont de ce nom. — D’emplastrum, qui a fait emplâtre, et, par extension, pavement.

Du latin plastrum, terrain battu, aire, place. Dans le bassin de la Loire, on appelle plâtre l’endroit où s’entasse le charbon, au sortir du puits : Il y a, dans ce moment, beaucoup de charbon sur le plâtre.

PLEIN, adv. — Un gros plein de soupe. Se dit d’un gros homme lourd et ventru.

Je te plein comme un œuf. Voy. œuf.

Tout plein et puis encore. En surabondance. Voulez-vous beaucoup de vin dans votre verre ? — Tout plein, et puis encore. — Très usité.

Tout plein : 1. Extrêmement. Ce livre est tout plein récréatif. — 2. En quantité. Cette planche a tout plein de trous.

Pedouillet, veux-tu beaucoup de farine jaune ? — Comme pour un malade : tout plein. Plaisanterie non moins commune que goûtée.

PLEUVOIR. — Pleuvoir comme qui la jette, Pleuvoir à flots.

PLIE, s. f. — Une levée au jeu de cartes. — Subst. verbal de plier, au sens de serrer ce qui était étendu, épars.

PLOT, s. m. — 1. Billot de bois, qui est d’une énorme épaisseur, et sur lequel les nagus coupent la viande.

2. Billot, gros bloc de bois en général. C’est le sens primitif, Au moyen âge, à Lyon, on appelait plots les troncs publics pour les aumônes, parce qu’ils étaient pratiqués dans un gros billot.

Lourd comme un plot. Se dit d’un homme pesant. Il a l’esprit lourd comme un plot.

Dormir comme un plot. Les plots ne doivent pas être en effet des camarades de lit très bougeons.

Plot d’aune. Chez les fabricants, instrument composé d’un bloc de bois rempli de plomb à l’intérieur, faisant pied, et d’une tige verticale à laquelle est fixée horizontalement une aune (aujourd’hui un mètre, mais, dans mon temps, on vendait encore à l’aune : aune de 116e ou de 120e). L’aune a, aux deux bouts, des crochets d’acier poli dans lesquels ont fait entrer les cordons de l’étoffe, que l’on mesure et que l’on plie ainsi en même temps. On a appelé l’instrument plot, de la lourdeur du pied.

Rangé comme un plot d’aune. Se dit d’un garçon très rangé, le plot d’aune ne se dérangeant pas très facilement.

Plot, terme d’ourdissage. C’est un bloc de bois mobile, pendu à une corde passant sur une poulie au sommet d’un bâtis encadrant l’ourdissoir. Le plot monte ou descend au fur et à mesure que la corde s’enroule ou se déroule sur l’axe de l’ourdissoir par la rotation de celui-ci. Le plot sert de guide aux fils réunis de la musette qui s’enroule sur le tambour de l’ourdissoir. De cette façon il dirige la musette en spirale sur ledit tambour.

Probablement du celtique ploc, billot.

PLOTET, s. m., terme de maçonnerie. — Brique épaisse et courte, de 11° sur 22° sur 05°. — De plot, avec le suffixe diminutif et, parce que cette brique, grosse et courte, ressemble à un plot, en comparaison des briques de galandage.

PLUIE. — Pluie du matin… Voy. matin.

La pluie fait rentrer la chaleur dans les appartements. Ça, c’est connu de tous nos grands savants. À preuve que, quand il a plu l’été, il fait plus chaud dedans que dehors, du moins pour quelques heures.

PLUME. — Avoir la plume, Être habile à rédiger.

PLUVIGNER, v. imp. — Se dit d’une petite pluie fine. Le suffixe igner est fréquentatif et diminutif. Comp. égratigner, de gratter.

POCHE. — Un temps à ne pas se laisser le sou dans la poche. Se dit d’un temps clair, pur, plein de soleil, qui invite aux promenades et aux vogues.

J’aime autant deux sous dans ma poche que dans la vôtre. Se dit dans une discussion d’argent, où votre interlocuteur fait appel à votre générosité, ou essaye de vous démontrer le peu de valeur de l’argent pour une âme noble.

POCHE-GRASSE, s. f. — Qualification élégante pour les cuisinières. La Fontaine, dit-on, avait quelque goût pour les poches-grasses. Ne sit ancillae tibi amor pudori…

POCHER, v. a. — Crever en enfonçant. Pocher le châssis. Voy. châssis. Pocher la vertu, Faire du tort à la vertu d’une personne du sexe.

POCHON, s. m. — 1. Vaste cuiller pour servir la soupe. C’est le franç. poche, même sens, avec un suffixe on, qui n’a ici qu’une valeur explétive.

2. Pâté d’encre. Que de fois m’a-t-on reproché de dire pochon ! et voilà que le pitoyable Littré, pour me tirer de peine, l’a recueilli dans son dictionnaire. — De poche, au sens de tache. Comp. pocher un plan.

PODEFER, s. m. — Pal de fer pointu dont on se sert pour faire des trous en terre, par exemple pour planter des échalas. — De pal-de-fer, d’où pau-de-fer, podefer.

Nager comme un podefer, Ne pas être aussi fort à la nage que Bocacut.

POGNE, ÉPOGNE, s. f. — Galette, petit pain mince et rond, de fleur de farine, qu’on met à cuire dans les ménages avec le gros pain en le laissant à la gorge du four. Pogne de Romans, gâteau léger et sucré, qui nous vient de Romans et autres lieux du Dauphiné. — Formé sur pain, comme mogne est formé sur main.

Le même que poigne. Aux fours banaux, pendant longtemps, le salaire du fournier consistait en une poigne ou pogne prélevée sur la cuisson. Dans les maisons, la ménagère prenait parfois une pogne de pâte et, la mélangeant d’un peu de beurre et même d’un œuf, en faisait un gâteau, dit pogne ou pognon. L’habitude de faire de ces gâteaux, le jour de la fête patronale, s’est conservée dans la Bresse. Le nom patois est pougnon.

POGNON, s. m. — 1. Petite pogne. — Do pogne.

2. Se dit d’un raccommodage grossier, formant proéminence. Mélie, quel pognon que t’as fait à mes bas ! On dit aussi : Un raccommodage en pognon.— Pognon, cognon ont la même signification et sont tirés l’un de cogner, l’autre de poindre, transformé en poigner.

3. En terme d’argot, Argent. Un condamné en correctionnelle se plaignait d’être aussi sévèrement puni que son complice. Ce n’est pas juste, disait-il, il a gardé tout le pognon ! (Note de M. Vachez.)

POIGNÉE. — Arrangé comme une poignée de sottises. Se dit d’une chose pas très bien arrangée.

Comme une poignée de cheveux sur une soupe de choux. Se dit d’une chose qui n’est pas très bien en situation.

Poignée du battant (métier de canut). C’est la traverse supérieure du battant par laquelle l’ouvrier le saisit.

POIL, s. m., terme de taille de pierre. — Fissure presque imperceptible qui divise un bloc et le rend impropre à sa fonction. – De ce que cette fissure est fine comme un poil.

Avoir le poil à quelqu’un. Voy. avoir.

Donner un poil à quelqu’un. Lui flanquer un ratichon. Je ne saisis pas la liaison d’idées qui a donné naissance à cette métaphore.

Poil à gratter. Rien que ce nom suffit à marquer tout un changement de civilisation. Qui sait seulement aujourd’hui ce que c’est que le poil à gratter ? — Qui se souvient que le père Thomas en vendait maint petit cornet sur la place Bellecour, et que ce n’était peut-être pas la moindre de ses humbles recettes ? — Le poil à gratter, ce sont les poils extrémement ténus de la gousse d’une légumineuse, voisine des pois et des haricots, le dolichos urens. On emploie aussi dans le même but le dolichos pruriens et le cnetis borboniensis. (Renseignements de M. Rivoire.)

Or sus, nos pères n’étaient pas moroses ou pédants comme nous. Ils se délectaient aux farces, et on ne se lassait pas d’en faire avec le poil à gratter. Quelqu’un se mariait-il, il n’allait point alors, comme aujourd’hui, consommer le sacrement — tous les théologiens vous diront que, là où il n’y a pas consommation, il n’y a pas sacrement ; à preuve qu’un mariage non ainsi parachevé est nul — consommer, dis-je, le mariage dans quelque auberge. Le bonheur se cueillait à domicile. — Or, infailliblement, le lit des nouveaux mariés était rempli de poil à gratter. Cela leur causait des démangeaisons épouvantables, et ils passaient leur nuit à s’entre-gratter.

À cette époque les robes des dames étaient un peu échancrées sous la nuque. Une plaisanterie non moins goûtée que la précédente consistait, en passant derrière une dame, à mettre une pincée de poil à gratter dans l’échancrure. Savait-on que cette plaisanterie était renouvelée de notre bon ancêtre Panurge ? « Il avoit, dit maistre Rabelais, une autre poche pleine d’alun de plume (poudre à gratter, traduit Cotgrave) dont il jettoit dedans le dos des femmes, qu’il voyoit les plus acrestées, et les faisoit se dépouiller devant tout le monde. »

On garnissait aussi de poil à gratter, pour les garder des artes, le dedans des caleçons, des messieurs, s’entend, car nos grand’mères se seraient cru déshonorées d’avoir des caleçons (on les appelle aujourd’hui par modestie pantalons). On en mettait encore à l’intérieur des bas, et, si c’était l’hiver, cela tenait très chaud, car il fallait se gratter constamment les jambes, et il n’y a rien qui tienne chaud comme de se gratter. Enfin le poil à gratter était le moyen d’une foule de plaisanteries de bon goût.

Il parait que si ces bonnes traditions se sont perdues chez nous, elles vivent encore dans les colonies, car il s’y fait un certain commerce de poil à gratter.

POINTE, s. f. — Se lever à la pointe de dix heures. Expression ironique en parallèle avec la pointe du jour.

POINTER, v. n. — Expression du jeu de boules, par opposition à tirer. Jeter sa boule de manière à arriver le plus près possible du petit. — De point, la partie se composant de points gagnés.

Pointer une boule, par analogie avec pointer une bouche à feu. On vise un point, mais on ne gagne pas toujours un point.

POINTIZELLE, s. f., terme de canuserie. — Petite tige de baleine armée de lamelles latérales formant ressort, qui se place dans l’intérieur de la canette et lui sert d’axe. Les lamelles sont nommées arquets (voy. ce mot). — De l’ital. punticella, même sens, de punta, pointe. La pointizelle est en effet pointue aux extrémités, pour qu’elle puisse entrer dans les trous ménagés à cet effet au bois de la navette.

POINTU, s. m. — C’est un pointu. Se dit de quelqu’un qui a l’esprit faux, bizarre, et qui va cherchant les poux parmi la paille.

Adj. Avoir l’esprit pointu comme une boule. Se dit de quelqu’un qui n’a pas l’esprit très aiguisé.

Avoir l’esprit pointu comme le cul d’une bareille. Voy. bareille.

POIRE. — Poire à deux yeux, Enfant. J’ai quatre poires à deux yeux. — Ça vous fait ben un joli dessert ! Hi, hi, hi !

Poire-Saint-Martin, Fruit de l’aubépine. — Parce que le fruit est dans son éclat à le Saint-Martin.

POISON. — Nous le faisons féminin. Lorsque Jérôme Coton, dans les drames où il tenait les grands premiers rôles, allait pour boire la coupe empoisonnée, de toutes parts dans la salle, on lui criait : Cadet, méfie-toi, c’est de la poison ! — C’est le genre ancien, conforme à l’étymologie potionem (d’où potion et poison, c’est souvent tout un). « Du jus de ta poison, » dit le gentil Ronsard.

POISSON. — Prendre un poisson, Mettre le pied dans un ruisseau, dans un gaillot.

POITRINE. — Tomber sur la poitrine. C’est assez connu de tous nos anciens que lorsque les rhumes de cerveau tombent sur la poitrine, ça fait intelligiblement beaucoup tousser.

POIVRE. — Ch… du poivre (parlant par respect). Voy. ch…

Le poivre noir est le meilleur. Voy. blonde.

Loup de poivre. Voy. loup.

POJAUD, s. m. — Homme sale, dégoûtant, avec le sens particulier de rustre. — Beurre de pojaud. Voy. beurre. Le bâton du pojaud, Une canne grossière et telle qu’il convient à un rustre. Quand les petits gones ne sont pas sages, le papa dit : Attattends ! je vas aller chercher le bâton du pojaud ! — De pège, avec le suffixe péjoratif aud. Le pojaud est un homme gluant comme s’il venait d’être trempé dans la pège.

POLACRE, s. m. — Flagorneur, hypocrite. Mlle Fannie, n’écoutez pas le Michel, i fait son polacre. — C’est Polaque, Polonais, de Polachie. Comp. boîme, Bohème.

POLI. — Poli comme la poignée d’un battant qui a servi de père en fils. Voy. battant.

Poli comme une queue d’ours. Se dit d’un personnage très grossier. Le proverbe est-il bien appliqué ? On m’assure que les ours n’ont pas de queue.

Poli comme un noyau de péche (Les Bourgeois militaires, poème lyonnais du xviiie siècle, Ém. Vingt.).

POLISSOIR, s. m., terme de canuserie. — Lame de corne et quelquefois de métal, arrondie et mousse, que l’on passe sur la façure tendue pour faire briller l’étoffe et égaliser les coups de trame. Au fig. Passer le polissoir, Passer l’éponge, oublier une offense.

POLISSON, s. m. — Tournure postiche que les dames portaient eu temps de Mme de Genlis et qu’elles se sont remises à porter naguère. — Bien mal nommé, car rien d’horrible comme ces apponses hottentotes. Une jeune dame, au temps de ces postiches, disait un jour à l’un de mes amis : N’est-ce pas que ces tournures vont très bien à la toilette ? — Ah ! Madame, répondit-il, je suis de l’avis de Boileau :

Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable.

2. Croûte de pain frottée d’ail que l’on met dans la salade (voy. chapon). — Pour ce dernier sens, vient peut-être de ce qu’on lui attribue, bien à tort, une vertu aphrodisiaque.

POLITESSE. — Faire une politesse, Offrir quelque chose pour la buvaison ou pour la chiquaison, depuis le petit verre jusqu’au diner à s’oublier partout. L’art. X des lettres patentes pour la fondation de l’Académie du Gourguillon est ainsi conçu : « Le diplôme… sera délivré gratis à chacun des membres. Mais il n’est point à iceux interdict de s’en recognoistre par une petite politesse. »

POMME. — La Pomme d’Adam. C’est, au dire des médecins, la saillie formée par le cartilage thyroïde à la partie antérieure du cou de l’homme, mais personne n’ignore que c’est un quartier de la pomme qu’Adam a mangée dans le paradis terrestre, et qui est restée là. Et la preuve, c’est que les femmes ne l’ont point.

Pomme d’amour, 1. Tomate. Ce mot est venu de la Provence.

2. Fruit du pommier d’amour (voy. ce mot).

POMMÉE, adj. — Une bêtise pommée, Une très forte bêtise. Analogie avec les choux, les laitues qui n’ont leur plein développement que lorsqu’ils sont pommés.

POMMIER. — Pommier d’amour. Tout petit arbuste de nos jardins, que l’on cultive en pot. C’est une solanée, le solanum pseudocapsicum. La fleur est petite, blanche. Le fruit est une boule, de couleur orangée, molle, de la grosseur d’une petite gobille.

POMPE. — Pompe à feu. C’était le nom que, dans mon enfance, on donnait aux machines à vapeur, parce que, dans l’origine, on s’en servait surtout pour puiser et élever l’eau. Mais aujourd’hui le monde sont si savants que pompe à feu, qui se trouvait dans le dictionnaire de Gallet, est oublié.

POMPIER, s. m. — Mélange de vin, de sirop de groseille et d’eau de Seltz. — C’est exquis, mais ce n’est pas lyonnais. Une aimable dame me dit que le mot et la chose sont communs à Paris, à qui nous les avons probablement empruntés.

PONER, v. n. — 1. Donner de l’argent. Qu’est-ce que c’est que ce bacchanal ? — C’est les vogueurs que t’apportent la brioche, faut poner !

2. S’emploie quelquefois pour mettre. Quand il écrit une lettre, i te vous y pone ça mieux qu’un écrivain public. — D’un populaire ponare qui a existé parallèlement à ponere, lequel a donné pondre.

PONT, s. m., lerme de canuserie. — Lame de fer placée horizontalement sur la châsse de la navette à défiler pour empêcher la canette d’écorcher les fils de la chaine. — De ce que la lame forme un pont sur la châsse de la navette.

Grand pont, Petit pont. Voy. pantalon. J’ajoute seulement que le mot de pont représente ici pont-levis, le pont du pantalon s’abaissant comme un pont-levis. Au xvie siècle, les hauts-de-chausses des Suisses et des Vénitiens avaient le pont par derrière, comme aujourd’hui les pantalons fermés des dames. Ce pont se nommait martingale. Or, un auteur du xvie siècle donne à la martingale le nom de pont-levis.

PONTEAU, s. m. — Petit étançon qui est fixé d’une part au métier du canut, de l’autre au plancher supérieur, pour empêcher le métier de vaciller. — De punctum, l’étai étant un objet en pointe. Y a un ponteau que s’est lâché, Il y a un ponteau qui a cessé de porter.

PONTIAUDE, s. f. — Grosse femme à chairs fermes. — Peut-être de pont. On a eu l’idée de quelque chose de lourd et de serré comme un pont. À l’époque où le mot a été créé, on ne faisait ni ponts suspendus ni ponts en fer, et un pont représentait toujours une lourde masse de maçonnerie.

PONTIFICAT. Voy. Portificat.

PONTONIER, s. m. — Passeur, celui qui dirige le bac pour la traversée d’une rivière. Molard réprouve l’expression, car, dit-il, « le pontonier est celui qui perçoit les droits de pontonage ». Mais il ajoute avec sagesse : « Il est vrai que d’ordinaire le passeur est aussi le pontonier. » — De pontonarius, de pontonem, bac, bateau.

POPILLON, s. m. — Bout de la mamelle. — Du vieux prov. popil, même sens.

POQUE, s. f. — Coup donné par la gobille lancée contre une autre gobille. Poque avant pot, Terme du jeu pour dire qu’il faut d’abord poquer la gobille adverse avant de faire son pot, c’est-à-dire de faire glisser sa gobille dans le pot. — Subst. verbal de poquer.

POQUER, v. a. — Heurter, choquer. Les deux moutons ont poqué leurs têtes.Poquer une boule, la débuter en tirant. Une dame dira très bien : En tombant, je me suis poqué le gras du dos. Il n’y aura là rien que de convenable, si elle a soin d’ajouter : parlant par respect. — En Suisse on dit poka, jeter un fardeau. — De l’onomatopée poc, bruit du choc.

PORMONIQUE, adj. des 2 g. — Pulmonique. Autrefois l’on disait pormon pour poumon,

PORON, s. m. — Se dit des blessures que reçoit la fiarde prisonnière sur laquelle les gones lancent leurs fiardes. Par extension, d’un petit trou quelconque. — De πόρος.

PORONNÉ, ÉE, adj. — Se dit d’un objet qui a des trous à la surface. C’t homme a le groin tout poronné, Cet homme a le visage tout gravé de petite vérole.

PORPHYRE, s. m. — Profil. J’ai fait tirer ma femme en porphyre chez M. Lumière. C’est le vieux franç. porfil, avec le changement régulier de l final en r. Comp. Bessal, devenu Bessard.

PORTABLE. — Molard n’admet pas qu’on dise : Cet habit n’est pas portable. Il veut qu’on dise n’est pas mettable. En 1798, l’Académie n’admettait encore portable que comme terme de Coutumes. Aujourd’hui elle donne ces propres exemples : Cet habit n’est plus portable, est encore portable.

PORTE. — Prendre la porte. Voy. prendre.

Il faut laisser les portes et les femmes comme on les trouve. Voy. femme.

Vous n’avez donc pas été à Paris ? Se dit à quelqu’un qui a l’impolitesse, si fréquente, de laisser une porte ouverte derrière lui. Après ça, je ne me suis pas aperçu qu’à Paris ils fussent plus soigneux à cet égard.

PORTE-COTON, s. m. — Il s’en croit comme s’il était le porte-coton du pape. Se dit de quelqu’un qui prend des airs par trop dédaigneux. Le coton tient ici le même rôle que l’éponge au bout d’un bâton portée par l’esclave devant le riche Romain, et que Rabelais a oubliée dans la célèbre liste des objets mentionnés au chap. XIII du livre Ier de Gargantua. Il paraît que le poste de porte-coton était un beau poste. Rien ne change. Il y en a beaucoup aujourd’hui qui se font le porte-coton du Peuple.

PORTÉE, s. f., terme d’ourdissage. — Assemblage de 80 fils de chaîne. Chaque demi-portée, dénommée musette, forme un ruban séparé sur l’oudissoir.

PORTEFEUILLE, s. m. — Lit. Ce grand fumier, à onze heures il était encore dans son portefeuille.

PORTE-FUMIER, s. m. — Me prends-tu pour un porte-fumier ? Aimable gandoise que l’on ne faut jamais à dire à la personne qui s’appuie sur vous par mégarde, à l’enfant qui se met sur vos genoux, el dans toute autre circonstance de ce genre.

PORTE-LIARDS, s. m. — Porte-monnaie. Dans le mot lyonnais et dans le mot français la formation est la même, les liards constituant de la monnaie.

PORTE-MANTEAU, s. m.— Gésier des volatiles. — De ce que le gésier a la forme du porte-manteau qui s’attachait jadis derrière la selle du cheval.

PORTEMENT, s. m. — État de santé. Être d’un gros portement, Être robuste, vigoureux. Être d’un petit portement, Avoir une petite santé.

PORTE-POT, s. m. — Dans une maison à location, Porte commune des caves. La clef du porte-pot, La clef de cette porte.

Vin à porte-pot se lit souvent sur une enseigne. Cela veut dire que l’on vend du vin à emporter (en portant le pot) et non à consommer sur place.

Le sens premier est certainement : endroit où l’on vend du vin à porte-pot. Les bourgeois de Lyon avaient le droit de vendre le vin de leur récolte à porte-pot. On appelle un débit de vin un porte-pot. Le terme a passé à la cave où l’on tient le vin, puis à la porte servant à fermer le porte-pot. Du reste, dans la porte du porte-pot, il y a une répélition qui ne pouvait pas se soutenir dans l’usage.

PORTER. — Porter perte, Faire du tort, causer un préjudice. Cette pratique de Potinguet a cherché à me porter perte.

Porter à gauche, Porter à droite, termes de tailleur. — Manière particulière, suivant les goûts d’un chacun, de porter le pantalon, dont les tailleurs disposent l’enfourchure en conséquence. J’ignore si l’on prend les mêmes soins pour les pantalons des dames, du moins lorsqu’ils sont fermés.

PORTIFICAT, PONTIFICAT, s. m. — État de prospérité, surtout de santé. J’ai vu Brigolasse depuis son héritage. Il était dans tout son portificet. — De pontificat, l’idée d’être pontife emportant celle du luxe et de la prospérité. Mais pontificat étant trop savant, a été influencé par l’idée de se bien porter, et il est devenu portificat. Cependant on emploie encore quelquefois pontificat.

PORTILLON, s. m. — Guichet, petite porte pratiquée dans une plus grande.

PORTION. — La Bastienne a toujours le tousse. M. Chrétien lui a ordonné une portion calmante.

POSÉE, s. f. — Tirer un becfi à la posée, C’est-à-dire posé sur une branche, par opposition à tirer à la volée.

POSER, v. a. — 1. Quitter. Pose don ta vagnotte pour jouer à le boules !

2. Placer. Je ne sais plus où j’ai posé mon crasse.

3. Apposer. I n’ont fait poser les scellés chez M. Crottasson.

4. Se poser, ou Poser culottes. Je ne connais pas d’expression plus abjecte.

POSSE, s. f. — Mamelle. Se dit surtout de la mamelle des animaux, et, par extention, de la mamelle humaine. Avè mes grosses posses, me disait un jour Mme Bouffard, j’ose pas sortir sans corset. — Subst. verbal de posser.

POSSER, v. a. et n. — 1. Têter.

2. Sucer très fortement. Allons, veux-tu pas posser comme ça ! dit-on aux mamis qui sucent bruyamment leur tasse quand ils ont fini de boire.

3. Boire à la boutoille. Passe-moi voire un peu la flasque que je posse un coup. — Parait une onomatopée de l’action de sucer.

POSSES-DE-RAT, s. f. pl. — Joubarbe. — De ce que la joubarbe, qui est une plante grasse, a des feuilles en forme de petit pis (posses).

POSSE-VACHE, s. m. — Sorte de gros crapaud. — De la croyance populaire, lorsqu’on voit une vache avoir du lait sanguinolent, qu’elle a été tétée par un crapaud.

POSSIBLE. — Possible et compossible. Voy. compossible.

POSSON. s. m. — Se dit d’une boisson qui se tête. Baille-lui don son posson a c’t’ enfant ! — Vieux franç. posson, mesure de liquide, petite mesure pour le lait.

POSTILLONS, s. m. pl. — Se dit de la pluie saliveuse que les bezotteurs et ceux qui ont des dents de devant qui leur manquent envoient par la figure de leurs interlocuteurs, d’autant qu’ils ont la rage de vous parler sous le nez.

POSTUME, s. f. — 1. Tumeur, abcès. Au fig. Une postume de neuf mois, Une grossesse. « Puis chez un procureur, où elle eut le mal d’amour, dont, hélas ! il lui vint au ventre une postume, » raconte la Bernarde, en son langage imagé.

2. Par extension, Pus, sanie. Mon doigt jette de postume. — Vieux franç. Apostème.

POT, s. m. — Ancienne mesure de vin. Elle a beaucoup varié. Suivant Valous, en 1564, le pot était de 2 litres 8 centil. Mais j’ignore où il avait puisé ce renseignement. En 1889, « l’ancien pot » était de 1 litre 4 centil. et le « pot actuel » de 1 litre 13 centil. 1/2. Aujourd’hui, pot s’emploie pour équivalent de litre.

Boire pot. Locution explétive pour boire. Allons boire pot, Allons au cabaret.

Après pot, boirons feuillette (v. feuillette), Après bouteille nous boirons chopine.

Sourd comme un pot. C’est très juste ; parlez à un pot, il ne vous répondra guère.

Bête comme un pot. C’est faire du tort aux pots. Les pots ne sont pas plus bêtes que les casseroles, les cafetières, etc.

À deux liards le pot. Voy. liard.

Pot à eau. Non français selon Humbert. Il faut dire pot à l’eau. Ô mesureurs du saut des puces ! Mais Littré donne pot à eau et Sévigné dit pot à pâte.

Pot, au jeu de gobilles. Creux que l’on fait dans la terre et où il faut faire entrer sa gobille. Faire son pot, Faire entrer sa gobille dans le pot en la lançant.

Pot de chambre est très bon français, au même titre que vase de nuit. À Lyon nous employons toujours le premier, et à Paris on emploie toujours le second, parce qu’il appartient au style poétique. La raison, je ne la connais point, mais il y a ainsi des mots nobles et des mots roturiers. Du reste, nous disons plus volontiers thomas, euphémisme décent dont on use à Paris aussi bien que chez nous. Mais pourquoi thomas ? — Parce que saint Thomas fut curieux de tout voir. C’est pour cela que, dans mon jeune temps, nombre de thomas en terraille avaient un œil grand ouvert peint au fond. Cet œil immobile, sévère, scrutateur, me causait dans mon enfance une impression étrange, et je ne me serais point assis au-dessus sans quelque terreur mystérieuse.

Je connaissais une dame qui, ayant été un jour dans la nécessité de se servir d’un de ces vases, ne le voulut pas faire sans avoir au préalable, par un sentiment de pudeur qu’on ne saurait trop louer, jeté du marc de café dans le fond.

POTARAS, s. m. — Grand broc pour le vin. Pour les mariniers, c’est une dame-jeanne. On voit souvent pour enseigne dans les campagnes : Au grand potaras, avec un pot plein, qui déborde de vin. — De pot, avec un suffixe agrandissant as, et une syllabe intercalaire. On a corrompu le mot en pot-à-ras, et c’est pour cela que le pot est représenté débordant.

POTARAT, s. m. — Se dit quelquefois pour boîte (voy. ce mot). — Du franç. pétard, avec le suffixe at. D’où petarat et potarat sous l’influence de l’homophone potaras.

POTENCE, s. f. — 1. Béquille. — C’est le franç. potence dans son acception primitive. « Et alors il hauça sa potence et feri le Juif lès loye (l’oreille), » dit le bon Joinville.

2. Pied du métier de canut. « Cire, le mequier de la France commençait à brandigoler sur ses potences ; i vous était consarvé de le désencuti… » (Adresse à Napolyon.) — Le pied de métier, relié à l’estase par un lien en biais, ressemble assez à une potence.

Des cheveux qui frisent comme de potences ou comme la rue Longue. Voy. cheveu.

POTET, s. m. — 1. Petit pot, petite coupe, comme, par exemple, le potet du dessinateur à l’aquarelle. Une vieille chanson dit :

Quand petit bossu va chercher du lait,
Il ny va jamais sans son potet.

Se dit spécialement des bassins en terre vernie où l’on met le grain des canaris.

2. Petit trou dans la terre. Jouer aux potets, Jouer un jeu de gobilles où il y a cinq petits trous en terre qui forment des blouses comme au billard.

POTRINGUE, s. f. — Valétudinaire, personne toujours en remèdes. Il est toujours potrinque, Il est toujours maladif. — Subs. verbal de potringuer.

P. B. pense que le mot vient plutôt par dérision de pot et de seringue, deux instruments précieux aux potringues.

POTRINGUER, v.a. — Bourrer de remèdes. Se potringuer, Faire constamment des remèdes. Il est toujours après se potringuer. — De pultem, bouillie, devenu poutre, comme le montrent des formes dialectales. De bouillie le sens a passé à médecine liquide, puis à remède en général. Au radical s’est ajouté un suffixe de fantaisie inga, peut-être par analogie avec ringue, maladif ; dauphinois ringa, diarrhée.

POTURE, s. f. — Molard signale l’expression Mettre un cheval en poture pour le mettre en fourrière. Elle me parait tombé en désuétude. — De pasture. Mettre en pasture, c’est littéralement mettre en fourrière (de feurre, fourrage), c’est-à-dire faire nourrir l’animal en attendant qu’il soit réclamé. Pastura a passé au vieux franç. peuture, d’où notre poture.

POU. — Plus un mot est vilain, plus il fournit de métaphores au langage populaire. Nous avons :

Laid comme un pou à la renverse. Il parait qu’ils sont plus laids de ce côté que dans leur position naturelle.

Tenir comme un pou sur une rogne. Se dit de quelqu’un qui, dans une discussion, dans une affaire d’intérêt, etc., ne lâche jamais prise.

Écorcher un pou pour en avoir la peau. Voy. écorcher.

Chercher les poux parmi la paille, Tâtillonner, s’arrêter à des minuties, à des vétilles.

Des poux gros comme des graines de courge. Terrificque !

POUAN, s. m. — Plateforme à l’avant des grands bateaux appelés rigues, et sur laquelle sont les mariniers chargés de la manœuvre des rames d’avant. — De pontem.

POUCE. — Un pouce de vache. Mesure idéale, par opposition au pouce officiel. Aux boules : Qu’est-ce qui tient ? — C’est la mienne. — Es-tu sûr ? — Oh, un pouce de vache !

Mettre les pouces, Céder à la force, faire sa soumission. Probablement de l’idée de réunir les pouces, comme dans l’attitude de la prière.

POUDRER, v. a. — Saupoudrer. Il faut poudrer votre pâté avec du sucre. Cela ne me semble point incorrect. De même qu’on poudre avec de la poudre, on peut poudrer avec du sucre.

POUFFIASSE, s. f. — Grosse femme à chairs flapes. — D’un radical pouf, qui exprime l’enflure comme le pont exprime au contraire le serré, le tassé ; d’où la différence entre la pontiaude et la pouffiasse.

POULAILLE, s. f. — Poule, volaille. J’ons acheté une poulaille pour la fête de la grosse. — De pullalea, de pulla.

POULAILLER, ÈRE, s. — Marchand, ande de volailles. Une ordonnance de police, de 1662, fixe « la demeure des Poulaillers à la rue des Presses, dernier sainct Nizier ».

POULAILLER, v. n. — Avoir la chair de poule. Quand j’ons vu qu’on soupçonnait ma vartu, ça m’a fait poulailler tout le corps.

POULE. — Aller à pas de poule. Voy. pas.

Une pauvre femme des Massues, qui se désolait de n’avoir pas d’enfants, me disait : Comprenez-vous, Se mettre poule et n’avoir pas d’œufs !

Faire la bouche en cul de poule. C’est ce que font les dames aimables quand elles rapprochent les lèvres pour se faire la bouche plus petite.

Quand vous avez la poule, vous voulez avoir l’œuf. Se dit de gens dont l’ambition augmente à mesure que la richesse leur vient.

POULE-GRASSE, s. f. — Un des nombreux noms de la mâche. On le donne aussi à une sorte de chou-ravé. Comme le nom patois est grôssi-polailli, je ne serais pas étonné que le mot primitif fût engraisse-poulaille, corrompu en grasse poulaille, puis transformé, pour les besoins du beau langage, en poule grasse. Se rappeler qu’en Beaujolais on engraisse la volaille avec de l’ortie pilée, mêlée à de la pomme de terre. Si l’on a employé la mâche au même usage, le mot serait expliqué.

POULET, s. m. — Sorte d’écrou qui se serre à la main, et à cet effet est muni de deux oreilles pour appuyer le pouce et l’index. — De ce que ces deux oreilles sont censées représenter les ailes ouvertes d’un poulet.

POULOT. — Le grand poulot. C’est le sobriquet que, pendant les années qui suivirent 1830, les légitimistes, qui étaient de la dernière violence dans leur opposition, donnaient au duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe. On donnait même aux enfants, par dérision, des jouets symboliques qui représentaient un jeune godichon à cheval sur un poulet. C’était censé le portrait du prince. Le nom venait probablement de quelque dialogue supposé, où Louis-Philippe appelait son fils du nom famillier de Poulot. On l’appelait aussi Rosolin (voyez sous canut).

POUPÉE, s. f. — Morceau de bois qui, dans la mécanique à dévider, supporte l’agnolet de verre où passe le fil. — De ce que ce morceau de bois est renflé à sa partie supérieure, ce qui lui forme une espèce de tête.

POUPONNER. — Se faire pouponner, Se faire choyer, dorloter, comme on fait à un poupon.

POUPOU, s. f. — Terme enfantin pour Soupe.

POUR. — J’irai à la campagne pour Pâques, c’est-à-dire à Pâques.

Pour quant à moi, Quant à moi. J’ai vu employer cette locution pléonastique par le président d’une société savante, dans un rapport officiel. Ça ne l’empêchait pas d’être un architecte très fort.

Pour tant qu’à moi. Forme de pour quant à moi. Voy. tant qu’à.

POUREAU, s. m. — Poireau. De porellum pour porrellum.

POURETTE, s. f. — 1. — Ciboule. Quelques-uns les nomment aussi oignons de Florence. Adorable dans le fromage blanc en salade, les omelettes, etc. — Diminutif de poureau.

2. Pourettes de mûrier, de vigne, etc., Tout jeunes plants non greffés. — Analogie avec pourette 1, à cause de la finesse de la tige.

POURMONIQUE. Voy. pormonique.

POURPE, s. f. — Se dit de toute partie charnue de la viande par opposition à la partie fibreuse. J’entendais un jour un bon canut qui criait par la fenêtre à sa femme qui allait à la boucherie : Fenne, prinds de pourpe per nos et de tirepille per les efants ! — De pulpa.

POURPEUX, EUSE, adj. — Se dit de la viande qui a beaucoup de pourpe. Comme vous êtes plus pourpeuse que ma femme ! disait un bon mari à la femme de son voisin en la palpant. — C’est aussi ce que me dit mon mari, répondit la bonne femme.

Pourpeux comme une arête. Se dit d’un quelqu’un qui n’est pas gras à fondre à l’ongle.

POURQUOI. — Parce que. On n’a pas voulu l’engager, pourquoi qu’il était trop ch’ti.Pourquoi représente ici pour quoi, pour cette chose, pour cette raison. Ainsi comprise, la phrase est logique, et même correcte au sens archaïque : « On n’a pas voulu…, pour cette raison qu’il était trop chétif. »

Pourquoi-t’est-ce, locut. interrogative, Pourquoi. — Vous m’avez demandé mes ciseaux, pourquoi t’est-ce-faire (les personnes très lettrées, les licenciés, etc. ne font pas la liaison du t). — Expression pléonastique, comme d’ailleurs il s’en trouve tant dans le français.

La locution pourquoi est-ce est un archaïsme. M. Renan, dans son étude sur Mahomet, cite cette phrase du célèbre théologien Génébrard, qui vivait au xvie siècle : « Pourquoi est-ce ô Mahomet, que tu n’écris pas ta loi ou ton Alcoran en latin, en grec ou en hébreu… ? »

POURRI. — Un temps pourri. Non un temps de grande pluie, mais un temps brouillasseux, mouillé, où il pluvigne sans cesse, où tout suinte l’eau, enfin un temps pourri, quoi !

POURRIR. — Pourrir un enfant, Le dorloter, le choyer, lui passer tous ses caprices. C’est la même chose que gâter un enfant, mais avec un sens bien plus intensif.

POURVOYANCE, s. f. — Prévoyance. — De l’idée de pourvoir, qui a pris le dessus sur l’idée de prévision.

POUSSE-CUL, s. m. — Recors. Au temps de la contrainte par corps, leur rôle était considérable. J’avais un jugement contre lui ; ma foi, j’y ai envoyé les pousse-culs !

2. Par extension, Huissier. Il a acheté une charge de pousse-cul.

POUSSER (SE). — Se serrer, se reculer. Monsieur, veuillez vous pousser pour faire place à cette dame. C’est l’inverse du sens français de se pousser, s’avancer.

POUSSIÈRE. — Poussière plate, Coups de poing. Il a reçu dans les yeux de la poussière plate. — « Certaine fille… s’est bien gardée de laver à la plate, parce qu’on l’éborgnait d’une poussière plate, » dit dame Bernarde.

Faire grand’poussière, Faire de l’esbrouffe, du flafla. S’emploie le plus souvent au négatif. Notre voisin en rue Grenette, le père Manivesse, était fort bonhomme mais un peu buvanvin. Mon père le trouve mollement étendu dans le ruisseau de la voûte de Saint-Bonaventure, en face de chez Rentonnet, un jour qu’il avait fortement plu : Eh ben, père Manivesse, qu’est-ce que vous faites là ? — Ah ! mon bon mecieu Puitspelu, je fais pas grand’poussière.

POUTRÔNE, s. f. — 1. Grossière tête de carton sur laquelle les modistes font leurs bonnets.

2. Jouet d’enfant, poupée on carton, sans bras ni jambes.

3. Enflure du poignet des apprentis manœuvres, teinturiers, par analogie de forme avec le jouet. (P. B.)

4. Pansement. Te t’es coupé, mami. Pleure pas, donne ton doigt, je vais te faire une belle poutrône.

5. Statue de femme, avec sens préjoratif. Pour désigner la statue de la déesse Raison, à la Révolution, on ne dit encore que la Poutrône.

6. Femme de mauvaise vie.

Tout le quartier me voit rangé comme un plot d’aune ;
Je n’ai jamais connu cabaret ni poutrône,

Dit le pauvre Jean-François-Benoni Petavet. — Avoir une poutrône sous le bras, Conduire une femme galante. — Du vieux franç. poutre, jument. Le sens primitif est une injure adressée à une femme.

PRATIQUE, s. f., terme péjoratif. — Se dit de quelqu’un de mauvais rapports, de mauvaise foi, d’un pas-rien. Quand on a dit de quelqu’un : C’est une pratique, on l’a jugé. — Je crois que pratique est une ellipse pour « mauvaise pratique ». Ou est-ce « pratique de cabaret » ?

Pratique à l’ail. Voy. ail.

PRÉCIPITÉE. — Il ne faut pas faire une chose à la précipitée. Sur cette jolie création d’un substantif avec le féminin du participe, comp. à la dérobée, et le vieux franç. à la célée.

PREIN. — Le prein de veine, terme de boucherie. Morceau contigu au rond de veine (voy. ce mot), un peu plus petit, et dont il est séparé par un filet graisseux ou nerveux. — J’ai suivi l’orthographe des cuisinières, mais le mot devrait peut-être s’écrire prim (voy. ce mot), mince, délié : Prim de veine, partie de la cuisse où la veine ou l’artère, je ne sais, serait plus mince.

PRENDRE. — Prendre la porte, S’en aller, Quand j’ai vu ce que c’était que ces pratiques, j’ai pris la porte sans demander mon restant. Encore une de ces locutions bizarres dont la formation logique est difficile à expliquer.

Elle a pris mal à l’église, Elle y a pris une syncope.

Prendre froid.Il a pris froid à la chasse, et, en rentrant, il s’est alité d’une pleurésie. On dit que cette phrase n’est pas française, mais elle le deviendra.

Prendre peur. « Le Roi, dans sa sagesse, il prit peur, » disait un Napolitain. Est-ce français ? Je ne trouve que prendre l’épouvante, qui est analogique, mais où épouvante est précédé de l’article. Toutefois le locution prendre peur est si usitée qu’elle peut passer comme française.

Prendre la fièvre, un rhume, etc., n’est pas français, selon Humbert ; mais il a tort. Mme de Sévigné a dit : « Je suis effrayée de ces fièvres, que je crains que vous ne preniez à Versailles, » et Littré donne en exemple : Prendre le typhus. Les puristes dépassent toujours leur but.

Si vous le prenez par là, je vous l’accorde. Piquante façon de parler pour dire : « Si vous considérez la chose de ce côté, etc. »

Où prenez-vous cette ville ? Où est située cette ville ? Cette locution est peu française, mais elle est fort drôle, et l’on se demande par quelle liaison d’idées elle a pu se produire.

C’est à prendre ou à laisser. — Dicton que les marchands peu patients emploient toutes fois et quantes qu’ils n’entendent faire aucun rabais sur leur marchandises. Mon père me racontait qu’au temps où les lavements n’étaient pas encore comme aujourd’hui, grâce au progrès des sciences mécaniques, un monologue, mais un dialogue, un bon paysan entre chez un de nos forts apothicaires pour se faire délivrer le bouillon. L’affaire heureusement terminée, le lavementé, avant même de rajuster le désordre de sa toilette, demande combien. — Quinze sous (c’était le tarif ordinaire, me racontait ma mère). Le paysan en offre six. Tirage. L’apothicaire, impatienté, finit par dire : C’est à prendre ou à laisser ! — Alors je le laisse, dit le paysan, en le laissant en effet.

PRENU. — Partic. passé de prendre. Sur la formation, voy. repentu.

PRÈS. — C’est mon plus près parent… mon plus près voisin. C’est mon plus proche parent… mon voisin le plus rapproché.

Être près de ses intérêts. Voy. intérêts.

PRESSE (LA), terme de fabrique. — Temps où le travail surabonde par opposition à la Morte, temps où le travail manque.

Des affaires de presse, Des affaires pressées. — Presse, subst. verbal de presser.

PRESSON, s. m. — Pal en fer qui sert soit à faire un trou en terre pour y planter un pieu, soit à percer un trou dans un mur en arrachant les moellons, soit enfin qui fait l’office du levier et de l’outil appelé pince. Seulement la pince est affûtée en biseau et le presson est aiguisé en pointe. Le terme est assez répandu pour que je lise dans un grand journal de Lyon du 30 nov. 1881 : « L’un d’eux, muni d’un presson, en fractura la fermeture, et les trois voleurs se mirent en devoir d’emporter les marchandises. » — Non de presser, mais métathèse de perçon.

PRÊTÉ. — C’est un prêté pour un rendu, Se dit d’un bon ou d’un mauvais procédé en échange d’un autre.

PREUVE, s. f. — Provin, sarment que l’on a couché en terre pour en former un nouveau cep. — De propago.

PRÉVALUE, s. f. — Plus-value, augmentation de valeur d’un objet. Le préfixe pré marque la supériorité, mais le singulier est que, étant emprunté à la langue savante, nous l’ayons appliqué à une formation populaire. Ne serait-ce pas un terme de vieille pratique ?

PRIE-DIEU, s. m. — À ce mot, Molard écrit : « Dites prié-Dieu. » — C’était en effet la forme archaïque, mais l’usage a eu raison de la règle.

PRIER. — Un cheval qui prie le bon Dieu, Qui est faible des jambes de devant.

PRIM, adj. m. — Mince, grêle, effilé. Ne s’emploie plus que dans l’expression prim bois, Menu bois. Encore est-elle devenue surannée, mais dans le premier tiers du siècle, elle était d’un usage courant. À la campagne, on dit fagots de prims brots, pour des fagots faits avec les premières pousses. — De primum.

PRIMO. — Primo d’abord, Pour D’abord ou pour Primo, à votre choix.

PRISE, s. f., terme de canuserie. — Une certaine quantité de fils donnée par le dessin pour être brochée.

Terme de maçonnerie, — Trou pratiqué dans un mur ou sur une pierre de taille pour y sceller quelque chose. Une poutre pourrie dans ses prises.

PRIS, ISE. — D’après Humbert l’expression Le poumon est pris pour « le poumon est engoué », et autres semblables, serait incorrecte. Je la crois bonne. C’est une ellipse : « Le poumon est pris (par l’inflammation, etc.). »

PRISON. — La Prison de saint Crépin, Des souliers trop étroits.

PRIVÉS, s. m. — Par opposition à Communs, lieux d’aisances particuliers au propriétaire ou à un locataire.

PRIX. — Faire son prix, Débattre le prix d’un objet à l’avance. Je ne descends jamais dans un hôtel sans faire mon prix.

PROCUREUR. — Aller parler à son procureur. Voy. Parler.

PROFITABLE, adj, — Bon à tout. Une femme profitable. Celle qui a non pas des qualités brillantes, mais toutes les qualités pour un bon ménage. Se dit aussi parfois, en plaisantant, d’une grosse et forte femme.

PROFITER, v.n. — Profiter comme le buis à la croix. Se dit d’une chose qui ne profite pas du tout, le buis attaché à la croix ne poussant pas avec beaucoup d’activité. Au sens actif : La soupe de pain cuit permet de profiter les vieilles croûtes.

Profiter de, avec l’infinitif. Je profiterai d’aller à Paris pendant qu’il y a l’escadre russe.

PROMETTRE, v. a. — Assurer fortement. J’ai-t-été au bal de Mme de Saint-Bonsard. Je te promets qu’il y faisait chaud. — Curieuse dérivation de sens. Promettre, qui est assurer dans un sens particulier, en a pris la signification générale.

PROMETU. — Promis. Sur la formation, voy. éteindu.

PRONONCIATION. — À ot j’ai signalé la prononciation très brève de o lorsqu’il est suivi d’un t à la finale : pot, gigot, etc. Je dois signaler le phénomène contraire dans abonner que nous prononçons abôner. M. Sylvestre Casati-Brochier signale aussi malle que nous prononçons mâle et é fermé pour é ouvert dans pièce, nièce, fièvre que nous prononçons piéce, niéce, fiévre. Ce que c’est que de nous ! j’avais toujours cru qu’on devait prononcer de cette manière.

Dans mon enfance, il n’était pas une seule personne qui ne prononçât câfé. Le singulier est que les campagnes prononçaient café. J’avais quelque six ans quand ma nourrice vint nous voir avec mon frère de lait. On lui offrit du café, et comme je demandais au Tienne s’il aimait le câfé, il me répondit : « On ne dit pas câfé, mais café. » — Aujourd’hui il n’y a plus que quelques rares Lyonnais qui aient gardé notre antique prononciation.

PROPRE. — Propre comme le c… de Paquette (parlant par respect). — Horriblement malpropre. Pour le surplus, je ne connais point cette Paquette, ni ne désire faire sa connaissance.

Un visage propre comme l’intérieur des mouchettes, c’est-à-dire qui est médiocrement propre.

Propre comme un sou. Se dit quelquefois ; à quoi l’interlocuteur ne manque jamais d’ajouter : qui a passé par beaucoup de mains sales. Le fait est qu’un sou est toujours fort sale. Pourtant Régnier a dit : « Claire comme un bassin, nette comme un denier. » Les deniers ne devaient pas être plus propres que nos sous.

Se mettre au propre, S’habiller proprement, par opposition à se mettre en sale. Les Genevois possèdent la locution comme nous, et j’ai eu le plaisir de la rencontrer dans la traduction d’Adam Bede, par Albert Durade, t. i, page 91.

PROPRETÉ. — La propreté du petit Champagne. Voy. Champagne.

PROVISION. — Provision, profusion.

PUANT, adj. — Hautain, dédaigneux. Pace que l’Alessis est entré à la Compagnie des Vuidanges, c’est pas une raison pour être puant. — On ne se représente pas sous quelle influence s’est produite cette dérivation du sens de puer.

PUCE. — Mettre la puce à l’oreille, Éveiller les soupçons de quelqu’un. Vous ne devez pas mettre la puce à l’oreille des maris trompés, vous estimant assez heureux qu’on ne la mette pas à la vôtre.

Prendre une puce sur le nez, Jouer un tour à quelqu’un, par exemple en lui achetant quelque chose pour un prix au-dessous de sa valeur, etc. ; en un mot en le mettant dedans, sans se rendre pourtant justiciable de la correctionnelle. Il ne manque pas de gens qui disent, en pensant se glorifier de leur finesse : Je lui ai pris une puce sur le nez. Quelle horreur ils m’inspirent !

Puce, espèce de maillon. Voy. maillon.

PUCIER, s. m. — Lit. En poésie s’emploie de préférence au mot couche.

PUIS. — Et puis après, Et puis ensuite, Pléonasmes constamment usités dans l’oraison et qui semblent venir d’eux-mêmes sur les lèvres.

PUISSAMMENT. — Un homme puissamment riche. Je le croyais purement lyonnais. Horreur ! je le trouve dans l’Académie.

PUISSANT, TE, adj. — Se dit d’une personne très grosse, obèse. — C’est le vieux franç. poisant, pesant, corrompu en puissant.

PUITS-PERDU, s. m. — Sorte de puits plus ou moins profond et rempli de pierrailles, pour absorber l’eau.

PUJAYER, v. a. — Épucer. J’ai trouvé la Goton qu’était après se pujayer. J’y ai offert de lui aider. Alle n’a pas voulu. — De puce, plus ayer : puçayer, pujayer.

PUJAYEUSE, s. f. — La Goton de tout à l’heure.

PURGE, s. f. — Purgation. — Subst. verbal de purge.

PURGER, v. a., terme de canuserie. — Prendre les fils de la chaîne à cha-un à l’enverjure, pour les donner à la remetteuse qui les passe dans le remisse.

PUSELIÈRE, s. f. — Femme qui a des puces. Ne se dit guère que dans l’expression B… de puselière ! terme peu poli qu’on ne doit pas dire à une dame. — De puce.

PUYANT, adj. — Se dit des enfants câlins. Faire son puyant, Câliner pour se faire dorloter. L’expression n’est nullement péjorative. Une bonne mère dira à son fils qui met la tête dans le giron maternel : Petit puyant, venez que je vous coque ! Remarquer que, dans ce sens, on ne dit jamais puant, mais puyant. Remarquez aussi la bizarrerie des dérivations de sens, qui, dans ce cas, de puant, sentant mauvais, a fait d’un côté un dédaigneux, et de l’autre un caressant.