Le Livre d’un inconnu/42

La bibliothèque libre.


XLII


Un feu qui s’allumait dans les pâleurs du soir
M’a fait penser, chère âme, à l’amour grave et tendre
Qu’après les longs combats et l’amer désespoir
La paix de tes grands yeux dans mon cœur fit descendre,

La paix de ton regard, pur et profond miroir,
Doux autant que la mort au cœur lassé d’attendre :
Oh ! comment exprimer le charme étrange et noir
Qu’en mon triste désert ces yeux ont su répandre ?


Beaux yeux, cher opium pour mon âme aux abois,
Je dirai la fraîcheur pénétrante des bois
Détachant sur les cieux blanchis leurs sombres masses

Par les longs jours d’été brûlant, aux heures lasses
Du soir ; ou la douceur mystique des hautbois
Dans l’orage apaisé des cuivres et des basses.