Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/3-LLDA-Ch32

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 374-377).



CHAPITRE XXXII


RÉCIT RELATIF À L’EXPIATION


Argument : Vyâsa indique à son petit-fils, ce qu’il convient qu’il fasse.


1135. Vaiçampâyana dit : L’ascète Krishnadvaipâyana, connaisseur des devoirs, parla au roi Youdhishthira, qui pleurait et restait silencieux.

1136. Vyâsa dit : La protection des sujets est le devoir des rois, ô homme aux yeux de lotus. Pour celui qui (veut) accomplir ses devoirs, le devoir est la loi (suprême) du monde.

1137. Alors, ô roi, suis les traces de ton père et de tes ancêtres. Pour le brahmane, rascétisme est le devoir constamment prescrit par les védas.

1138. Ô excellent Bharatide, c’est la règle éternelle des brahmanes. Le kshatriya doit protéger, en totalité, (l’accomplissement) de ce devoir.

1139. Celui qui, lui-même abandonné à la volupté, résiste aux (justes) commandements, et trouble la marche (régulière) du monde, doit être arrêté par le bras du roi.

1140. Si un fou, qu’il soit serviteur, fils ou ascète, fait dégénérer l’autorité en désordre,

1141. Il faut réprimer ces maux par tous les moyens possibles, ou bien (leur auteur) doit disparaître. Le roi qui agirait autrement, commettrait une faute.

1142. Celui qui ne protégerait pas le devoir exposé à sombrer, serait le meurtrier du devoir. Ceux qui ont été tués par toi avec leurs acolytes, étaient des meurtriers du devoir.

1143. Après être resté fidèle à ton devoir, pourquoi donc te lamentes-tu, ô fils de Pândou ? Car, d’après la loi, le roi doit frapper (ceux qui le méritent). Il doit donner (libéralement), et protéger les sujets.

1144. Youdhishthira dit : Ô ascète, je ne mets pas en doute les paroles que tu viens de m’adresser. Tu es le premier des hommes au courant des devoirs, et la vertu est toujours présente à tes yeux,

1145. Mais, en vue (d’acquérir) la royauté, j’ai fait tuer de nombreux (héros), qui n’auraient pas dû être frappés, et ces actions, ô brahmane, me consument.

1146. Vyâsa dit : Ou bien c’est le maître (suprême des mondes) qui agit, ou bien c’est l’homme. Ou bien c’est la force ou bien c’est le fruit des œuvres (antérieures), ô Bharatide, (qui gouverne tout) dans l’univers.

1147. Certes, ô Bharatide, l’homme accomplit ses actes bons ou mauvais, sous l’impulsion irrésistible du Maître. Leurs conséquences retombent donc sur le Maître,

1148. De même que si, dans une forêt, un homme coupe un arbre avec une hache, le péché retombe sur l’homme qui a coupé (l’arbre), et nullement sur la hache.

1149. Ou bien (faut-il dire) que le péché est commis par le bâton ou par l’arme (qui a servi à frapper), parce que (le bâton ou l’arme) est la cause matérielle de l’action, et en recueillera les fruits, et ne voir (aucune faute) dans l’homme qui a frappé ?

1150. Ô fils de Kountî, il n’est pas admissible, qu’un individu recueille les conséquences des actes d’un autre. Impute donc tout au Maître.

1151. Ou bien, (faut-il dire que) l'homme est l’auteur (véritable) de ses œuvres, bonnes ou mauvaises, qu’il n’a pas de supérieur, et qu’ainsi (tout ce qu’il a fait) est bien fait ?

1152. Certes, personne ne peut se soustraire à l’action du destin, ô roi. Le péché est commis par le bâton ou l’arme, (que le destin a mis entre les mains de l’homme qui le commet), et il n’est pas imputable à l’homme.

1153. Ou bien, si tu penses, ô roi, qu’il est fixé à l’avance qu’un (homme sera) tué, il n’y a pas eu et il n’y aura pas d’acte coupable, dans (la perpétration de) ce meurtre.

1154. Il faut faire, en ce monde, acception (de la notion) du bien et du mal, et, cela accepté, (la nécessité) du châtiment infligé par les rois (en est la conséquence).

1155. C’est ainsi, ô Bharatide, que les actions se produisent dans le monde, et on en obtient les fruits bons ou mauvais. Telle est ma pensée.

1156. Ainsi donc, ô tigre des rois, une œuvre mauvaise est le propre fruit d’une œuvre (antérieure mauvaise). Abandonne (le souvenir de ce qui s’est passé), et ne t’afflige pas.

1157. Ô Bharatide, fidèle à ton devoir, même si (ta conduite) est blâmable, il n’y a pas lieu de sacrifier ta vie. Cela ne te purifierait pas, ô roi.

1158. Ô fils de Kountî, celui qui a un corps, peut accomplir les expiations prescrites pour les actions (mauvaises). Celui qui n’a plus de corps périrait (faute de pouvoir les accomplir).

1159. Ô roi, en vivant, tu te livreras à ces œuvres expiatoires. Si tu ne t’y livres pas, tu souffriras dans l’autre monde, ô Bharatide.