Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 1/Chap18

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (1p. 121-125).


CHAPITRE XVIII


COMBAT GÉNÉRAL


Argument : Suite du combat. Les autres Pândouides viennent au secours de Youdhishthira et mettent le désordre dans l'armée Kourouide. Discours de Çakourni et de Douryodhana. L’armée revient au combat. Les suivants de Çalya sont vaincus. Description du champ de bataille. Retour offensif des Pândouides.


955. Sañjaya dit : Puis, Çalya étant tué, les héros qui suivaient ses traces et qui possédaient sept centaines de chars, se séparèrent du gros de l'armée.

956. Mais, monté sur un éléphant à deux défenses, pareil à une montagne, Douryodhana, ayant un parasol (porté devant lui), éventé avec des queues de bœufs grognants,

957. Arrêta ceux de Madra (en leur disant) : Il ne faut pas partir, il ne faut pas partir. Ces héros (quoique) arrêtés par Douryodhana,

958. Désireux de tuer Youdhishthira, pénétraient dans l’armée des fils de Pândou. Or, ô grand roi, ces hommes, songeant au combat,

959-960. Faisant un grand bruit avec leurs arcs, combattaient contre les Pândouides. Ayant appris que Çalya était tué, et que le fils de Dharma était écrasé par les grands guerriers qui s’étaient joints au roi de Madra pour lui être agréable, alors le fils de Prithâ arriva, faisant résonner la corde de Gândîva 14.

961. Et, remplissant du bruit de son char tous les points cardinaux, le grand guerrier Arjouna, Bhîma, les deux Pândouides, fils de Mâdrî,

962. Le tigre des hommes, le Satyakide, les fils de Draupadî, Dhrishtadyoumna, Çikhandin, les Pâñcâlas et les Somakas, de toutes parts,

963. Entourèrent complètement Youdhishthira pour le protéger. Ces Pândouides, les plus excellents des héros, entourés de toutes parts,

964. Mirent le trouble dans cette armée (Kourouide), comme des monstres marins (le mettent dans) la mer. Ils firent, en vérité, trembler les tiens, comme un grand vent, les arbres (des forêts).

965. De même que la grande rivière Gangà (le Gange) est agitée par les vents d’Est, alors, ô roi, l’armée Pândouide fut de nouveau agitée.

966. Les magnanimes grands guerriers (de Madra), ayant assailli (cette) grande armée, de nombreuses (voix) crièrent : Où est le roi Youdhishthira ?

967. Où (sont) ses frères ? On ne voit nulle part ici aucun de ces héros, ni Dhrishtadyoumna, ni le Çinien, ni les fils de Draupadî,

968-971, Ni les Pâñcâlas au grand héroïsme, ni le grand guerrier Çikhandin. Les grands guerriers, fils de Draupadî, attaquaient ces héros qui parlaient ainsi, et Youyoudhâna (attaquait) les compagnons du roi de Madra. On voyait les tiens tués par les ennemis dans la bataille, les uns détruits par les roues des chars, les autres (écrasés) par les grands étendards coupés (et tombant sur eux). roi, en voyant les guerriers Pândouides qui les combattaient de tous côtés, ils marchèrent avec élan (contre eux), en étant (cependant) empêchés par ton fils, ô Bharatide. Douryodhana arrêta ces héros, en leur parlant doucement.

972-975. Et quelques-uns des grands guerriers n’obéirent pas à ses ordres. Alors, ô grand roi, l’éloquent Çakouni, fils du roi de Gândhâra, dit à Douryodhana : Pourquoi, regardons-nous tuer l’armée (des guerriers) de Madra ? ô Bharatide, cela n’est pas convenable, tant que tu (présideras) au combat. « Il faut combattre réunis. » Telle fut la convention faite. Pourquoi, ô homme sans péché, supporte-t-on que les ennemis (nous) tuent à leur aise ?

976. Douryodhana dit : Ceux-ci, naguère, n’ont pas obéi aux ordres (que je leur ai donnés), de s'arrêter. Ceux qui ont été tués se sont précipités sur l’armée des Pândouides.

977. Çakouni dit : Les héros impatients n’exécutent pas (toujours) les ordres du maître pendant le combat. Assez (de reproches). Il ne faut pas être en colère contre eux. Ce n’est pas le temps de réfléchir.

978. Réunissons-nous tous, et allons avec les chevaux, les chars, et les éléphants au secours des grands archers qui suivaient le roi de Madra.

979. Ô roi, faisons (les plus) grands efforts pour nous protéger réciproquement. Sur cette réflexion, tous s’avancèrent là où (étaient) les soldats (de Çalya).

980. Alors le roi, ayant entendu ces paroles, marcha en avant, entouré de sa grande armée, en faisant, pour ainsi dire, trembler la terre par ses rugissements.

981. « Tuez, percez, prenez, frappons, qu’ils tranchent. » Tels étaient les cris tumultueux de ton armée, ô Bharatide.

982. Mais les Pândouides, ayant vu les suivants du roi de Madra, réunis dans la bataille, et qui s’étaient disposés en goulmas moyennes, (corps de troupes de 9 éléphants, 9 chars, 21 chevaux, 45 fantassins), les attaquaient.

983. Ô maître des hommes, on vit en un instant, immolés dans la mêlée, ces guerriers qui avaient suivi le roi de Madra au combat.

984. Alors, pendant que nous nous avancions ensemble, tous les ennemis, joyeux, ayant rapidement tué les gens de Madra, poussèrent, de joie, le cri de Kilâkila.

985. On voyait s’élever de toutes parts des corps sans tête, et un grand météore venant du disque du soleil tomba par le milieu (de l’armée).

986. La terre était couverte de chars brisés, de jougs, d’essieux, de grands guerriers tués et de chevaux abattus sur le sol.

987. Ô grand roi, on voyait çà et là, sur le champ de bataille, des guerriers, avec des chevaux (encore) attachés au joug et s’éloignant avec la rapidité du vent,

988. Des chevaux emportaient dans la bataille des chars aux roues risées. Quelques-uns, ayant accroché une moitié de char, erraient, (en l’emportant), dans les dix directions.

989. Çà et là on voyait des chevaux attachés aux courroies qui relient le joug au timon, et des maîtres de chars qui tombaient, ô le plus grand des hommes,

990. Pareils à des saints tombant du ciel à l’expiration de leurs mérites. Les héros de la suite du roi de Madra étant tués,

991. Les fils de Prithâ, grands guerriers avides de la victoire, nous voyant fondre sur eux, se hâtaient d’attaquer,

992. En poussant des cris et faisant avec les flèches un bruit mêlé au son des conques. Ces guerriers adroits, nous ayant atteint de nouveau,

993. Poussaient des rugissements en secouant leurs arcs. À la vue de la grande armée du roi de Madra tuée

994. Et de ce héros abattu dans la bataille, toute l'armée de Douryodhana avait de nouveau tourné le dos.

995. Et, tuée par les Pândouides victorieux, elle s’enfuyait, remplie de crainte et mise en déroute, dans (toutes) les directions, par (ces) puissants archers, ô grand roi.