Le Mystère de Quiberon/26

La bibliothèque libre.
Dujarric et Cie, Éditeurs (p. 367-410).


APPENDICES



N° 1

Extrait des lettres adressées par Monseigneur comte d’Artois, Lieutenant Général du Royaume, en vertu des pouvoirs à lui confiés par Monsieur, Régent de France[1].

À M. le comte de Puisaye, Général en chef de l’armée Catholique et Royale de Bretagne.

« Au quartier général de l’armée anglaise, le 15 octobre 1794.

» Je commence par remplir le devoir qui m’est dicté par les sentiments de mon cœur, en vous exprimant toute la satisfaction que j’éprouve de votre zèle et de vos excellents services. C’est au champ de l’honneur que j’espère être bientôt à portée de vous donner personnellement des preuves de l’estime et de la confiance que votre conduite m’inspire à si juste titre.

» Je vous charge en même temps, monsieur, de témoigner en mon nom, aux loyaux Français qui combattent si glorieusement sous vos ordres, qu’ils peuvent compter à jamais sur les sentiments et sur la reconnaissance de M. le Régent ; et que ce sera en triomphant ou en mourant avec eux, que je leur prouverai que je suis digne du désir qu’ils ont de me voir à leur tête. Vous pouvez compter fermement, monsieur, que je confirmerai avec plaisir, lorsque je vous aurai rejoint, tout ce que le conseil militaire, ainsi que vous, aurez cru utile au bien du service du roi, d’accorder à ceux qui, sous vos ordres, auront le plus contribué à la restauration de l’autel et du trône.

» Soyez également certain, monsieur, et assurez bien tous les fidèles compagnons de vos travaux, que ce sera par des faits plus que par des paroles, que M. le Régent et moi, nous nous empresserons de récompenser dignement tous ceux qui auront participé à la gloire et aux succès que vous préparez.

» Ne doutez jamais de tous mes sentiments pour vous, etc.


» (Signé) Charles-Philippe. »

« Au château de Zipendal, près Arnheim, ce 6 novembre 1794.

» Mon cœur sait apprécier les sentiments qui vous animent, et je me réserve de vous bien prouver tout ce que vous m’inspirez, le jour heureux où je combattrai avec vous et vos intrépides compagnons. Et je vous autorise à vous considérer comme lieutenant général au service du roi de France et à vous faire obéir en cette qualité par l’armée de Sa Majesté chrétienne.

» Cette autorisation formelle est suffisante pour le moment.

» Ma lettre du 15 octobre vous autorise largement, ainsi que le conseil militaire de l’armée royale de Bretagne, à breveter provisoirement les officiers, suivant que leur conduite ou le bien du service du roi l’exigera. J’approuve la forme que vous me proposez pour les brevets ; j’y ai seulement changé quelques expressions qui n’étaient pas en règle, et je ratifierai votre travail lorsque je serai moi-même à la tête de cette invincible armée.

» Au surplus, monsieur, en vous renouvelant toutes les marques de ma confiance, renfermées dans ma lettre du 15 octobre, j’y ajoute la ferme assurance que tous les pouvoirs qui ont été donnés au feu marquis de La Rouërie, ou à d’autres personnes, depuis sa mort, sont et demeurent sans effet. Comptez sur ma parfaite estime, monsieur ; perfectionnez votre ouvrage en coopérant avec moi au prompt rétablissement de l’autel et du trône, et ne doutez jamais de tous les sentiments que vous m’avez si justement inspirés.


» (Signé) Charles-Philippe. »

« Au château de Zipendal, près Arnheim, le 6 novembre 1794.

» Comme dans la noble carrière que vous allez parcourir, monsieur, il pourra vous être important, avant que je vous aie rejoint, de traiter de quelques objets relatifs à la reddition de plusieurs places importantes, ou à la transmigration de différents corps de troupes sous les drapeaux du roi ; je dois vous confier que l’intention du Régent (qui m’a donné à cet égard les pouvoirs les plus étendus) est de traiter très favorablement tous ceux qui, par des services importants, répareront leurs erreurs, et qui, ramenant au Roi le plus de sujets égarés, abrégeront par là le terme des maux dont la France est accablée.

» D’après cet exposé, je vous déclare, monsieur, que je ratifierai avec plaisir les engagements particuliers et personnels que vous croirez devoir prendre, pour récompenser, soit les commandants des places dont la possession peut déterminer les succès de l’armée catholique et royale que vous commandez, soit vis-à-vis des chefs des armées rebelles ou des commandants et des corps qui se réuniront aux royalistes ou faciliteront leurs opérations.

» Cette marque de ma confiance, monsieur, est une nouvelle preuve de mes sentiments pour vous et de ma parfaite estime.


» (Signé) Charles-Philippe. »



N°2

Rapport de police sur l’esprit des troupes.

« 12 messidor an III (30 juin 1795).


» Rapport du 13 messidor,

» … Saint-Rémy déclare que, dans l’endroit où il a dîné, qu’il ne spécifie pas, il y a vu des officiers et des chasseurs, et que, par leur conversation, il a remarqué que l’opinion des troupes de ligne est toujours la même. Il ajoute que celles-ci n’aiment point le gouvernement républicain : il en juge par l’aigreur avec laquelle ceux qu’il a entendus blâment tout ce qui s’est fait généralement depuis la Révolution et par la manière dont ils plaignent la famille des Capets. La commission s’occupe des moyens de s’assurer par qui sont tenus les propos rapportés par Saint-Rémy… »


(Aulard. — Recueil de documents pour l’histoire de l’esprit public à Paris, t. II, p. 47.)




N°3

L’opinion de Hoche en 1791.

« Le Roi, en ce mois d’avril 1791, désirait vivement aussi, en bon catholique, apostolique et romain, faire ses Pâques ; mais il se trouvait acculé à cette fatalité : ou de manquer à sa conscience, à sa foi religieuse, en se confessant à un prêtre constitutionnel, à un jureur ; ou de manquer à sa politique ostensible en s’adressant à un prêtre réfractaire. Il sortit du dilemme en lâchant, pour la circonstance, son directeur ordinaire, le curé de Saint-Eustache, qui avait prêté serment, en se confessant à un jésuite qui n’avait pas juré (l’abbé Lenfant) et en recevant la communion des mains du cardinal de Montmorency, ci-devant aumônier de France et non-conformiste. La chose eut lieu dans la chapelle des Tuileries, le dimanche 17 avril.

» Or, un acte aussi solennel n’avait pu se passer sans un certain cérémonial et sans que la garde du château ne vint présenter les armes au moment où le prélat administrait au Roi le pain des anges, sans que La Fayette et Bailly, en bons courtisans, n’assistassent à la cérémonie.

» Malheureusement pour les sycophantes, il se trouva parmi les gardes nationaux du service royal, un homme de cœur que cette conduite indigna au point qu’il laissa échapper sa colère et refusa de présenter les armes au viatique inconstitutionnel, engageant même ses camarades à l’imiter. La nouvelle en courut aussitôt dans Paris, où elle excita un grand émoi : tout ce qu’il y avait de citoyens dans la capitale prit parti contre la communion réfractaire du Roi.

» Nous avons voulu connaître qui était ce brave grenadier que Desmoulins appelle Dupin et d’autres Dupas, lequel fît, le 17 avril 1791, la sortie courageuse et civique qui eut de si mémorables suites.

» Dupas (Pierre-Louis), né à Évian (Savoie), en 1761, après avoir servi la France de 1787 à 1789 dans le régiment de Château-Vieux, qui tenait alors garnison en Corse, entra dans la garde nationale soldée de Paris, dans la compagnie de grenadiers, presque entièrement composée de gardes françaises, qui était attachée à la première division et casernée à l’Estrapade.

» C’est en cette qualité qu’il était de service aux Tuileries, le 17 avril et que sa rude sincérité y fut mise à l’épreuve d’une manière si honorable et si préjudiciable pour lui-même, si grave et si importante pour la chose publique. Car c’est pour lui et à propos de lui que fut rédigée, croyons-nous, la pièce suivante, qui nous paraît être l’épilogue, en ce qui le concerne, de la journée du 17 :


ARRÊTÉ des grenadiers soldés de la 1re division
casernés à l’Estrapade.

» Un arrêté du 5e bataillon de la 1re division (Saint-Louis-en-l’Isle, commandant Boucher d’Argis) tendant à renvoyer de la garde nationale, tout homme coupable de désobéissance aux ordres de ses chefs pour l’exécution de la loi, ayant été envoyé aux grenadiers soldés de la 1re division, qui s’étant assemblés et considérés (sic) qu’ils ne pouvaient, sans s’opposer aux vœux des citoyens, garder parmi eux le nommé Dupas, coupable d’avoir manqué à ses chefs et notamment au général, comme aussi d’avoir apporté et lu à la caserne les plus dégoûtants libelles[2], ont arrêté et lui ont enjoint qu’il ait à se retirer sur-le-champ d’une compagnie qui n’a d’autre volonté que la subordination envers ses chefs qui n’agissent que pour le maintien et l’exécution des lois décrétées par l’Assemblée nationale et sanctionnées par le Roi[3].

» Les grenadiers ont demandé à l’unanimité, que le présent arrêté fut imprimé et envoyé aux 60 bataillons, aux 5 autres compagnies de grenadiers de l’armée, aux chasseurs et à la cavalerie.

» Suivent 112 signatures de sergents-majors, sergents, caporaux et soldats, dont 18 canonniers ; le tout certifié conforme à l’original déposé à la municipalité le 23 avril 1791, et contresigné : Hoche, sergent. »


(Extrait de l’ouvrage du docteur Robinet : Le Mouvement religieux pendant la Révolution, p. 468.)




N° 4

Correspondance échangée entre Frotté et Hoche,
communiquée par Hoche au Directoire
.

Copie de la lettre remise le 27 fructidor (13 septembre 1796) au général Hoche de la part de M. Frotté.

« Nés Français l’un et l’autre, quoique combattant pour divers partis, chacun d’après nos principes, nous ne devons avoir pour but que le bonheur et la gloire de notre patrie ; ni votre parti ni le mien, n’ont pu atteindre ce but, sur le chemin duquel il reste encore de trop grands obstacles à vaincre, pour que vous puissiez être plus ébloui des succès que vous avez eus personnellement que je ne suis abattu de notre situation actuelle.

» De grands intérêts qui ne peuvent être communiqués qu’à vous seul, et sur lesquels je ne dois pas ici même vous donner une idée, m’engagent à vous demander un entretien particulier pour moi et un second moi-même. Près de vous, votre parole d’honneur me suffirait, parce que je crois pouvoir y compter, comme le général Dumesny a pu, sans danger, compter sur la mienne ; mais comme il est important pour le succès de cette démarche, qu’elle ne soit connue que de vous seul ; comme elle intéresse également et peut-être plus votre parti que le mien, je vous demande les pièces nécessaires pour que l’on puisse, deux personnes, traverser une partie de la France pour arriver auprès de vous, ou à un endroit désigné, où vous enverriez un officier de confiance qui vous les conduirait.

» C’est en vain que vous chercheriez à pénétrer l’objet de cette entrevue. Il me suffit de vous dire qu’elle est plus importante que si elle était personnelle à vous et à moi et que je serais fâché que vous puissiez penser que c’est pour vous faire des propositions indignes de vous et de moi. Je vous ai connu, j’ai suivi vos démarches et votre caractère sans prévention, je vous ai jugé n’être pas plus dans le cas de les accepter que je ne le suis de me vendre par intérêt.

» Veuillez vous rappeler, dans les dispositions que vous fixerez, que la discrétion la plus exclusive est nécessaire pour l’entretien que je vous demande et que son résultat peut être de la plus grande importance au bonheur de notre commune patrie.


» Pour copie conforme,
» Le Général Hoche. »

Réponse de Hoche.

« 27 fructidor, 4e année républicaine.

» Quels que soient, Monsieur, les motifs de la demande que vous me faites par votre lettre du 18 août, que je ne cherche pas à pénétrer, je me serais empressé de vous envoyer les passeports qui vous sont nécessaires pour parvenir jusqu’aux lieux où je me trouve, si je n’étais assuré par les lettres que vous adressâtes, le 2 août dernier, au vicomte de Chambray, maintenant dans les prisons de Caen, que vous n’habitez pas la France et que mes passeports vous sont absolument inutiles pour quitter Southampton.

» Il n’est si grand intérêt, Monsieur, qu’on ne puisse traiter par écrit. Bien que je ne vois pas comment vous pouvez être utile à la République, ni comment, avec des sentiments si diamétralement opposés, nous pourrions jamais concourir ensemble au retour de l’ordre intérieur, j’aurais été satisfait de pouvoir vous convaincre de vive voix de l’inutilité de vos efforts pour rallumer la guerre. Votre éloignement ne le permet pas. Veuillez donc me faire connaître par écrit quels sont vos projets et croire que je les seconderai s’ils tendent à consolider le gouvernement républicain actuel. Moi seul aurai connaissance de ce que vous voudrez bien me faire parvenir.


» Pour copie conforme,
» Signé : Hoche. »

Le projet dont Frotté voulait entretenir Hoche, consistait, — cela résulte de toute la correspondance de Frotté à cette époque, — à offrir à Hoche le titre de maréchal de France, pour se faire le principal fauteur d’un mouvement tendant à la restauration monarchique. Il ne paraît pas douteux que Hoche ait su, ou deviné en gros, de quoi il s’agissait, et il semble bien que sa réponse indiquait quelques dispositions à entrer en pourparlers. C’est ainsi, du reste, que Frotté n’hésita pas à l’interpréter.

M. de La Sicotière, qui a publié ces deux documents, exprime l’opinion que Frotté « s’exagérait peut-être la portée de cette lettre en y voyant une sorte d’acquiescement à ses vues » ; mais il est évident que les panégyristes républicains de Hoche l’ont interprétée comme Frotté lui-même, car ils ont usé de réticence au sujet de ces documents. Ni Savary, ni Rousselin ne citent ces deux lettres intéressantes ; Rousselin donne seulement la lettre faisant part au Directoire de cet incident ; laquelle, détachée des deux autres, prend une signification très différente ; Savary, plus prudent encore, en donne seulement une analyse. C’est ainsi qu’on s’efforce de sauver la légende de Hoche républicain.




N° 5

Extrait de lettres d’un bourgeois nantais.
(Publiées par la Revue rétrospective, 16 mars 1903.)

« 21 frimaire (11 déc. 1794).

» Tout se dispose à nous faire espérer, sous peu, le retour de la paix dans notre pays ; la sœur de Charette, qui était détenue icy, est partie avant-hier dans une voiture à quatre chevaux, pour se rendre auprès de lui, à Segré, huit lieues d’icy. Elle luy porte la proclamation et le décret de la Convention pour l’amnistie, et on espère qu’elle fera un bon effet auprès de son frère et que, sous peu de jours, on verra des colonnes de brigands venir se rendre et apporter icy leurs armes. La sœur de Charette est accompagnée dans son voyage, par la veuve Gasnier, l’Amériquaine, et par deux particuliers d’icy, les citoyens Bureau et Geslin fils. On les attend ce jour, de retour ; on espère tout de la réussite de ce voyage, et que tout notre pays va rentrer dans l’ordre…

» … La voiture est revenue ce matin, vuide ; elle n’a pu passer au pont Jame, à 5 heures d’icy, qui est rompu et ceux qui étaient dedans sont restés à Boué, près le pont Jame, où ils attendent Charette. On dit qu’ils ont été bien reçus des autres chefs qu’ils ont trouvés… »

« 25 frimaire (15 déc.).

» Nos voyageurs dans la Vendée y sont toujours et on ne sçait encore ce qu’ils ont fait ny quand ils reviendront, mais on espère beaucoup qu’ils réussiront. Charette étoit à dix lieues plus loin de l’endroit où ils sont restés ; ils ont été bien reçus partout où ils ont passés ; il faut espérer que nous verrons bientôt la fin de la guerre… »


« 5 nivôse (25 déc.).

» … La sœur de Charette, insi que notre parante, sont de retour de leurs missions ; il paraît que les chosse tourne à bin pour la paix. Il nous vien tous les jours, des Vendéens (car il n’est pas permis de les appeler brigans) en députation, et nous espérons que sous peu nous aurons la paix avec eux…

» Nous avons toujours deux comisère chez Charette[4]… »




N° 6

Lettre de Puisaye à Canclaux.

« 4 octobre 1794.

» Celui qui m’a donné les premiers exemples de probité, d’honneur et de vertu, n’est point un homme égaré par une fausse ambition, assez vil pour lui sacrifier ce qu’il a de plus cher.

» Mon cher Canclaux, je vous ai suivi depuis le commencement de la Révolution, j’ai vu les circonstances qui vous ont entraîné, j’ai senti la difficulté de votre position, et je devine vos sentiments et cette contrainte intérieure qui fait gémir mon vertueux ami, du rôle que la nécessité lui a assigné.

» Jugez, par la démarche loyale et franche que je fais aujourd’hui, à quel point je suis sûr de votre honneur et que je ne suis pas de ces hommes dont les apparences décident les jugements et déterminent l’estime. J’attends de vous la même franchise et la même amitié.

» Mon cher Canclaux, vous souffrez de votre position : j’ai les moyens de vous en tirer et des moyens puissants ; fiez-vous à celui qui fut longtemps votre ami, et qui l’est encore. Vous en sortirez avec gloire. Je n’entrerai avec vous dans aucune discussion politique : les faits parlent assez. Voulez-vous être Monck ou Custine, Pichegru ou Canclaux, l’ami de votre Roi, de vos Princes, de tant de malheureuses victimes de la plus atroce des révolutions, ou leur assassin ?

» Je sais qu’il n’est point de moyen de vous séduire, et il est au-dessous de moi de chercher à séduire personne, mais il en est de seconder les desseins généreux que votre cœur, qui m’est connu, n’a pas manqué de former : et c’est moi que le ciel vous envoie pour cela.

» Si Madame de Canclaux vivait, si la mère de votre fille, cette femme que vous idolâtriez et sur laquelle je vous ai vu répandre tant de larmes, pouvait être témoin de tout ce qui se passe ! Mon ami, elle vous voit ; son nom a parlé à votre cœur, et vous désirez de vous montrer digne d’elle.

» Je suis autorisé à vous garantir toutes les conditions que vous jugerez nécessaires pour replacer votre Roi sur le trône de son malheureux père. Je mettrai sous vos yeux des preuves non équivoques de la confiance sans bornes dont m’honorent les parties intéressées ; et les moyens immenses que j’ai entre les mains seront à votre disposition. C’est vous en dire assez. Je ne vous parle pas des honneurs qui vous sont assurés, encore moins de la fortune. Ce moyen n’est fait ni pour vous, ni pour moi ; mais les grades, l’or, les dignités, etc., etc., vous les distribuerez à ceux qui serviront leur pays et leur Roi, et l’Europe entière sera votre garantie.

» Mon ami, faites une chose digne de nous deux. Livrez-vous à moi, je me livrerai à vous. Faites-moi dire que vous consentez à me voir : j’irai seul et sans armes, au lieu que vous ou moi aurons indiqué. J’ai tous les moyens d’assurer le secret. Hélas ! j’en ai plus que vous, dans ce malheureux pays dont les usurpateurs vous commandent de tyranniser les vertueux habitants.

» Un seul mot et le baron de Cormatin, Maréchal de camp, se rendra auprès de vous. Une absence de près d’un mois encore, ne me permet pas de vous voir aussitôt. Comptez sur la loyauté de cet officier. Tout ce qu’il vous dira, je le confirme d’avance. Préparez les choses avec lui. J’agirai en conséquence du compte qu’il me rendra, et j’agirai efficacement. Comptez sur la plus grande latitude de moyens, et soyez assuré qu’il ne s’est encore jamais présenté à personne une occasion aussi grande, aussi heureuse que celle qui vous est offerte.

» Quoique vous connaissiez mon écriture, je ne mets point de mesure avec vous et je signe cette lettre. Je vous livre le secret de ma vie, je serais heureux de la perdre à côté de vous, pour mon Roi ; je la regretterais peut-être en combattant contre vous.

» Adieu, mon cher Canclaux, je ne doute pas que je ne sois toujours votre ami. »


Mémoires de Puisaye, Londres, 1803, t. 3, p. 440 et suiv.



N° 7

Les articles secrets de La Jaunaye.

Extrait des notes inédites de Boursault.

«  En se taisant sur l’article secret relatif au jeune fils de Louis XVI et à sa sœur, par lequel il était formellement promis, au nom de la Convention, de les rendre aux Brigands à une époque fixée, les négociateurs de la République avaient espéré que l’on pourrait retarder la remise des enfants. Ils avaient promis d’amener Charette à signer la paix : ce fut pour eux une espèce de point d’honneur ; ils s’engagèrent à tout ce qu’il demanda. Le 6 janvier, on avait vu des officiers et même des représentants boire avec les Vendéens, à la fête des Rois. La République était forcée de conclure la paix ; elle crut devoir laisser sciemment tromper ses ennemis. Je refusai d’assister aux conférences de La Jaunaye et à celle de La Mabilais, par le motif que c’était petitement agir envers des hommes égarés sans doute, mais qui avaient de la loyauté et de l’honneur. En ce temps-là, Charette eut demandé l’abolition de la République, qu’en serrant un peu le bouton, il aurait obtenu l’objet de sa demande. L’article concernant Louis XVII et sa remise aux envoyés de Charette a existé séparément. Le traité en huit articles qui promet le rétablissement de la Monarchie est vrai dans tous ses points. On l’a nié depuis ; mais je sais que Cambacérès l’a donné en original à Bonaparte et je n’ai pas été surpris de le trouver dans les Mémoires de ce dernier. J’en ai moi-même une copie que j’ai faite à Nantes et que, deux mois après, Hoche, à son quartier général de Rennes, n’a jamais voulu croire. Le Comité de salut public et la Convention n’auraient jamais sans doute ratifié de pareils engagements. Mieux valait alors suivre mon idée et ne pas les prendre : car qui sait si on n’a pas été obligé de sortir par un crime de cette fâcheuse situation. »


Cité par Crétineau-Joly et R. P. Drochon, La Vendée militaire, t. 2, p. 339.



N° 8

Correspondance entre Mme Atkyns et Frotté.
(Rectification du R. P. Delaporte.)

Voici ce qu’écrivait le R. P. Delaporte, dans les Études religieuses (n° d’oct. 93, p. 251) :


« Comme le dit fort justement M. de La Sicotière, c’est sans raison aucune et contre toutes les données sérieuses de l’histoire, qu’on a prétendu mêler le nom du comte de Frotté et celui de Mme Atkyns, aux aventures des vingt-cinq ou trente faux Louis XVII, surtout à celles de Richemont, de Naundorff et d’Augustin Mèves. Le docte sénateur établit, pièces en main, combien il est déraisonnable d’étayer sur d’aussi branlants appuis la « ridicule légende de la délivrance de Louis XVII, qu’ont exploitée tant de fous et d’escrocs et qui compte encore quelques croyants. »


Si l’on n’avait la triste expérience de ce que peut le parti pris sur l’esprit et la conscience d’hommes naturellement droits et honnêtes, on resterait confondu à la pensée qu’un écrivain du caractère du R. P. Delaporte ait senti le besoin de contresigner une telle appréciation, au moment même où il publiait des pièces d’une correspondance où il avait lu des lignes comportant si manifestement une interprétation contraire. Mais on doit s’incliner avec respect devant cet exemple bien rare d’un aveu spontané comme celui qui se trouve dans la lettre suivante :

« À M. le Directeur de La Légitimité, à Bordeaux.

   » M. le Directeur de La Légitimité,

» Je ne sais s’il vous souvient de mon nom, qui fut jadis cité dans votre journal et pas tout à fait à mon avantage.

» Quoi qu’il en soit, je crois devoir porter à votre connaissance, deux ou trois trouvailles qu’il m’est arrivé de faire dans une liasse de papiers ayant appartenu à Mme Atkyns, cette généreuse anglaise qui travailla au salut de Marie-Antoinette et du Dauphin.

» J’avais puisé dans cette liasse, pour une publication de la revue des Études, en octobre 1893. J’ai dû remettre ces papiers à la personne qui me les a prêtés, et je ne les ai pas sous les yeux au moment où je vous écris. Mais je garantis le sens de ces deux ou trois trouvailles, qui peuvent avoir pour vous un certain intérêt.

» 1° Dans une lettre de M. de Frotté, écrite à la fin de 1794, j’ai lu une phrase (trois lignes environ) disant à Mme Atkyns qu’elle (Mme Atkyns) a fait sortir le Dauphin de prison ;

» 2° Au même propos, je crois, M. de Frotté, écrivant de Jersey à la même correspondante, le 1er février 1795, déclare avoir reçu de France les meilleures nouvelles, mais qu’il n’a pas eu des détails.

» (Cette lettre a été publiée dans les Études, 15 octobre 1893.)

» 3° Dans la même liasse, j’ai vu une lettre assez banale, de fine écriture très régulière, signée : Louis. L’auteur de cette lettre dit à Mme Atkyns qu’il lui est reconnaissant de ce qu’elle a fait pour lui et qu’il « prie Dieu de l’avoir en sa sainte et digne garde ».

» Point de date, ni de timbre, ni d’autres références.

» Ces renseignements peuvent-ils vous être agréables et de quelque lumière ?

» Je l’ignore, mais il m’a paru loyal de vous les signaler.

» Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués.


» P.-V. Delaporte. »



N° 9

Arrêté relatif à la fabrication de faux assignats.

   « De par le Roi,

» Extrait de l’arrêté du Conseil militaire de l’Armée catholique et royale de Bretagne, du 20 novembre 1794.

» Le Conseil militaire de l’Armée catholique et royale de Bretagne, autorisé par Monseigneur Comte d’Artois, lieutenant général du royaume, en vertu des pouvoirs à lui confiés par Monsieur, Régent de France, pénétré de la nécessité de pourvoir d’une manière efficace et invariable aux frais immenses qu’exigent l’équipement, armement, habillement, subsistance, solde, etc., des hommes qui se réunissent en foule sous les drapeaux de la Religion et du Roi, et voulant assurer, tant à ceux qui feront triompher une si belle cause qu’aux pères, mères, femmes et enfants de ceux qu’une mort glorieuse ou des blessures empêcheraient de subvenir à leurs besoins, des moyens de subsister, indépendants de tous les événements qui pourraient survenir.

» Considérant que la création d’un papier-monnaie légitimement émis, et dont le remboursement soit assuré, est le plus sûr moyen d’y parvenir ;

» Qu’au Souverain légitime seul appartient de mettre une telle monnaie en circulation ; que durant la minorité du Roi, l’exercice de la souveraineté est entre les mains des Princes français, dont il a reçu l’autorisation ;

» Que néanmoins, dans la crise terrible qui agite la France, la confiance des peuples étant trompée ou forcée, un papier-monnaie qui ne porterait pas tous les signes apparents d’une ressemblance parfaite avec celui que les rebelles répandent avec tant de profusion pour soudoyer des crimes, envahir des propriétés et prolonger la durée de leur usurpation, n’atteindrait pas le but qu’il se propose et exposerait les fidèles sujets du Roi, qui s’empresseraient de le recevoir, à de nouvelles vexations, à de nouveaux supplices ;


   » Arrête :

Article premier

» Il sera établi une manufacture d’assignats, en tout semblables à ceux qui ont été émis, ou qui le seront par la suite par la soi-disant Convention des rebelles. Ces assignats porteront un caractère secret de reconnaissance pour que le remboursement en soit fait à bureau ouvert, aussitôt que les circonstances le permettront.

» Tous les fidèles sujets du Roi, porteurs du papier-monnaie des rebelles, seront admis à en faire l’échange contre ces assignats, en affirmant que les sommes qu’ils porteront en échange, leur appartiennent véritablement.


Art. 2

» La manufacture autorisée par Leurs Altesses Royales, Monsieur et Mgr le comte d’Artois, sera de ce jour exclusivement employée au service de l’Armée catholique et royale. Les assignats qui y seront fabriqués seront à fur et à mesure, et sans aucune réserve, versés entre les mains des commissaires du Conseil militaire et déposés par eux au trésor de l’armée[5]


Art. 3

» La quantité d’assignats que produira cette fabrication, devant excéder la proportion des besoins journaliers de l’armée, le surplus formera une caisse particulière, destinée à venir au secours des parents de ceux des royalistes qui auront péri dans le cours de la guerre, et à conserver des capitaux au profit de ceux qui survivront.


Art. 4

» N’importe quel ait été l’issue de la guerre, ces capitaux seront répartis entre tous les membres des armées catholiques et royales, ou leurs héritiers, dans la proportion qui sera réglée par le Conseil.

» Fait et arrêté le 20 septembre 1794, l’an II du règne de Louis XVII.

» (Signé :) Le comte Joseph de Puisaye, lieutenant général des armées du roi, général en chef ; le chevalier de Tinténiac, maréchal de camp ; le baron de Cormatin, major général, maréchal de camp ; le chevalier de Chantreau, lieutenant-colonel, aide-major général ; Le Roy, colonel, aide-major général.

» Par le Conseil,


» (Signé :) Perschais. »



N° 10

Prétendue abdication de Louis XVIII.

« Paris 19 ventôse. — On publiait hier dans certaines sociétés, une assez drôle de nouvelle. Louis XVIII, disait-on, ou le roi de Vérone, s’est démis de son droit au trône de France en faveur du comte d’Artois son frère ; mais celui-ci, craignant de ne pouvoir jamais être agréable aux Français, en a fait cession au duc d’Angoulême, son fils, en lui faisant épouser la jeune princesse, fille de Louis XVI ; mais l’empereur n’ayant pas voulu consentir à cet arrangement, la couronne reste errante, en attendant que saint Rémi vienne la poser sur quelque nouvelle tête royale. » (Extrait du Courrier républicain.)


(Anti-terroriste (de Toulouse), 19 mars 96 — 29 ventôse.)

Étant donné le temps nécessaire pour que le secret transpire et pour qu’il soit ensuite transmis d’Allemagne à Paris, la coïncidence de ce bruit avec le moment où Madame Royale prit le deuil à Vienne, est frappante.

Il faut sans aucun doute voir là un indice de quelque intrigue du comte de Provence, à l’effet de vaincre les derniers scrupules de sa nièce, par un appât offert à son ambition.




N° 11

La sommation de Belle-Isle.
A
Journal des Hommes libres de tous les pays
ou Le Républicain
N° 36
Primedi 21 messidor, 3e année républicaine.

Sommation faite au commandant de Belle-Isle, de se rendre à Louis XVII. Réponse républicaine de ce commandant. Détails à ce sujet…

Voici l’extrait d’une lettre de Belle-Île, en date du 9 messidor :

« L’escadre anglaise est mouillée à deux lieues de Belle-Isle. Hier 8, le général qui commande cette escadre, envoya ici un parlementaire pour nous sommer de nous rendre et de reconnaître Louis XVII pour notre roi. L’officier anglais, chargé de cette mission, descendit à terre et fut conduit chez le général Boucret, qui commande cette isle, et nous dit qu’on leur avait rapporté que nous n’avions que pour deux jours de vivres, et qu’il était chargé, de la part du Roi son maître, d’engager notre général de rendre l’isle, qu’il serait bien récompensé et que le Roi lui donnerait une place honorable. Le général Boucret répondit par écrit à cet officier, qu’il avait juré de mourir républicain, qu’il commandait des hommes qui, comme lui, avaient fait ce serment et que tous mourraient à leur poste avant que les esclaves anglais eussent Belle-Isle en leur possession, et qu’il eût de suite à rapporter sa réponse au Roi son maître.

» Nous attendons actuellement la suite de cette réponse, nous sommes tous disposés à nous défendre jusqu’à la dernière extrémité. »




Journal des Hommes libres de tous les pays
ou Le Républicain

« Nos lecteurs nous sauront sans doute gré de leur donner ici une copie authentique de la sommation du commandant de la flotte anglaise au commandant de Belle-Isle et la réponse de ce dernier. Ils y verront la moelleuse arrogance de l’un et la mâle simplicité de l’autre. (Voyez, n° 36.) »

Copie de la traduction de la lettre du commodore Ellison au commandant en chef de Belle-Isle.

« À bord de l’Étendard, en rade de Belle-Isle,
le 26 juin 1795,

   » Monsieur,

» Vous ne devez pas être surpris de mon arrivée dans cette rade avec une escadre de Sa Majesté Britannique, si vous êtes informé, comme je n’en doute pas, de l’importante victoire obtenue, le 23 de ce mois, par notre flotte sur celle de la Convention française, et des secours puissants que mon roi a fournis à l’armée royale de Bretagne. Envoyé ici pour intercepter tout communication entre l’isle où vous commandez et le continent et pour vous offrir la protection de Sa Majesté Britannique, j’espère être assez heureux pour rendre aux habitants de Belle-Isle, la tranquillité qu’ils doivent désirer et leur fournir les moyens de subsistance dont ils ont besoin. Je ne veux pas vous sommer de vous rendre aux armes victorieuses de l’Angleterre, je viens vous proposer de reconnaître votre roi Louis XVII, vous offrir l’alliance et la protection de la Grande-Bretagne, et vous engager à mettre au moins dans l’isle où vous commandez, un terme aux calamités affreuses qui dévorent votre patrie. L’épuisement des ressources de la Convention, suite naturelle de l’abus qu’elle en a fait, le soulèvement des royalistes dans toutes les parties du royaume, et particulièrement en Bretagne, contre le pouvoir oppressif et usurpé de la Convention ; l’armée, uniquement composée de troupes françaises, qui a été débarquée sous vos yeux, pour se joindre aux royalistes, avec des munitions de toute espèce, la victoire récente qui a presque achevé la destruction des forces navales républicaines, dont les débris sont bloqués dans la rade de Lorient, par des forces très supérieures, toutes ces considérations doivent vous porter à ne pas prolonger les calamités de la guerre dans votre isle.

» Ne craignez pas, Monsieur, que Belle-Isle soit soumis à une puissance étrangère, Belle-Isle ne doit se rendre qu’à son souverain légitime, Belle-Isle ne doit recevoir que des troupes françaises et être principalement sous la garde de ses habitants ; et mon Roi, dans sa générosité sans bornes, leur assure les moyens de subsistance en son pouvoir et leur assurera sa protection.

» Vous pouvez compter, Monsieur, sur toute récompense de la part de votre Roi et du mien, ainsi que les officiers et les troupes sous vos ordres et les habitants loyaux qui se détermineront à reconnaître l’autorité royale.

» J’ai à mon bord, deux commissaires français qui sont munis des pouvoirs du commandant en chef de l’armée des royalistes, pour traiter, de concert avec moi, tout ce qui peut être relatif, tant au bien général de votre ville qu’aux intérêts des particuliers, et je suis autorisé à vous annoncer que le commandant en chef des forces navales ratifiera tous les articles qui pourront être réglés entre nous.

» La personne que vous jugerez à propos de m’envoyer, sera reçue avec tous les égards possibles et j’ai lieu d’attendre que vous voudrez bien faire recevoir de la même manière, l’officier qui a l’honneur de vous remettre cette lettre.

» J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.


» (Signé :) Ellison, colonel-commandant. »

Réponse du général Boucret.

« Au quartier général, à Belle-Isle-en-Mer,
le 8 messidor, troisième année républicaine.

   » Monsieur,

» Nous n’avons besoin de la protection, ni des vivres du Roi votre maître ; il ne tiendra qu’à vous de vous en convaincre. Vivre libre ou mourir en défendant la république une et indivisible, sous les ordres de la Convention, voilà mon vœu, c’est celui de tous les braves républicains que je commande.

» Salut.


» (Signé :) Boucret. »

B
Sommation du Commodore Ellison.
(Texte donné par Crétineau-Joly et R. P. Drochon, dans
La Vendée militaire.)

« 26 juin 1795.
» À bord du Standard, rade de Belle-Isle.

   » Monsieur,

» Mon arrivée dans cette rade, avec une escadre de Sa Majesté Britannique, ne sera pas pour vous une surprise, si vous savez les détails, — ce qui est presque hors de doute, — de la victoire importante gagnée par notre marine sur la marine de la Convention française, le 23 de ce mois et du grand secours que le Roi a donné à l’armée royaliste en Bretagne. On m’a envoyé ici afin de supprimer toute communication entre votre île et la terre ferme, et de vous offrir la protection de Sa Majesté Britannique. J’espère que je serai assez heureux pour rendre aux habitants de Belle-Isle cette paix tant désirée et trouver pour eux, les moyens de vivre, et dont ils ont, en ce moment-ci, tant besoin. Je ne suis pas venu pour vous faire rendre vos armes aux forces victorieuses de la Grande-Bretagne, mais pour vous faire reconnaître votre propre Roi Louis XVIII, pour vous offrir l’alliance et la protection britanniques et mettre fin, au moins dans cette île qui est sous vos ordres, aux terribles malheurs qui désolent votre pays. L’épuisement des ressources de la Convention, résultat de l’abus qu’elle en a fait, l’insurrection des royalistes dans tous les coins de la France et surtout en Bretagne, contre ce pouvoir oppressif et usurpé de la Convention, cette armée composée de Français qui ont débarqué devant vos yeux, pour se joindre aux royalistes, fournie de munitions de guerre de toute espèce, la dernière victoire dont le résultat est la destruction presque complète de la marine républicaine, le blocus qu’on a fait de ce qui reste dans la baie de Lorient, par une force bien supérieure, tout cela pris en considération, devrait vous persuader de mettre fin aux calamités de la guerre dans votre île ; ne craignez pas, Monsieur, qu’on veuille que votre île se rende à un pouvoir étranger ; au contraire, on ne désire que la reconnaissance de votre Roi légitime, que la réception des soldats français et que votre défense soit entreprise par vos propres habitants. Mon Roi, qui est d’une générosité sans bornes, leur fournira les moyens de subsistance possibles et leur accordera sa protection. Vous pouvez compter, Monsieur, sur les récompenses de votre Roi et du mien, aussi sur les officiers royalistes et les troupes qui sont sous vos ordres, aussi bien que sur les habitants, si vous les décidez à se soumettre à l’autorité royale. J’ai à bord deux commissaires français, qui sont munis des ordres du général de l’armée royaliste, à l’effet de traiter avec moi en tout ce qui concerne votre île et qui touche à vos intérêts d’une manière spéciale, et je dois vous dire que le commandant en chef des forces de la marine fera la ratification de tout ce qui est conforme à nos désirs. Les personnes que vous enverrez auprès de moi seront traitées avec un grand respect et je vous prie, Monsieur de compter sur la même considération pour l’officier qui aura l’honneur de vous remettre cette lettre.

» Je suis, Monsieur, … »


2e Sommation du Commodore Ellison au commandant de Belle-Isle.
(Texte donné par Crétineau-Joly et R. P. Drochon.)

« À bord du Standard, rade de Belle-Isle.
» 16 juillet 1795.

   » Monsieur,

» Persuadé comme je suis, que le message de paix qui se trouve dans la lettre que mon premier lieutenant, M. Buller, vous a remise le 21 juin, aurait dû vous déterminer, dans votre propre intérêt, en faveur de votre souverain, et aussi vous faire accepter la protection et le secours de mon Roi, j’ai tardé jusqu’ici à mettre à exécution les ordres rigoureux que j’ai reçus concernant le blocus de Belle-Isle. Aussi ai-je permis, par pure bonté pour les habitants, qu’ils reçoivent leurs provisions et qu’ils continuent la pêche qui est leur principale ressource. Mais votre manque de considération envers moi m’oblige de changer entièrement ma manière d’agir avec vous. Je vous répète encore une fois que mon Roi et le vôtre attendent votre soumission avec patience, et ils espèrent que vous voudrez bien renoncer aux principes qui ont amené tant de malheurs sur la France et qui ont troublé, agité l’Europe depuis trop longtemps. De plus, les explications et les raisons de ma dernière lettre, les sentiments d’un loyal Français et les événements de ces derniers jours devraient vous décider.

» Monsieur, le frère de Louis XVI, héritier au trône, a ressaisi le sceptre que les factions avaient brisé. Il a été légalement reconnu comme roi de France sous le titre de Louis XVIII, par l’Angleterre et par toutes les autres puissances coalisées contre votre malheureux pays ou plutôt contre ceux qui l’ont désolé pendant cinq ans. Le général Charette a déjà repris les armes et il a obtenu quelques succès importants ; les royalistes de la Bretagne, à qui nous avons donné des armes, menacent d’une destruction entière les quelques troupes républicaines qui peuvent leur être opposées dans cette province. Un débarquement a été effectué près de Brican. La Normandie, en prenant les armes, exprime le désir de presque toute la nation, de retrouver son Roi. Nous sommes déjà en possession de l’importante presqu’île de Quiberon, dont la garnison, qui s’est livrée de sa propre volonté, a reçu de ses adversaires un accueil inespéré ; aussi la plupart se sont enrôlés avec les royalistes. De tels événements devraient vous décider, si même ils ne vous engageaient pas à les prévenir. La destruction de la marine française, l’augmentation de notre flotte depuis sa victoire et les grands renforts de troupes qu’on attend pour augmenter celles qui viennent d’arriver, l’impossibilité de tout secours par mer, tout cela doit vous porter à la considération sérieuse des malheurs qu’une longue résistance pourra amener dans votre pays et dont vous serez, Messieurs, responsables aux généraux royalistes de l’armée anglaise aussi bien qu’à la municipalité, si vous nous obligez à vous réduire. Le roi vous envoie, dans ma lettre, quelques copies du « manifeste » du général en chef des royalistes, ce qui devrait vous convaincre de la loyauté de ses desseins et combien il désire concilier tous les intérêts. Adressez-vous aux commissaires royalistes que j’aie à bord (en cas de soumission) ; ils vous confirmeront toutes les promesses de cette déclaration. D’abord nous sommes autorisés :

» 1° À ne rien changer à l’égard des grades et de la solde des officiers et soldats de votre garnison qui voudraient bien s’unir à l’armée royaliste ;

» 2° À faciliter les moyens de vivre en pays étranger à ceux qui redoutent les vengeances (ce que les royalistes n’approuvent pas) et qui seraient exposés, dans leur propre pays, à une inquiétude continuelle ;

» 3° À permettre à ceux qui le désirent, le retour dans leurs familles et qui cherchent la tranquillité qu’ils y trouveront ;

» 4° À récompenser largement ceux dont l’influence sera encore un bienfait pour leur pays.

» Réfléchissez bien à ces avantages, Monsieur, et soyez persuadé que vous en serez privé par une plus longue résistance. Aidez-moi dans mon désir ardent de contribuer au bonheur des habitants de l’île où vous commandez. J’ai donné ordre à M. Buller de ne pas accepter de vous une réponse à cette lettre, parce que je désire que l’officier que vous enverrez reçoive la même considération qu’a reçu mon premier lieutenant.

» J’ai l’honneur, Monsieur, … »




N° 12

Lettre donnée par Puisaye comme ayant été écrite par lui à Louis XVIII.

Pour ne pas revenir sur cet objet, je copierai la lettre que j’eus l’honneur d’adresser au Roi par le courrier suivant[6].

   « Sire,

» Heureux d’être le premier qui ait proclamé Votre Majesté sur une partie du territoire français, que j’ai conquise en son nom ; heureux d’avoir pu contribuer à la reconnaissance de Votre Majesté, confirmée officiellement par les ordres que je reçois du Gouvernement Britannique, de m’emparer au nom de Votre Majesté des places et des ports où l’armée catholique royale pourra s’établir ; qu’il me soit permis de mettre à vos pieds, Sire, l’hommage de mon dévouement et de celui des troupes dont le bon plaisir de Votre Majesté, exprimé par les autorisations de Monseigneur Comte d’Artois, en vertu des pouvoirs qu’il a reçus d’elle, et la volonté de Sa Majesté Britannique m’ont confié le commandement. Mon unique vœu, Sire, et celui de vos fidèles sujets qui sont sous mes ordres, est de voir bientôt Votre Majesté et son auguste frère à notre tête. Tous nos efforts vont être dirigés vers cet unique but. Notre position est bonne ; les secours que le Gouvernement anglais nous a donnés et ceux qu’il nous promet, nous permettent de tout espérer, comme notre amour et notre zèle pour votre personne sacrée nous porteront à tout entreprendre. Venez, Sire, venez rendre la paix à vos peuples. Votre clémence assurera l’effet des victoires que votre présence nous procurera, et la France, heureuse après tant de maux, sous le règne du digne héritier d’Henri IV, ne se souviendra de ses malheurs que pour chercher à les lui faire oublier.

» Je suis avec le plus profond respect, etc. »


Lettre du duc d’Harcourt à Puisaye.

« Londres, 10 juillet 1795.

» J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 28 juin.

» Recevez mon compliment, qui ne peut être plus sincère, sur vos premiers succès. Ils sont suffisants pour nous en faire espérer la continuation. Les yeux de toute l’Europe sont ouverts sur cette importante entreprise ; et les rebelles, qui en sentent tout le danger, travailleront à votre gloire en vous donnant plus d’obstacles à vaincre, comme le Ministère en ne vous refusant aucun moyen de les lever.

» Je ne doute pas que l’armée et la province, dès qu’elles auront appris la mort de Louis XVII, n’aient proclamé Louis XVIII. Cette acclamation sera du plus grand effet, non seulement pour le royaume, mais pour la politique de toutes les puissances ; parce que le Roi ayant un parti bien prononcé, aucune n’osera traiter avec la prétendue Convention ; puisque Sa Majesté, ayant pris territoire, on ne saurait avec qui entrer en négociation. Cette circonstance décisive ne vous aura pas échappé ; et nous attendons avec une extrême impatience, la nouvelle de l’éclat qu’aura eu cette mesure, qui ne peut trop se promulguer et qui rendra la paix de l’Empire impossible, ce que ce gouvernement désire infiniment.

» Monsieur doit être en mer, si les vents servent son ardeur, pour combattre les ennemis de l’État et rendre aux Français leur souverain, leur religion et la paix.

» Je rendrai un compte exact à Sa Majesté de ce que vous me mandez[7], et vous jugez si elle désire que vous profitiez de toutes occasions pour m’instruire de la situation des affaires, etc.[8].


» (Signé :) Le duc de Harcourt. »



N° 13

Responsabilité de l’évacuation d’Auray.

« Après le refoulement des chouans, le général Hoche avait blâmé ce départ précipité du général Romand et des administrateurs. Il s’était même exprimé, devant le représentant du peuple Blad, dans des termes blessants pour l’Administration du district, en disant « qu’elle ne valait pas le diable ». Le propos fut répété.

» Le 30 messidor an III, les administrateurs adressaient à Blad une lettre de protestation… »


(Closmadeuc, Quiberon, p. 110.)



N° 14

Extraits de diverses lettres de Hoche.

Au représentant Bollet.

« 9 brumaire an 3 (30 oct. 94).

» Les troupes envoyées d’abord pour réprimer les premiers excès, au lieu de calmer les habitants, ont beaucoup contribué au mécontentement. Le pillage, le viol, l’incendie semblèrent être longtemps à l’ordre du jour. Ces abus se sont continués jusqu’au moment où j’écris. Des réclamations ont été faites par les plus paisibles des habitants ; et presque toujours les dépositaires de l’autorité n’en ont fait aucun cas… » (Vie de L. Hoche, par Rousselin, t. 2, p. 94.)


Rapport sur la situation de l’armée de Brest.

« 29 brumaire an 3 (19 nov. 94).

» … S’il est une armée dans laquelle on puisse apercevoir les suites désorganisatrices du choc des révolutions qui a bouleversé nos institutions militaires[9], c’est certainement celle des côtes de Brest. Partout et même au milieu du quartier général, l’on aperçoit le désordre, l’indiscipline et le pillage, fléaux destructeurs de l’harmonie qui doit exister dans une armée bien organisée. Depuis longtemps le peuple de ces contrées a gémi sous le joug militaire : longtemps assez ceux qui s’intitulaient les défenseurs de la patrie par excellence, ont exercé sur leurs malheureux concitoyens, tous les genres de vexation. Il est arrivé le moment où, rentrant dans les justes bornes de leur devoir, les défenseurs de l’État n’en feront plus trembler les citoyens paisibles, et, bientôt la plus austère discipline facilitera sans doute le retour de l’ordre, de l’économie et des mœurs… » (Ibid., t. 2, p. 105.)

Ordre.

« 29 messidor an 3 (17 juillet 95).

» Si quelque chose pouvait ternir la victoire qu’a remportée hier l’armée républicaine, ce serait l’avidité que montrent certains individus à dépouiller les hommes restés sur le champ de bataille. Le malheureux adjudant Dejeu, l’ami du général en chef, a été dépouillé hier, avec autant d’activité qu’on en a mis à arracher aux ennemis les derniers vêtements. Le général prie les personnes qui auraient des effets au général Dejeu, de les lui remettre ; il les payera ce qu’on lui demandera. » (Ibid., p. 191.)


Au Directoire.

« 22 prairial an IV (10 juin 96).

» … Il est impossible de faire espérer à ces hommes[10] une fortune brillante, ils ne peuvent tout au plus que se charger de beaucoup d’or. Quant au mal à faire au gouvernement anglais, on peut s’en rapporter à eux. Chacun sait ce qu’ont produit dans notre propre pays, les viols, les pillages, les assassinats : que sera-ce donc en terre étrangère ? » (Ibid., p. 381.)




N° 15

L’entrevue sur la falaise.

A

« Dans la soirée du 18 juillet, Puisaye alla visiter les avant-postes. Il inspecta les ouvrages du fort, puis s’avança sur la falaise pour reconnaître ceux que le général ennemi ajoutait journellement à la position de Sainte-Barbe. Il était suivi d’une trentaine d’officiers, quand tout à coup il aperçoit à une portée de fusil, des officiers républicains à cheval, escortés par des tirailleurs armés de carabines. Ceux-ci avancent au petit pas derrière les buttes de sable que la mer laisse en se retirant. Déjà ils mettaient en joue l’état-major royaliste, mais leurs propres officiers les empêchent de tirer. L’un d’eux, le capitaine de dragons Lebreton, s’approche en faisant flotter un mouchoir blanc à la pointe de son épée ; un officier général le suit, c’était Humbert. Aussitôt le comte de Marconnay pique des deux et va au-devant de l’officier de dragons ; Puisaye lui crie de rétrograder et, n’étant pas entendu, il ordonne au comte de Contades de se détacher et de le ramener ; mais déjà un pourparler venait de s’engager. Les deux officiers républicains assurent aux deux royalistes que cette guerre sera courte si l’on veut s’entendre ; ils les invitent même à traiter avec le délégué Tallien, qui était à Lorient. On se recommande mutuellement les blessés ; il était même question de l’échange des prisonniers, quand Puisaye, envoyant un nouvel ordre, mit fin à ce pourparler imprudent. Il en résulta l’effet moral que devaient le plus redouter les généraux royalistes. À compter de ce jour, trop d’émigrés conçurent le fatal espoir que toute voie de réconciliation n’était pas fermée ; que la fin de leur exil et la rentrée dans leurs biens pouvaient s’effectuer autrement que par la victoire. » (Beauchamp, Hist. de la Vendée et des Chouans, t. III, p. 501.)


B

« Quelques-uns de nos officiers se sont approchés des redoutes républicaines : il y a eu une conférence. Il paraît que le règne des modérés adoucit beaucoup la frénésie républicaine. Les officiers ennemis qui conféraient avec les nôtres, les ont priés d’avoir grand soin de leurs blessés et leur ont promis que les nôtres seront traités avec tous les égards possibles. Ils ajoutaient qu’il n’était pas impossible de se rapprocher, et que nous devrions traiter avec Tallien, dont l’esprit est conciliant. Il résulte de cette conférence, que les esprits ne sont pas aussi exaltés que l’année dernière ; mais il y a encore loin de l’état des choses actuel au retour sincère et prompt d’un gouvernement sage et monarchique. » (Fantin des Odoards, Hist. de la Révol., vol. VI, p. 340.)




N° 16

Lettre de Hoche au rédacteur du « Journal militaire des Armées de l’Ouest ».

« 16 thermidor an III[11].

» Je vous prie, citoyen, d’insérer en entier, dans la feuille que vous rédigez, la lettre ci-jointe, dont l’original est en mes mains, pour être envoyée à son adresse, à la première occasion ; elle ne saurait être trop répandue. Puisse-t-elle faire rentrer en eux-mêmes des misérables, auxquels il ne restera bientôt plus qu’à suivre l’exemple de Puisaye, ou à se résigner comme Sombreuil ! Mais, d’un autre côté, je dois à l’armée de vous déclarer qu’il y a erreur dans la lettre que je publie : 1° J’étais à la tête des sept cents grenadiers qui prirent M. de Sombreuil et sa division : aucun soldat n’a crié que les émigrés seraient traités comme prisonniers de guerre ; ce que j’aurais démenti sur-le-champ ; 2° Les ennemis firent la sortie le 28 messidor ; et certes, ce jour-là, on avait donné des cartouches aux soldats[12]. Depuis, ils ne brûlèrent plus une amorce. Enfin, ils en manquaient si peu, que nos grenadiers jetèrent les leurs, qui étaient avariées par le mauvais temps, pour prendre celles que les émigrés avaient dans leurs gibernes, et qu’ils jetaient sur le rocher de Portigues[13], au pied duquel six ou sept cents se noyèrent. » (Vie de Hoche, par Rousselin, t. 2, p. 203.)




N° 17

Extrait d’une lettre adressée à Wickham, ministre d’Angleterre à Bâle, par un de ses collègues.

» I think it proper to send you the following Extract of a note I have just received from M. le comte de Hauteville upon this subject : “Lord Grenville s’est aussi expliqué sur les sentiments de votre Ministère à l’égard de la reconnaissance de Monsieur en sa qualité de Roi de France ; son opinion est qu’il ne faudrait point de reconnaissance isolée, mais que toutes les Cours coalisées se concertassent pour la faire ensemble lorsque l’on aurait obtenu qu’un Parti fut formé en France pour proclamer ce nouveau Roi, qui serait ensuite soutenu. »


M. Trevor to M. Wickham. Turin : July 18th. 1795.
(Received 31 st.)
(Correspondence of W. Wickham, vol. Ier, p. 118.)

Cette lettre est du plus haut intérêt ; elle établit incontestablement que le chef du cabinet britannique, lord Grenville, estime que la reconnaissance du comte de Provence comme roi de France doit être ajournée parce qu’il n’y a pas en France de parti disposé à le proclamer.

Elle est intéressante à un autre point de vue. Elle fait ressortir d’une façon frappante l’impudence des agences du comte de Provence. C’est le 18 juillet que M. Trevor fait à Wickham la communication qu’on vient de lire ; et c’est ce même jour que l’agence de Vannes annonçait et publiait la reconnaissance de Louis XVIII par le roi d’Angleterre.


Fin

  1. Ces trois lettres sont tirées de la Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye, etc., chez Buisson, Imp. lib., t. 1er, p. 100 et suiv.
  2. L’Orateur du peuple, peut-être, ou la protestation de Dubois-Crancé contre la prestation de serment des gardes nationaux à La Fayette (note du Dr Robinet).
  3. Il était, il nous semble, difficile de se mettre davantage en contradiction avec la vérité, que les signataires de cet écrit ; car c’était bien, en l’espèce, Dupas qui avait défendu les lois, et La Fayette et le Roi qui les avaient oubliées (note du Dr Robinet).
  4. Toutes ces lettres sont de V. Gasnier jeune. La dernière est de la main de Mme Gasnier « son mary étant malade ».
  5. Puisaye, dans ses Mémoires, t. III, p. 390, ajoute cette mention :
    « Les intervalles qui étaient marqués par des points dans cet extrait que je donne ici, tel qu’il fut rendu public, contenaient quelques dispositions particulières, relatives aux personnes préposées à la fabrication, qui avaient désiré que leurs noms ne fussent pas connus. »
  6. « Cette lettre a eu le même sort que toutes les autres ; elle n’est pas parvenue à Sa Majesté et il ne serait pas en mon pouvoir de la faire connaître si M. Windham n’avait pas eu la bonté de m’en remettre une copie que je lui adressai par la même occasion. » (Note de Puisaye.)
    Cette lettre ne porte pas de date ; Puisaye y supplée par des indications intentionnellement vagues : « le courrier suivant, — la même occasion. » Il est bien évident qu’elle ne fut pas envoyée à l’occasion de la messe du 28 juin, et n’est pas celle que le duc d’Harcourt déclare avoir reçue, portant cette date du 28. D’après le texte donné, on pourrait tout au plus supposer qu’elle fut envoyée après que Sombreuil eut apporté les dépêches en conséquence desquelles on se décide à mettre en avant le nom de Louis XVIII ; — ainsi s’expliquerait l’expression : « le courrier suivant » ; c’est-à-dire le courrier qui suivit celui du 28 juin. Dans tous les cas, il en résulte une preuve nouvelle que Louis XVIII ne fut pas proclamé au moment du débarquement.
  7. « Je n’ai pas laissé partir un seul courrier sans écrire au duc de Harcourt, en même temps qu’aux Ministres. Et plusieurs fois je lui ai adressé des lettres pour le Roi. Cependant Sa Majesté a déclaré, en 1797, qu’elle n’en avait reçu aucune. La probité et l’honneur connus du duc de Harcourt mettent sa mémoire à l’abri de tout soupçon. Est-ce parmi les personnes qui étaient auprès de lui, ou parmi celles qui étaient auprès du Roi, qu’il faut chercher les coupables ? La suite de ces Mémoires pourra fournir quelques données utiles pour résoudre ce problème. » (Note de Puisaye.)
  8. L’et cætera expliquait peut-être pourquoi le Roi ne recevait pas les lettres de Puisaye ; dans tous les cas, on sent un mais indiquant sans doute que Sa Majesté n’était pas entièrement satisfaite de ce qu’on lui mandait sur « la situation des affaires ».
  9. Ces lignes ne sont pas seulement à retenir comme témoignage des excès commis en Vendée et en Bretagne ; elles ont une haute portée comme témoignage de la désorganisation produite dans l’armée par la Révolution, et (ce qui est particulièrement significatif) des regrets de Hoche sur le bouleversement des institutions militaires.
  10. Il s’agit ici des troupes destinées à l’expédition d’Irlande.
    Ces deux lettres montrent ce qu’avaient produit les promesses de 94 pour le rétablissement d’une « austère discipline ».
  11. La lettre de Sombreuil avait été remise à Hoche le 7 thermidor ; Sombreuil avait été fusillé le 9. C’est seulement le 16 que Hoche s’avise de publier la lettre et de protester contre la capitulation : sept jours après la mort de Sombreuil, et sept jours après le revirement de Tallien.
  12. Il est à noter que la division de Sombreuil n’avait pas pris part à l’affaire du 28 messidor (16 juillet) ; par conséquent Hoche met en avant ici un argument dont il est impossible qu’il n’ait pas connu la fausseté.
  13. Port-Haliguen.