Le Livre d’un inconnu/16

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Anonyme ()
Le Livre d’un inconnuAlphonse Lemerre (p. 32-33).


XVI

BONHEUR POSTHUME


La lune pleine avait aux cieux
Une majesté singulière ;
Le lac était si encieux,
Moiré d’argent par sa lumière.

La vaste nappe aux blancs reflets
Prenait des teintes indécises ;
Les montagnes, géants muets,
Comme en un cercle étaient assises.


Et nous les regardions tous deux,
Appuyés contre la persienne ;
Ma bouche effleurait ses cheveux,
Et sa main était dans la mienne.

Et sur sa gorge étincelait
Une éblouissante parure :
Je voulus baiser le filet
D’où s’échappait sa chevelure.

Mais mes yeux rencontrant ses yeux,
Leur regard glaça mon envie ;
Car nous étions morts tous les deux,
Et rêvions dans une autre vie.