Le Livre d’un père/De là-haut

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XXVIII

DE LÀ-HAUT





Quand Dieu me prendra pour toujours
Dans son paradis que j’envie,
Il me laissera mes amours
Et les chers soucis de ma vie.

Si je n’emportais tout mon cœur,
Tout mon cœur de fils et de père,
Que ferais-je de mon bonheur ?
Mieux vaudrait encor cette terre.

Mais je sais qu’à travers les cieux,
Du sein de la clarté profonde,
Je vous suivrai toujours des yeux
Dans ce cher petit coin du monde.


Rien n’arrêtera mon regard ;
Pour arriver jusqu’à votre âme,
Il percera, de part en part,
L’azur et les soleils en flamme.

Vous me croyez bien loin, bien loin,
Perdu dans ces sphères trop hautes ;
Mais je suis toujours le témoin
De vos vertus et de vos fautes.

Là-haut, parmi les triomphants,
C’est toujours à vous que je pense.
Dieu fera de mes chers enfants
Ou ma peine ou ma récompense.

Comme si j’étais près de vous,
Aimez-vous donc les uns les autres ;
Soyez laborieux et doux,
Gardez la foi de tous les nôtres.

Pour votre père, à qui mieux mieux,
Déployez vos jeunes courages ;
Je ne puis être un bienheureux
Si vous n’êtes vaillants et sages.


Mai 1876.