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Le Livre des oraisons/X

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Alphonse Picard et Fils (p. 12-13).
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X

Très hault et très bénigne et très amoureux Diex créateur et gouverneur de toutes créatures a ta très grant bonté ie confesse tous mes pechiez en quelconque manière ie les aye fais, de puis cette heure que ie eu premièrement cognoissance iusques aore, en laquele par ta grant misericorde tu me soutiens encore à vivre, de tout sires vrayement ie ne puis estre en mémoire tant en va. Mais très piteux seigneur et très misericors Diex au quel sont manifestées toutes choses aincoys quelles se facent, qui es véritable regardeur de cogitations et es très droiturier cercheur des cuers, tu sires sœs tous mes pechiez quielx que iaye faiz ou encore fais, ou dedans marme par cogitation, ou dehors par opérations, et pour ce que veritablement say que toutes ces choses sont manifestes a toy, de toutes cestes que ie entens que iay faytes contre ta voulenté devant toy et devant teus tes saincts ie me confesse et me tieing obligie et en coulpe, et se ce nest que ta benigne misericorde aincois me secoure après la mort de la char, ie creing destre perpétuellement dampné et ie scay très doulx Diex que tu mas fait de ta grant miséricorde et mas eu en dilection, serait ce bien raison que ie tamasse et te doubtasse et a tes commandemens obéisse, tu fis ce, sire, pour amour de moy et non pas par ton proufit.

Car tu n’es souffreteux de nul bien, car tu meismes es bien, et par toy est bon ce que bon est, et meilleur tu ne puez estre. À toy mon vray créateur et très miséricors sires tes commandemens ay desprisiez et très orgueilleusement me suis porté, véritablement fermeté ay perdue, et voye de perdition et de mort encourue. Vanité et vent de vaine élation, folement suy ie manifesté très piteux Diex devant ta omnipotence que ie suy trop orgueilleux, vain et de toute différence d’orgueil plain, et aucunefoys sires si me vient mais cest atart que selon lestimation des hommes apert bien que ie menorgueillis, et se aucuns ne parle de ce que iay fait, ie leur en say maugré, et ie mesmes me loe, et ie say bien, sires, que pour mener tel vie mes merit sont tourmeur. Et donc, doulx sires, mon createur secour moy, aide moyen mes oportunités, secourez a marme et par ta inexplicable misericorde tu destruises et ostes de moy mon orgueil. Sires trop dautres choses ay en moy comme yre, et impatience, odieuse discorde, indignacion, rancour de courage, ennuis de pensée, voracité de goule, murmuration, avarice, rapine et trop de choses semblables à cestes, encore plus iay un mal, sires, sur toutes aultres maulx, et cest depuis que ie issi du bercueil et tousious est venu en acroissant en moyen enfance, en adolescence, et en iœnesce tousiours tousiours a fait mulitiplication en moy et encore ne me veult delaissier, cest mal, sires, si est la délectation de la char, tempeste de luxure qui en trop de manières ma chétive darme a blescié et osté de ta grace. Très doulx et très benignes Diex, ie me manifeste devant ta omnipotence de œste encore. Encore par immondes cogitations enflambe et tachie ardeurs très granz et très deshonnestes non pas tant seulement les mienes mais les delectations des autres. Mon Dieu et ma miséricorde, regarde à ta très grant pitié et me fay selon ta grant misericorde. Se tu sires gardes mes mauvaisties qui les pourra souffrir ne ta iustice endurer senz ta grant misericorde. Piteux soyes a moy pecheur, pardonne moy mes pechiez et mes iniquitez. Si que par ta grant miséricorde de tous mes vices soye monde et purgé, et de touz mes péchiez miséricordieusement absoult, si que quant ma vie sera fenie ie puisse estre au règne des cieulx, ou ie avec tous les saincts puisse toy loer et béneir et glorifier. Amen.