Le Moine et le Philosophe/Tome 4/II/XXXVI

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CHAPITRE XXXVI.

Florestan emprisonné par les moines. — L’Ange.


Le comte et Laurette arrivèrent bientôt à Toulouse. Le prince, touché des malheurs d’un vassal, d’un ami dont il avait souvent éprouvé le zèle, partit avec eux pour arracher Florestan aux moines implacables. Il était temps.

Ils l’avaient entraîné, couvert de chaînes, dans les prisons de Lansac. Il entra prisonnier, après huit à dix ans d’absence, dans son propre château : exemple mémorable des rigueurs de la destinée et des crimes des faux dévots. Ils délibéraient et cherchaient la manière la plus sûre de se défaire de ce dangereux ennemi ; lui-même concourait à l’accomplissement de leurs désirs. Pour éviter le poison, il refusait toute nourriture, il allait expirer de faim quand le comte de Toulouse parut.

Les moines nièrent en vain la présence de leur prisonnier, il fallut détacher ses fers ; et s’en remettre à la justice du souverain.

Florestan expirait, tourmenté de cette idée que peut-être son père vivait encore, et qu’il ne le verrait point avant de mourir ; car, quelle signification donner à ces paroles : Ton père a retrouvé son fils, tu retrouves un père ! Un moment de plus, et le voile se déchirait ; il avait vécu tant que le malheur l’avait poursuivi ; quand des jours moins funestes semblaient recommencer, il fallait cesser de vivre ! Il espérait pourtant encore ; il espérait en cet ange du ciel qui l’avait suivi dans les tombeaux, pour le retenir dans la vie et rendre le jour à la perfide Gabrielle. Près de mourir, son espérance était plus vive ; l’ange ne pouvait plus tarder : il allait venir, ou pour le sauver, ou pour recevoir son dernier soupir. Cependant il ne venait point, et Florestan allait perdre à la fois l’espérance et la vie. Tout-à-coup la porte pesante retentit, s’ébranle, s’ouvre ; et l’ange, l’ange de la fontaine des Rêves apparaît à sa vue affaiblie. Le malheureux lui tend les bras ; Laurette accourt et lui donne quelques gouttes d’une liqueur puissante : cette nourriture le ranime soudain. Il la regarde et ne peut parler ; mais ces regards et ce silence disent : Je t’attendais.

Le comte de Toulouse, instruit de l’état de Florestan, se transporta dans la prison, accompagné des moines. Laurette disparut alors : un autre devoir l’appelait ; elle allait prêter à son père l’appui de ses bras et de ses yeux.