Aller au contenu

Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/2-LLDF-Ch24

La bibliothèque libre.
Traduction par Louis Ballin.
Ernest Leroux, éditeur (2p. 199-202).



CHAPITRE XXIV


DISCOURS DE GÂNDHÂRÎ (Suite)


Argument : Mention est faite de Bhoûriçravas, de Somadatta, de Cala, de Çakouni.


677. Gândhârî dit : Madhavide, vois, déchiré par une troupe d’oiseaux (de proie), ce fils de Somadatta abattu par Youyoudhâna.

678. Ô Janârdana, Somadatta (dévoré) du chagrin (que lui cause le trépas) de son fils, semble, (quoique mort), maudire le grand archer Youyoudhâna.

679. Voici l’irréprochable mère de Bhoûriçravas. (Quoique) très affligée (elle-même), elle essaie de consoler (l’âme) de son époux Somadatta.

680. Grâce au ciel, ô grand roi, il ne voit pas cette terrible destruction des Bhâratides, ce cruel combat entre les Kourouides, (qui ressemble à) la fin d’un youga.

681. « Grâce au ciel, » (dit-elle), « tu ne vois pas aujourd’hui, immolé, ton fils, ce héros qui avait pour enseigne le poteau sacrificatoire, qui offrait de nombreux sacrifices, et (qui distribuait) d’abondantes offrandes !

682. Grâce au ciel, ô grand roi, pendant que tes brus poussent des cris de douleur et font entendre de bruyantes et effrayantes lamentations, pareilles à celles (que poussent) des grues femelles sur la mer,

683. (Et que) couvertes d’un seul vêtement, échevelées, tes belles filles, dont les cheveux (sont ordinairement bien) attachés, désolées de la mort de leurs enfants et de leurs époux, errent de côté et d’autre,

684. Ah ! grâce au ciel, tu ne vois pas le tigre des hommes, dont le bras est coupé, abattu par Arjouna, et que les bêtes féroces sont en train de dévorer !

685. Grâce au ciel, tu ne vois plus maintenant toutes tes brus, qui ont aperçu Cala et Bhoûriçravas, tués dans la bataille !

686. Grâce au ciel, tu ne vois pas abandonné, sur le siège du Somadattide, le parasol doré du magnanime Yoûpaketou (Bhoûriçravas, qui a pour enseigne le poteau du sacrifice) !

687. Ces épouses aux yeux noirs, de Bhoûriçravas, entourent en pleurant, leur époux tué par le Satyakide.

688. Tourmentées par le chagrin (que leur cause la mort) de leur époux, poussant des gémissements répétés, elles tombent tristement la face contre terre, devant toi, ô Keçava.

689. Comment Bîbhatsou (a-t-il pu) commettre cette action très méchante, de couper le bras d’un héros qui n’était pas sur ses gardes, et qui offrait de nombreux sacrifices ?

690. Puis le Satyakide commit aussi une action très mauvaise, en s’avançant contre un homme à l’esprit purifié, disposé à se laisser mourir d’inanition.

691. Seul, en présence de deux (ennemis), tu as été tué irrégulièrement. » C’est ainsi, ô Madhavide, que se lamentent ces (femmes) de celui qui avait pour enseigne le poteau du sacrifice.

692. Cette épouse du (héros) qui avait pour enseigne le poteau du sacrifice, cette (femme) dont on pourrait mesurer la ceinture avec les mains, se lamente amèrement en appuyant sur son cœur le bras de son époux.

693. « Cette main, quæ mammas pingues unguihus rodebai, quæ umbilicam, femora et clunes palpabat quæ auferebat cingula,

694. Cette main, qui tuait les ennemis, qui faisait évanouir la terreur des amis, qui distribuait des milliers de vaches, qui donnait la mort aux kshatryas,

695. A été abattue par l’infatigable fils de Prithâ, pendant qu’elle était engagée dans un combat avec un autre (adversaire).

696. Que diras-tu ô Janârdana, quand tu raconteras dans les assemblées le grand exploit d’Arjouna, ou que dira-t-il lui-même ? »

697. Après avoir exhalé ces reproches, cette belle femme se tait. Les autres épouses de son mari s’associent à sa douleur, comme si elle était leur bru.

698. Le roi de Gândhâra, le puissant et véritablement héroïque, Çakouni, a été tué par Sahadeva ; l’oncle maternel a péri sous les coups du fils de sa sœur !

699. Lui à qui, (jadis), deux éventails aux manches dorés donnaient de l’air, est (maintenant) gisant (à terre), éventé par les ailes des oiseaux (de proie) !

700. Les tromperies artificieuses de cet homme qui savait se déguiser de cent et de mille manières, ont été consumées (et déjouées) par l’intelligence du fils de Pândou !

701. Ce (fourbe) qui, foulant aux pieds la sagesse, dans l’assemblée, gagna par fraude à Youdishthira son vaste royaume, fa fini par) perdre la vie !

702. Krishna, les vautours entourent Çakouni de toutes parts. La fourberie (qu’il a) enseignée à mes fils, a causé leur ruine.

703. Il a occasionné cette grande guerre avec les fils de Pândou, dont le résultat a été la mort de mes enfants, de ses partisans et de lui-même.

704. puissant, cet insensé a conquis par l'épée, ces mêmes mondes (heureux) que l’on acquiert par les armes, et qui sont le partage de mes fils !

705. Puisse ce fourbe, ô meurtrier de Madhou, ne pas provoquer, au (ciel) même, la discorde entre mes fils à l’âme droite, et leurs frères !