Le Mari embaumé/II/10. La chasse d’Arlequin

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E. Dentu (Tome 2p. 126-139).





X

LA CHASSE D’ARLEQUIN ROI


Arlequin couronné, ayant achevé de croquer ses noisettes, sortit et fut remplacé par lui-même dans une autre posture : il battait un entrechat à six, la batte sous l’aisselle en se frottant les mains.

— Voici, reprit le montreur après avoir fait taire la musique, voici le grand roi Arlequin tantième du nom, qui éprouve un mouvement de consolation dans sa douleur parce qu’il a découvert le moyen de prendre la reine Argentine de Macédoine flagrante delicto, comme dirait M. le chancelier Séguier, avec M. le marquis de Scapin, qui lui fait les doux yeux depuis les cerises. Ce moyen est une grande chasse à courre dans la forêt de Brocéliande, sur la route de Rouen. Il appelle ses écuyers et ses veneurs auxquels il tient à peu près ce langage… Allez, la musique !

Ici, apparition d’un troisième Arlequin roi, jouant au bilboquet au milieu d’une meute de grands espagnols.

— Par Belzébuth ! mon drôle, grommela Gondrin, est-ce que tu prends le chaud mal ? Tout cela est folie et mène droit au gibet !

Mais la noble foule applaudissait et le petit roi battait des mains.

Le More darda un regard aigu vers le coin de la salle où M. de Mazarin et la belle comtesse de Pardaillan s’entretenaient. On eût dit, en vérité, que c’était pour cette dernière, et pour elle seulement, qu’il jouait cette bizarre comédie.

— Voici, reprit-il encore, un coin de cette fameuse forêt de Brocéliande, à cinq lieues de Paris, sur le chemin de Normandie. Voyez, je vous prie, les beaux arbres couverts de fruits, de fleurs, de singes et de perroquets. La comtesse Colombine s’y promène toute seule, meilleure épouse qu’Artémise, puisqu’au lieu de boire son mari dans de l’eau sucrée, elle le tient au fond d’une boîte, le malheureux étant devenu fou pour avoir fait un trop gros héritage.

— Ventre-saint-gris ! dit le duc de Vendôme, ceci ressemble à l’histoire de Tête-de-Bœuf, mon intendant bas-breton qui m’avait donné ce bon remède dont je manquai mourir !

Gondrin dressait l’oreille ; les courtisans riaient parce que cette mélancolique comtesse Colombine accomplissait sa promenade solitaire au milieu de matassins qui dansaient une farandole échevelée.

La comtesse de Pardaillan était en train de dire au cardinal :

— J’ai sur moi une cédule de cent mille livres, payable chez M. le surintendant de la finance du roi.

— Vous êtes une belle âme, répliqua Mazarin dont les yeux noirs chatoyèrent, et vous méritez de réussir.

— Voici, continua le Bergamasque, le joli abbé Mezzetin, domestique du grand prêtre, grand connétable et grand vizir qui vient ici d’Italie pour pêcher en eau trouble et qui trouve la comtesse Colombine fort à son gré. Un peu de musique !

Il y eut un murmure dans la salle. Deux ou trois voix s’élevèrent pour dire :

— Le sorcier en voudrait-il à ce freluquet de Mazarin ?

Personne, en vérité, n’y eût trouvé à redire, excepté M. de Mazarin lui-même.

Mais ce remarquable homme d’État s’occupait en ce moment à tourner et retourner entre ses doigts avec un frémissement d’aise la cédule payable chez le surintendant du roi.

Il n’avait garde d’écouter la comédie et s’étonna franchement d’un accès de gaieté qui prit la noble foule à ce moment.

Cet accès de gaieté était produit par une déclaration d’amour amphigourique, débitée par l’abbé Mezzetin à la comtesse Colombine, avec l’accent bien connu de M. le cardinal de Mazarin, nous dirions presque avec sa propre voix, tant l’imitation était parfaite.

Tout le monde ici entrait désormais dans l’allusion, excepté le petit roi qui se divertissait des ombres chinoises elles-mêmes, madame de Pardaillan, tout entière à l’accomplissement d’un désir passionné, et M. de Mazarin, absorbé par sa cédule.

— Mon drôle, dit tout bas M. de Gondrin, tu touches là à des choses qui brûlent. Sois prudent !…

Il ajouta à part lui :

— J’aurais pardieu payé bien cher une pareille aventure ! Cet homme n’est pas Lucas Barnèse, j’en suis sûr, et avant la fin de la soirée je jure bien que j’aurai vu son visage !

Il parlait à une pierre. Le More était sourd en ce moment.

Il étancha la sueur qui baignait son front, et murmura en lançant un regard de feu à madame Éliane :

— Elle ne m’écoute même pas !

— Par le nom de Dieu ! reprit-il en lui-même avec fureur, il faudra bien qu’elle m’entende !

Cet homme avait dans le cœur une grande haine ou un grand amour.

Il reprit en forçant sa voix, qui tremblait maintenant de colère :

— Voici le bon roi Arlequin tantième, qui a fait semblant d’aller à la chasse, et qui arrive, déguisé en carême-prenant. Il a suivi le marquis de Scapin, son favori, par monts et par vaux : il a vu sortir Argentine, sa reine, et il frémit de plaisir à la pensée de la vengeance, qui est la joie des dieux !

Arlequin gambadait en grinçant des dents.

Il y avait, en vérité, une émotion dans la salle. Chacun ressentait pour un peu la vérité des paroles prononcées par M. de Gondrin : le Bergamasque touchait là une chose qui brûlait.

— Allez, la musique ! s’écria le montreur avec une sorte de violence. La comtesse Colombine n’est pas Artémise, mais Messaline. La voilà ! et qui sait ce qu’elle a fait de son mari. Est-il vivant ? Est-il mort ?

Par le ciel ! cette coupable comtesse Colombine dansant une seguedille avec son abbé Mezzetin, n’avait point l’air de se préoccuper beaucoup de ces questions indiscrètes. Elle y allait, en vérité, de tout son cœur.

Aux derniers mots du montreur, et pendant que le petit roi riait sans y entendre autrement malice, tous les regards à la fois se tournèrent vers madame de Pardaillan et le cardinal, Colombine et Mezzetin, comme le fit observer franchement M. de Vendôme.

Ce fut un coup de théâtre : Colombine et Mezzetin avaient disparu.

— Bravo ! dit entre haut et bas M. de Gondrin, qui jouait une gigue sur sa vielle à tour de bras.

Le faux Lucas Barnèse l’entendit et tourna les yeux vers l’endroit où madame de Pardaillan et le cardinal s’asseyaient naguère.

Quand il vit les places vides, le rond lumineux qui servait de théâtre à ses fantastiques acteurs resta désert, parce que ses deux bras étaient tombés le long de son flanc.

Un râle profond siffla dans sa gorge.

— Éclipse totale, dit le duc de Vendôme ; sur la scène et dans la salle en même temps ! Ni Mazarin, ni Mezzetin ! Ni comtesse de Pardaillan, ni comtesse Colombine !

— Qu’est-ce que tout cela ? demanda le petit roi.

Pendant le silence qui suivit cette question, la bonne voix de ce coquin de Mitraille s’éleva de l’autre côté de l’écran et dit :

— Par la mort-dieu ! ceux qui disent du mal de madame Éliane n’ont qu’à venir : ils trouveront à qui parler !

— Quelqu’un a juré en notre présence, dit encore Louis XIV, offensé, non pas pour Dieu, mais pour sa propre majesté en bas âge.

Tout le monde se tut.

Il y a des hommes dont le destin est de réussir par l’aversion même qu’ils inspirent. La haine de tous les porte en quelque sorte et les soutient au-dessus de l’eau.

Entre tous ceux-là, le cardinal de Mazarin est un des plus curieux exemples que puisse présenter l’histoire.

À part la reine de France, qui avait pour lui une affection mêlée de rancune, l’histoire ne lui reconnaît pas un ami.

Ce qui ne l’empêcha point de traverser, en retombant toujours sur ses pieds, l’une des époques les plus troublées de la monarchie.

Personne ici n’avait rien contre notre belle Éliane, mais tout le monde, pour divers motifs, abhorrait M. le cardinal de Mazarin. La haine, sentiment actif, noie toujours la passive indifférence.

Madame Éliane servit de fouet pour frapper sur le dos de Mazarin. Chacun crut qu’elle était réellement sa complice.

Hélas ! juste à cette heure, la pauvre charmante femme longeait avec lui des corridors qui menaient aux privés de la reine. Et certes, ils ne parlaient point d’amour, tous deux.

La comtesse Éliane marchait, le cœur oppressé par l’espoir et par la crainte. Le cardinal lui montrait le chemin, disant :

— Madame, gardez-vous de faire mention, devant Sa Majesté, des cent mille livres que j’ai acceptées de vous, pour elle. L’or n’est rien pour moi. Je méprise, Dieu merci ! les richesses, comme il appartient à ma robe et à mon caractère. Il ne faut point, madame, se targuer, vis-à-vis des personnes royales, des services qu’on peut être assez heureux pour leur rendre.

Éliane, qui avait écouté docilement, répondit :

— Votre Éminence peut être tranquille, je serai muette.

— Ces conseils, reprit M. de Mazarin, vous sont donnés par moi dans votre intérêt. J’ai gardé pour ma part et je garderai toujours souvenir de ce qui se passa au manoir de Rivière-le-Duc, et j’en ai bien souvent parlé à Sa Majesté. Ne vous étonnez point, madame, si je ne remets point, devant vous, la cédule de cent mille livres à la reine. Dans votre intérêt même, je dois ménager sa fierté. Je suppose que vous me comprenez ?

— Je comprends parfaitement Votre Éminence, répondit Éliane, et je la remercie des précautions qu’elle veut bien prendre pour assurer le succès de ma démarche.

Ils arrivaient devant une petite porte où le cardinal frappa d’une certaine façon qui devait être convenue. La porte s’ouvrit aussitôt, et une femme parlant dans l’ombre dit :

— Vous vous faites attendre, monsieur le cardinal.

On allait sans doute ajouter quelque chose, mais M. de Mazarin, en s’effaçant, démasqua sa compagne, et la voix reprit :

— Jésus ! qui avons-nous là ?

— Ordre de la reine, répondit le cardinal.

Une seconde porte fut ouverte, qui laissa pénétrer les rayons de plusieurs bougies. La voix appartenait à une femme entre deux âges qui était en déshabillé de nuit. C’était la demoiselle Louison Loyson, ce garde du corps femelle que M. de Richelieu avait cru acheter autrefois très cher, mais qui ne s’était point vendue. Dieu sait qu’en sa vie elle avait dû ouvrir ainsi bien des portes.

Éliane et son compagnon traversèrent d’abord la chambre à coucher de Louison, austère comme un corps de garde, puis deux autres pièces : la troisième était la toilette de la reine.

La reine était dans son alcôve et déjà couchée. Le cardinal, introduit le premier, franchit la galerie et monta les deux degrés de l’estrade. La reine ne parla point ; mais, à la vue d’Éliane, son visage qui n’était plus de la première jeunesse, sous sa cornette de nuit, exprima un mécontentement maussade.

Le cardinal lui dit quelques mots à l’oreille. Elle secoua la tête et murmura :

— Je pense que personne n’a jamais pu nous taxer d’ingratitude. Madame d’Hautefort en use avec nous de pair à compagnon, vraiment : cela ne peut durer, le bien de l’État ne permet point ces choses. Madame, ajouta-t-elle en s’adressant à Éliane, je suis souffrante et accablée de fatigue, mais je consens à vous écouter.

Ce disant, elle enfouit de nouveau sa tête dans les dentelles de l’oreiller et ses yeux se fermèrent.

Le cardinal fit signe à Éliane de parler.

Assurément, dans la salle des concerts, personne ne devinait le premier mot de tout cela. Le tumulte continuait en l’absence du spectacle, subitement supprimé, et les conversations allaient leur train. Ce n’était pas le compte du petit roi, qui voulait voir la fin de la comédie.

— Monsieur le duc, dit-il à Beaufort, sachez, je vous prie, ce qui est arrivé.

M. de Beaufort quitta son siège aussitôt pour passer derrière l’écran.

Derrière l’écran, M. le baron de Gondrin avait pris le faux Lucas Barnèse par le bras et le secouait rudement, disant :

— Mon drôle, est-ce que tu vas nous laisser dans l’embarras !

Mitraille, qui avait entendu la parole sévère du roi enfant, se taisait maintenant et semblait laborieusement réfléchir.

Le montreur laissait son bras inerte entre les mains de M. de Gondrin et ne répondait point.

— Par la mort ! s’écria celui-ci, maraud que tu es, dis-nous au moins ce que fit le roi quand il surprit ensemble ce Mezzetin et cette Colombine !

Lucas Barnèse se laissa tomber sur son tabouret.

— Ce que fit le roi… répéta-t-il comme s’il eût cherché sa pensée qui le fuyait.

Puis il ajouta tout bas, mais d’un accent terrible :

— Je ne sala pas ce que fit le roi. Moi, je l’aurais poignardée !

Avant que le baron fût revenu de son étonnement, M. de Beaufort parut au coin de l’écran.

— Sa Majesté se fâche, dit-il. Vous perdez votre lieutenance !

Gondrin leva la main sur le montreur.

— Veux-tu continuer, oui ou non ! s’écria-t-il exaspéré.

Et comme le faux Barnèse ne bougeait pas, il se retourna vers Beaufort et prit un grand parti.

Il abattit l’écran d’un revers de main et reprit, en s’adressant au petit roi : — Sire, j’ai fait de mon mieux, mais je joue de malheur. Les deux soldats qui composent mon armée ont été tour à tour mis hors de combat. J’ai remplacé le premier. Vive Dieu ! je prouverai bien que je suis prêt à tout pour le service du roi ; je vais remplacer le second. Allez, la musique !

L’écran se releva et la vielle joua un rigodon diabolique.

Aussitôt après, une cohue de personnages firent leur entrée dans le cercle lumineux.

— Or, voyez ! clama Gondrin qui avait la fièvre de la lieutenance ; voici venir tous les courtisans de la cour d’Arlequin tantième, gentilshommes, dames, robins et capitaines. Voici le carrosse de la reine. Voici la litière du grand vizir… et le chien roquet de la sultane favorite. Changement à vue : Reconnaissez-vous la grotte de Didon ? Mezzetin et Colombine s’y reposent. Le roi les surprend par malheur. Perfide ! dit-il, croyant parler à la reine Argentine… Mais celle-ci entre par l’autre porte qu’on ne voit pas, avec son livre d’heures sous le bras : il est prouvé qu’elle sort de la mosquée. Le roi lui fait ses excuses…

— Il a tort ! interrompit ici le bambin royal.

— Ce n’est pas le roi Louis XIV ! reprit Gondrin à la volée. Changement : les souterrains du palais. Derrière cette porte garnie de fer se trouve le cachot pavé de lames de rasoir et peuplé d’aspics où est enfermée la comtesse Colombine ou plutôt Messaline. Je ne sais pas ce qu’est devenu Mezzotin. Changement : réjouissances à propos du triomphe de l’innocence de la reine, danses, équilibres, poses de caractère. Changement : l’enfer ! La comtesse paraît devant Pluton et Proserpine. Changement : les Champs-Élysées : Arlequin tantième et sa cour, après leur trépas, jouissent de toutes les félicités et parlent du jeune immortel, qui s’assied maintenant sur le trône. Divertissement général. Au rideau ! finis coronat opus.

La lanterne magique jeta une grande lueur, puis le cercle lumineux disparut, laissant la salle des concerts dans une complète obscurité. Le baron de Gondrin, épuisé, se laissa choir sur un siège pour étancher la sueur de son front.

Le roi applaudit, avant de se retirer, au bras de mademoiselle. La cour ne put faire moins que de pousser un large hourra.

L’instant d’après, il n’y avait plus dans la salle des concerts que les deux Bergamasques et leur impresario, M. le baron de Gondrin.

La lampe de la lanterne magique, qui tout à l’heure brillait d’un si vif éclat au travers des lentilles grossissantes, laissait mourir, maintenant qu’elle était hors de l’appareil, ses rayons ternes à quelques pas du petit groupe faiblement éclairé.

Il y avait longtemps que ce coquin de Mitraille n’avait bu ; par conséquent, selon le calcul de Mélise, les ténèbres devaient se faire dans son cerveau. Dès que la porte fut refermée sur le dernier courtisan, Mitraille arracha son voile noir et s’approcha du More, toujours immobile.

— Toi ! dit-il en lui mettant les deux mains au collet. Tu es un scélérat. Tu m’as trompé. Je t’ai aidé sans le savoir à commettre une mauvaise action. Il faut que je te tue.

Le More fit un mouvement, et Mitraille, écarté comme un enfant, bien que ce fût un vigoureux compagnon, alla chanceler à quelques pas.

— Monsieur le baron, dit le More, qu’on donne à ce brave tout seul la somme que nous devions partager. C’est un honnête cœur ; qu’il ne lui soit point fait de mal. Mais comme nous avons à causer nous deux, monsieur le baron, éloignez-le, je vous prie.

Le baron appela. Mitraille, remis aux mains des valets, fut jeté sans autre façon hors de la salle. Mais, avant de sortir, il promit qu’on aurait de ses nouvelles.

— Nous avons en effet à causer, mon camarade, dit le baron en revenant vers le More. Vous m’avez rendu sans le vouloir, sans le savoir peut-être, un très grand service, dont vous serez payé. Bien que vous soyez un pauvre homme et que je me voie en passe de m’élever enfin au rang qui convient à ma naissance, soyez franc avec moi. Si nous avons mêmes intérêts, nous pourrons contracter alliance. Est-ce pour votre compte ou pour le compte d’autrui que vous avez attaqué si hardiment cette femme ?

— Monsieur le baron, reprit le More, ceci est mon secret.

Le baron prit la lampe à la main.

— Quand je veux avoir un secret, dit-il, il me le faut de gré ou de force. Qui êtes-vous, mon camarade ?

— Je suis, répondit le More, l’homme qui vous a empêché de tuer le jeune Gaëtan de Saint-Preuil.

— Oh ! oh ! fit Gondrin étonné. Don Estéban ! sous ce déguisement !

— Je vous avais promis, poursuivit le More, de vous payer un bon prix pour la vie de ce jeune homme.

— En effet… Et serait-ce pour moi que vous avez joué cette comédie ?

— Non, repartit le More.

— Voici qui est franchement déclaré. Et n’avions-nous pas rendez-vous pour ce soir ?

— Si fait, monsieur le baron : je suis au rendez-vous.

Gondrin leva la lampe et montra du doigt le voile noir qui couvrait toujours le visage de son interlocuteur.

Celui-ci obéit aussitôt à cette muette injonction. Il écarta le voile et laissa voir un visage de bronze encadré dans une épaisse barbe noire. L’expression de ce visage était une douleur morne et profonde.

Gondrin l’examina longuement.

— Dieu me pardonne, murmura-t-il, j’espérais, en vous regardant ainsi de près, avoir le mot d’une énigme. Maintenant, je dois convenir que je ne vous ai jamais vu.

— Vous vous trompez, monsieur le baron, prononça le More d’une voix lente et grave.

— Ah ! diable ! je vous ai vu ?

— De fort près, oui… mais il y a bien longtemps.

— Où et quand ?

— Ceci fait partie de mon secret.