Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Lettre V

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 343-353).
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V


VACHARD, ARDE, s., terme péjoratif. — Se dit d’une personne paresseuse, molle. Petasson est un vachard ; i se lève à la piquette de dix heures. — De vache.

VACHARDER, v. n. — Faire le vachard.

VACHARDISE, s. f. — Habitude de vachar-der.

VACHE, s. f. — Être vache, terme péjoratif, Être indolent, paresseux, mou. Je me sens vache aujourd’hui, disait un bon mari de ma connaissance. — Si encore tu n’étais vache que de jour ! lui répondit sa femme.

La vache a bon pied, La personne dont s’agit est riche, on n’a rien à craindre avec elle. Locution favorite des entrepreneurs entre eux quand il s’agit d’induire un propriétaire en dépenses inutiles.

Prendre la vache et le veau, Épouser une fille qui a mis au levain.

Il mourrait plutôt la vache d’un pauvre homme. Se dit toutes les fois que l’on voit un gredin réchapper d’un danger.

VACHES, s. f. pl. — Éphélides ignéales que prennent aux jambes ceux qui se les chauffent trop longtemps et de trop près. — Métonymie signifiant que ceux qui s’exposent à prendre des vaches en sont (voyez vache).

VAGANAY, s. m. — Sur le plateau, se dit pour le soleil. Allons, recapille-toi, vela Vaganay que commence à chauffer, i t’emportera ta grippe. Quelques-uns en font un nom commun : le Vaganay. — L’origine est probablement historique. Vaganay est un nom assez fréquent à Lyon, mais j’ignore dans quelles circonstances un Vaganay a pu être comparé au soleil.

VAGISTAS, s. m. — Vasistas. C’est ce qu’on appelle un phénomène de dissimilation. Le voisinage des deux s rendant le mot peu commode à prononcer, la première a été remplacée par la douce correspondante j. Un excellent curé, mort évêque, je vous prie, me disait un jour qu’il voulait des vasislas à ses vitraux.

VAGNOTTE, s. f. — Redingote. C’est jourd’hui dimanche, ma coque ; faut mettre ta vagnotte. La vagnotte était jadis dans nos campagnes, parlant par respect, une sorte de bât pour les ânes. On a irrespectueusement comparé à un âne celui qui porte une vagnotte. — Peut-être le mot se rattache-t-il à vanne, objet formé d’osier.

VAISE. — Passer par Vaise. Se dit d’un objet volé. J’avais oublié mon parepluie au café ; quand je suis revenu, il avait passé par Vaise. Le dicton vient de ce que jadis Vaise était, comme l’Estérel et fa forêt de Bondy, tellement hanté par les voleurs, qu’on n’y passait qu’avec des transes. Il s’agit non du faubourg lui-même, mais de la route entre Vaise et Limonest, non loin duquel était le fameux bois d’Ars (v. Ars). Le 5 avril 1694, Mme de Sévigné écrit à sa fille : « Vous y êtes aujourd’hui à ce beau Lyon. Je suppose que les voleurs de Vise (pour Vaise) vous aurons laissée passer : ceux que vous avez trouvés en chemin pendus et roués, étaient ou doivent être des passeports. » (Dans Poidebard.)

VAISSELLE. — Faire la vaisselle, Relaver. Mme de Saint-Plumé : Ma chère amie, vous avez un grand diner mardi, j’irai vous aider à faire votre vaisselle.Mme de Roque-Ventouse : C’est ça, nous ferons un bon coup de mâchon pendant que les hommes seront après se soûler.

VALET, s. m., terme de canuserie. — Ustensile de bois qu’on fixe sur le premier lisseron du remisse, lorsqu’on remet, afin d’y accrocher provisoirement les fils passés dans les mailles du remisse. Comp. valet, outil du menuisier pour fixer la planche à travailler.

Valet à frottement. C’est une espèce de bascule (voy. ce mot) formant frein pour empêcher le rouleau de se dérouler. Un levier de fer presse sur la gorge du rouleau en épousant sa forme. Un poids actionne ce levier et suivant qu’on recule ou avance le poids, exactement comme dans une romaine, le frottement est plus ou moins fort. Je crois ce système abandonné parce qu’il exigeait un poids très lourd.

VALLÉE. — Le chemin de la vallée. Ingénieux calembour pour dire gosier.

VALLIN, s. m. — Déclivité, bas d’une colline. — De ad vallem, avec le suffixe in.

VALOIR. — Il ne vaut pas les quatre fers d’un chien. Voy. fer.

VALTER, v. n. — « Il me fait valter sans cesse, pour dire, il me fait aller et venir saus but, sans utilité. Ce mot n’est pas français. Il faut exprimer l’idée qu’on lui attache par une périphrase. » (Molard.) Il est incroyable que Molard n’ait pas vu que le prétendu valter n’est que le français valeter, défini dès 1798 par l’Académie : « Faire beaucoup de courses, de démarches qui donnent de la peine et demandent de la patience. »

VANTER, v. a. — Vanner. Vanter le blé.Il fait un vent à vanter des capucins. Jeu de mots sur vent et van : le vent est tellement fort qu’il pourrait vanner des capucins. Métaphore d’autant plus énergique que le populaire considérait les capucins comme généralement gros et robustes.

VARAI, s. m. — Bruit, tapage, tumulte, confusion. Quel varai que meniont ces députés ! — Étymologie inconnue.

VARGONDIER, v. a. — Transporter de joie, affoler. Rien que de penser à la Pierrette, ça me vargondie !Vergonder, fait sur vergogne, a signifié primitivement avoir honte (comp. dévergonder). Par dérivation de sens le mot a exprimé le transport. La contradiction se résout facilement : la jeune fille qui aime éprouve à la fois de la honte et du transport.

VARIER, v. n. — Vaciller. La tête me varie, J’ai des vertiges. La vue me varie. Le mot exprime très bien une certaine fatigue des yeux. Le cœur me varie, J’ai des nausées, Cette serrure varie, Elle vacille.

VARLET, s. m., terme de batellerie. — Corde extrêmement souple, d’environ trois mètres de longueur, qui sert à attacher la maille ou gros câble de halage à la sangle du bateau. — C’est la vieux franç. vaslet. Comp. valet, outil du menuisier et outil du canut.

VAROT, OTTE, adj. — Corrompu, gâté, pourri. Un fruit varot, Un fruit véreux. Une âme varotte, Une âme corrompue. — De ver, avec le suffixe ot. Comp. véreux.

VARTIGÔLERIE, s. f. — Folie, lubie. Les vartigôleries de l’amour, Les joies folles de l’amour. — De vertigo, avec le suffixe collectif erie. Comp. sampillerie, liarderie, saloperie.

VASIVITE, s. f., parlant par respect. — Euphémisme courtois pour diarrhée. À table, la maîtresse de maison : Mecieu Arthur, aimez-vous le melon ? — Oui, Madame, mais c’est lui qui ne m’aime pas. — C’est comme moi, j’en ai mangé six tranches l’autre jour ; et ça a suffi pour me donner la vasivite toute la sainte nuit.

VEAU. — Faire le veau. Expression naïve pour Accoucher. Mme X…, qui habitait un village à quelque distance de Givors, était grosse, et l’on attendait la délivrance. Le fermier était prévenu de se tenir prêt, en cas d’alerte, pour aller chercher la sage-femme à Givors. Un jour le fermière dit à Mme X… : Ah ! Madame, si vous saviez comme j’ai été tourmentée cette nuit ! Mon homme a été malade, j’ai été obligée d’envoyer le fils à Givors, et je me disais : pourtant, comment ferais-tu si Madame venait à faire le veau cette nuit ? — Mère Bolard, on ne se sert pas de cette expression en parlant des personnes ! — Ah, Madame, entre les gens et les bêtes gn’y a bien souvent que le baptême qui fait la différence !

VEILLER. — Veiller au grain, Ne pas s’endormir sur le rôti.

Veiller comme l’huile bouillante. Voyez huile.

VEILLON, VILLON, s. m. — Pampre chargé de raisins. — De viticulum, avec le suffixe roman on.

VEINES. — Qui voit ses veines voit ses peines.

VÉLOCIPATTE, s. m. — Vélocipède. On ne sait pas ce que veut dire pède, et l’on sait ce que veut dire patte.

VÉLOCIPETEUX, s. m. — Vélocipédiste. Au jour d’aujourd’hui c’est bien plus fort ! nous avons des vélocipeteuses !

VELOUTIER, IÈRE, s. — Ouvrier, ouvrière qui travaille sur le velours. Il est évident que le mot a été formé lorsque l’on prononçait velou (le vieux franç. d’ailleurs était veloux).

VELU. — C’est velu, C’est du velu ! Se dit de quelque chose de très bien, de très chic, comme disent les Parisiens. Avez-vous lu les dernières poésies de M. Victor Hugo ? — Oh, c’est tapé ; c’est du velu ! — Sous quelle relation d’idées a été formé ce mot ?

VENDREDI. — Long comme un vendredi saint. Manquablement parce qu’on trouve le temps long quand on jeûne.

Le vendredi saint les petits oiseaux jeûnent. Les enfants sont plus défiants qu’on ne le suppose, et je me promettais bien, quand je serais grand, d’aller le vendredi saint dans un bois pour vérifier si je verrais des petits oiseaux manger.

VENIMEUX. — Se dit des personnes, en parlant de certaines qualités prolifiques. Ma blanchisseuse, quoique déjà d’un certain âge, était devenue enceinte. Elle en était comme honteuse, et me disait en manière d’excuse : C’est que mon mari est si venimeux ! J’avais un ami si venimeux qu’il lui suffisait de pendre son pardessus dans la chambre de sa femme pour avoir un enfant.

VENIR, v. n. — Devenir. Lorsque, étant petit, je faisais le difficile devant les plats que je n’aimais pas, ma mère ne manquait jamais à me dire que les cayons délicats ne viennent jamais gras. — C’est du vieux français. « De peur de desplaire à personne, les ennemis pouvant venir amis, » dit le sage Eutrapel dans une sage maxime.

VENT, s. m. — Vent du Midi. Le sens s’est particularisé en opposition à la bise.

Un vent à vanter des capucins. Voy. vanter.

Vent blanc, Vent du Midi, clair et chaud, mais qui, contrairement à l’ordinaire, n’amène pas la pluie. C’est un vent du sud-est. On dit dans le même sens : Vent de Provence, par opposition au Vent du Languedoc.

Avoir du vent, en parlant d’une fiarde. Se dit d’une fiarde qui parcourt du chemin en tournant, au lieu de tourner sur place.

Grand vent, grande guerre. Même pronostic quand le ciel a des rougeurs inaccoutumées. On voit probablement dans le rouge la couleur du sang. Mais j’ignore ce qui a pu relier l’idée de vent à celle de guerre.

Vents clos, parlant par respect. Lorsque l’on ressent des points au côté ou à la poitrine, ou sur le cœur, et que ces points, encore bien que très douloureux, n’ont pas le caractère persistant des points pleurétiques ou pulmonaires, tenez pour certain que ce sont des « vents clos ». Par ainsi, vous ne vous effrayerez pas, et puis, s’ils se déclosent, vous ne serez pas étonné. En tel cas, le grand remède, c’est l’anis (fenouil officinal), une des quatre semences chaudes majeures, disait le père Cadi, l’ancien médecin de la maison.

VENTER, v. a. — 1. Faire un vent artificiel. Venter une cuve, Chasser les gaz délétères, au moyen de linges fortement secoués au-dessus de la cuve. C’est ce que l’on a toujours soin de faire avant de descendre dans la cuve pour y fouler le raisin.

2. Parlant par respect. Signification inconvenente.

Dans les deux cas, le mot est fait sur vent, pris dans des acceptions différentes.

VENTRAILLE, s. f. — Boyaux, intestins, tout ce qui est compris dans la capacité du ventre. — De ventralia, dont on a fait un subst. féminin.

VENTRE. — Avoir plus grands yeux que grand ventre. Se dit quand, ayant trop pris d’un plat, on est obligé d’en laisser sur son assiette.

Être dans la paille jusqu’au ventre. Se dit d’un quelqu’un qui est dans un grand bien-être. Depuis que Godinchard a fait l’héritance de se n’oncle, il est dans la paille jusqu’au ventre. Comparaison irrévérencieuse de Godinchard avec un âne ou toute autre bête de somme.

VÊPRES, s. f. pl. — Molard n’entend pas qu’on dise Aller aux vêpres, mais à vêpres. Il est vrai que l’Académie donne l’exemple à vêpres, mais elle ne proscrit pas aux vépres. Elle dit sonner les vêpres et non pas sonner vêpres. Donc on peut bien aller « aux vêpres », puisqu’on les a sonnées.

VER. — Peut-on dire correctement Faire des vers à soie, pour Élever des vers à soie ? Molard dit non, mais Littré donne en exemple Faire des vers à soie.

Molard blâme également l’expression ver de fromage, au lieu de mite (!!!) — Nous disons plus correctement vesons.

VERGES, s. f. pl, terme de canuserie. — Ce sont deux baguettes de noyer aplaties et bien polies, sur lesquelles sont envergés (voy. enverjure) les fils de la chaîne dans la longueur (voy. ce mot). Un fil est passé sur la première verge et sous la seconde. Le fil suivant est passé sous la première et sur la seconde. Lorsque, par le cheminement de la longueur au fur et à mesure de l’enroulement de l’étoffe, les verges arrivent près du remisse, on les repousse vers l’ensouple afin de remonter la longueur en avant des verges, où l’enverjure permet de retrouver facilement la place du fil cassé.

VERGESSEMINET. — J’entendais un jour une Lyonnaise, non sans instruction, dire : J’adore les vergesseminets. Je demandai ce que c’était. Elle me répondit que c’était les aimez-moi (en allemand vergissmeinnicht). Je crus qu’elle avait voulu faire la savante. Mais c’était une personne honnête et simple. Elle avait habité Neuchâtel, où ce mot est d’un usage courant. C’est égal, ce minet est drôle.

VERGUETTE, s. f., terme de canuserie. — Lame de buis poli, incrustée dans la lame du battant, et sur laquelle glisse la navette.

VERIN, s. m. — Virus, maladie épidémique. C’est un verin que court le pays. — De venenum.

VERMINE. — S’emploie au sens de rusé, fin. Oh ! qu’il est vermine !

VERNE, s. m. — Aulne. De là le nom de Vernay, lieu dit au bord de la Saône. — Origine celtique : kymri gwern, arbres de marais, aulnes.

VERNOCHE, s. f. — Jachères. Il est si incuti qu’il laisse la moitié de ses vignes en vernoche. Vraisemblablement de vernes, aunes, pris au sens de broussailles.

VERNOGE, adj. des 2 g. — Se dit d’un endroit humide, d’une pièce où l’air ne pénètre pas, d’un jardin au nord. Faut pas coucher dans une chambre vernoge ; c’est comme ça qu’on prend des fraîcheurs. — D’hibernuticum, pour hibernaticum.

VERSEPOT, s. m. — Vendre du vin à versepot, Vendre du vin pour emporter et non pour consommer sur place. Le nom de Versepot se donne aussi au débit lui-même. Au moment de la construction de la ficelle de Saint-Just, on lisait en rue Tramassac une enseigne ainsi conçue : Grand Versepot, vin de propriétaire.

VERT. — Faire le vert et le sec, Épuiser tous les moyens possibles. I n’ont fait le vert et le sec pour ce mariage, mais au dernier moment l’affaire a foiré. « Je conjure toute ceste catholique assemblée de tenir le main et employer verd et sec pour empescher que les Parisiens et autres villes ne nous viennent rompre la teste de leur paix, » dit la Satyre Ménippée.

VERTINGO, s. m. — Caprice. Que don qu’elle a ta femme ? — Oh ! c’est rien, elle a pris un vertingo. — C’est vertigo, où i s’est nasalisé par suite du voisinage de g.

VERTOUILLÉE, s. f. — Volée de coups, rossée. « Saint Joset prit sa varlopa, — Lui en foutit una vertollia (au diable), » dit un vieux noël. — Vieux franc. vertel, de verteolum, peson d’un fuseau qu’on fait tourner entre les doigts. On a comparé la rossée à l’action de rouler.

VÉSICANT, adj. m. — D’un importun l’on dit : Il est vésicant, mot à mot il me produit l’effet d’un vésicatoire. Cette expression, d’ailleurs fort pittoresque, n’est, naturellement, pas à l’usage du populaire. Elle est employée par les bourgeois qui ont eu occasion de se frotter aux carabins.

VESON, s. m. — Petit ver du fromage. Par extension petit ver de la viande et même des enfants. Vous avisez donc pôs que ce l’enfant a de vesons que le bouliguent ? Au fig. se dit des enfants un peu capricieux, qui regimbent comme les vers du fromage. Le Glaudius est rien méchant, mais il est un peu veson… Prendre le veson. Prendre la mouche. On dit aussi à un enfant : Allons, sois sage, fais donc pas ton veson ! — De vermis par une forme probable veron.

V... (parlant par respect). — Avoir la v... du c.…. tournée, Être constamment en mauvais état de santé. Bien le bonjou, Mecieu Pelossard. Comment va madame votre n’épouse ? — Oh ! vous savez ben, un emplâtre. Elle a toujours, etc. — L’expression se retrouve dans le vieux français avec une légère différence de sens : « Or, escoutez l’épitaphe de Jean de Laguy, telle qu’elle estoit escrite au susdict tableau dernier, après qu’il fut mort, la vessie du cul tournée », dit le Supplément du Catholicon. Vessie est une forme faite sur vessir.

Des v.…. à couper avec un sabre. Se dit de gaz très épais. Il est bon de s’abstenir de cette expression, au moins dans un salon.

Une v.…... est une querelle, un p.. est un risolet. Voy. risolet.

VEUVE, s. f. — Scabieuse atropurpurea. — De la couleur violette des pétales, le violet étant une couleur de deuil.

VIANDE. — Viande à gens soûls. Se dit de mets légers, qui ne sont pas susceptibles de rassasier des gens affamés, Jean Liaude, veux-tu de pruneaux ? — Merci, j’aime pas la viande à gens soûls.

VIAULE, s. f. — Femelle du veau. Mecieu le boucher, donnez-moi un joli morceau de veau. C’est pour une malade. N’allez pas rien me donner de la viaule ! Ne pas confondre avec la viaule d‘amour. — De vitella.

VIAUTER (SE), v. pr. — Se vautrer. Du vieux français viautre, gros chien. La chute de r a été facilitée par veau. Le mot exisle en patois sous la forme de vioutô.

VICANT, adj. m. — Vivant. Il est bien vicant, l’est bien guilleret, en bon portement. — Formé, comme le franç. vécu, sur un partic. viscum, tiré de viski pour vixi.

VICÉ. — Vicé Versailles pour Vice versa. En effet, que veut dire versa ? Tandis que Versailles, tout le monde sait ce que c’est.

VICOTER, v. n. — Vivoter, Il vaut mieux vicoter dans son coin que goinfrer avè des jean-f.…... Très juste. — Sur la formation, voy. vicant.

VIDANGE. — J’y ai dit à mon avouyé : i faut fini c’te affaire de ce qu’elle est z’en vidange. Cette expression n’est pas une métaphore scatologique. La vuidange d’une cause était, dans l’ancien droit, le jugement d’une cause par le tribunal compétent.

VIDE-BOUTEILLE, s. m. — Morceau de jardin avec un pavillon ou simplement une tonne, où l’on va diner le dimanche. Cela répond au mazet des Nimois et au cabanon des Marseillais. Jadis une partie des terrains des hospices aux Brotteaux étaient loués en vide-bouteilles.

VIDER, v. a. — Verser. Vide à boire, Verse à boire.

On dit aussi très bien : De ma p…olissonne de vie, je n’ai vu des choses comme ça ! J’entendis un jour une brave femme dire cela. Bien sûr, elle se calomniait. Mais elle entendait par là donner plus de force à son affirmation.

VIE. — Une vie d’ange.J’ai trouvé Beaucoque avè une canante, que dîniont chez Bocuse. I fesiont une vie d’ange ! Gracieux calembour sur vidange.

De ma vie ni de mes jours je n’ai vu pareille chose. Le pléonasme renforce toujours une proposition.

VIÉDAZE, s. m. — 1. Aubergine. — Nous avions un jour à diner une charmante jeune fille qui sortait d’une maison d’éducation, d’ailleurs excellente, tenue par des religieuses à Avignon. On servit des aubergines. Tiens, fit-elle, des mirléjanes ! C’est ainsi que j’ai appris le nom bizarre qu’on leur donne à Avignon, et dont j’ignore l’origine.

2. Terme péjoratif. Se dit de quelqu’un d’un peu bête, d’un esprit peu consistant. Mais il peut aussi, comme ganache, s’employer en bonne part. Éh, c’est don toi, viédaze ! Viens que je te coque ! — Mot emprunté au provençal, où il signifie littéralement queue d’âne.

VIEILLE. — J’ai le chose que me démange. — C’est z’une vieille qui t’aime. — Vaudrait ben mieux qu’elle m’aimât pas rien tant ! hi ! hi ! hi ! Le pronostic est du reste infaillible.

Baiser le c.. de la vieille. Voy. baiser.

VIEILLONGE, s. f. — Vieillesse. Mère, comme vous branlez la tête ? — C’est de vieillonge, mon enfant. — Du vieux provençal vilhunia, vieillesse, de veclus = vieil, et suffixe una, d’udinem.

VIEUILLER, VEUILLER, VEUILLET, s. m. — Giroflée, cheranthus cheiri. Vieuiller est pour violier, plante voisine des giroflées. La forme veuiller est la plus usitée.

VIEUX. — Vieux juint, vieux joint. Voy. joint.

I m’ont mis au vieux fer, Ils m’ont mis à la retraite, ou même m’ont donné congé par suite de vieillesse.

Vieux comme Hérode, Très ancien, très vieux. Pourquoi être allé chercher Hérode ? Pilate ou Caïphe ne doivent guère être moins vieux.

Les Vieux de la Charité. Ce sont les vieillards entretenus à l’hospice. Il n’y a pas de joli enterrement sans les Vieux de la Charité avec des torches.

VIF. — Vif comme un chien de plomb. Se dit d’un quelqu’un dont la vivacité laisse un peu à désirer.

VIGORET, ETTE, adj. — Vif, agile, dispos, bien portant. J’entendais un jour deux bonnes femmes qui parlaient de leurs maris. Mon mari est vif comme un chien de plomb, disait l’une. — Oh ! le mien est encore bien vigoret, reprit l’autre.

VIGOUREUSE, s. f. — Sorte de poire d’hiver. Vigoureuse est pour virgouleuse. Le populaire, quand il ne comprend pas un terme, emploie toujours le mot le plus rapproché par l’homophonie, et qu’il connaît.

VILAIN, s. m. — Ladre, avare, lésinier. Le père Pouillard est un vilain; ça ne donnerait pas deux liards à un pauvre. — Souvenir de la signification péjorative du vieux franç. vilain au sens féodal.

VILLEFRANCHE. — Ça ne durera pas tant que le marché de Villefranche. Je suppose que le marché de Villefranche doit durer jusqu’à le consommation des siècles.

De Villefranche à Anse, la plus belle lieue de France. Voy. Anse.

Villefranche sans franchise, Belleville sans beauté, Beaujeu sans atout. Je dois la communication de ce proverbe à l’excellent ami Vingtrinier.

VIN. — Les vieux Lyonnais se rappellent Cailhava, sa belle bibliothèque et ses goûts d’artiste. Il possédait à Sainte-Foy une propriété où il « traitait » souvent les artistes lyonnais, Or, le vin de Sainte-Foy avait jadis de la renommée, et comme tout bon propriétaire, Cailhava avait l’orgueil de son crû. Tenez, dit-il un jour, après avoir servi des grands vins à ses convives, je vais vous faire goûter maintenant mon vin de cette année et vous m’en donnerez des nouvelles ! On débouche une bouteille, Duclaux déguste le premier le vin. Il est de cette année, véritablement ? — Oui certes ! fit Cailhava, qui rayonnait déjà. — C’est extraordinaire, je l’aurais cru plus jeune !

Vin du picou, Vin de la grappe qu’on tire au pressoir. C’est un vin plus âpre, mais plus sain et plus clair que celui tiré à l’anche de la cuve.

Du vin à laver les pieds des chevaux. Cela ne se dit pas du Musigny, des grands Sauterne, etc.

C’est du vin qu’il faut être trois pour le boire. Parce qu’il faut qu’il y en ait deux pour tenir l’autre pendant qu’il boit, afin qu’il ne fasse pas de malheur en se débattant.

Vin de Nazareth. Voy. Nazareth.

Vin cuit, Confiture de ménage qui se prépare en faisant bouillir une marmitée de vin nouveau, dans laquelle on fourre, avec de la castonade, toute espèce de rafatailles : quartiers de poires véreuses, de coings, de pommes vertes ; force taillons de courles, de corces de melon, enfin tout ce qui ne peut se manger cru. Cette confiture, qui sert surtout pour les goûters des enfants, fait beaucoup d’abonde. À Paris, ils appellent cela raisiné, pour autant qu’on n’y met pas de raisin.

VINAIGRE, s. m. — Débit de vins. Nous cassions la graine, tous deux Melachon, dans un petit vinaigre, quand je l’ai vu passer.

Habit de vinaigre. Voy. habit.

VINDÈME, s. f. — Vendange. — De vindemia.

VIOLON. — Des dents comme des chevilles de violon. Voy. dent.

VIOLONANT. — C’est violonant, C’est en.… nuyeux, c’est embarrassant. — Se dit des personnes aussi bien que des choses. Ce monsieur est violonant. — On a considéré le violon comme exerçant sur les nerfs une action désagréable. On emploie aussi, mais plus rarement, le verbe violoner. Il m’a violoné avec ses radotances.

VIREBROQUIN, s. m. — Vilebrequin. L’l s’est facilement changée en r sous l’idée de virer.

Virebrequin serait le vrai terme, d’après M. D. ; l’on dirait vilebrequin comme on dit collidor.

VIREGOSSE, s. m. — Nom donné aux carrousels ou chars tournants dans les vogues. — Nous ne connaissons pas le mot parisien de gosse, gamin. Le mot de viregosse, littéralement « qui fait virer les gosses », aura été créé par quelque bel esprit, retour du service militaire.

VIRER, v. n. — Tourner. — Il est français, mais il s’emploie seulement dans quelques expressions : virer et tourner; virer de bord. Nous l’employons au contraire dans tous les sens de tourner.

Virer de l’œil, terme bas, Mourir.

VIRICE, VERICE, terme de batellerie. — D’après Mazade d’Avaize, c’était le nom donné à la corde qui servait à haler, à l’aide d’un cheval, les petits bateaux nommés bèches. Une personne très digne de foi l’a recueilli sous la forme de verice, avec le sens de corde de halage en général (ce qui sert à faire virer le bateau, et, par extension, à le tirer).

VIROLET, s. m. — 1. Jouet d’enfant, Petit disque d’os ou de bois traversé par un axe, auquel on imprime, avec le pouce et l’index, un mouvement de rotation. — Formé sur virole.

2. Parlant par respect, très vilain terme. Le sens 1 n’est pour rien dans l’origine. Le mot vient du bas limousin, où virol signifie os sacrum. Virol est tiré du provenç. vira, virer, parce que les mouvements du tronc se produisent ou sont censés se produire sur cette articulation. D’os sacrum, le sens a passé à un objet voisin et pire.

VIS-À-VIS. — Ne doit jamais s’employer pour à l’égard de ou envers, Molard le fait remarquer avec raison. C’est pourtant une des fautes les plus fréquentes chez les littérateurs modernes. Les académiciens eux-mêmes ne s’en privent pas, et je me souviens d’une pièce, insérée au Journal Officiel au 6 septembre 1880, où M. de Freycinet déclare fièrement que « le gouvernement n’a pris vis-à-vis du Vatican, ni vis-à-vis du nonce apostolique, ni vis-à-vis de personne, aucun engagement relatif à l’exécution des décrets ».

VISAGE. — Le gros visage. Voy. gros.

Un visage comme un c.. de pauvre (parlant par respect). Voy. c..

VISITE. — Rendre une visite comme un lavement, c’est-à-dire en se pressant trop (on sait que les lavements sont pressés). Tel est le cas, par exemple, pour une visite de digestion rendue le lendemain du diner.

Une visite en courant d’air, Une visite où l’on ne s’arrête presque pas. Ce sont les plus agréables pour le visiteur et le visité.

Lorsque la mèche de la chandelle a des champignons noirs au sommet, cela annonce des visites.

VIT. — Qui ne vit ne vaut, c’est-à-dire qui ne mange pas ne saurait bien se porter. C’est le dicton que mon père répétait sans cesse à nos convives pour les engager à faire honneur au dîner.

VITAILLES, s. f. pl. — Victuailles. — Vitaille (de vitalia) est le vrai mot français et primitif, que les savants ont estropié en victuailles.

VITRIERS. — C’est le nom que l’on donnait aux chasseurs d’Orléans, aujourd’hui chasseurs à pied, à cause du sac noir sur le dos que l’on comparait à l’ustensile que les vitriers ambulants portent sur leur dos et où reposent leurs vitres.

Ce mot n’est pas proprement lyonnais, puisque nous le trouvons dans la pièce de Paul Déroulède, Chasseurs à pied :

Les petits Vitriers, c’est ainsi qu’on les nomme,
Ont mis leur baïonnette au bout de leur fusil…
(Chants du soldat, p. 37.)

VIVU, part. — Vécu. — Le mot a été fait sur vivre, mais il a sans doute été influencé par la terminaison u de vécu. Le bizarre est que, tandis que l’on avait vivu au lieu de vécu, on avait vicant au lieu de vivant.

VOCATION, s. f. — État, profession. Choisir une vocation, prendre une vocation. — C’est le vieux français vacation, profession, de vacare, où a a été remplacé par o sous l’influence de vocation, de vocare.

VOGUE, s. f. — Fête du village, qui coïncide avec la fête patronale. Puis le nom s’est étendu aux fêtes des faubourgs et des quartiers. — C’est une dérivation du franç. vogue, au sens d’abondance, affluence.

La Vogue des choux, Vogue de la presqu’ile Perrache, où il y avait jadis beaucoup de jardiniers.

VOGUEUR, s. m. — Non donné aux jeunes gens qui tiennent la vogue, c’est-à-dire qui, précédés d’un tambour-major, de tambours, d’une musique et d’une cantinière fringante qui s’est fait d’énormes appas, vont offrir, en échange d’une étrenne, une brioche aux bourgeois de la commune, organisent la fête, etc.

VOIE, s. f. — Une voie de charbon (de bois ou de pierre) comprend deux bennes (voy. ce mot). — Du latin populaire veha, chariot. Une voie de charbon, c’est littéralement une voiture de charbon.

VOILER (SE), v. pr. — Se dit d’une planche qui se gondole sous l’action de la température. — Ce mot, très bien formé sur voile, est tellement usité, que je ne m’explique pas que l’Académie ne l’ait pas recueilli.

VOIR. — Il faut voir venir. Dicton que les gens prudents ont constamment à l’esprit. Avant de rien décider, il faut tout voir, disait le sage aveugle.

Je ne peux pas le voir en peinture. Se dit de quelqu’un dont la présence n’est pas très agréable. L’idée est : « Je ne peux souffrir de le voir [même] en peinture. »

S’en voir, Avoir bien des misères. Le bon M. Ducerfe me disait : Quand ma femme m’a quitté, don pour aller avec M. Roupinet, que j’étais obligé de faire la soupe, ah ! c’est moi que je m’en suis vu, allez !

Ainsi tu vois bien. Locution dont on fait suivre un argument sans réplique. Paraît que t’as cané devant le Glaude. T’as eu peur. — Moi, j’ai cané ! moi, j’ai eu peur ! D’abord j’ai peur de personne, ainsi tu vois bien.

Dis donc, le grand Marius, on le voit souvent chez la Toinon. Y t’en fait porter. — Y m’en fait porter ! Justement, c’est moi qui lui en fais porter ! Ainsi tu vois bien !

VOIR, VOIRE. — Locut. qui, bien qu’explétive, ajoute quelque force au discours. Elle s’emploie dans des locutions comme celle-ci : Mecieu le médecin, voulez-vous voir ma langue ? — Voyons voir ! On lit communément dans cette phrase l’infinitif du verbe voir ajouté à l’impératif, ce qui serait une sottise. Le mot s’emploie d’ailleurs dans d’autres phrases dénotant sa vraie signification : Mélie, fais-moi voir passer mes ciseaux ! — C’est le latin verum, franç. voire.

VOISIN. — Plus m’est voisin le c… que la chemise (parlant par respect). Voy. chemise. On emploie près ou voisin au goût du peintre.

Le plus près voisin. Délicat euphémisme, à l’usage des personnes du sexe, pour Derrière. J’ai un clou à mon plus près voisin. Le mot n’ayant rien que de convenable, il n’est pas nécessaire de le faire précéder de parlant par respect. Une aimable dame de ma connaissance employait une formule encore plus chaste : J’ai un clou mal placé. Malgré le vague de l’expression, les gens intelligents comprennent tout de même.

VOISINÉE, s. f. — Hameau. Mot à mot Assemblée de maison voisines.

VOITURE. — La voiture des frères Talon… La voiture de casse-talon. Voy. casse-talon.

VOITURÉE, s. f. — Une voiturée de monde, Une pleine voiture de monde. Ce terme est très bien fait, et je pense, comme Humbert, qu’on peut s’en servir ; surtout lorsque l’on songe que Mme de Sévigné a usé très heureusement, dans ce sens, du mot carrossée.

VOLAN, s. m. — Faucille de moissonneur. — Probablement de volamen pour volumen. On trouve, en effet, au xvie siècle, volume, goyart, serpe à fer recourbé.

VOLANT, s. m. Cerf-volant, jouet d’entant. Quand j’étais petit, je faisais à Sainte-Foy des volants magnifiques. J’y collais de belles images coloriées et découpées ; des cavaliers, des fantassins, etc. Je le lançais, il montait un peu, puis il piquait une tête, roide comme Bocacut aux bèches. J’attachais une pierre à la queue. Alors il montait un peu, puis faisait un hausse-pied. C’était, sûr, la faute du vent, qui était trop fort ou trop faible. Mais enfin, je n’ai oncques pu réussir, en cela comme en bien d’autres choses. Remarquez que, dans la vie, c’est toujours aussi la faute du vent, jamais la nôtre.

Échafaud volant, terme de construction, Échafaud mobile, suspendu à des comperches horizontales au moyen de cordes, au-devant d’une façade, et que l’on descend ou monte au fur et à mesure des besoins. Je n’ai vu employer ce système qu’à Lyon. Ailleurs, on établit des échafauds fixes, assujettis à des bigues verticales.

VOLÉE, s. f., terme de construction. — Se dit de l’inclinaison, mesurée par projection horizontale, d’une échelle d’engin en avant de son pied. Cette échelle a deux mètres de volée… Elle a trop de volée. On dit de même la volée d’une grue.

VOLEURS, s. m. pl. — Petits filaments qui se détachent de la mèche d’une chandelle et la font couler. Mouche don la chandelle, y a des voleurs ! — Peut-être de ce que ces filaments sont censés voler le suif de la chandelle.

VOLONTÉS. — Faire ses quatre volontés. Voy. quatre.

VOLONTIERS, adv. — Assez souvent. Le Pierre a volontiers la cagne le lundi. Je ne sais où Humbert avait la tête lorsqu’il trouvait cette expression ridicule. Volontiers, entre autres sens, a celui de « facilement, aisément ». C’est donc comme si l’on disait : « Le Pierre à facilement la cagne le lundi. »

VOLUME. — Faire du volume, Faire ses embarras, se donner de l’importance. La Marion fait du volume parce qu’elle a cinq cents francs à la caisse d’épargne. On dit aussi Faire son volume. La locution s’explique d’elle-même. Faire du volume, c’est se grossir.

VOLUMINEUX. — C’est z’un homme volumineux, C’est un homme qui fait des embarras.

VORACES, s. m. pl. — La société des Voraces date de 1846. Elle n’eut pas, à son origine, de but politique. Quelques ouvriers canuts, voyant que les cafetiers de la Croix-Rousse ne pouvaient se résoudre à servir le vin au litre, se liguèrent pour obtenir cette réforme. Ils se rendaient par petits groupes dans les cafés et demandaient un litre de vin. Le patron du débit répondait invariablement : « Nous ne servons qu’à la bouteille. » Les canuts alors de sortir et d’aller dans un établissement voisin renouveler l’expérience. D’où le nom de Voraces donné aux ouvriers de la Croix-Rousse.

Ce fut là le début de cette société, absolument distincte des autres organisations ouvrières du quartier, des Ferrandiniers et des Mutualistes, par exemple. Les Voraces commencèrent à se réunir périodiquement chez la mère Maréchal, à l’angle de le rue des Fossés (aujourd’hui rue d’Austerlitz) et de la rue du Mail, près de la place de la Croix-Rousse. C’est surtout le samedi et le lundi que ces réunions toutes platoniques comptaient le plus grand nombre de membres. Inutile d’ajouter que la mère Maréchal vendait le vin au litre.

À l’aurore de 1848, quelques ouvriers influents, pressentant la révolution, décidèrent les canuts à n’admettre dans leur société que des républicains. Dès cette époque, le nombre des Voraces s’accrut de jour en jour. Ils étaient environ 250 ou 300 à la chute de la monarchie de Juillet. C’est à partir de ce moment que le rôle des Voraces appartient à l’histoire lyonaise.

Le 24 février, ils descendent à Bellecour — sans armes et sans uniforme — pour s’emparer du poste. Les soldats ne voulant pas obéir à leurs injonctions, les Voraces formèrent le cercle et délibérèrent. Un certain Doncieux, qui se trouvait là, se mit à les haranguer ; ils le choisissent pour chef, bien qu’il ne fût pas connu d’eux, se mettent en colonne, passent par la rue Saint-Dominique et se rendent à l’Hôtel de Ville dont ils font le siège. Comme on ne s’empressait pas de leur céder la place, ils donnèrent l’assaut à coups de pierres. Maîtres du principal édifice de la ville, ils vont à la Préfecture dont le poste cède aussitôt. Tout cela s’était accompli dans la soirée.

Le lendemain 25, les Voraces se rendirent au fort Saint-Laurent. Un de leurs chefs, Vincent, surnommé Dumenton, parlementa avec l’officier de service qui emmena ses soldats en laissant leurs armes à la disposition des Voraces. Ceux-ci redescendent à l’Hôtel de Ville vers une heure de l’après-midi, puis s’emparent du séminaire situé au bas de la côte Saint-Sébastien. Le soir du même jour, ils vont prendre le bastion 4, en face du Mont-Sauvage. Là deux des leurs sont tués, par suite de l’imprudence de Lebretonnière, qui avait tiré un coup de fusil malgré la défense des chefs.

Victorieux sans avoir combattu, les Voraces s’organisent : Ravet est nommé commandant du Bastion des Bernardines, à côté des portes de la Croix-Rousse ; Jean Durand va commander le fort de Montessuy ; Chataigner, le fort Saint-Laurent, et Vial, le Palais de Justice. Ce dernier seul vit encore ; c’est grâce à son obligeance et à la fidélité de ses souvenirs qu’il nous a été donné d’établir cette notice.

Vers le 18 mars, Arago arriva à Lyon. Les Voraces voulaient l’arrêter. Il leur explique qu’il ne venait pas pour renverser la République, mais pour aider à la pacification des esprits. Il félicita les ouvriers de leur conduite et offrit un sabre d’honneur à chacun de leurs chefs. Au mois de juin, la révolution étant vaincue à Paris, les Voraces cédèrent à l’autorité et restituèrent les forts dont ils avaient pris possession. Toutes les sociétés de la Croix-Rousse disparurent du même coup.

Telle est, en résumé, l’histoire de ce mouvement ouvrier, qui fut révolutionnaire, mais qui reste bien lyonnais par son caractère idyllique. Qu’ont de commun, en effet, une révolte de ce genre, où il n’y eut ni massacres ni incendies, et la sanglante et lugubre tragédie de 1871 ?

VONS. — Vons-nous t’i, ou vons-nous t’i pas ? Allons-nous ou n’allons-nous pas ? Voyez t’i pas et pas. Quelques personnes qui veulent trop bien parler disent : Vons-nous t’i, ou vons-nous pas t’i ?

VORTIGEATION, s. f. — Action de voltiger. La vortigeation d’une arte. Au fig. Il a toujou la tête en vortigeation.

VORTIGER, v. n. — Voltiger. Sur la formation, voir farbalas.

VÔTE, s. f., terme de batellerie. — Donner vôte, Replier le bout d’un câble de manière à lui faire faire une boucle, qu’on attache fortement à l’aide d’une petite corde nommée batafi.

VOUATT, interjection négative. — Eh bien, au jour de l’an, ton patron s’est-il fendu ? — Ah vouatt !

VOULOIR. — Il ne veut pas pleuvoir, Il n’est pas probable qu’il pleuve. C’est comme si l’on disait : « Il n’a pas l’intention de pleuvoir. » Cette locution, qui attribue la volonté à un pronom impersonnel, est extrêmement drôle, et pourtant on comprend si bien ce qu’elle veut dire ! Le mot vouloir se prend aussi pour « penser, supposer ». M. Daudet l’a employé dans ce sens de façon charmante. « Mais enfin (dit Jacques à son père), pourquoi voulez-vous que je casse la cruche ? — Je ne veux pas que tu la casses, je te dis que tu la casseras. » Dix minutes se passent, Jacques ne revient pas. Mme Eyssette commence à se tourmenter. « Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ? — Parbleu ! que veux-tu qu’il lui soit arrivé ? Il a cassé la cruche. »

Que veux-tu, Que voulez-vous. Ces locutions n’expriment aucune idée d’interrogation, mais une idée d’excuse ou d’explication. T’as dérangé la demoiselle à Mame Culet, que c’est pas joli. — Que veux-tu, ça été plus fort que moi. On dira encore : Y a le père Croustandille que peut plus sortir. — Que voulez-vous, bonnes gens, il va sur ses huitante-sept !

VOURGINES, s. f. pl. — Se dit des scions de saule et d’osier qui croissent dans les lieux inondés. — De verga, lui-même de virga.

VOURLES. — Les jardiniers de Vourles — Ne font pousser rien que de courles.

À Vourl’ en Vourlois, — Les fennes s’accouch’ à trois mois, — Mais seulement la première fois.

VOYAGE. — Un voyage de charbon. La même chose qu’une voie (voy. ce mot).

Voyage blanc. Voy. blanc.

VOYAGÈRE. — Rente voyagère. Voy. rente.

VOYONS. — Voyons voir. Voy. voire.

VU. — Je ne l’ai jamais tant vu. Se dit d’une personne que l’on voit pour la première fois.

Ni vu ni connu je t’embrouille. Voy. ni.