Le Monastère/Chapitre XIV

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Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, tome 13p. 180-195).
CHAPITRE XIV.


marie et le chevalier.


Qu’il me soit permis d’avoir des amis qui mangent mon dîner ! Qu’ils soient aussi variés que les mets ! Le festin n’est rien quand qu’un large plat s’y fait seul distinguer. Un ami, le morceau de bœuf représentera John Plaintext ; un dampling[1] au beurre le digne alerdman ; les deux porte-étendards avec leurs favoris ; la fraise et autres fanfreluches, et leur ami le dandy, seront figurés par une jeune oie en sauce. Ainsi la table est dressée et servie, le tout suivant le même principe, la variété.
Nouvelle comédie.


«  Quelle est cette jeune fille ? dit Hob Miller, lorsque Marie Avenel entra dans l’appartement pour remplacer la dame Elspeth Glendinning.

« La jeune dame Avenel, mon père, » dit la fille du meunier, faisant une révérence aussi respectueuse que ses manières rustiques le lui permettaient. Hob Miller ôta son bonnet et salua, non tout à fait aussi bas que si la jeune dame eût paru dans tout l’orgueil de son rang et de si fortune, mais assez pour rendre hommage à la haute naissance, chose à laquelle, pendant longues années, les Écossais tinrent scrupuleusement.

L’exemple de sa mère, et un sentiment de convenance et de dignité qui était inné dans elle, avaient donné à Marie Avenel des manières simples et élégantes, qui empêchaient une trop grande familiarité de s’établir entre elle et ceux qui, devenus ses amis par suite des circonstances, n’étaient cependant point ses égaux. Par nature elle était douce, pensive et contemplative, d’un caractère égal et porté à excuser ceux qui pouvaient l’offenser ; elle était aussi très-réservée, et se plaisait dans la solitude ; elle évitait de se mêler aux divertissements publics, même lorsque l’occasion si rare d’une foire ou d’une fête la mettait à même de se trouver avec les jeunes filles de son âge. Si on la voyait quelquefois à de semblables fêtes, elle paraissait les regarder avec la tranquille indifférence d’une personne pour qui les plaisirs n’ont aucun intérêt, et qui désire même quitter ce théâtre joyeux aussitôt qu’il sera possible.

On parlait beaucoup de sa naissance, qui avait eu lieu la veille de la Toussaint, et du pouvoir que cette circonstance lui donnait sur les esprits. Et à cause de toutes ces particularités, les jeunes gens et les jeunes femmes du canton avaient coutume de la désigner sous le nom de l’Esprit d’Avenel : comme si sa taille frêle et élancée, son beau visage un peu pâle, ses yeux d’un bleu foncé, et sa longue chevelure, eussent appartenu plutôt au monde immatériel qu’à celui-ci ! La tradition répandue généralement d’une Dame Blanche que l’on croyait protéger la famille d’Avenel, donnait un certain poids à cette saillie villageoise ; et cela offensait beaucoup les deux fils de Simon Glendinning ; lorsqu’en leur présence on apostrophait ainsi la jeune Marie, Édouard avait coutume d’arrêter, par la vigueur de ses arguments, l’insolence de ceux qui employaient cette épithète, tandis qu’Halbert recourait à la force de son bras. Dans cette circonstance Halbert avait l’avantage, car il ne pouvait soutenir l’argumentation de son frère ; et quand les occasions demandaient qu’il agît en personne, il était sûr de l’assistance d’Édouard, qui jamais, il est vrai, ne commençait une dispute, mais qui se mettait facilement de la partie lorsqu’il était besoin de défendre son frère.

Mais l’attachement et le respect sincères des deux jeunes gens, qui étaient eux-mêmes, à cause de l’éloignement de leur demeure, presque étrangers dans le district, ne pouvaient nullement rétablir l’opinion des habitants envers la jeune dame, qu’ils regardaient comme tombée parmi eux d’une sphère inconnue. Cependant on la regardait au moins avec respect, si l’on n’avait pas d’affection pour elle ; d’ailleurs l’attention du sous-prieur pour la famille, et surtout le nom formidable de Julien Avenel, que chaque nouvel événement tendait à rendre plus fameux, donnaient à sa nièce une certaine importance. Plusieurs, par vanité, aspiraient à sa connaissance, tandis que de plus timides désiraient inculquer à leurs enfants la nécessité d’être respectueux envers la noble orpheline. Ainsi, Marie Avenel, peu aimée parce qu’elle était peu connue, était regardée avec une terreur mystérieuse, qui provenait à la fois de la crainte des maraudeurs de son oncle et de sa manière de vivre retirée, dont les opinions superstitieuses du temps et du pays tiraient un étrange parti.

Ce ne fut pas sans éprouver quelque chose de tout cela que Mysie se vit seule avec une jeune personne dont le rang était si au-dessus du sien, et dont les manières étaient si différentes ; car le digne meunier avait saisi la première occasion de sortir sans être aperçu, pour aller voir si la grange était bien garnie, et quelle serait la quantité de mouture qu’elle apporterait au moulin. Il y a toutefois dans la jeunesse une espèce de franc-maçonnerie qui, sans grande conversation, apprend aux jeunes personnes à démêler tout de suite leur caractère mutuel, et à se mettre à l’aise après une fort courte connaissance. C’est seulement lorsque nous avons éprouvé les tromperies des hommes que nous cherchons à éviter leur observation et à cacher nos sentiments réels à ceux avec lesquels nous sommes en relation.

Les deux jeunes filles furent bientôt occupées d’objets convenables à leur âge. Elles visitèrent les pigeons de Marie Avenel, que cette dernière nourrissait avec la tendresse d’une mère ; elles vinrent ensuite à l’agréable examen de la toilette de Marie : toilette peu somptueuse, mais contenant des choses qui excitèrent le respect de sa compagne ; car Mysie avait un trop bon caractère pour éprouver la moindre envie. Un rosaire d’or et quelques ornements de femme, marques distinctives d’un rang supérieur, avaient été sauvés au moment de leur dernier malheur par la présence d’esprit de Tibb-Tacket ; car celle à qui ils appartenaient était, dans ces tristes instants, trop accablée de chagrins pour penser à de semblables choses. À leur vue, Mysie fut saisie de vénération ; car, à l’exception de ce que le seigneur abbé et le couvent possédaient, elle ne croyait pas qu’il y eût beaucoup plus d’or dans le monde que n’en contenaient ces bijoux ; et Marie, toute sérieuse qu’elle fût naturellement, s’amusait assez de l’admiration de sa rustique compagne.

Rien n’offrait un plus grand contraste que l’aspect de ces deux jeunes filles : d’un côté, la mine joyeuse, riante et animée de la fille du moulin, qui regardait avec un extrême étonnement les choses précieuses placées devant elle, et les louait avec l’approbation d’une inférieure humble et contente, faisant les plus minutieuses questions sur l’usage et la valeur de chaque ornement, tandis que, de l’autre, Marie Avenel, avec une tranquille dignité et beaucoup de douceur, les présentait les uns après les autres pour amuser sa compagne.

Comme peu à peu elles devenaient plus familières, Mysie Happer se hasarda à demander pourquoi Marie Avenel ne paraissait jamais autour du mai. Elle lui en exprimait son étonnement ; et la jeune dame lui répondit qu’elle n’aimait pas la danse, lorsqu’un bruit de chevaux, se faisant entendre à la porte de la tour, interrompit leur conversation.

Mysie courut à la fenêtre avec toute l’ardeur d’une curiosité sans frein. « Sainte-Marie ! chère demoiselle ! ce sont deux hommes galamment mis et bien montés qui arrivent ici ; voulez-vous venir de ce côté pour les voir ?

— Ce n’est pas la peine, répondit Marie Avenel, vous me direz qui ils sont.

— Je le veux bien, si cela vous est agréable, dit Mysie ; mais comment pourrais-je savoir qui ils sont !… Attendez : j’en connais un, et vous aussi, milady ; c’est un homme dont la main est un peu légère, dit-on ; mais les soldats de nos jours ne pensent pas qu’il y ait grand mal à cela. C’est un homme d’armes de votre oncle, qui se nomme Christie de Clint-Hill ; il n’a pas son vieux justaucorps vert et sa cotte de mailles noire et rouillée, mais un habit écarlate avec un galon large de trois pouces, et une cuirasse si claire que vous pourriez vous en servir pour arranger vos cheveux, aussi bien que devant ce miroir entouré d’un cadre d’ivoire que vous me montriez tout à l’heure. Tenez, chère lady, venez vous mettre à la croisée pour le voir.

— Si c’est l’homme dont vous parlez, Mysie, répliqua l’orpheline d’Avenel, je le verrai toujours trop tôt, eu égard au plaisir que m’apporte sa personne.

— Fort bien ; mais si vous ne voulez pas venir pour voir le brave Christie, » répliqua Mysie, la figure enflammée par la curiosité, » venez pour me dire qui est celui qui se trouve avec lui ; je n’ai jamais vu un jeune homme plus beau et plus agréable.

— C’est mon frère de lait, Halbert Glendinning, « dit Marie avec une apparente indifférence ; elle avait été accoutumée à nommer ainsi les fils d’Elspeth, et à vivre avec eux, comme s’ils eussent été véritablement ses frères.

— Non, par Notre-Dame ! ce n’est pas lui, répondit Mysie ; je connais bien la figure des deux Glendinning, et je ne pense pas que ce cavalier soit de notre pays. Il a un bonnet de velours cramoisi, avec de longs cheveux noirs tombant par-dessous, et de la barbe au-dessus de sa lèvre supérieure, tandis que son menton est bien rasé ; il est revêtu d’un justaucorps bleu, bordé et doublé de satin blanc, avec des chausses assorties, et n’a sur lui d’autre arme qu’une petite épée et un poignard. Son épée est une arme si légère et si jolie, que si j’étais homme, je ne voudrais jamais en porter d’autre ; je ne voudrais pas me charger d’une charretée de fer, comme mon père, qui n’aime que sa claymore avec sa grande poignée rouillée et faite en forme d’anse de panier. Ne préférez-vous pas une épée légère et un poignard, madame ?

— La meilleure épée, répliqua Marie, si je dois répondre à une semblable question, est celle qui est tirée pour la meilleure cause, et dont on se sert le mieux lorsqu’elle est hors du fourreau.

— Mais ne pouvez-vous pas deviner quel est cet étranger ? dit Mysie.

— En vérité, je ne puis même l’essayer ; mais à en juger par son compagnon, il m’importe peu de savoir qui il est, répondit Marie.

— Béni soit sa bonne figure, dit Mysie, s’il ne met pas pied à terre ici ! Maintenant je suis aussi contente que si mon père m’avait donné les boucles d’oreilles d’argent qu’il m’a promises. Mais, venez donc à la croisée ; car, que vous le vouliez ou non, vous serez obligée de le voir bientôt. »

On peut croire que Marie Avenel aurait avancé plus tôt vers le lieu d’observation, si elle n’en avait été empêchée par l’excès de curiosité qui tourmentait sa joyeuse compagne ; mais enfin satisfaite d’avoir déployé toute l’indifférence qu’exigeait le décorum, elle crut qu’elle pouvait lâcher la bride à sa propre curiosité.

Elle aperçut Christie de Clint-Hill suivi d’un cavalier beau et élégant ; ce dernier, à en juger par la noblesse de ses manières, par la richesse élégante de ses vêtements et la beauté remarquable de son cheval, devait être, ainsi qu’elle en tomba d’accord avec sa nouvelle amie, un personnage de quelque importance.

Christie semblait croire qu’il pouvait appeler avec plus d’insolence qu’à son ordinaire : « Hola ! ho ! la maison ! maudits paysans, ne me répondra-t-on pas quand j’appelle ? Ho, Martin ! Tibb, dame Glendinning ! que la malédiction tombe sur vous, devons-nous rester ici à garder au froid nos chevaux tout couverts de sueur, après avoir couru si vite ? »

Enfin il fut entendu, et le vieux Martin parut. « Ha ! dit Christie, te voilà, vieux bonhomme ? Ici, mets-moi ces chevaux à l’écurie, aie soin qu’ils soient bien pansés, exerce tes vieux membres à les bien étriller, et ne quitte pas l’écurie jusqu’à ce que leurs crins soient parfaitement lisses. »

Martin conduisit les chevaux à l’étable, mais il donna carrière à son indignation aussitôt qu’il le put sans danger. » Ne penserait-on pas, dit-il à Jasper, » vieux laboureur, qui, en venant pour l’aider, avait entendu les impérieuses injonctions de Christie, que ce coquin, ce Christie de Clint-Hill est au moins laird ou seigneur ? il n’est rien moins que cela ! Je me le rappelle, c’était un petit garçon bien sale, qui tournait la broche dans la maison d’Avenel ; chacun, lorsqu’il faisait une matinée fraîche, échauffait ses doigts en le tapant et le souffletant ; et maintenant il fait le gentilhomme et il jure. Que le diable l’emporte et qu’il soit maudit ! comme si les gentilshommes ne pouvaient garder pour eux leur propre méchanceté, et qu’on fût obligé d’aller en enfer dans leur compagnie et par la même route. J’ai bien envie de retourner près de lui pour lui dire de panser lui-même son cheval, puisqu’il en est aussi capable que moi.

— Ne vous fâchez pas, Martin, répondit Jasper ; soyez plus calme, mieux vaut céder à un fou que se battre avec lui. »

Martin reconnut la vérité de ce proverbe, qui lui rendit un peu de courage, et il se mit à étriller avec beaucoup de soin le cheval de l’étranger, remarquant que c’était plaisir de soigner un si bel animal. Jasper se chargea de l’autre cheval. Ce ne fut qu’après avoir exécuté les ordres de Christie et avoir refait une sorte de toilette, que Martin rejoignit la compagnie dans la salle à manger ; non à dessein de servir, ainsi qu’un lecteur de notre temps pourrait se l’imaginer, mais pour partager le repas.

Cependant Christie avait présenté son compagnon à la dame Glendinning, comme étant sir Piercy Shafton, son ami et celui de son maître, qui venait secrètement et sans suite passer trois ou quatre jours dans la tour. La bonne dame ne pouvait concevoir ce qui lui attirait un tel honneur, et voulut s’excuser par le manque de tout ce qui était convenable pour un hôte de ce rang. Et, lorsque le visiteur eut jeté les yeux autour de lui, sur les murs dépouillés de tenture, qu’il eut regardé la large et noire cheminée, inspecté l’ameublement vieil et délabré, et examiné l’embarras de la maîtresse de la maison, il parut avoir autant de répugnance à prolonger son séjour, que la dame Glendinning elle-même en éprouvait à l’accueillir.

Mais l’hôtesse avec sa répugnance, et le nouveau venu avec son dégoût, avaient affaire à un homme intraitable, qui fit cesser toute objection, en disant : « Ainsi le veut mon maître : et, continua-t-il, la volonté du baron d’Avenel est et doit être une loi pour tous ceux qui habitent à dix milles à la ronde. Cependant, voici, madame, une lettre de votre baron en jupon, votre seigneur prêtre, qui vous enjoint, si vous voulez lui être agréable, de faire vos efforts pour procurer à ce jeune cavalier toutes les commodités qu’il sera en votre pouvoir de lui offrir. Quant à vous, sir Piercy Shafton, continua Christie, vous penserez si le secret et la sûreté ne sont pas plutôt ce qu’il vous faut maintenant, qu’un bon lit et une table splendide. Ne jugez pas des biens de la dame par l’extérieur de son habitation : le dîner vous montrera que l’on trouve rarement les vassaux du clergé le panier vide. »

Tandis qu’il tâchait de réconcilier sir Piercy Shafton avec son sort, la veuve ayant fait lire par son fils Édouard l’injonction du seigneur abbé et vérifié de cette manière les paroles de Christie, pensa qu’il ne lui restait rien autre chose à faire que de chercher à rendre le sort de l’étranger le plus agréable qu’il lui serait possible. Lui-même sembla aussi se conformer à sa situation, sans doute parce que la nécessité l’y obligeait, et accepta de bonne grâce l’hospitalité que la dame lui offrit avec la plus grande indifférence.

Au fait, le dîner qui fuma bientôt devant les hôtes réunis témoignait suffisamment d’une aisance honnête. Dame Glendinning avait servi de son mieux ; et charmée du bel aspect que présentèrent ses mets succulents lorsqu’elle les eut placés sur la table, elle oublia ses projets et le contre-temps qui les faisait manquer, en s’occupant du devoir hospitalier de presser ses hôtes de boire et de manger, surveillant chaque assiette qui se vidait pour la remplir de nouveau avant que personne eût le temps de dire assez.

Pendant ce temps les membres de cette petite société se regardaient attentivement, et semblaient s’efforcer de se former un jugement sur le caractère les uns des autres. Sir Piercy Shafton ne condescendit à parler qu’à Marie Avenel, à qui il prodigua exactement les mêmes complaisances familières, et mêlées d’une sorte de dédain, que les petits-maîtres de nos jours daignent accorder à une demoiselle de province lorsqu’il n’y a pas d’autres femmes plus à la mode. La seule différence qu’il y eût, était que l’étiquette de ces temps ne permettait pas à sir Piercy Shafton de se curer les dents ou de bâiller, ou de babiller comme ce mendiant dont la langue, ainsi qu’il le disait, avait été coupée par les Turcs, ou d’affecter d’être sourd, aveugle, ou toute autre infirmité. Mais quoique la broderie de sa conversation fût différente, le fond en était le même, et les compliments outrés et prétentieux dont le galant chevalier du seizième siècle ornait ses discours étaient les fruits de l’égoïsme, tout comme le jargon des fats de nos jours.

Le chevalier anglais fut cependant un peu intimidé de voir que Marie Avenel l’écoutait avec indifférence, et répondait laconiquement à toutes ces choses délicates, qui (pensait le chevalier) auraient dû l’éblouir et la jeter dans un grand embarras par leur obscurité. Mais si ces discours manquèrent totalement l’effet attendu sur l’esprit de celle à qui ils s’adressaient, sir Piercy Shafton fut amplement dédommagé par l’admiration de Mysie, d’autant plus charmée qu’elle ne comprenait pas un seul mot de ce qu’il voulait dire ; et en vérité le langage du galant chevalier était trop subtil pour être compris par une personne même plus fine que Mysie.

Ce fut vers ce temps que le meilleur poète de l’époque, le spirituel, le comique, le plaisamment vif et vivement facétieux, John Lylly, celui qui s’assit à la table d’Apollon, et à qui Phœbus donna sa guirlande de laurier sans en rien ôter ; celui enfin qui enfanta cet impertinent et singulier ouvrage intitulé Euphues et son Angleterre[2], florissait et se trouvait à l’apogée de son absurde renommée. Le style affecté, forcé et prétentieux qu’il introduisit en faisant paraître son Anatomie de l’esprit, eut une vogue aussi rapide que passagère. Toutes les dames de la cour furent ses disciples, et il était aussi indispensable aux jeunes gens à la mode de parler euphuisme que de savoir se servir de la rapière ou de pouvoir bien danser.

Ce n’était donc pas une chose bien extraordinaire que la fille de Hob Miller fût aussi complètement aveuglée par cette érudition inextricable et ce style raffiné, qu’elle l’avait jamais été par la poussière des sacs de farine de son père. Elle restait immobile, avec la bouche et les yeux aussi ouverts que la porte et les deux fenêtres du moulin, laissant voir des dents aussi blanches que la fleur de farine, et s’efforçant, pour son propre usage, de retenir un ou deux mots des perles de rhétorique que sir Piercy Shafton semait autour de lui avec une si abondante profusion.

Parmi les personnages de l’autre sexe qui formaient cette petite société, Édouard rougissait de ses propres manières, et de la lenteur de sa conversation, lorsqu’il observait que le jeune et beau courtisan effleurait tous les sujets de la galanterie la plus extravagante avec une volubilité et une aisance vraiment merveilleuses. Il est vrai que le bon sens et le goût naturel du jeune Glendinning lui firent bientôt découvrir que le galant cavalier ne parlait que de choses futiles. Mais, hélas ! quel est l’homme d’un mérite modeste et d’un véritable talent qui n’ait pas souffert en se voyant éclipsé dans une compagnie et devancé dans le cours de la vie par ces hommes plus hardis et ayant des qualités plus éclatantes, quoique si peu solides ? Bien supérieur est l’esprit qui peut, sans envie, céder le prix à un rival moins digne que lui.

La philosophie d’Édouard n’était pas si élevée : tandis qu’il méprisait le jargon de l’étincelant chevalier, il enviait la facilité avec laquelle il s’en servait, aussi bien que l’inflexion pleine de grâce de son accent, et la parfaite aisance, l’élégance toute particulière avec laquelle il remplissait ces petits devoirs de politesse que l’on trouve occasion de remplir lorsque l’on est à table. Et pour ne point cacher la vérité, je dois avouer qu’il était d’autant plus jaloux de ces qualités qu’elles n’étaient mises en œuvre que pour Marie Avenel ; et quoique ces attentions ne fussent acceptées que parce qu’elles ne pouvaient être refusées, l’étranger témoignait ainsi le désir de se mettre dans les bonnes grâces de la seule personne qu’il croyait digne, dans cette rustique société, de recevoir ses hommages. Le titre de cet individu, son rang, sa belle taille, et même quelques étincelles d’esprit et de vivacité, qui çà et là traversaient le nuage d’absurdités qu’il débitait, le rendaient, comme dit la vieille chanson, le chevalier fait pour charmer une dame, tellement qu’Édouard, avec son mérite réel et ses connaissances, vêtu d’un pourpoint filé au logis, d’un bonnet bleu, et d’un haut-de-chausses de peau de daim, ne semblait qu’un paysan auprès du courtisan ; en voyant son infériorité, il n’éprouvait guère de bonne volonté pour celui qui le mettait dans l’ombre.

D’un autre côté, Christie ayant satisfait son vaste et accommodant appétit, par les moyens dont se servent les gens de son métier, tels que le loup et l’aigle, pour se gorger dans un repas d’autant de nourriture qu’il en faudrait pour plusieurs jours, se sentit bientôt sur un plan trop reculé. Ce personnage avait, parmi ses autres qualités, une très-bonne opinion de lui-même ; et, plein de hardiesse et d’insolence, il n’était pas d’humeur à se voir méprisé par qui que ce fût. Avec cette impudente familiarité que de tels individus prennent pour une aisance gracieuse, il interrompit les phrases recherchées du chevalier avec aussi peu de scrupule qu’il eût enfoncé la pointe de sa lance dans un pourpoint galonné.

Sir Piercy Shafton, homme de haut rang et de haute naissance, repoussa dès l’instant cette familiarité ; il répondit laconiquement à l’importun, ou ne répondit pas du tout, et ne montra qu’un souverain mépris pour le vil lancier qui affectait de le traiter en égal.

Le meunier se taisait ; car, comme sa conversation roulait toujours sur son moulin et ses droits, il ne désirait pas parler de sa fortune en présence de Christie de Clint-Hill, ni mêler son discours à celui du seigneur anglais.

Un petit échantillon de la conversation ne peut pas être hors de place, quand ce ne serait que pour montrer aux jeunes dames la perte qu’elles ont faite en vivant dans un siècle où l’euphuisme n’est plus de mode.

« Ajoutez foi à ce que je vous dis, très-belle dame, dit le chevalier, que telle est la finesse des courtisans anglais de nos jours, qu’ils ont excessivement épuré les discours simples et rustiques de nos ancêtres, qui, ainsi que je le puis dire, convenaient plus aux bouches de grossiers provinciaux dans les jeux de Flore, qu’à celles d’aimables galants dans une gaillarde ; aussi je tiens cela ineffablement et inénarrablement impossible, que ceux qui viendront après nous dans ce jardin d’esprit et de courtoisie puissent l’altérer ou le corriger. Vénus n’est charmée que du langage de Mercure ; Bucéphale ne s’arrêtera que pour Alexandre, personne autre qu’Orphée ne peut tirer des sons de la flûte d’Apollon.

— Brave seigneur, » dit Marie qui réprimait avec peine une excessive envie de rire, « nous n’avons qu’à nous féliciter de l’heureux hasard qui a favorisé cette solitude d’un rayon du soleil de courtoisie, quoiqu’il nous rende aveugles plutôt que de nous illuminer.

— Parfaitement bien, très-belle dame, répondit l’euphuiste. Ah ! pourquoi n’ai je point apporté mon Anatomie de l’esprit, cet imparallélisable volume, quintessence de l’esprit de l’homme, ce trésor de gentille invention, si excellemment agréable à lire, manuel si inévitablement nécessaire pour connaître tout ce qui est digne d’être su ; qui instruit, du rude en civilité, du stupide dans l’intellectuel, du triste en gaieté, du pesant en agrément, du vulgaire en noblesse, et de tout ce qui existe dans cette inénarrable perfection de l’humaine élocution, dans cette éloquence que nulle autre éloquence n’est capable de louer ; cet art auquel nous accordons le plus grand des panégyriques lorsque nous le nommons par son nom propre, euphuisme.

— Par sainte Marie ! dit Christie Clint-Hill, si Votre Grandeur m’avait dit que vous aviez laissé un tel trésor au château de Prudhoc, Long Dickie et moi l’aurions emporté avec nous, si homme et cheval pouvaient l’emporter, s’entend ; mais vous ne nous avez parlé d’aucun trésor, si ce n’est de vos pincettes d’argent pour relever vos moustaches. »

Le chevalier jeta un regard de surprise et de mépris à cette fâcheuse interruption ; car certainement Christie ne pensait pas que toutes ces épithètes, qui retentissaient d’une manière si brillante et si splendide, fussent prodiguées à un petit volume in-4o. Puis se retournant du côté de Marie Avenel qu’il jugeait être la seule personne à laquelle il pouvait s’adresser, il continua dans son élocution fleurie : « De même, dit-il, que les pourceaux dédaignent l’éclat des perles orientales ; de même que les mets les plus délicats d’un repas exquis sont vainement présentés à l’animal aux longues oreilles, qui, s’en éloignant, préfère et dévore le chardon, il ne sert à rien d’offrir les trésors oratoires aux oreilles de l’ignorant, et d’étaler les friandises d’un banquet intellectuel devant ceux qui, moralement et métaphysiquement parlant, ne sont pas plus que des ânes.

— Sir chevalier, puisque c’est votre qualité, dit Édouard, nous ne pouvons lutter avec vous pour la douceur du langage ; mais je vous prie, tant que vous honorerez la maison de mon père de votre présence, de nous faire grâce d’une comparaison aussi vulgaire.

— Silence, bon villageois, » dit le chevalier faisant un signe gracieux de la main ; « silence, je te prie, bon rustique ! Et vous, mon guide, à qui je puis à peine donner le titre de civil, qu’il me soit permis d’obtenir de vous que vous imitiez la louable taciturnité de cet honnête métayer, qui se tient sur sa chaise muet comme un pilier de moulin, et de cette joyeuse fille qui semble avoir enivré ses oreilles de ce qu’elle ne peut comprendre, de même qu’un palefroi écoute un luth dont il ne connaît pas la gamme.

— Voilà des mots bien merveilleux, » dit à la fin la dame Glendinning, qui commençait à se lasser d’être assise sans proférer une parole ; « voilà des mots bien merveilleux, voisin Happer, ne le trouvez-vous pas ?

— De beaux mots, de très-beaux mots, de très-excellents mots, répondit le meunier ; néanmoins, pour dire ma pensée, je préfère une petite mesure de son à un boisseau de ces belles choses.

— Je pense comme vous, avec la permission de Sa Seigneurie, » dit à son tour Christie de Clint-Hill. « Je me rappelle qu’à la course de Morham, ainsi que nous la nommions, près Berwick, avec ma lance je fis sauter de dessus la selle un jeune homme du Midi[3], et le jetai à peu près à la distance d’une gad[4] de son cheval ; et comme il y avait un peu d’or sur son justaucorps, je crus qu’il pourrait aussi en avoir dans sa poche, quoique ce ne soit pas une règle générale ; et comme je lui parlais de sa rançon, il me jeta au nez une poignée d’expressions semblables à celles que Sa Seigneurie nous a prodiguées, et implora ma miséricorde en disant que j’étais un vrai fils de Mars, et mille choses de même espèce.

— Et il ne put l’obtenir de toi, je le parierais, » dit le chevalier qui ne daignait parler euphuisme[5] qu’aux dames.

« Ma foi, répliqua Christie, je lui aurais percé la gorge de ma lance, lorsque le vieil Hunsdon et Henry Carry enfoncèrent la maudite porte de la poterne, et ceux qui étaient sur leurs talons tournèrent la cape vers le nord. Aussi moi-même je piquai Bayard de l’éperon, et suivis mes compagnons ; car un homme peut galoper lorsqu’il ne peut combattre, comme on dit dans le Tynedale[6].

— En vérité, dit le chevalier se retournant encore du côté de Marie Avenel, « croyez que je vous plains, mylady, vous qui sortez d’une noble famille, d’habiter forcément la chaumière de l’ignorant : telle est la pierre précieuse dans la tête du crapaud[7], ou une guirlande de roses sur la tête d’un âne. Mais quel est ce nouveau galant ? son vêtement sent plus la rusticité que son maintien, et ses regards paraissent plus distingués que son habit, et même…

— Je vous prie, monsieur le chevalier, dit Marie, de réserver vos brillantes similitudes pour des oreilles plus délicates, et me permettre de vous présenter mon frère de lait Halbert Glendinning.

— Le fils de la bonne dame de la chaumière, ainsi que je le pense, répondit le chevalier anglais ; car mon guide m’a désigné sous ce nom la maîtresse de ce logis que vous embellissez de votre présence, mylady ; et néanmoins, quant à ce jeune homme, il a quelque chose qui appartient à un sang noble, car tous les charbonniers ne sont pas noirs.

— Ni tous les meuniers blancs, » dit le brave Hob, enchanté de pouvoir placer son mot.

Halbert, qui avait supporté le regard de l’Anglais avec impatience, et qui ne savait trop comment prendre ses manières affectées et son langage extraordinaire, répliqua d’un ton rude : « Monsieur le chevalier, nous avons en Écosse un ancien dicton : « Ne dédaigne pas le buisson qui t’abrite[8]. » Tous êtes un hôte qui cherchez à vous préserver du danger en vous réfugiant dans la maison de mon père, si les domestiques m’ont bien informé ; ne dédaignez donc pas la simplicité de cette demeure ou celle de ses habitants. Vous auriez pu long-temps vivre à la cour d’Angleterre avant que nous eussions cherché votre faveur, ou que nous vous eussions importuné de notre société. Puisque votre destinée vous a envoyé ici parmi nous, trouvez-vous heureux, du repas et de l’hospitalité que nous pouvons vous prodiguer, et ne payez pas notre bonté de votre mépris, car la patience des Écossais est courte et leurs épées sont longues. »

Tandis qu’Halbert parlait ainsi, tous les yeux étaient tournés sur lui, et l’opinion générale en ce moment était que son maintien avait une expression d’intelligence, et sa personne un air de dignité qu’on ne lui avait point encore vu. Nous ne prétentions pas déterminer si l’être surnaturel avec lequel il venait d’avoir un entretien avait imprimé à son regard et à sa personne cette noble dignité, ou si l’homme destiné à de hautes occupations et à une fortune imminente, avait naturellement une noble confiance en lui-même. Mais ce qui fut évident, c’est que dès ce jour le jeune Halbert devint un homme tout différent, qu’il agit avec la fermeté, la promptitude et la résolution qui appartiennent à un âge plus mûr que le sien, et qu’il se conduisit avec les manières pleines de dignité qui sont propres au plus haut rang.

Le chevalier prit bien ce reproche. « Par ma foi, dit-il, tu as la raison pour toi, bon jeune homme. Néanmoins je ne tournais pas en ridicule le toit qui me protège ; mais je disais plutôt à ta louange que si ce toit t’a vu naître, tu pouvais le tirer de sa bassesse : ainsi que l’alouette qui fait son nid dans l’humble sillon s’élève vers le soleil, aussi bien que l’aigle qui bâtit son aire dans le rocher escarpé. »

Ce discours emphatique fut interrompu par la dame Glendinning qui, avec toute l’attention empressée d’une tendre mère, chargea d’aliments l’assiette de son fils, en lui murmurant à l’oreille des reproches pour être resté si long-temps absent. « Et tâchez, disait-elle, de ne pas apercevoir, en traversant ces lieux sauvages, ces êtres qui ne sont ni os ni chair, ainsi qu’il arriva à Mungo Murray lorsqu’il s’endormit au coucher du soleil sur la pelouse ronde[9] de Kirkhil, et qui s’éveilla au point du jour sur la montagne déserte de Breadalbane[10] ; et gardez, lorsque vous cherchez le daim, que le cerf rouge ne vous blesse de son bois, comme il fit à Diccon Thorburn, qui jamais ne se guérit de sa blessure ; et quand vous errez avec une large épée à votre côté, ce qui ne convient pas à un homme tranquille, ayez soin de ne pas rencontrer des gens qui ont une large épée et une lance. Il y a assez maintenant de cavaliers dans ce pays qui ne craignent pas Dieu et qui dédaignent les hommes. »

Ici ses yeux un peu animés rencontrèrent ceux de Christie de Clint-Hill, et la crainte de l’avoir offensé arrêta le cours de ses reproches maternels, qui, comme d’autres avis domestiques, auraient pu produire plus d’effet s’ils étaient adressés à propos. Il y avait dans l’œil de Christie, œil gris, fin et farouche, quelque chose de sournois et de scrutateur, qui exprimait à la fois la ruse et la méchanceté : c’est pourquoi la dame conjectura qu’elle en avait déjà trop dit, et elle vit aussitôt en imagination ses douze meilleures vaches descendre en beuglant la vallée au clair de la lune avec une dizaine de maraudeurs à leurs trousses.

C’est pourquoi sa voix perdit de son autorité maternelle, et fit place à une espèce de plainte apologétique quand elle poursuivit : Ce n’est pas que j’aie aucune mauvaise pensée touchant les maraudeurs, car Tibb Tacket m’a souvent entendu dire que je pensais que la lance et la bride étaient aussi convenables à un homme des frontières qu’une plume à un prêtre ou un éventail à une dame. N’ai-je pas dit cela ? Tibb. »

Tibb montra assez peu de promptitude à attester le profond respect de sa maîtresse pour les contrebandiers des montagnes du Sud ; mais ainsi interpellée elle répliqua enfin : « Oui, oui, maîtresse, je garantis que je vous ai ouï dire à peu près cela.

— Ma mère ! » dit Halbert d’un ton de voix ferme et impératif, « qui et que craignez-vous sous le toit de mon père ? Je me flatte qu’il ne couvre point un homme devant lequel vous soyez effrayée de dire ce qu’il vous plaît, tant à moi qu’à mon frère ? Je suis fâché d’avoir été retenu si tard, mais j’ignorais la belle société que je devais rencontrera mon retour. Je vous prie de recevoir cette excuse ; et ce qui vous satisfait, je pense, ne doit être que bien reçu par vos hôtes. »

Une réponse si sage et si convenable à la soumission due à sa mère et au sentiment naturel de dignité d’une personne qui, par sa naissance, était le maître du logis, excita l’approbation générale, ainsi qu’Elspeth l’avoua à Tibb le soir même : « Elle ne pensait pas que son fils fût capable de si bien parler… « Jusqu’à présent il se mettait toujours en colère à la moindre remontrance ; un simple mot le faisait bondir dans la maison comme un cheval de quatre ans ; mais à présent il s’exprime avec autant de douceur et de gravité que le seigneur abbé lui-même. Je ne sais pas, ajouta-t-elle, quelles seront les suites, mais il semble qu’il soit dès à présent un garçon merveilleux. »

La société se sépara alors ; les jeunes gens se retirèrent dans leurs appartements, et les plus âgés s’occupèrent des soins domestiques. Tandis que Christie allait voir si son cheval avait tout ce qui lui était nécessaire, Édouard courut à son livre, et Halbert qui avait jusqu’alors montré autant de goût et de génie pour les arts manuels qu’il en montrait peu pour ceux qui demandaient une application d’esprit, se mit à construire une cachette dans le plancher de sa chambre, en enlevant une planche sous laquelle il résolut de placer la traduction des saintes Écritures qu’il avait si étrangement obtenue.

Durant ce temps, sir Piercy Shafton resta, sans bouger plus qu’une statue, sur la chaise qu’il avait occupée dès l’abord, les mains croisées sur la poitrine, les jambes étendues droites devant lui et appuyées sur ses talons les yeux fixés au plafond, comme s’il voulait compter les toiles d’araignées qui décoraient les voûtes de ce même plafond, et gardant pendant ce temps une expression de solennelle et imperturbable gravité, comme si à l’exactitude de son calcul était attachée la sûreté de son existence.

Il ne fut tiré de ce singulier état de contemplatif engourdissement qu’à l’instant du souper, repas auquel les jeunes filles ne parurent pas. Sir Piercy jeta deux ou trois fois un regard autour de lui, comme s’il lui fallait quelque chose, mais il ne demanda rien ; et pour montrer qu’il lui manquait un auditoire digne de l’entendre, il se contenta d’affecter une grande absence d’esprit, parlant rarement, et ne répondant qu’après qu’on lui avait adressé deux fois la parole ; et alors même il s’exprimait sans tropes et sans figures, en simple anglais, que personne ne pouvait mieux parler que lui quand il le voulait.

Christie, se voyant en possession d’une conversation que personne n’interrompait, gratifia tous ceux qui voulaient l’écouter de détails d’actions féroces et sans gloire, tandis que la coiffe de la dame Elspeth se brandissait d’horreur, et que Tibb Tacket se réjouissait de se trouver encore dans la compagnie d’un jackman, à écouter des contes ; de même que Desdemone, avec une joie qu’elle ne peut cacher, prête l’oreille aux récits d’Othello. Pendant ce temps les deux frères Glendinning étaient ensevelis dans leurs réflexions, d’où ils ne furent tirés que par le signal donné pour aller se mettre au lit.


  1. Espèce de pouding cuit dans une serviette, composé de farine, de graisse de bœuf, d’œufs et de raisins de Corinthe. Il est moins soigné que le plum-budding. a. m.
  2. Tels, et plus extravagants encore, dit Walter Scott, sont les éloges adressés à Lylly par son éditeur Blount. Malgré cette exagération, Lylly était un homme réellement plein d’esprit et d’imagination, quoiqu’il gâtât ces deux qualités par une affectation ridicule dont aucun ouvrage n’offre d’exemple. a. m.
  3. Un jeune Anglais. a. m.
  4. Mot écossais pour fishing-rod, la gaude servant à attacher la ligne du pêcheur, longue d’environ quinze pieds. a. m.
  5. Expression formé de deux mots grecs, εὒ, bien, et ρὐω, je fais naître ; comme on dirait, heureuse nature. a. m.
  6. Mot formé de Tyne, rivière du comté de Northumberland, et dale, vallon. a. m.
  7. Un des mille et un préjugés du peuple en Écosse était qu’on trouvait dans la tête du crapaud une pierre précieuse pouvant servir de remède universel. a. m.
  8. Scorn not the bush that bields you, dit le texte ; bieds, mot écossais pour shelter. a. m.
  9. Greensward-ring, dit le texte. On voit beaucoup de ces cercles enchantés ou marques circulaires tracées fortuitement, et où le peuple croit que les fées viennent danser au clair de lune. a. m.
  10. District du nord de l’Écosse. a. m.