Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/3-LLDA-Ch21

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 310-312).



CHAPITRE XXI


DISCOURS DE DEVASTHÂNA (Suite)


Argument : La délivrance finale est très difficile à atteindre. Devasthâna engage le roi à gouverner son royaume, en s’appuyant sur les préceptes de Vrihaspati.


615. Devasthâna dit : On raconte à ce sujet cette ancienne légende. Vrishaspati, interrogé jadis par Indra, lui dit :

616. Le contentement est le plus grand des Svargas, le contentement est le bonheur suprême. Rien n’est au-dessus du contentement. Il occupe le sommet (des choses désirables).

617. Quand on réduit ses désirs, comme la tortue (réduit) ses membres (pour les cacher dans sa carapace), alors, (recevant) la lumière de l’âme, on devient bientôt éclairé dans son âme.

618. Quand un homme ne craint rien, quand on ne craint rien de lui, et quand il a vaincu les désirs et la haine, alors, il connaît son âme.

619. Quand, en pensée, en parole et en actions, on ne cause de dommage à aucun être, et qu’on est sans désirs, alors on atteint Brahma.

620. Quel que soit le dharma que les êtres aient en vue, leur âme en obtient (les mérites) à cette condition, ô fils de Kountî. Aie donc l’esprit éveillé, ô Bharatide.

621. Quelques hommes glorifient l'apaisement, d’autres louent l’effort ; d’autres blâment et d’autres louent l’un et l’autre.

622. Les uns vantent le sacrifice, d’autres le renoncement. Les uns célèbrent la libéralité, d’autres la réception (de l’aumône).

623. Quelques-uns, ayant tout abandonné, se tiennent dans une contemplation silencieuse. Quelques-uns glorifient la souveraineté, et la protection (dont le roi entoure) ses sujets.

624. Quelques-uns, après avoir détruit, coupé, percé, s’en vont au désert. Après avoir considéré ces (résolutions contradictoires), voici quelle a été la décision des sages :

625. « Le devoir qui consiste à ne causer de dommage à aucune créature, est considéré comme celui des gens de bien. Ne causer aucune injure, dire la vérité, partager (ses biens) avec les autres, se dompter soi-même,

626. Procréer des enfants avec ses épouses, être doux, modeste, ferme, voilà ce que Manou Svayambhava (existant par lui-même), donne comme ce qu’on peut désirer de mieux. »

627, 628. Ô fils de Kountî, consacre donc (tous tes) efforts à agir ainsi. Car le kshatriya qui, placé sur le trône, est toujours maître de lui-même, faisant le même cas de l’agréable et du désagréable, se nourrissant des restes des sacrifices, bien au fait des véritables devoirs de la royauté, qui s’applique à punir les méchants et à favoriser les gens de bien,

629. Qui maintient ses sujets dans le sentier du devoir et s’y tient lui-même, qui ne va vivre dans les forêts des produits des bois, qu’après avoir transmis son royaume à son fils,

630. Qui se dirige dans toutes ses actions d’après les règles révélées ; le roi qui se conduit ainsi est fermement attaché aux devoirs de la royauté.

631. Il retirera, en ce monde et dans l’autre, de grands fruits (de sa conduite) et sera heureux. Je pense que le nirvana (délivrance finale) est très difficile à atteindre, et présente beaucoup d’obstacles.

632. Ceux qui remplissent ainsi les devoirs (de leur charge), qui pratiquent à un degré supérieur, la vérité, la libéralité et l’ascétisme, qui possèdent des qualités, (et en particulier) la bienveillance, qui sont exempts de désirs et de colère,

633. Qui s’appliquent à protéger leurs sujets, accomplissant le plus grand des devoirs, combattant dans l’intérêt des vaches et des brahmanes, atteignent le refuge suprême.

634, 635. C’est ainsi que les Rendras, les Vasous, les Adityas, les Sâdhyas, et la multitude des râjarshis, ont pratiqué ce devoir sans négligence ; et leurs bonnes actions leur ont mérité le Svarga.