Le Livre d’un inconnu/28

La bibliothèque libre.


XXVIII


Huit jours se sont passés — huit jours, huit jours encore !
Huit fois sortant des feux de l’orient qu’il dore,
Pour descendre au couchant dans la pourpre et le sang,
Le Soleil a tracé son cercle éblouissant !
Et moi, pauvre captif, dans ma prison maudite
La tête entre mes mains, tristement je médite,
Et, les yeux grands ouverts, tragique fainéant,
Je contemple la vie humaine et son néant
Et j’écoute du Temps la marche monotone.
— Comme un grand parc désert, balayé par l’automne,

Montre la nudité lugubre de ses murs
Que masquait l’épaisseur des feuillages obscurs,
Ainsi dans la forêt remuante des choses
Où le fourmillement des effets et des causes
Captivait autrefois mon regard curieux,
Un vent d’hiver soufflant et dessillant mes yeux
M’a fait apercevoir par d’affreuses trouées
La Mort debout, au fond des sinistres allées ;
Et tandis que le monde en son frivole émoi
Lutte, désire, espère encore autour de moi,
Rêveur sombre et pensif, de l’image entrevue
Je ne puis, malgré moi, plus détourner ma vue.