Le Livre pour toi/Je suis assise dans l’hémicycle désolé

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LXXIII


Je me suis assise dans l’hémicycle désolé et j’y ai cueilli une grenade que l’insouciant été n’a pas mûrie.

À présent le vent seul franchit la Porta-Reggia et, sur les gradins qui supportaient les courtisans d’Auguste, seul le soleil pose ses pieds d’or et descend lentement.

Par cette matinée d’automne, on n’entend qu’un bruissement mélancolique, les amandiers et les figuiers laissent tomber leurs feuilles à cette même place où, sur les porphyres et les brèches d’Afrique, s’épandaient les pluies parfumées.

Svelte et immaculée comme le corps chaste d’une vestale aux cheveux ondulés, l’unique colonne demeurée droite jette au temps le défi de sa persistante jeunesse ; mais, les masques sont en poussière, les voix sont éteintes, la vie disparue, qui vibrait sous l’aile pourpre du velarium.

Les oiseaux de nuit logent dans les creux où des mains vigoureuses scellèrent les bronzes précieux et la solitude pleure sous les voûtes du cirque éventré.

Ô Sylvius, que n’étais-tu près de moi pour soulager mon âme en face de la muraille énorme et mystérieuse que dix-huit siècles ont respectée.

J’ai regardé… regardé pour entrevoir des ombres, j’ai écouté pour retrouver des chants, mais je n’ai rien aperçu près de moi que ton image, hautaine et grande, debout sur les dalles fendues, je n’ai rien entendu que le son regretté de ta voix.