Le Livre pour toi/Me voici allongée au bord de la grève

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LXXXVII


Me voici allongée au bord de la grève, les paumes aplaties sur le sable que je caresse comme un pelage soyeux.

Sur ce rivage de légende, pour venir écouter le cantique des vagues, à l’ombre des tamaris et des buissons bleus, j’ai traversé l’île fiévreuse où les béliers broutent les touffes rondes des anganes, où les taureaux aux belles cornes, enfoncés jusqu’aux jarrets dans les paluzes, tendent leurs mufles baveux vers les plates solitudes.

Les hérons aux ailes de fer et les flamants dont le col se recourbe, traversent les mornes étendues ; les faisans courent sur le sable vert et l’horizon n’est qu’une ligne égale et brune que vient rompre à peine la cime noire d’un pin parasol.

Ô Sylvius, que disent les lames orgueilleuses en se brisant auprès de moi ?

Elles disent : Regarde et laisse aller ton rêve.

Ton amour est plus fort que le sel, plus vaste que l’horizon, plus profond que la mer.