Le Livre d’un inconnu/23

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XXIII


Désespoir, désespoir, noire et sinistre mer,
Mon cœur a jusqu’au roc sondé ton gouffre amer ;
Ma prunelle hagarde, aux horizons tendue,
De ton désert sans bords a noté l’étendue ;
Donc, Mort, épouvantail usé, je n’ai plus peur
Du squelette qui rit sous ton masque trompeur.
À ce cœur qu’a sucé l’Ennui comme un vampire
Ton froid réveil ne peut réserver rien de pire :

Qui n’espère plus rien n’a rien à redouter.
Viens si tu veux, je sais sans terreur affronter
La funèbre douceur de ton baiser qui glace,
Et je puis, sans pâlir, te contempler en face.