Le Nord-Ouest/Manitoba

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Imprimerie du "Canada" (p. 6-54).

MANITOBA

la vallée de la rivière rouge

II


La province de Manitoba est située entre les 49ème et 50.2ème parallèles de latitude septentrionale, et les 96ème et 99ème de longitude occidentale ; c’est-à dire à peu près au centre de l’Amérique Britannique du Nord et à mi-chemin entre les deux océans. Comparé à l’immense étendue du territoire du Nord-Ouest, Manitoba n’est, on le voit, qu’un carré de terre fort rétréci. De fait, sa superficie n’est que d’un peu plus de 9 millions d’acres, et la distance, du nord au sud et de l’est à l’ouest, est de cent et quelques milles.

C’est en 1870 que la province fut définitivement annexée au Canada, et sa population, qui ne comptait alors qu’environ 12,000 âmes, s’est accrue, en dix années, d’une manière étonnante. L’émigration y a afflué, depuis 1876 surtout, et le Far-West est en voie de devenir le déversoir du trop plein des autres pays. On prétend que, l’an dernier, plus de 30,000 personnes ont émigré au Nord-Ouest, ce qui donne une idée de la marche ascendante de la population.

Deux grandes rivières arrosent les plaines de Manitoba ; la plus importante est la rivière Rouge — longue de près de 600 milles — qui prend sa source dans le Minnesota et qui, après avoir traversé la province du sud au nord, se décharge dans le lac Winnipeg, dont une large cornière est aussi enclavée dans la colonie, de même que le lac Manitoba, à l’ouest[1]. Cette route fluviale est navigable sur un parcours de 400 milles et sillonnée, durant la belle saison, par de nombreux bateaux à vapeur.

L’eau de la rivière Rouge est bourbeuse, mais n’a aucune propriété malfaisante. Elle est fort bonne à boire lorsqu’elle passe par le filtre ; en hiver, elle est excellente.

À ce propos, disons que, dans la prairie, l’on manque rarement de trouver de l’eau en creusant des puits.

L’Assiniboine — longue, elle aussi, de 600 milles — coule à l’ouest et est le principal tributaire de la rivière Rouge, avec laquelle elle mêle ses eaux, beaucoup plus limpides, au Fort-Garry.

À plusieurs endroits, la navigation est difficile ; mais en la débarrassant des obstructions qui la gênent, l’on activerait beaucoup le développement de cette belle partie du pays.

Au nombre des cours d’eau moins importants, nous mentionnerons la rivière la Seine, la rivières aux Rats, la rivière au Roseau, à l’est de la rivière Rouge, et la rivière Sale, la rivière aux Gratias et la rivière au Marais, à l’ouest de la rivière Rouge, dont elles sont toutes tributaires.

La capitale de la province — Winnipeg — autrefois Fort-Garry — est sise au confluent des rivières Rouge et Assiniboine. Cette ville, pleine de bruit, d’activité et de mouvement, n’était qu’un village en 1874, décoré pourtant alors du titre plus ambitieux qu’elle porte aujourd’hui. Il lui a suffi de six années, à peine, pour grandir merveilleusement, border ses larges rues de jolis cottages et de superbes magasins qui ne dépareraient pas notre métropole commerciale, ériger un hôtel de ville, un marché public, creuser des égouts, etc.

Nous voyons, en outre, que, déjà, plusieurs compagnies s’organisent pour établir un chemin de fer urbain, ainsi qu’un aqueduc, et pour éclairer la ville au gaz.

Le gouvernement fédéral a fait construire des édifices publics — le bureau de poste, le bureau des terres et la maison de douane — qui contribuent à l’embellissement des rues.

Les révérendes sœurs des Saints Noms de Jésus et Marie y dirigent un pensionnat avec toute l’habileté que l’on reconnaît à cette communauté religieuse.

Il a été constaté que Winnipeg — dont la population est évaluée à plus de 10,000 âmes — avait progressé plus rapidement que Chicago, la reine de l’Ouest.

En face de Winnipeg, du côté Est de la rivière Rouge, se dresse le joli village de Saint Boniface, peuplé en grande partie de Canadiens-français.

Sa Grandeur Mgr . Taché, écrivant en 1868, disait que la Rivière-Rouge était un pays de locomotion sans locomotive. Aujourd’hui, la vapeur fait rouler les convois sur la propriété même de l’archevêché, en arrière du village, terminus actuel de l’embranchement de Pembina, relié aux chemins de fer américains. Les temps sont changés, et ce que prédisait un voyageur, parlant, il y a quelques années, de la Saskatchewan, s’est réalisé, du moins pour la vallée de la Rivière-Rouge. « Peut-être, s’écriait-il, entendra-t-on dans les plaines de la Saskatchewan le sifflet de la locomotive ; peut-être l’hospitalière demeure de M. Christie sera-t-elle un jour une station de chemin de fer, et quelque métis de la Rivière Rouge, en uniforme de chef de gare, délivrera-t-il au sauvage stupéfait des billets d’aller et retour. »

Saint-Boniface, siège archiépiscopal, possède une belle église — la cathédrale — un collège classique tenu sur un excellent pied, un pensionnat pour les jeunes filles et un hôpital sous la direction des révérendes sœurs Grises de la Charité.

Bientôt, ce village sera relié à Winnipeg par un et peut être par deux ponts, le premier à la Pointe-Douglas, et l’autre en face de l’avenue Provencher, où aboutit la nouvelle voie ferrée.

Nous allions oublier de dire que nombre de journaux se publient dans la province : nous mentionnerons le Free Press et la Tribune, de Winnipeg, et le Métis, organe français, de Saint-Boniface.


politique


L’émigrant, avant de partir, ne se préoccupe pas seulement des avantages matériels que pourrait lui offrir le pays où il ira se fixer. Il aime à se renseigner aussi sur les institutions politiques et religieuses de la société au milieu de laquelle il devra vivre.

C’est pour satisfaire à ce désir légitime que nous allons donner, au point de vue dont il s’agit, des renseignements précis sur la situation à Manitoba. Le lecteur sera mieux disposé à entendre parler ensuite de la richesse incomparable du sol, et de tout ce qui peut lui donner, avec le travail, l’aisance ou la fortune.

Les institutions politiques de Manitoba sont à peu près les mêmes que celles des autres provinces ; on y jouit du gouvernement responsable dans toute sa plénitude. Il y a vingt-quatre circonscriptions électorales qui élisent autant de membres à l’Assemblée législative, et l’exécutif se compose d’un lieutenant-gouverneur, d’un secrétaire, d’un trésorier, d’un procureur-général, d’un commissaire des travaux publics et d’un ministre de l’agriculture qui remplit d’ordinaire les fonctions de président du Conseil.

Nous sommes représentés dans le cabinet, et l’Acte de Manitoba consacre l’usage de notre langue dans la législature et devant les tribunaux, qui sont présidés par trois magistrats dont l’un, l’honorable M. Joseph Dubuc, appartient à notre nationalité. Les lois sont aussi publiées en français.

Enfin, Manitoba envoie quatre députés au parlement fédéral, outre deux sénateurs.


religion


Les missionnaires de l’évangile avaient déjà parcouru depuis longtemps les plaines et les forêts de l’ouest, lorsque le pays fut annexé au Canada, en 1870. Il n’est donc pas étonnant que l’organisation paroissiale soit à peu près complète à Manitoba, et que l’œuvre des missions soit également bien conduite. Sa Grandeur Mgr  Taché ne néglige rien dans l’intérêt spirituel de ceux que la Providence a confiés à sa garde vigilante, et il a su grouper autour de lui de fervents disciples qui s’inspirent du dévouement tout apostolique de leur vénérable pasteur. Nos compatriotes sont donc certains, en arrivant à Manitoba, de pouvoir pratiquer leur religion, et d’élever ainsi leurs enfants d’une manière chrétienne.


éducation


Le système scolaire est calqué sur celui de la province de Québec, c’est-à-dire que les catholiques ont le contrôle absolu, la direction complète de leur enseignement, et que les protestants possèdent les mêmes droits, les mêmes privilèges. Il y a un conseil général qui s’occupe des intérêts généraux de l’éducation, sans avoir le droit, cependant, de rien changer dans les principes bien définis de la loi, ni de modifier les règlements des deux conseils particuliers — catholique et protestant — dont il se compose. En un mot, nos coreligionnaires sont protégés dans ce qu’ils ont de plus cher — l’éducation de leurs enfants d’après la morale et les préceptes de l’Église. Toutes les écoles sont subventionnées par le gouvernement, et l’on se hâte d’en établir partout où se trouve un groupe assez nombreux pour les maintenir ; car les parents ont à payer, dans ce but, une légère taxe annuelle. Deux surintendants sont chargés de veiller au fonctionnement du système, qui est, du reste, fort bien organisé.

À Saint-Boniface, il existe, comme nous l’avons déjà dit, un excellent collège classique, fondé il y a plusieurs années déjà et affilié à l’université de Manitoba, ainsi qu’un pensionnat pour les jeunes filles. Il y a aussi des couvents à Winnipeg et à Saint-Norbert.

Au point de vue de l’éducation, nos compatriotes de Manitoba sont donc plus favorisés que ceux des États-Unis, où l’État ne reconnaît et ne subventionne que les écoles communes.


système postal


Le système postal vient d’être réorganisé dans tout le Nord-Ouest, où l’on compte maintenant près de 130 bureaux de poste,


salubrité du climat


Le climat est des plus salubres, ce qui s’explique, surtout, par l’absence d’humidité dans l’air.

En été, la chaleur est intense et les nuits toujours fraîches. En hiver, le froid devient excessivement vif, sans néanmoins incommoder trop. La sécheresse de l’atmosphère est telle que l’on endure mieux, là-bas, 30 ou 40 degrés au-dessous de zéro, que 15 ou 20 ici. Ce que l’on raconte des rigueurs du climat peut effrayer à distance, nous le savons ; mais que l’on ne s’alarme pas inutilement. Après cinq ans d’expérience, nous ne nous en portons pas plus mal ; nous y avons gagné même à ce régime. Les maladies épidémiques n’y règnent pas non plus.

Il est vrai que la variole a sévi dans la colonie des Islandais ; mais ce n’était là qu’un pur accident, puisque ces émigrants avaient apporté avec eux le germe de cette terrible maladie.

On sait, du reste, que les ravages du fléau ont été circonscrits à ce groupe de population.

La transition de l’hiver au printemps, qui commence en avril, et de l’été à la froide saison qui s’ouvre en novembre, est souvent très brusque.

En général, les pluies sont assez fréquentes ; elles le sont plus que d’ordinaire depuis trois ou quatre ans. Mais cela n’empêche pas que les récoltes ne soient toujours bonnes. La pénétrabilité du sol lui fait absorber l’eau facilement.


neige et gelées


Il ne tombe pas autant de neige à Manitoba que dans les provinces de Québec ou d’Ontario ; la moyenne est de 20 à 24 pouces ; aussi les chemins sont-ils généralement fort beaux en hiver. Fait étrange, il n’en tomba pas même suffisamment, durant l’un des derniers hivers, pour permettre l’usage des sleighs, et la débâcle de la rivière Rouge survint brusquement, cette année-là, vers le 15 de mars.

On a beaucoup parlé des gelées hâtives de Manitoba, et l’exagération a eu plus que sa part. Tout ce que nous pouvons en dire, c’est qu’il n’est pas à notre connaissance, du moins, que les céréales et les légumes en aient souffert d’une manière sensible pendant notre séjour de cinq années là-bas.

fertilité du sol


Le sol de la vallée de la rivière Rouge est d’un alluvion noir ayant une couche végétale de deux pieds et plus à certains endroits. Sa fertilité est extraordinaire. M. Mathieu de Dombasle, l’un des plus habiles agronomes de son siècle, disait : « Avec du fumier, je ne connais pas de mauvaise terre ; sans fumier, je n’en connais pas de bonne. »

Il faut faire exception pour Manitoba, où la pratique de fumer les terres a été à peu près, pour ne pas dire absolument, inconnue jusqu’ici.

À la dernière exposition fédérale, l’on exhibait un échantillon de la terre d’une ferme qui avait produit du blé pendant cinquante ans consécutifs, sans engrais aucun. Nous avons vu de nos yeux à Dufferin, en 1874, un superbe champ de blé encore sur tige — et c’était la vingt-deuxième année que la terre était semée de ce grain, sans que personne eût songé à la fumer.

M. W. A. Loucks acheta, en 1875, une ferme exploitée depuis 70 ans, et qui avait déjà produit 52 récoltes de blé. L’an suivant, il eut 26 minots de blé de l’acre, 51 minots d’avoine, 20 minots de pois, puis, en 1877, il recueillit 352 minots de pommes de terre de la semence de dix minots.

L’analyse du sol, faite avec soin par des hommes entendus, lui attribue les propriétés les plus remarquables.

M. Thomas Connolly, correspondant du Times de Londres, écrivait dans une lettre adressée au Citizen d’Ottawa, le 18 novembre dernier :

« Je déclare n’avoir jamais vu, dans le nouveau ou l’ancien monde, un pays où le sol soit plus fertile et le climat plus salubre qu’à Manitoba et dans la vallée de la Rivière-Rouge. Il n’y a aucun doute, selon moi, qu’un homme industrieux et énergique, muni d’une bêche et de grain de semence, peut s’établir dans la prairie et avoir bientôt une excellente ferme.


céréales — le blé


Le blé est la plante alimentaire par excellence. C’est la base des richesses agricoles, la première, la plus précieuse des céréales, et le territoire capable de la produire en abondance ne peut manquer de jouer un rôle important sur les marchés de l’univers. Or, tout le monde admet aujourd’hui que le Nord Ouest canadien — y compris Manitoba — est spécialement adapté à cette culture. Nous ne saurions mieux faire que de citer ici l’autorité la moins suspecte. Il s’agit, en effet, de M. J. W. Taylor, consul américain à Winnipeg, qui écrivait la lettre suivante au Pioneer Press de Saint-Paul, Minn., É.-U., il y a quelque temps, c’est-à-dire après la visite à Manitoba de MM. Reade, M. P., et Pell, deux des délégués anglais dont nous avons déjà signalé la mission au Canada :


la grande zone à blé


« À M. le rédacteur du Pioneer Press.

« Le Pioneer Press ayant mentionné un état comparatif des températures à Saint-Paul, Winnipeg et Battleford pour les premiers mois de l’année courante, y compris le mois d’avril, état que j’ai publié moi même, j’espère qu’il sera intéressant pour vos lecteurs de connaître un relevé analogue pour l’année expirée au mois de juillet 1879. J’y ai ajouté les observations mensuelles prises à Toronto.

Voici ce relevé :

Lat. N. O. de Lon.
Toronto 
43.39 79.23
Saint-Paul 
44.52 93.05
Winnipeg 
49.50 96.20
Battleford 
52.30 109.00


« Il est bon de rappeler ici que la latitude de Toronto est de 44 degrés ; celle de Saint-Paul, 45 ; de Winnipeg, 49 ; de Battleford, 53. Cette dernière localité est située sur la rivière Saskatchewan, au confluent de la rivière Bataille, et c’est la capitale des Territoires du Nord-Ouest du Canada ; c’est ainsi qu’on désigne, géographiquement et politiquement, le vaste territoire qui s’étend de l’ouest de Manitoba (longitude de 99 degrés) aux Montagnes Rocheuses. Battleford est la résidence du lieutenant-gouverneur canadien, M. Laird, et on y publie, depuis quelque temps déjà, un journal appelé le Saskatchewan Herald.

« Je dirai ici que le sergent Price, de la police canadienne à cheval ; M. James Stewart, du service canadien des signaux, à Winnipeg ; le sergent Cone, du service américain des signaux, à Saint-Paul, et M. G. G. Rainbota, ingénieur civil canadien, de Québec, ont eu la bonté de me fournir les données du tableau suivant :


TABLEAU DES TEMPÉRATURES MOYENNES



Toronto. Saint-Paul. Winnipeg. Battleford.
Août 
66.38 72.00 67.34 67.79
Septembre 
58.18 60.06 52.18 47.10
Octobre 
45.84 46.03 35.84 34.52
Novembre 
36.06 38.03 30.66 28.66
Décembre 
25.78 19.03 11.97 6.48
Janvier 
22.80 16.03 -6.10 0.45
Février 
22.74 15.02 -12.32 -10.25
Mars 
28.93 33.01 14.14 16.80
Avril 
40.72 50.04 39.10 46.70
Mai 
51.74 58.07 53.13 53.35
Juin 
61.85 67.09 63.20 60.45
Juillet 
67.49 73.05 68.19 63.95




Moyennes annuelles 
44.04 45.62 34.76 34.82


« Un relevé des températures moyennes, pendant la saison de la culture, donne les chiffres suivants : Toronto, 57 degrés 65 minutes ; Saint-Paul, 65 degrés 5 minutes ; Winnipeg, 58 degrés 19 minutes ; Battleford, 58 degrés 53 minutes. On voit donc que, pendant la saison de la culture, le climat est plus chaud à Manitoba et dans tout un territoire de sept cents milles, au nord-ouest, que dans aucun district du centre d’Ontario. En outre, Saint-Paul, dont la latitude est de 45 degrés, possède un climat de 7 degrés 40 minutes plus chaud que Toronto, qui se trouve par 44 degrés de latitude.

« J’espère pouvoir me procurer bientôt des statistiques semblables pour le fort McMurray, sur la rivière Athabaska, et le fort Vermillon, sur la rivière la Paix, à 1,000 et 1,200 milles, respectivement, franc nord-ouest de Winnipeg, et je suis fermement persuadé que le climat, à ces points, ne diffère pas beaucoup de celui de Battleford. L’altitude du district des rivières Athabaska et la Paix est moindre qu’à Battleford, où la vitesse de vents du Paci fique est aussi moins forte que dans les passes des Montagnes Rocheuses.

« Sir Alexander Mackenzie rapporte qu’à la rivière la Paix, par une latitude de 60 degrés, le 10 de mai, la pousse de l’herbe était si avancée que les buffles et leurs petits paissaient sur les hauteurs.

« Mais quelques observations personnelles que j’ai faites du prolongement nord-ouest de la zone fertile, me fournissent la meilleure preuve qu’à l’ouest du lac Athabaska, par une latitude de 60 degrés, le climat ne diffère pas beaucoup de celui de la région située à l’ouest du lac Supérieur, par une latitude de 46 degrés.

« En 1871, M. Archibald, le propriétaire bien connu de Dundas, au sud de Minnesota, visita Manitoba. Il me dit que le blé de printemps, dans sa localité, se gâtait, devenait mou, et il cherchait une nouvelle semence pour lui rendre sa fermeté. Il fit coïncider sa visite avec l’époque de la récolte et trouva la qualité de grain qu’il cherchait ; mais le rendement de ce blé causa son étonnement.

« — Voyez donc, me dit-il, tenant un épi de blé à la main — nous avons eu une excellente récolte dans le Minnesota, mais je n’ai jamais trouvé plus de deux grains bien formés dans chacun des groupes — ou grappes — qui forment une rangée ; tandis qu’ici, je trouve, presque partout, trois grains dans chaque groupe. Cela explique la différence de vingt à trente minots par acre. »

« Plus récemment, le professeur Macoun, botaniste de la commission géologique du Canada, m’a montré deux épis de blé, l’un provenant de l’établissement du Prince-Albert, près du delta de la Saskatchewan, par une latitude de 53 degrés et une longitude de 106 degrés, et l’autre du fort Vermillon, sur la rivière la Paix, latitude 59 degrés, longitude 116 degrés, et de chaque grappe de ces deux épis, j’ai retiré cinq grains bien formés sur la même longueur de l’épi. C’était la perfection du blé, résultat d’une loi physique bien connue, près de la limite nord de la région fertile.

« Permettez-moi de rapporter ici un autre fait que m’a mentionné le Professeur Macoun. Se trouvant au poste de la Baie-d’Hudson, dans cette région — soit au fort McMurray, latitude 57 degrés, soit au fort Vermillon, latitude 59 degrés, et presqu’à la longitude du grand lac Salé, un employé du poste l’invita à examiner, dans le jardin, une plante étrange provenant de quelques graines qu’on n’avait jamais vues encore dans la localité. Or, c’était une tige de concombre plantée en plein champ, au mois de mai, et dont le fruit était mûr au 20 août.

« Je laisse à d’autres le soin de vérifier l’exactitude de ce qu’écrivait Blodget, il y a vingt ans, dans son traité bien connu sur la climatologie de l’Amérique du Nord : « Une ligne tirée de la baie du Tonnerre, lac Supérieur, dans la direction nord-ouest, jusqu’à la rivière Mackenzie, par une latitude de 60 degrés, et, de ce point, vers le sud ouest, jusqu’à la côte du Pacifique, par 55 degrés, comprendrait une immense région propre à la culture du blé, sauf sur les montagnes et dans quelques étendues arides. Or je ne trouve pas exagérée cette opinion du professeur Blodget, et je partage entièrement l’opinion analogue qu’exprimait le Pioneer Press au mois de juillet dernier et que je prendrai la liberté de citer aussi.

« La ligne des températures moyennes, surtout pendant la saison de la végétation, de mars à octobre, au lieu de suivre les cercles de latitude, se courbe, à partir de la vallée du Mississipi, jusqu’à une grande distance au nord et transporte ainsi la zone fertile du Minnesota jusqu’au 60ème parallèle, dans la vallée de la rivière la Paix, où se reproduisent les chaleurs de New-Jersey, de la Pennsylvanie, du Minnesota et du Dakota, et celles de la Pennsylvanie du nord et de l’Ohio dans la vallée de la Saskatchewan… En dedans des lignes isothermes qui entourent la zone fertile à l’ouest et au nord ouest du Minnesota, il y a une vaste région de terres fertiles où l’on pourrait aisément tailler douze États de l’étendue de l’État de New-York. »

« M. le rédacteur du Pioneer Press m’excusera bien si, m’inspirant de ces données favorables, j’ai osé — dans un banquet récemment donné à MM. Read et Pell, à Winnipeg — réclamer pour l’Amérique Britannique du Nord-Ouest un territoire égal à quatre fois celui de la Pennsylvanie et particulièrement propre à la culture du blé, qui en deviendra le principal produit agricole. À ce propos, je plaçais l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois et l’Iowa, et même la partie sud du Minnesota, dans la zone spécialement propre à la culture du blé, les États plus au sud constituant la région propre à la culture du coton ; et faisant observer les restrictions impératives que la nature a mises à la culture du blé dans la vallée du Mississipi, je hasardai l’assertion que les trois-quarts de la région propre à la culture du blé se trouvent au nord de la frontière internationale. Depuis lors, le Pioneer Press a mis en doute cette répartition mathématique.

« Je continuerai à expliquer les conditions climatériques, desquelles dépend la solution du problème dont il s’agit, en empruntant quelques citations à un ouvrage intitulé : Minnesota : Its place among the States, by J. A. Weelock, Commissioner of Statistics. Cet ouvrage a été publié en 1860, mais c’est une autorité d’autant meilleure que les prédictions de l’auteur se vérifient depuis vingt ans. La loi générale qui limite les régions propres à la culture du blé est clairement exposée comme suit :

« La région qui produit le blé, aux États Unis, se trouve dans les limites de dix degrés de latitude et de six degrés de longitude, et se termine, à l’ouest, au 98ème parallèle. Mais la zone où on peut le cultiver avec profit occupe une bande comparativement étroite le long des limites du district où la température est toujours fraîche, et a, pour moyenne, cinquante-cinq degrés au nord et soixante-onze degrés au sud. Cette délimitation exclut toute la région qui se trouve au sud de la latitude de cinquante degrés, excepté l’ouest de la Virginie, et au nord de cette latitude, il faut exclure les districts du sud des États de Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois et Iowa, et y comprendre les parties nord de ces mêmes États, le Canada et les États de New-York, Virginie ouest, Michigan, Wisconsin, Minnesota et les vallées des rivières Rouge et Saskatchewan. En termes généraux, on peut dire que la zone où la production du blé atteint son maximum se trouve immédiatement au nord des districts où celle du blé d’Inde est aussi à son maximum. »

« Le commissaire Wheelock résume très exactement comme suit les arguments en faveur de l’Amérique Britannique du Nord-Ouest :

« 1o Des causes physiques et économiques limitent la culture du blé aux régions où sa production atteint son maximum, c’est-à-dire à moins d’un tiers des États de l’Union, en dedans d’une zone dont la superficie est évaluée, en chiffres ronds, à 250,000 milles carrés, où il faut aller chercher les neuf-dixièmes du blé qui fournit le pain à l’Amérique et une exportation toujours croissante de céréales à l’étranger.

« 2o Dans les limites de cette zone, les mêmes causes climatériques et d’autres tendent à concentrer la culture du blé dans la bande supérieure des États du Nord-Ouest, préférant toujours les districts les plus fertiles.

« 3o Le Minnesota et la région au nord-ouest de cet État offrent les meilleurs districts pour la culture du blé ; la moyenne du rendement y est la plus élevée, les récoltes plus certaines et les produits les meilleurs.

« On ne doit pas oublier que la mission des commissaires Read et Pell, sur ce continent, était de constater les probabilités et incidents de la production des denrées alimentaires, surtout les céréales, pour répondre à la demande en Angleterre. Partant de ce point, le Free Press, de Winnipeg, donne une définition négative de la zone propre à la culture du blé et propose d’exclure les États et provinces dont le produit est moindre que la demande de la population locale. Cette délimitation exclurait les États de la Nouvelle-Angleterre et ceux du sud, New-York, New-Jersey, la Pennsylvanie, peut-être le Michigan ; reléguerait l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, l’Iowa et le Nébraska dans la région qui produit le blé-d’Inde, et ne laisserait que le Wisconsin, le Minnesota et le Dakota (certainement au nord du 44ème parallèle) pour la région des États-Unis, à l’est des Montagnes Rocheuses, où il y a toujours un surplus, en dehors de la consommation locale. Naturellement, il faut inclure les districts considérables de la Californie et de l’Orégon ; mais il est douteux que leurs exportations puissent excéder celles de la province d’Ontario.

« La grande région intérieure du continent contribuera-t-elle à nos exportations de blé et de farine ? Je veux parler des territoires du Montana, Idaho, Wyoming, Colorado, Utah et Nevada. Prenons le territoire le plus favorisé, celui de Montana. Si grandes que soient ses ressources, je suis forcé de croire qu’un tiers seulement de sa superficie peut être atteint par l’irrigation qui est indispensable, et que ses ressources minières et ses vastes pâturages, pour l’élève du bétail et des moutons, deviendront le théâtre de son activité industrielle. En 1868, après avoir fait des études minutieuses, en qualité de commissaire chargé de recueillir des statistiques sur les mines, j’écrivais ce qui suit :

« La superficie du territoire de Montana est de 146,689 milles carrés, soit 93,881,181 acres — à peu près la même que celle de la Californie, trois fois celle de l’État de New-York, deux fois et demie celle de la Nouvelle-Angleterre, et cependant, des autorités locales déclarent que l’étendue propre à la culture n’est représentée que par un acre sur trente, soit un total de 3,346,000 acres. Naturellement, les animaux domestiques peuvent vivre sur une beaucoup plus grande étendue. La condition nécessaire à la culture est, comme au Colorado et au Nouveau-Mexique, la possibilité de l’irrigation. »

« Dans un récent rapport de la Commission nationale de géologie, j’observe que le major J. W. Powell évalue que dans l’Utah, dont la superficie est de 84,476 milles, on peut, en utilisant les cours d’eau, sans construire de réservoirs, obtenir 1,250,000 acres environ propres à la culture du blé. Jusqu’à quelle distance, à l’est, l’irrigation est elle nécessaire ? C’est ce que je ne saurais dire. Le professeur Henry, du « Smithsonian Institute, » fixait la limite à 98 degrés de longitude ; mais 101 degrés, ou trois degrés de plus à l’ouest, surtout à l’ouest de Manitoba, me semble un chiffre plus probable. Dans les régions propres à l’agriculture, l’abondance des récoltes est remarquable ; mais elles sont achetées, aux plus haut prix, par les mineurs, les bergers et la population des villes. À ce propos, je dois rappeler que les localités du Canada central, sur la ligne qui se trouve 1,600 milles au nord-ouest de Saint Paul — je veux parler de Battleford, Prince-Albert, fort McMurray, fort Vermillon, et le fort plus connu d’Edmonton — sont tous à l’ouest du 105ème cercle de longitude, et en ligne directe de Denver City, le grand lac Salé et même Virginia City, et cependant l’irrigation n’est pas nécessaire dans aucune des régions le plus au nord. C’est le trait marquant de la « zone fertile » qui s’élargit, grâce aux altitudes moindres et aux courants d’air venant constamment de la côte du Pacifique — que l’immense trapézoïde dont le sommet aboutit à la rivière Mackenzie, jouit de pluies d’été suffisantes pour toutes les fins de l’agriculture telle qu’organisée dans les États de l’Atlantique et du Mississipi.

« Je ne soutiens pas obstinément l’exactitude d’une délimitation faite à la hâte des bornes de cette région fertile, au sud et au nord. J’y renoncerais volontiers si j’étais sûr, à mon tour, que la conclusion suivante du Pioneer Press est exacte : « Dans le territoire de la Baie-d’Hudson, en dehors des anciennes provinces, 200,000,000 d’acres de terre sont propres à la culture du blé. » Pareille admission justifie pleinement la construction d’un chemin de fer sur lequel, dans dix ans, la locomotive franchirait 1200 milles de plus à partir de son point d’arrêt actuel sur la rivière-Rouge. Bientôt, peut-être l’administration des chemins de fer changera le nom du tronc de la ligne de la vallée de la rivière-Rouge, pour lui substituer — si le Saint-Paul et Pacifique n’était pas rétabli — cette désignation : « Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Athabaska »

« J. W. TAYLOR.


« Le 22 novembre 1879. »


M. Taylor, qui a du talent et de la science, réside à Manitoba depuis plusieurs années, et il a fait une étude spéciale du pays et de ses ressources. Doué d’un esprit observateur et juste, il n’a pas craint de dire la vérité, et son témoignage désintéressé est évidemment d’un grand poids.

La lettre du consul américain parle par elle-même et s’explique aussi d’elle-même ; c’est une réponse énergique et concluante à la feuille de Saint-Paul, qui le taxait d’exagération.

M. le sénateur John Sutherland, de Manitoba, a déclaré devant un comité, à Ottawa, qu’il avait récolté 60 minots par acre, de blé du printemps, pesant 66 livres. Il a ajouté que l’on en avait eu 70 minots de la semence d’un minot.

Sans doute que ce sont là des faits isolés ; mais ils prouvent la force extraordinaire de production du sol.

La moyenne du rendement du blé, qui est haut, bien fourni et surmonté d’un épi serré et abondamment garni, est de 25 minots par acre.

Il est établi, en outre, que la farine provenant de ce grain est de la meilleure qualité.


Voici quelle est la pesanteur du blé comparée à celle des États suivants de la république voisine :


Manitoba, blé du printemps, 63 à 66 lbs. par minot.
Minnesota " 63 à 65 lbs. "
Illinois " 52 à 58 lbs. "
Ohio " 57 à 60 lbs. "
Pennsylvanie " 57 à 60 lbs. "
l’avoine


On la cultive avec le plus grand succès ; le rendement est quelquefois prodigieux. Citons quelques cas :

M. Alex. Murray, M. P. P., de Saint-Charles, a eu, en 1876, une moyenne de 90 minots d’avoine par acre, sur un espace de 7 acres.

M. Win. McLeod, de High Bluff, en a récolté 600 minots sur 5 acres, de la semence de 12 minots.

M. Donald McKay, du même endroit, en a recueilli 1,100 minots sur 10½ acres.

La moyenne est de 45 à 50 minots par acre.


l’orge


Un seul acre en a rapporté 60 minots. C’est assez dire que l’orge vient à merveille. La moyenne du rendement par acre est d’environ 35 à 40 minots, pesant 50 à 55 livres.


le seigle — le sarrasin


Le seigle a été négligé jusqu’ici ; on peut en dire autant du sarrasin.


pois


Le rendement est considérable : de 25 à 30 minots l’acre.


maïs — blé d’inde


Il est une espèce particulière au pays qui pousse fort bien ; mais tous les essais n’ont pas réussi d’une manière très satisfaisante. La variété dont nous parlons ici est plus petite que celles des autres provinces.


lin et chanvre


Ces plantes industrielles trouvent dans le riche sol du Nord-Ouest tout ce qu’il faut à leur développement. On nous dit que cette culture était fort répandue, naguère, dans la colonie de la Rivière-Rouge, et que l’impossibilité d’en écouler les produits explique seule son abandon. Rien n’empêcherait donc, aujourd’hui, de la faire revivre.

pommes de terre


Elles poussent à souhait et atteignent des proportions pour ainsi dire exagérées — ce qui ne nuit en rien, cependant, à leur goût exquis.

Il est reconnu qu’un seul acre en a donné, plus d’une fois, 600 minots.

Ainsi, par exemple, M. J. W. Sifton l’un des entrepreneurs du Pacifique canadien, en a récolté 275 minots dans un rayon d’un quart d’acre.

M. F. G. Shipp, de la Pointe-Douglas, à Winnipeg, a extrait de son jardin l’un de ces tubercules pesant 4 livres.

Il a été éclipsé, toutefois, par M. John Omand, de Saint James, qui a exhibé, à Winnipeg, une pomme de terre de 5 livres. Nous l’avons vue de nos yeux.

La moyenne est de 400 à 500 minots par acre.


navets — panais


On en a retiré plus de 1,000 minots d’un acre. Ils sont fort remarquables, en outre, par leur grosseur.

M. J. B. Clarke, de Saint James, à récolté, en 1876, une moyenne de 1,000 à 1,200 minots de navets par acre, sur une étendue de 7 acres.

À l’exposition provinciale tenue à Winnipeg, la même année, l’on exhibait un navet pesant 36¾ livres ; nous avons pu vérifier le fait nous-même. Ce phénomène végétal a été expédié aux États-Unis pour y figurer au Centenaire, où il brilla, dit-on, au premier rang parmi ses congénères.

La moyenne de la production des navets est de 500 à 700 minots par acre.

Les panais poussent également bien.


betteraves


Elles pèsent jusqu’à 16 livres ; c’est l’exception sans doute, mais l’on voit quelle peut être la moyenne de leur volume.

Ajoutons que le sol convient parfaitement à la betterave à sucre, et que l’on parle d’organiser une industrie des plus lucratives.


les choux


Rien n’est plus beau à voir que ce produit, admirable par son développement et sa qualité. À l’exposition provinciale de 1876, il y en avait une collection splendide. On en pesa un du poids de 26 livres ; nombre d’autres pesaient 25 livres.

carottes


Elles poussent aussi bien que les betteraves et sont excellentes,


oignons


Ils sont vraiment superbes. On s’étonne de leurs dimensions qui paraissent extravagantes.


melons, concombres, citrouilles


Avec un peu de soin, l’on réussit.

Citons ce qu’écrivait un voyageur dans le Tour du Monde, en 1860, parlant de la ferme d’un M. Gowler, sur l’Assiniboine :

« Ses propriétés sont considérables ; il ne peut même en cultiver qu’une partie, dont cinquante en céréales ; le reste en maïs, en navets, en pommes de terre les plus belles qu’ils soit possible de voir. Ses melons n’ont pas de pareils et pèsent jusqu’à six livres. Le jardin de la ferme lui fournit en outre, avec beaucoup de légumes variées, le tabac nécessaire à son usage. Quant aux fourrages, la prairie est là pour en fournir.

« Il est à regretter que toutes les exploitations rurales de la Rivière Rouge ne puissent rivaliser avec celles-là. Certes, ce n’est pas la nature qui déjoue les espérances de l’agriculteur, ni le sol qui contrarie ses efforts. Il n’en est pas de plus fertile et de plus favorable. Le maïs croit partout ; on le plante vers le 1er juin, et il est mûr à la fin d’août ; j’en dirai de même du blé, qu’on récolte trois mois après l’avoir semé ; un foin d’une qualité supérieure couvre des milliers d’hectares ; les plantes potagères, en usage au Canada, se développent avec une vigueur peu commune sur les bords de la rivière-Rouge et de l’Assiniboine. Tout est réuni pour faire de la colonie un centre de production sans égal. »

Nous avons vu à la dernière exposition fédérale tenue à Ottawa, dans le pavillon de Manitoba, des pommes de terre du poids de 4 livres, des betteraves de 8 livres, des carottes de 2 livres, des oignons ayant 1 pied, et des choux, 4 pieds de circonférence. M. C. de Cazes, de Winnipeg, a exposé de magnifiques échantillons de cannes à sucre.

Et notez bien qu’il avait fallu extraire tout cela au moins trois semaines plus tôt qu’à l’ordinaire, afin d’arriver à temps à Ottawa.

En résumé, nous pouvons dire que tout ce qui se trouve d’ordinaire dans le jardin potager croît à merveille.

fruits


Il y a abondance de fruits sauvages au Nord Ouest, parmi lesquels se trouvent le raisin, la prune, la fraise, la cerise, la merise, la framboise, la catherinette, la senelle, la gueule noire, la poire, la groseille, la gadelle, le bluet, la mûre, l’atoca, etc., etc.

La culture des fruits n’a guère préoccupé le colon jusqu’à ce jour ; mais son attention, éveillée par des expériences satisfaisantes, se tourne un peu plus de ce côté-là.

M. W. B. Hall, de la paroisse de Headingley, située à une courte distance de Winnipeg, possède un fort joli jardin planté d’arbres fruitiers de toute espèce, au nombre de près de 100.

À la dernière exposition fédérale, nous avons vu des pommes de Manitoba.


élève des animaux


Tous ceux qui ont pu admirer les immenses prairies qui se déroulent à perte de vue dans les territoires de l’Ouest, s’accordent à dire que c’est le pays où l’élevage des animaux peut se faire avec le plus de succès et le moins de frais. De bonne heure, au printemps, les troupeaux quittent l’étable pour se répandre dans la plaine où croissent, en grande variété, les hautes et grasses herbes. (Il en a été exposé, à Ottawa, près de 20 échantillons.) Et durant la belle saison, c’est à-dire du 15 juillet au 15 de septembre, le cultivateur coupe le foin dont il a besoin pour l’hiver, sans avoir rien à débourser.

À l’automne, les animaux sont dans la meilleure condition possible, et la saine température de la froide saison favorise aussi leur développement.

Jusqu’ici, l’on a trop négligé ce genre d’industrie, qui assure un bénéfice considérable. Des milliers d’animaux — chevaux, bestiaux[2], moutons, cochons — sont expédiés chaque année des États voisins de la république, et il faut que le commerce soit bien lucratif pour qu’il y ait profit à envoyer de nombreux troupeaux, du Montana, par exemple. Un Canadien-français, M. J. Demers, qui habite ce territoire américain, en a amené plus de 1,500 à Manitoba, et il y trouvait son compte.

À ce propos, les directeurs de la Société d’agriculture provinciale disaient dans l’un de leurs rapports :

« Il serait fort à désirer que l’on s’occupât davantage de l’élève des bêtes à cornes, cochons, moutons, vu que les besoins des nouveaux colons, les partis d’explorateurs, d’arpenteurs et autres, au service du gouvernement, la police du Nord-Ouest, devront rendre le marché local très profitable durant plusieurs années. »

« Les prairies, dit Mgr  Taché, ont de quoi nourrir un nombre infini de bestiaux, non-seulement à cause de leur étendue, mais aussi par la nature même et la richesse de leurs produits, qui valent les meilleurs prés de trèfle.

« Les animaux de boucherie s’engraissent dans les prairies naturelles sans aucun secours, et quand l’animal est dans les conditions de santé, il atteint assez rapidement un état qui le rend digne des meilleurs marchés. »

Le vicomte Milton et le Dr W. Cheadle, qui ont traversé les Montagnes Rocheuses, disent aussi dans leur ouvrage, publié en 1866 :

« Nous avons lâché nos chevaux, au début de l’hiver, à la Belle Prairie[3]. Bien qu’ils eussent été fort maigres quand la neige avait commencé à tomber, ils étaient devenus de vraies boules de graisse. La pâture est si nourrissante, que même en hiver, où ils ont à chercher leur nourriture sous la neige, les animaux engraissent rapidement, pourvu qu’ils trouvent des bois où s’abriter contre les rigueurs de la température.

« Les vaches laitières et les bœufs de trait, près de la rivière Rouge, sont dans une condition presque aussi belle que celle du bétail nourri dans les étables et amené à l’exposition de Baker Street. »

Le gouvernement afferme des terres à foin de 40 acres, ainsi que des pâturages, pour faciliter, sans doute, l’élève des animaux — exploitation qui deviendra, bientôt, l’une des plus importantes.

Qui a foin a pain, dit le proverbe, et c’est vrai, puisque, dit-on, le foin des prairies naturelles et artificielles, ce n’est pas seulement du pain, mais aussi de la viande, du lait, de la laine et du travail.

Le rendement du foin est de 3, 4 et 5 tonnes l’acre.


laitage


À l’élève des animaux, se relie une autre industrie domestique qui accroît les bénéfices considérablement : nous voulons parler du commerce de laitage, de la fabrication du beurre et du fromage, articles dont la vente est aussi facile que rémunérative, même sur le marché local.


les abeilles


Elles s’acclimatent aisément ; on assure que les expériences faites jusqu’ici ne laissent aucun doute à ce sujet. Voilà donc encore une industrie à laquelle le colon peut se livrer avec avantage.

poisson


Les rivières et les lacs en sont peuplés. Mentionnons la perche et le crapet, assez rares toutefois ; le doré et la carpe, abondants ; le brochet et le maskinongé, qui atteignent des proportions remarquables ; la laquèche, ou “Gold Eye”, que l’on prend en grande quantité ; le poisson blanc, dont il se fait un commerce considérable ; la barbue, qui fréquente surtout la rivière Rouge et les lacs situés dans le voisinage, ainsi que les tributaires du lac Winnipeg, où apparaît aussi l’esturgeon, etc., etc. Dans les rivières arctiques pullulent le saumon et la truite ; cette dernière, ou plutôt une variété, habite aussi les lacs dont les eaux sont tranquilles.


animaux sauvages, gibier, etc.


Le Nord-Ouest est le pays des animaux à fourrures, du gibier en général. Nous pouvons mentionner surtout le bison, le bœuf musqué, l’ours, l’orignal, le caribou, le cerf, le chevreuil, la gazelle ou cabri, le loup, la chèvre et le mouton des montagnes, le renard, le blaireau, le carcajou, le chat sauvage, le chat tigre, la martre, le vison, le castor, la loutre, l’hermine, le lièvre, le lapin, le rat musqué, la belette ; aussi, dans un autre ordre, le faisan ou poule de prairie, la perdrix, la tourte, les canards, les oies, etc.

En deux jours, l’honorable James McKay et son serviteur ont tué plus de 500 canards, outre un nombre considérable de poules de prairies, etc.

Trois chasseurs émérites, de Winnipeg, ont également abattu, en deux jours, près du lac Winnipeg, près de 900 canards.

L’un de nos amis en a tué 100 durant une seule journée, à treize milles de distance de Winnipeg.


bois


Il est indéniable que le bois est relativement rare au Nord-Ouest. Mais cet inconvénient — compensé par mille autres avantages — tout malheureux qu’il puisse être, ne saurait devenir un obstacle à la colonisation. Jusqu’ici l’on n’en a que peu souffert, et le chemin du Pacifique — avec ses embranchements — devra rapprocher bientôt Manitoba de la grande région boisée qui se développe à l’est. On sait, en effet, que les vallées de la rivière la Pluie, de la rivière Winnipeg, et le territoire compris entre le lac des Bois et la rivière Rouge, en renferment d’immenses quantités de différentes espèces. D’autre part, les rivières Rouge, Assiniboine, la Seine, au Rat et autres sont également bordées de deux lisières de bois, et çà et là dans la prairie se dressent aussi de jolis bouquets.

À l’ouest, de grands cours d’eau traversent la forêt dont Mgr  Taché estime la superficie totale à environ 480,000 milles carrés, de même qu’il évalue à 60,000 milles carrés l’étendue des prairies, et au même chiffre, ou à peu près, le prolongement du vaste désert américain au-delà de notre frontière, c’est-à-dire du 49ème parallèle.

Les principales essences de bois que l’on trouve à Manitoba, à Keewatin et à l’ouest, sont l’érable, la plaine, le pin rouge et blanc, le cèdre, le chêne, l’orme, le frêne, l’épinette, le bouleau, le tremble, le liard, le tilleul, le sapin, le cyprès, etc.

Le bois de construction est importé, en grande partie, des États voisins ; on l’expédie en radeaux, par la voie de la rivière Rouge, et il est scié dans la province. Il y a de grandes scieries à Winnipeg et ailleurs.

Il paraît que le gouvernement américain a ordonné l’exploration de treize townships, couverts de pins, sur les tributaires du lac à la Pluie. On en profitera donc.

Une certaine quantité de bois de chauffage vient de la même source, outre ce que fournit le pays.

Nous publions les prix plus loin.


charbon


Il est constaté depuis longtemps que le Nord-Ouest recèle de riches mines de bouille, dont l’analyse a établi la valeur ou la supériorité. Nous n’avons pas besoin de disserter sur le rôle que joue aujourd’hui le charbon dans le domaine de l’industrie.

« Les terrains houillers que traversent les différentes branches de la Saskatchewan sont une grande source de richesse, dit Mgr  Taché, et favoriseront la colonisation de cette vallée, où la nature a multiplié des sites d’une beauté qui défie ce qu’il y a de plus remarquable au monde en ce genre. » Plus loin, il ajoute : « Les mines de charbon que renferme le district de la Saskatchewan lui assurent une importance incontestable. L’immense dépôt houiller se montre à découvert aux falaises du grand fleuve. »

Le vicomte Milton et son ami, le Dr Cheadle, en parlent ainsi :

« Les bords de la rivière Pembina laissent voir la section d’un magnifique gisement de charbon, ayant quinze à vingt pieds de profondeur… On a encore trouvé le charbon, au nord, sur les rivières McLeod, Athabaska, Fumeuse, de la Paix, et Mackenzie ; vers le sud, sur la Saskatchewan et les rivières de la Bataille et du Cerf. À Edmonton, dans la falaise qui domine le bord de la rivière, on en voit un gisement qui est employé pour la forge. Ainsi, on a observé des couches de houille en plusieurs endroits, dispersées dans un espace de plus de dix degrés de latitude, mais presque invariablement sous le même méridien. En tirant une ligne depuis la rivière Mackenzie jusqu’au confluent de la rivière du Cerf, dans la Saskatchewan méridionale, on aurait trouvé exactement celle qui détermine la position des gisements de charbon, observés jusqu’ici. Ils ont une étendue considérable et formeront sans doute, un jour, un des principaux éléments de la richesse de ce district de la Saskatchewan, que la nature à si extraordinairement favorisé. »

Il est indubitable, dit le professeur Macoun, que dans la région à l’ouest d’Edmonton, laquelle est bornée au nord par la rivière Athabaska et au sud par la rivière du Daim-Rouge, il existe un terrain houiller d’au moins 25,000 milles carrés ; et dans cette vaste étendue l’on peut espérer que l’on trouvera des veines exploitables à des profondeurs qui excéderont rarement 300 pieds, et souvent, comme dans le cas des veines épaisses plus haut décrites, très favorablement situées pour l’exploitation au moyen de galeries pratiquées à la surface.

Les rapports géologiques confirment ces renseignements. Il y a quelques mois, l’on a fait grand bruit de la découverte de riches dépôts de houille près de la rivière Souris, l’un des tributaires de l’Assiniboine et dont la source se trouve près de la frontière, à plus de 300 milles à l’ouest de la rivière Rouge. Bien plus, une compagnie devait s’organiser de suite pour exploiter la mine et en transporter les produits à Winnipeg.


tourbe


Les dépôts tourbeux abondent au Nord-Ouest, et l’on sait que la tourbe, à défaut de bois ou de charbon, fournit un excellent combustible.


les terres — homesteads — préemptions, etc.


Les terres à Manitoba sont groupées par townships, lesquels — au nombre de 360 — mesurent six milles carrés chacun et couvrent une superficie d’à peu près 14,000 milles, ou soit plus de 9,000,000 d’acres.

À leur tour, les townships sont divisés en sections — ils en contiennent 36 chacun — disposées et numérotées de la manière indiquée par le diagramme suivant :

DIVISION D’UN TOWNSHIP


N.
O. 31 32 33 34 35 36 E.
30 29 28 27 26 25
19 20 21 22 23 24
18 17 16 15 14 13
7 8 9 10 11 12
6 5 4 3 2 1
S.



Une section, d’un mille carré, se compose de 640 acres.

Une demi-section, de 320 acres.

Un quart de section, de 160 acres.

Un demi-quart de section, de 80 acres.

Un quart de quart de section, de 40 acres.

Ainsi donc, 4 quarts de section constituent une section, subdivisée comme suit en 16 quarts de section :



N.
O. 13 14 15 16 E.
12 11 10 9
5 6 7 8
4 3 2 1
S.


La loi du homestead confère au colon le droit de propriété sur la terre qu’il doit cultiver durant trois années avant d’obtenir son titre du gouvernement. Il faut être âgé d’au moins dix huit ans pour avoir le bénéfice de cette loi si libérale, et l’inscription du lot ne coûte que $10. C’est là ce qu’on appelle aussi une concession gratuite.

La loi de préemption permet au colon d’acheter — outre son homestead — un nombre égal d’acres, dans le voisinage immédiat, à des prix déjà fixés, variant de $1 à $2.50 l’acre, selon la distance du chemin de fer du Pacifique, et aux conditions déterminées par le gouvernement.

Il importait de bien renseigner le lecteur sur ces différents points, avant de faire connaître et de discuter les renseignements qui concernent les terres publiques du Nord Ouest.


règlements de juillet dernier — leur suppression


Au mois de juillet dernier, le gouvernement décida de modifier la loi. Il fallait songer alors à se créer de nouvelles sources de revenus pour poursuivre les travaux du chemin de fer du Pacifique avec toute l’activité possible. Et il n’était que juste de faire contribuer à l’exécution d’une entreprise nationale aussi coûteuse, ceux qui devaient en bénéficier d’une manière plus directe et plus prompte. Nous allons donc analyser les règlements promulgués et mis en vigueur le premier jour d’août 1879.

L’ordre du conseil portant la date du 2 juillet, divisait le pays en cinq zones ou bandes, désignées par les lettres « A » « B » « C » « D » « E, » et se déroulant successivement de chaque côté de la voie transcontinentale dont le tracé imaginaire suivait la « quatrième ligne de base à partir de la rivière Rouge, à l’ouest, jusqu’à son intersection, par une autre ligne située entre les rangs 21 et 22, à l’ouest du premier méridien principal, pour de là se diriger tout droit au confluent des rivières aux Coquilles (Shell) et Assiniboine. »

Un coup d’œil sur la nouvelle carte que vient de publier le département de l’intérieur, à Ottawa, indiquerait mieux le cours supposé du Pacifique, et permettrait de juger exactement de la situation des zones ou bandes que nous allons décrire.

La première bande, « A, » voisine du chemin de fer et devant comprendre une largeur de cinq milles de chaque côté de la route, était fermée à l’occupation gratuite ; c’est-à dire que le colon ne pouvait y prendre un homestead : il avait à payer six piastres par acre.

La deuxième bande, « B, » mesurait une largeur de quinze milles de chaque côté de la route.

Ici le colon avait la liberté de s’établir sur un homestead, en versant la somme de $10.00 pour les frais d’inscription, et de préempter la même étendue de terrain voisine de son lot, à raison de $2.50 l’acre, dans les sections portant les numéros pairs — celles portant les numéros impairs étant réservées pour être vendues au compte du Pacifique, au taux de $5 l’acre.

La troisième bande, « C, » de vingt milles de largeur, était également ouverte aux homestead ainsi qu’aux préemptions — le terrain ainsi préempté se vendant $2.50 l’acre — dans les sections portant les numéros pairs ; les autres, portant les numéros impairs, étant réservées pour être vendues au compte du Pacifique, au chiffre de $3.50 l’acre.

La quatrième bande, « D, » de la même largeur que la précédente, offrait un accès encore plus facile à l’émigrant, qui, outre son homestead, pouvait préempter et acquérir des terres affectées au Pacifique — sections portant les numéros impairs — au prix uniforme de $2 l’acre.

La bande « E, » la dernière et la plus éloignée de la ligne, était large de cinquante milles ; là encore, les conditions devenaient fort faciles On n’exigeait pour les terres préemptées et appartenant au Pacifique, que $1.00 de l’acre, tout en concédant un homestead.

Enfin, le gouvernement, pour faciliter davantage la colonisation, permettait à l’émigrant de ne payer que les quatre-dixièmes du prix de vente au bout de trois ans, avec l’intérêt à six pour cent, et le reste, en six versements annuels égaux.

Aussitôt qu’il fut connu que l’on avait diminué de moitié les homesteads et les préemptions — dont l’étendue n’était plus que de 80 au lieu de 160 acres chacun — et que le prix des terres était ainsi accrue, les agents américains se mirent en campagne. Ils déprécièrent sans scrupules les avantages que le Nord-Ouest canadien présentait à l’émigration, sans omettre d’attribuer aux États-Unis une supériorité que nous leur nions. Il y eut, d’autre part, une discussion assez vive dans la presse canadienne, et un marchand distingué de Winnipeg, M. Wm Bathgate, publia dans le Times de cette ville des lettres remarquables, en réponse à ceux qui décriaient injustement le Canada au profit de nos voisins.

Nous reproduirons l’extrait suivant :

« Voici ce que je lis dans le Mercury, de Guelph, à la date du 25 septembre :

« D’abord, l’accès des terres, dans les territoires du Nord-Ouest, a été virtuellement interdit aux personnes qui se proposent de s’établir comme colons. Sur une distance de plusieurs milles, de chaque côté de la ligne du chemin du Pacifique, le prix de l’acre est fixé au chiffre élevé de six dollars. Plus en arrière de ce seul débouché, elles coûtent cinq, quatre et trois dollars l’acre. À moins de se rendre dans la solitude la plus éloignée, à cent dix milles de toute issue et de toute ligne de transport, le colon ne peut se procurer des terres qu’en les payant le double de leur valeur. Point de terres, point de droit de préemption pour l’émigrant pauvre, ou qui n’a que des ressources modestes. »

« Cette citation contient autant de faussetés que de mots.

« On lit dans les règlements publiés concernant les terres :

(On les connait déjà.)

« Ainsi, un colon de la bande « B, » à une distance de cinq à vingt milles du chemin, reçoit gratuitement un octroi de quatre-vingts acres de terre. Et s’il achète quatre-vingts acres de plus, il paie, au bout de trois ans, les quatre-dixièmes


QDu prix d’achat, 200 
$80 00
QAvec intérêt 
36 00

$116 00
Quatrième année, $20, avec intérêt $7 20 
27 20
QCinquième me, $20, avc intnrêt $6 00 
26 00
QSixième mnne, $20, avc intnrêt $4 80 
24 80
QSeptième nn!e, $20, avc intnrêt $3 60 
23 60
QHuitième mme, $20, avc intnrêt $2 40 
22 40
QNeuvième m!e, $20, avc intnrêt $1 20 
21 20

QLes 160 acres lui coûteront dans dix ans 
$261 20


« Et cependant, le rédacteur du Mercury écrit :

« Point de terres, point de préemption ; on ne peut obtenir les terres que pour deux ou trois fois la valeur. »

« Que connaît ce journaliste au sujet de la valeur des terres de ce pays ? Il n’est jamais venu ici et a dû bien peu entendre parler de notre pays, au sujet duquel il a lu encore moins, pour faire, de bonne foi, pareille assertion. Ou, s’il est bien renseigné, il dénature volontairement la vérité, n’indique aucunement par quel calcul il arrive à fixer la valeur des terres dans ce pays, et voudrait que chacun se contente de son ipse dixit.

« Comme la valeur des terres dépend de celle de leurs produits, nous ne pouvons arriver à une juste évaluation et donner une idée exacte de la valeur des terres qu’en les comparant aux terres avoisinantes du Minnesota et du Dakota. MM Howard, White, Crowell et Cie., éditeurs du Daily Commercial Bulletin, de Chicago, en évaluant la récolte des États-Unis, s’expriment ainsi : « Le rendement moyen de la récolte, dans le nord est des États-Unis, est estimé à 12.92 minots par acre, contre 11.42 minots l’année dernière. »

« La moyenne du rendement est fixée à 14.11 minots pour le Minnesota et 15.80 minots pour le Dakota.

« Il est impossible de calculer la moyenne de notre récolte de blé, cette année, parce qu’on en a encore battu trop peu. Mais d’après des conversations avec des personnes venant de diverses parties du pays, et avec d’autres personnes qui s’attachent à calculer cette moyenne, elle est, au moins, de vingt-cinq minots par acre, bien que la saison ait été fort humide et que la récolte des terres basses ait été plus ou moins endommagée. Il faut considérer aussi qu’une grande partie de la récolte provient de terres qui sont en culture depuis plus de 40 ans et sur lesquelles on n’a jamais mis d’engrais. Un colon de la petite Saskatchewan m’informe qu’il espère obtenir, au moins, 35 minots par acre pour sa première récolte, et d’autres portent ce rendement à 45 minots. MM. Knight et Crawford, commerçants de denrées alimentaires, m’informent que, près de Poplar-Point, ils ont acheté de l’avoine d’un cultivateur qui dit qu’elle a rendu 75 minots par acre, en sortant de la machine à battre et que les 7 minots de cette avoine représentaient le poids de 96 minois. Ils m’ont appris également que l’avoine noire de Tartarie pesait 44 lbs. à la sortie de la machine, et, une fois nettoyée, 48 lbs. au minot.

« Dans le Guide de Manitoba par Begg, on trouve le rapport suivant des récoltes de 1856 : M. Good, Grassmere, 37 minots par acre ; MM. McIver et Greenwood disent qu’ils ont récolté 25,000 minots à 35 minots par acre, et qu’ils ont atteint le chiffre de 50 minots. On pourrait citer plusieurs autres chiffres, qui prouvent le rendement énorme du blé dans cette province. Au Minnesota et au Dakota, M. Dalrymple lui-même ne réclame, sur sa grande propriété, que vingt minots par acre.

« Prenant pour moyenne le faible chiffre de vingt-cinq minots par acre, nous aurions neuf minots de plus par acre qu’au Dakota, et neuf minots de plus qu’au Minnesota. Supposant que le colon puisse obtenir une terre, au Minnesota et au Dakota, à environ 25 milles du chemin de fer — ce qui, me dit-on, est la distance la plus rapprochée à laquelle on puisse obtenir des concessions — et qu’il paie $6 l’acre, à 5 milles du chemin de fer, ici, dans deux ans, il récoltera une moyenne de 18 minots par acre de plus qu’au Minnesota ou au Dakota, ce qui paiera sa terre, et au delà, et lui assurera une bonne propriété.

En outre, les frais de charroi du produit de 160 acres, pendant dix ans, sur la distance extra de 20 milles, au Minnesota ou au Dakota, paiera plus qu’amplement le prix de $6 l’acre, parce que le charroi, sur cette distance, du produit d’un acre ne coûte pas moins de 60 centins.

Un autre point à considérer est le fret jusqu’au lac. Actuellement, M. Dalrymple paie environ 25 cts. par minot jusqu’à Duluth et Saint-Paul. M. Dalrymple dit que le fret lui coûte 15 cts. par minot du Dakota aux mêmes ports, et de là, jusqu’à New-York, 10 à 12 centins. Par conséquent, le colon du Dakota a un avantage de dix centins par minot. Mais quand nos 431 milles (à peu près) de chemin de fer seront terminés, M. Brydges déclare que, vu la supériorité du nivellement, on pourra transporter le blé à raison de cinq centins par minot. On dira que le prix est trop faible. Mais quand M. Mackenzie était au pouvoir, il avait donné ordre de transporter le blé, de la Rivière-du-Loup à Halifax, pour 2½ centins par minot. Naturellement, la ligne perdait à ce prix. Mais comme cette perte est inutile, admettons que l’évaluation de M. Brydges est trop faible et accordons lui 7½ centins. Nous trouvons ainsi que le cultivateur de Manitoba a un avantage de 7½ centins sur le colon du Dakota, qui, en prenant 25 minots pour moyenne de production, donne un profit annuel de $1.88 sur le produit exporté de chaque arpent de terre. En dix ans, la période qu’il lui faut pour payer sa terre, il gagne, à Manitoba, $18.80 de plus que le cultivateur du Dakota sur le fret seulement, ce qui équivaut au produit de neuf minots de plus par acre. On dira que les cultivateurs du Dakota profiteront du bas prix de notre transport et enverront leur blé par notre ligne. Mais cela serait contraire aux intérêts des lignes qui viendraient ainsi alimenter la nôtre, et elles adopteront, pour les produits du nord, un tarif qui forcera les expéditeurs à prendre leurs lignes. Les bateaux transporteront bien peu de blé l’automne, vu la baisse des eaux, et les inconvénients des transbordements, des bateaux en char, contrebalanceraient les avantages du bas prix.

Mais la grande objection aux règlements est qu’ils n’accordent que 80 acres, au lieu de 160 comme au Dakota. Mais il faut observer que 80 acres ici produisent autant que 120 acres là-bas ; que la culture d’un acre coûte $8, d’après M. Dalrymple, qui emploie tous les instruments les plus perfectionnés ; et qu’ayant 40 acres de moins à cultiver, le cultivateur du Manitoba économisera trois cent vingt dollars par année. Ainsi donc, le colon de Manitoba qui prend une terre, en conformité aux règlements du gouvernement actuel, se trouve infiniment mieux que le colon qui prend une concession ou achète un droit de préemption d’après les lois du Dakota.

Je suis, etc,
Wm. bathgate.

Winnipeg, le 20 octobre 1879.


Il ressort de cette citation plusieurs faits importants. L’auteur établit que nous pourrions transporter les grains du Nord Ouest canadien au taux de 7½ centins sur le chemin du Pacifique, tandis que les lignes américaines exigent 25 centins par minot, de Winnipeg à Duluth ou à Saint-Paul. C’est-à-dire que nous épargnerions 17½ centins par minot. En d’autres termes, l’exportation des céréales par la voie du Pacifique, qui sera bientôt en opération entre la Baie-du-Tonnerre et la Rivière-Rouge, coûterait $1.88 par acre — le rendement d’un acre étant de 25 minots en moyenne — et par la voie des États-Unis, $4.38 de plus par acre, annuellement. Cette différence considérable en faveur du Canada représente une valeur annuelle qui, virtuellement, réduit d’autant le prix de vente de la terre et permettrait au cultivateur d’acquérir ses titres de propriété, en bien peu d’années, avec le produit seul de ces épargnes. Comme le fait remarquer aussi avec justesse M. Bathgate, les terres de l’occident canadien produisent beaucoup plus que le sol du Minnesota ou du Dakota — nos voisins l’admettent eux-mêmes — et la qualité l’emportent sur la quantité, puisque les frais d’exploitation deviennent alors relativement moindres.

Les calculs qui précèdent n’ont rien de fantaisiste ; ils s’appuient sur des faits et des garanties qui ne sauraient nous tromper, comme celle, par exemple, que nous offre la politique ministérielle au sujet du Pacifique, dont la partie qui s’étend du lac Supérieur à la Rivière-Rouge sera probablement ouverte ici à un an.

Une dernière réflexion à ce propos ; il en coûte à peu près autant pour le transport des produits de Winnipeg à Saint-Paul ou à Duluth que de ces deux endroits à Liverpool. Ce monopole ruineux que nous avons dû subir va heureusement cesser.


les règlements en vigueur


Les règlements dont nous venons de parler n’existent plus ; ils ont été annulés par un ordre subséquent du Conseil, et remplacés par d’autres. Nous avons voulu, cependant, en discuter la valeur, afin de rétablir la situation sous son véritable jour. Il est certain que nombre de gens ont pu être trompés par ceux que l’intérêt poussait à établir un parallèle injuste pour notre pays — et il importait de dissiper ces fausses impressions.

La visite de Sir John A. Macdonald et de Sir Léonard Tilley en Angleterre a permis d’adopter une politique encore plus libérale. Comme nous le disions, le but des règlements du mois de juillet dernier était surtout de créer par la vente des terres, à des prix variant de $1 à $6, un fonds qui devait permettre de poursuivre les travaux du Pacifique sans trop obérer les finances nationales. Tout le monde sait aujourd’hui que la mission du premier-ministre et de son collègue se rattachait à ce grand œuvre qui achèvera de consolider la confédération, et c’est au succès qui lui est attribué que nous devons sans doute les derniers règlements datés du mois d’octobre.

Après avoir démontré que nous n’avons rien à envier à nos voisins sous la loi de juillet, le public appréciera davantage la supériorité incontestable de la loi nouvelle sur la loi américaine. Avant d’indiquer ces heureux changements, disons que le territoire reste divisé en cinq bandes, « A » « B » « C » « D » « E, » et de la même largeur, comme autrefois.

Les homesteads et préemptions ne contiennent plus seulement 80, mais 160 acres — ce qui rend à la propriété l’étendue ordinaire — et sont concédés dans les cinq bandes. On a supprimé l’article qui exigeait $6.00 de l’acre pour les terres comprises dans la zone « A, » voisine du chemin de fer.

Ainsi, les terres susceptibles d’être préemptées dans les sections portant les numéros pairs, seront vendues aux prix suivants : Dans les bandes A, B et C, à $2.50 (deux piastres et cinquante centins) l’acre ; dans la bande D, à $2 (deux piastres) l’acre ; et dans la bande E, à $1 (une piastre) l’acre.

Au bout de trois ans, les quatre-dixièmes du prix de vente seront exigibles avec l’intérêt, au taux de six pour cent par année ; et le reste sera payable en six versements annuels, portant le même intérêt.

Les terres du Pacifique situées dans les sections portant les numéros impairs, seront vendues aux prix suivants : Dans la bande A, $5 (cinq piastres) l’acre ; dans la bande B, $4 (quatre piastres) l’acre ; dans la bande C, $3 (trois piastres) l’acre ; dans la bande D, $2 (deux piastres) l’acre ; dans la bande E, $1 (une piastre) l’acre.

Conditions de vente : Un dixième au comptant, lors de l’achat ; et la balance payable en neuf versements annuels égaux, avec intérêt au taux de six pour cent par année sur ce qui restera dû.

Pour faire ressortir avec plus de force les règlements du mois de juillet, et ceux du mois d’octobre dernier, nous les mettrons en regard, à l’aide d’une analyse sommaire :


RÈGLEMENTS DU MOIS D’AOÛT


bande « A »

Pas de concessions gratuites de homesteads. Prix des terres, $6.00 de l’acre.

bande « B »

Homesteads gratis, à condition de les occuper durant trois années, et de payer $10.00 pour l’inscription.

Prix des terres préemptées, $2.50 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $5.00 l’acre.

bande « C »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $2.50 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $3.50 l’acre.

bande « D »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $2.00 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $2.00 l’acre.

bande « E »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $1.00 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $1 de l’acre.


RÈGLEMENTS DU MOIS D’OCTOBRE


bande « A »

Homesteads gratis, à condition de les occuper durant trois années, et de payer $10.00 pour l’inscription. Prix des terres préemptées, $2.50 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $5.00 l’acre.

bande « B »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $2.50 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $4.00 l’acre.

bande « C »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $2.50 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $3.00 l’acre.

bande « D »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $2.00 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $2.00 l’acre.

bande « E »

Homesteads gratis, comme ci-dessus. Prix des terres préemptées, $1.00 l’acre. Prix des terres du chemin de fer, $1.00 l’acre.

Les principales dispositions de la loi canadienne relative aux terres sont donc :

1o. La concession gratuite d’un homesteads de 160 acres, dans les cinq bandes qui se déploient de chaque côté de la ligne du Pacifique, à condition que le colon paie la légère somme de dix piastres, pour l’inscription du titre, au bureau des terres ;

2o. Le droit de préempter un lot voisin, de même étendue, à des prix variant de $1.00 à $2.50 l’acre ;

3o. La faculté d’acheter les terres que le gouvernement a mises en réserve pour aider à la construction du Pacifique, au taux de $1.00 à $5.00 l’acre ;

4°. Le privilège d’un délai de dix ans pour payer, ce qui, on le conçoit, est d’un avantage immense pour le colon.

On ne pourrait être plus libéral, vraiment.


la culture des arbres forestiers


Pour encourager la culture des arbres forestiers, le gouvernement accorde au colon, en sus de son homestead et de son droit de préemption, le privilège de s’inscrire pour un autre quart de section dont il aura la pleine propriété au bout de six ans, et après y avoir fait des plantations d’arbres sur une étendue de 32 acres, durant les quatre premières années.


lots à bois


Lorsqu’il n’y a pas de bois sur une ferme, l’on peut, en s’adressant au bureau des terres, obtenir un lot boisé, de pas plus de 20 acres, dans le voisinage, à raison de $1.00 l’acre.

Voilà qui achève de renseigner l’émigrant, d’une manière à peu près complète, croyons-nous, sur une question de la plus haute importance pour lui.


terres publiques aux états-unis


Pour obtenir un homestead aux États-Unis, il faut compter 21 ans, être citoyen américain, ou avoir signifié son intention de le devenir, puis occuper et cultiver son lot pendant cinq années avant de recevoir le titre nécessaire de propriété.

Au Canada, il suffit, on le sait, d’être âgé de 18 ans et d’occuper et de cultiver sa terre durant trois ans, pour avoir droit à une patente.

Où se trouve, ici, la supériorité des avantages ?

Chez nos voisins — dans le Minnesota, le Dakota, etc. — il n’y a que deux prix pour les terres appartenant au gouvernement, c’est-à-dire $2.50 l’acre pour celles qui se trouvent dans les limites des réserves affectées aux chemins de fer, et $1.25 l’acre pour les lots ordinaires. Il faut payer, en outre, dans un espace de temps beaucoup plus restreint qu’à Manitoba.

Les frais d’inscription de homestead ne sont pas les mêmes dans tous les États, comme l’indiquent les tableaux suivants :

Inscription de homesteads dans le Michigan, le Wisconsin, l’Iowa, le Missouri, Le Minnesota, le Kansas, le Nebraska, le Dakota, l’Alabama, le Mississipi, la Louisiane, l’Arkansas, la Floride, l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois.


Acres Prix par acre Commissions. Honoraires. Total des honoraires et commissions.
Payable lors de l’inscription Payable lorsque le certificat est donné. Payable lors de l’Inscription.
160 $2 50 $ 8 00 $8 00 $10 00 $26 00
80 2 50 4 00 4 00 5 00 13 00
40 2 50 2 00 2 00 5 00 9 00
160 1 25 4 00 4 00 10 00 18 00
80 1 25 2 00 2 00 5 00 9 00
40 1 25 1 00 1 00 5 00 7 00


Inscription de homesteads dans la Californie, le Nevada, l’Orégon, le Colorado, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, l’Utah, le Montana et à Washington, Idaho et Wyoming.


Acres Prix par acre Commissions. Honoraires. Total des honoraires et commissions.
Payable lors de l’inscription Payable lorsque le certificat est donné. Payable lors de l’Inscription.
160 $2 50 $12 00 $12 00 $10 00 $34 00
80 2 50 6 00 6 00 5 00 17 00
40 2 50 3 00 3 00 5 00 11 00
160 1 25 6 00 6 00 10 00 2 00
80 1 25 3 00 3 00 5 00 11 00
40 1 25 1 50 1 50 5 00 8 00


Les frais d’inscription de homesteads varient donc — suivant les États et le prix des terres — de $18.00 à $26.00 et de $22.00 à $34.00.

Au Canada, nous exerçons le droit de préemption en payant de $1.00 à $2.50 l’acre, avec un délai de dix ans pour compléter le paiement ; et nous n’avons à donner que $10 au bureau des terres pour les homesteads.

Lequel des deux pays l’emporte encore sur ce point ?

Enfin, les compagnies de chemins de fer de la république vendent les terres que leur a octroyées le gouvernement à des prix parfois exorbitants, tandis qu’on offre celles du Pacifique canadien à des conditions tout à fait acceptables.

N’avions-nous pas raison de dire que la législation de notre pays pouvait soutenir avantageusement la comparaison avec celle des États-Unis ?

M. Thomas Dowse, l’un des rédacteurs du Commercial Advertiser de Chicago, et qui a publié une brochure sur « Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest, » pense comme nous ; et son témoignage ne peut être suspect, puisqu’il n’est pas intéressé à surfaire la valeur de notre pays, au détriment du sien.

M. James Trow, M. P. et président du comité de colonisation aux Communes, a publié, lui aussi, des lettres sur le Nord-Ouest, qu’il a visité en tous sens, et voici ce qu’il en dit :

« Il est évidemment bien mieux de prendre un homestead dans un pays aussi riche et aussi productif, que d’acheter des terres des compagnies de chemins de fer dans le Dakota, le Nebraska ou le Kansas, à raison de $3.00 à $10.00 l’acre. Je ne connais pas de pays qui offre autant d’avantages au pauvre homme, de même qu’aux capitalistes et aux manufacturiers. »

M. Kenneth Mackenzie, agronome distingué qui réside au Portage-la Prairie, disait devant un comité des Communes : « Je n’ai pas vu dans le Minnesota ou le Dakota de grains ou d’autres produits agricoles qui puissent égaler ce que nous avons dans Manitoba. Je me suis trouvé dans ces États à toutes les saisons, et il y a dans le Minnesota des cultivateurs de mes amis qui viendraient s’établir à Manitoba, s’ils pouvaient vendre leurs propriétés là-bas. »

Trois délégués écossais, MM. Elliott, Logan et Snow, qui ont aussi visité le Nord-Ouest, viennent de faire rapport de leur mission. Le premier, parlant de Manitoba, s’exprime ainsi :

« Manitoba et le territoire du Nord-Ouest sont le meilleur pays pour la grande culture ; et je pourrais ajouter : pour le pauvre colon. »

Le deuxième ajoute :

« Malgré la beauté d’Ontario, je préfère Manitoba, où les cultivateurs devraient émigrer. »

Le dernier termine en disant que le Nord-Ouest, contenant près de 200 000 000 d’acres de terre, devait, dans un avenir peu éloigné, fournir au reste du monde une grande partie des denrées alimentaires.

Enfin, voici ce que répondirent au reporter d’un journal d’Halifax, deux délégués anglais, MM. Biggar et Cowan, qui visitèrent Manitoba durant le cours de l’été dernier :

Q. — Que pensez-vous de Manitoba comparé au Minnesota et au Dakota ?

R. — Il n’y a pas de comparaison. Le rendement à Manitoba l’emporte de beaucoup et le sol y est plus riche.

Q. — Si vous deviez vous fixer ici, où iriez-vous ?

R. — Nous aimerions mieux payer $10 l’acre à Manitoba que d’accepter comme cadeau des terres du Minnesota.


gare aux agents américains


Nous mettons donc nos nationaux en garde contre les agents peu scrupuleux qui sont payés pour engager les émigrants à s’établir sur le territoire américain. On les rencontre partout, ces gens du métier : à Duluth, à Saint-Paul, à Saint-Vincent, aux Grandes Fourches et sur les convois des chemins de fer. Rien ne leur coûte à affirmer, et ils vous disent avec le plus grand sang-froid du monde que le Nord-Ouest canadien est impropre à la culture et que les États-Unis offrent, par contre, des avantages incomparables. Nous avons démontré ce qu’il fallait en croire. Quelques-uns, séduits par les belles paroles, le ton mielleux, les promesses éblouissantes des personnages en question, se sont laissé entraîner. Ils le regrettaient toujours, mais il était souvent trop tard. Le nombre des dupes n’est heureusement pas considérable. Que nos compatriotes ne prêtent pas l’oreille aux exagérations ou aux mensonges qu’on voudra leur débiter ; qu’ils poursuivent leur chemin sans se préoccuper du mal que l’on pourra dire de nos territoires. Personne, à coup sûr, n’est assez naïf pour penser qu’un homme qui vous guette ainsi au passage n’a d’autre motif que celui de se rendre utile ou agréable. Non, ce n’est pas, croyez-le, votre intérêt personnel qui inspire son éloquence ; et si l’on vous arrête sous le beau prétexte de vous enrichir, c’est pour mieux vous tromper. Dans cette propagande dont il faut se méfier, la fin justifie les moyens. Pourvu que l’exploitation rapporte des bénéfices, tout est bien ; et nous pourrions ajouter : tout est là. Les grands spéculateurs, les compagnies de chemins de fer qui possèdent d’immenses étendues de terres aux États-Unis, ont à leur service de ces colporteurs de mensonges qui ne craignent pas de ruiner l’avenir d’une famille pour gagner leur salaire et enrichir le patron. Comme il est facile de les reconnaître, nos nationaux, qui sont avertis, devront traiter leurs avances comme elles le méritent.

Il y a quelques années, plusieurs postes, tels que Moorhead et Fisher’s Landing, ainsi que les bateaux et les convois de chemins de fer — ceux du Pacifique du Nord spécialement — étaient infestés d’escrocs qui pillaient les voyageurs. Les plus habiles de ces filous, désignés sous le nom de “Three cards monte men” avaient un mode d’opération infaillible. Et les malheureux qui succombaient à la tentation de jouer aux cartes avec eux, devaient invariablement faire leur deuil de ce qu’ils mettaient au jeu. Il suffit de signaler ces faits pour empêcher l’émigrant de tomber dans le piège.


coût de la vie à manitoba, prix des denrées, salaires et gages des travailleurs


Nous avons observé que ceux qui ont écrit sur Manitoba ne disent que peu de chose du coût de la vie, des salaires et des gages de l’artisans, du travailleur. Personne encore, que nous sachions, n’a pris la peine de bien faire connaître à l’étranger ce que lui vaudra son travail ou ce qu’il lui faudra payer, là-bas, pour les produits et les articles dont il aura besoin. Il est essentiel sans doute de fixer le colon qui se prépare à émigrer, sur la valeur du sol et sur le rendement de la récolte, mais il est aussi fort important de l’instruire à l’avance des opérations du marché. Les mécomptes deviennent alors impossibles : on sait avant le départ à quoi s’en tenir.

Nous croyons donc que la liste des prix publiée plus bas sera consultée avec avantage par les intéressés, qui pourront, de la sorte, asseoir leurs calculs sur des données recueillies avec le plus grand soin.

Minimum. Maximum.
Typographes (à la journée) $2 00 $2 50
Relieurs "  2 00  2 50
Menuisiers "  1 75  2 50
Ébénistes "  1 75  2 50
Charrons "  2 00  2 50
Maçons "  2 00  2 50
Briquetiers "  3 50  4 00
Forgerons "  1 75  2 50
Meuniers "  2 50  3 00
Peintres "  1 50  2 50
Plâtriers "  2 50  3 50
Meubliers "  1 75  2 50
Mécaniciens "  2 50  3 00
Boulangers "  1 75  2 50
Cordonniers "  3 00  3 50
Tailleurs "  2 00  2 50
Orfèvres "  3 00  4 00
Horlogers "  2 50  3 50
Serruriers "  1 50  2 50
Ferblantiers "  1 50  2 00
Plombiers "  1 00  1 50
Fondeurs "  2 50  3 50

Selliers 1 50 2 50
Bouchers "  1 50  2 50
Jardiniers "  1 50  2 00
Brasseurs "  2 00  3 00
Confiseurs "  1 50  2 50
Journaliers "  1 75  2 00
Femmes "  1 00
Commis de nouveautés (au mois) 40 00 100 00
Commis-épiciers " 40 00 100 00
Commis-pharmaciens " 80 00 100 00
Cabaretiers " 20 00 50 00
Barbiers " 40 00 60 00
Cuisiniers " 25 00 50 00
Cochers (avec pension) " 15 00 25 00
Palefreniers et conducteurs de voitures (avec pension) " 15 00 25 00
Serviteurs " 12 00 25 00
Servantes (dans les familles) "  5 00 10 00
Servantes (dans les hôtels) " 12 00 15 00
Garçons de ferme " 25 00 30 00


Voilà pour les salaires et les gages des classes ouvrières ; l’énumération est assez complète.

Passons maintenant aux prix des terres, instruments agricoles, animaux, grains, produits, denrées et articles de toute espèce.


Terres longeant les rivières, prix par acre $6.00 à $10.00

Terres à l’intérieur : prix variant selon la distance du chemin de fer ; impossible de préciser, si ce n’est pour les terres du gouvernement, dont les conditions de vente sont établies ailleurs.



Machine à semer $75 00 $90 00
Machine à moissonner 120 00 140 00
Machine à faucher 80 00 100 00
Machine à moissonner et à faucher [combinée] 175 00 200 00
Machine à battre 800 00 120 00
Machine à vanner 30 00 45 00
Râteau traîné par un cheval 40 00 50 00
Charrue 25 00 30 00
Herse 20 00 25 00
Pelle  1 00
Bêche  1 25
Fourche pour le foin    75
Fourche pour le fumier   1 00
Hache   1 25   1 50
Chevaux (canadiens), la paire 200 000 500 000
Bœufs, la paire 75 000 150 000
Vaches 25 00 40 00

Cochon $10 00 $18 00
Mouton  5 00  7 00
Voiture de ferme à quatre roues (wagon) 80 00 95 00
Charrette de la Rivière-Rouge 10 00 12 00
Harnais, etc., etc. 12 00 60 00
Farine (de blé)  2 00  2 75
Blé, le minot  0 70  1 00
Maïs    "  0 75  1 00
Pois    "  0 70  0 75
Seigle, rare  0 55  0 60
Orge    "  0 50  0 55
Avoine    "  0 45  0 75
Fèves  2 50  3 00
Pommes de terre  0 55  0 60
Sarrasin [farine]  4 00  5 00
Foin, la tonne  6 50  7 75
Bois de construction [1,000 pieds] 18 00 60 00
Bardeaux (le mille)  3 50  4 00
Lattes  5 00
Portes  1 50  2 50
Châssis 8 x 10, la paire  1 00
Clous, la livre  0 05
Briques (le mille)  8 00 12 00
Pierre (verge cube) 15 00
Chaux, le minot (au four)  0 25
Lard, la livre  0 08  0 09
Bœuf    "  0 10  0 15
Mouton    "  0 10  0 12
Veau    "  0 10  0 15
Dindons    "  0 15  0 00
Oies    "  0 15  0 00
Poules    "  0 10  0 12
Beurre    "  0 25  0 30
Fromage    "  0 15  0 20
Thé    "  0 40  0 75
Café    "  0 30  0 55
Sucre    "  0 75  0 80
Sirop (gallon)  0 75  0 80
Tabac  0 50  1 00
Poêle (de cuisine) 20 00 50 00
Poêle (de salle)  5 00 25 00
Couchette  2 50  5 00
Literie (matelas)  2 50 10 00
Bureaux de toilette  8 00 12 00
Table  3 00  4 00
Chaise  0 75  1 00
Assiettes  0 08  0 20
Tasse et soucoupe  0 08  0 15
Lampe  0 60  1 00
Sceaux  0 25
Cuvette  0 90
Coton, la verge  0 08  0 12½
Indienne   "  0 08  0 12
Toile       "  0 15  0 50

Tweed, la verge 0 75 2 25
Flanelle    "  0 25  0 72
Merino    "  0 60  1 25
Alpaca    "  0 25  0 90
Coutil    "  0 25  0 50
Wincey    "  0 08  0 25
Segre    "  0 25  3 50
Soie    "  1 25  3 50
Étoffe à robe  "  0 18  1 00
Draps    "  2 25  6 00
Couvertures, la paire  2 50 10 00
Paletot  3 50 25 00
Pantalons  2 00  9 00
Veste  1 26  6 50
Chemise de laine  0 75  4 00
    "  de coton  0 50  2 00
Chaussons de laine  0 25  0 30
Chapeaux en feutre  0 75  4 00
Bottes, pour hommes  2 00  3 00
Souliers pour femmes  1 75  2 50


L’utilité des informations qui précèdent, est manifeste. Ainsi, en parcourant cette liste, l’émigrant, sachant ce qu’il possède et ce qui lui manque, pourra calculer les frais du déplacement, de l’installation et de l’entretien de sa famille, de même qu’il apprendra ce que lui rapporterait son travail, ou la vente de ses produits.


les canadiens-français à manitoba


Les Canadiens-français qui ont quitté le pays pour émigrer aux États-Unis, et de là au Nord-Ouest canadien, ont-ils réussi à Manitoba ? À cette question, nous ne craignons pas de répondre : oui, règle générale. Depuis quatre années, plusieurs détachements considérables de nos nationaux, venant surtout des États de la Nouvelle-Angleterre, se sont rapatriés. Ce mouvement national, nous l’avons suivi avec intérêt, et après l’avoir favorisé là-bas dans la mesure de nos forces, nous voulons nous y associer encore ici, en en publiant les heureux résultats.

Rendons hommage, en passant, à l’esprit vraiment patriotique de nos amis de Manitoba, qui n’ont épargné ni leur temps ni leur argent pour recevoir de la façon la plus sympathique leurs frères des États-Unis. Rien ne leur coûtait lorsqu’il s’agissait d’être utiles ; et ces bons procédés n’ont pas peu contribué, sans doute, à populariser la cause de la colonisation. Pour donner une preuve non équivoque du dévouement qui distingue nos compatriotes de Manitoba, il suffira de dire que plusieurs citoyens de Saint-Boniface ont érigé à leurs frais, et sans rien recevoir du gouvernement, un spacieux édifice qui a servi, jusqu’ici, à recevoir les émigrés canadiens.

Nous devons ajouter que ceux qui furent l’objet de cette bienveillance toute fraternelle n’ont pas manqué de le reconnaître hautement et publiquement. Aujourd’hui, l’accueil est aussi cordial, aussi hospitalier que par le passé. Tout le monde rivalise de zèle pour renseigner les nouveaux venus sur ce qu’il leur importe de savoir, et pour les diriger là où leurs aptitudes ou leurs moyens semblent les appeler.

Mais nous sommes déjà bien loin de la question que nous nous étions posée tout à l’heure : revenons y-donc. À quelques exceptions près, nos compatriotes ont réussi, en peu de temps, à améliorer beaucoup leur état. Il a fallu, sans doute, de la volonté et de l’énergie ; car tous les débuts sont difficiles. Mais le courage qui ne se rebute pas au premier obstacle, le travail qui persévère, finit par triompher.

À l’appui de ces observations qui s’appliquent au Nord-Ouest canadien avec plus de force, croyons-nous, qu’aux autres pays, il serait facile de citer une foule d’exemples. Nombre de nos nationaux qui n’avaient, de fait, rien ou presque rien à leur arrivée à Manitoba, ont déjà acquis une honnête aisance. La plupart sont aujourd’hui les propriétaires de belles et grandes fermes, dans les townships qui leur furent réservés, ou dans les paroisses situées le long des rivières, et les autres exercent leur industrie dans les villages et les villes — à Winnipeg, à Saint-Boniface et ailleurs. Et c’est là, pourtant, l’œuvre de trois ou quatre années de labeur.

Aussi, demandez à ces hommes que la fatigue n’effraie pas, que les sacrifices mêmes ne découragent pas, s’ils regrettent leur départ des États-Unis. Demandez-leur s’ils voudraient, maintenant, retourner à l’usine, pour s’y assujétir de nouveau à un travail mercenaire et ingrat. Demandez-leur, enfin, s’ils n’aiment pas mieux retirer du sol le pain qui nourrit leur famille, dont la santé se ranime au souffle vivifiant de la prairie et loin de l’atmosphère empestée de la fabrique.

Presque tous vous répondront que la vie dont ils jouissent à Manitoba est mille fois préférable à l’existence, si souvent pénible, qu’ils traînaient à l’étranger. Nous disons presque tous ; car il n’est pas possible d’imaginer un coin du globe — fût-il le plus beau, le plus fertile, le plus largement doué par la nature — qui convienne à tout le monde indistinctement. On a pu, d’autre part, se faire illusion et penser qu’il suffisait de se rendre à Manitoba pour y devenir riche sans aucun effort. Cette étrange méprise nous expliquerait, alors, les déceptions de certains émigrants qui, fort surpris, apparemment, de ne pouvoir recueillir le riche héritage sur lequel ils comptaient à leur arrivée, sont repartis de suite, dégoûtés d’un pays aussi mesquin, aussi désobligeant… selon eux.

Encore une fois, c’est le travail qui, à Manitoba comme ailleurs, conquiert la fortune. Les richesses naturelles du sol rendent plus féconde, il est vrai, l’application de la loi universelle, qui condamne l’homme à gagner son pain à la sueur de son front, mais le principe reste au fond le même.

Qu’on ne l’oublie pas.

Bien que l’on ne puisse avoir raison de suspecter notre franchise et notre véracité, nous avons cru devoir publier deux lettres que nous ont adressées plusieurs de nos compatriotes de Saint-Boniface, de Saint Jean-Baptiste, de Saint-Joseph et de Saint-Pie. Les signataires ont résidé à plusieurs endroits des États-Unis où ils sont bien connus, et leur témoignage, offert spontanément, donnera au nôtre plus de valeur et de force.


Saint-Boniface, Manitoba, 18 décembre 1879.
M. Élie Tassé,
Ottawa.


Monsieur,

Nous apprenons que vous préparez une brochure sur l’émigration à Manitoba, et nous désirons vous donner quelques renseignements qui pourraient peut-être vous servir, ou plutôt servir à ceux qui vous liront.

Nous sommes des colons venus de la Nouvelle-Angle terre et des États de l’Ouest depuis 1876, époque où a commencé l’émigration canadienne-française à Manitoba. Notre expérience du pays est suffisante pour nous permettre d’en parler avec connaissance de cause

Nous pouvons dire tout d’abord que pas un de ceux qui se sont établis d’une manière permanente en cette province ne regrette d’avoir quitté les États-Unis. Au contraire, tous se plaisent et aiment leur nouvelle patrie. Dans les villes manufacturières que nous habitions, nous réussissions à pourvoir au jour le jour à la subsistance de nos familles ; et c’était tout. Ici, nous vivons tout aussi bien, et nous avons l’agréable perspective de pouvoir amasser quelque chose pour nos enfants.

Nous sommes actuellement au village de Saint-Boniface, mais un bon nombre d’entre nous ont, dans les différentes paroisses, des terres sur lesquelles ils comptent aller s’établir avant longtemps.

Nos amis des florissantes paroisses de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Joseph pourraient, eux, parler de leurs superbes fermes et des magnifiques récoltes qu’ils ont eues cette année. Nous en connaissons plusieurs qui sont arrivés en cette province, en 1876 et 1877, sans argent, ou avec des sommes insignifiantes, et qui ont maintenant sur leurs terres, maisons, étables, dix à quinze animaux, instruments aratoires, et de quarante à soixante arpents en culture qui leur ont rapporté, cet été, 500, 800 et jusqu’à 1,200 minots de grain. Il en est qui avaient à peine 100 piastres en arrivant dans le pays, en 1876, et qui, après avoir vécu aussi à l’aise qu’aux États-Unis, ne donneraient pas aujourd’hui leurs propriétés pour 2 500 $. Mais peut être que ceux là vous écriront eux-mêmes et vous feront connaître leurs avantages.

Qu’il nous suffise de vous dire qu’à notre arrivée ici, nous avons trouvé les choses mieux que nous les pensions. Un accueil des plus bienveillants nous a été fait par les membres de la Société de colonisation. Nous avons été reçus par des frères, et nous avons senti que nous n’étions pas en pays étranger.

Puis, en voyant la fertilité du sol, la facilité de se procurer des terres, soit en obtenant des homesteads du gouvernement, soit en les achetant des gens du pays, il nous a fallu peu de temps pour nous convaincre qu’avec du labeur et de l’énergie, tout homme de bonne volonté pouvait, à moins d’être visité par le malheur, vivre sans misère, devenir propriétaire d’une belle ferme et assurer un patrimoine à ses enfants.

De plus, nous avons l’avantage de posséder partout d’excellentes écoles, où nos enfants peuvent recevoir une bonne éducation catholique.

Nous croyons que ces renseignements pourront être utiles à nos nationaux qui végètent aux États-Unis, et les engager à venir partager avec nous les avantages que leur offre la jeune et prospère province de Manitoba.

Agréez, etc.,
(Signé)

P. H. Prince, Assomption, Illinois.
C. F. Charrier, Détroit, Mich.
Jos. Vallée, Saint-Louis, Mo.
L. D. Bissonnette, Saint-Albans, Vermont.
Napoléon Prince, Assomption, Illinois.
Edmond Nadeau, Fall River, Mass.
F. X. Lapierre, Lawrence, Mass.
Jacques Chartier, Nashua, N. Hampshire.
Joseph Pion, Nashua, N. Hampshire.
David Jannotte, Nashua, N. Hampshire.
Joseph Lavallée, Woonsocket, R. I.
P. Fabien Soucy, Ashburnham, Mass.
Olivier Gendron, Spencer, Mass.
G. B. Joyal, Woonsocket, R. I.
Joseph Joyal, Woonsocket, R. I.
David Joyal, Woonsocket, R. L
Roger Sicotte, Gardner, Mass.
Noël Sicotte, Bismark, Dakota.
Joseph Boisjoli, Lawrence, Mass.
Michel Carrier, North Adams, Mass.
Alexis Degagnier, Manchester, N. Hamps.

Voici maintenant la lettre des colons de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Joseph et de Saint-Pie :


M. Élie Tassé.

Monsieur,


Nous apprenons avec plaisir que vous préparez une brochure en faveur de la colonisation à Manitoba. Nous ne saurions trop vous louer d’une aussi bonne œuvre et nous osons espérer qu’elle sera bien appréciée par nos frères des États Unis. En effet, nous serions si heureux de voir tous les Canadiens parfaitement renseignés sur les avantages qu’offre notre jeune province ! Un mot résumant notre position ou faisant connaître les progrès opérés depuis notre arrivée à Manitoba, ne vous serait peut-être pas désagréable.

Arrivés à Manitoba en juin 1875, nous trouvions de vastes prairies, d’excellentes terres, mais quelques colons métis et anglais seulement disséminés le long de la rivière Rouge. Pour nous, deux townships nous étaient réservés, mais à plusieurs milles à l’intérieur (c’est-à-dire loin des cours d’eau) ; et plus d’un ancien colon nous trouvait téméraires de nous aventurer ainsi dans une localité qu’on croyait devoir être pour toujours le royaume exclusif des loups, renards et autres individus de même espèce.

Cependant, le croiriez-vous ? aujourd’hui, grâce à l’activité de notre dévoué agent, M. J. E. Têtu, et des amis qui s’intéressent à la colonisation, il ne reste que bien peu de lots inoccupés dans la partie que nous habitons. Il ne manque pas sans doute de place pour de nouveaux colons ; on peut en établir des milliers, mais il faut s’éloigner un peu.

Pour ne pas être trop long, nous nous bornerons à vous dire, qu’en 1876, la partie que nous habitons était connue sous le nom de Sainte-Agathe et ne renfermait que vingt-cinq à trente familles catholiques. À présent, ce même territoire comprend Saint-Jean-Baptiste, qui contient cent vingt familles ; Saint-Joseph, qui en compte quatre-vingts, et Saint-Pie, cinquante, ayant chacune un curé respectif (nous ne parlons que de nos coreligionnaires). Il y a cinq écoles françaises catholiques, une compagnie d’infanterie, une société de Saint-Jean-Baptiste, etc., etc.

Et quant à notre position, nous souhaiterions voir tous nos amis des États-Unis et d’ailleurs contempler nos maisonnettes, nos champs de blé, nos troupeaux relativement nombreux et cette bonne gaieté française rayonnante sur tous les fronts. Oui, monsieur, nous sommes heureux de nous trouver réunis, sans entrave aucune, autour de nos modestes chapelles, comme nous l’étions autrefois autour des clochers qui nous ont vu naître.

Ah ! chers amis, vous qui êtes condamnés au labeur ennuyeux et malsain des manufactures, venez ici goûter la douce liberté de propriétaires indépendants. Il en coûte quelque travail, quelque peine ; mais qu’il est doux pour un père de famille de pouvoir se dire : voici mes enfants autour de moi, avec des propriétés à eux, leur assurant pour toujours, s’ils le veulent, une vie aisée et paisible.

À ceux qui repartent d’ici et qui méprisent Manitoba, nous n’avons qu’une réponse à faire. La terre promise valait sans doute mieux que l’esclavage dur et pénible que les Égyptiens faisaient peser sur les Israélites. Combien, cependant, de ces derniers regrettaient l’Égypte à cause du voyage à travers le désert ! De même ces Canadiens se laissent décourager à raison du travail quelque peu pénible de quelques années avant de devenir, comme nous le sommes, maîtres et indépendants, pouvant, avec un travail aisé, vivre dans l’abondance de toutes les choses nécessaires.

Voilà, cher monsieur, un aperçu bien court à la vérité, mais pouvant vous donner une idée du développement qui s’est opéré ici et dans la province entière ; car on peut dire avec raison de tout le pays ce que nous avons dit de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Joseph et de Saint-Pie.


(Signé)

François Parent.
Antoine Duval.
Antoine Bellavance.
Delphis Plante.
Hilaire Roy.
Saül Gendron.
Pierre Pontbriand.
Henri Lécuyer.
Pierre Parenteau.
Alfred Dozois.
Toussaint Benoit.
Louis Marcil.
Ouésime L’heureux.
Joseph Bellerive.
Raphaël Roberge.
Tréfilé Picard.
François Mercier.
François Dumont.
Charles Déry.
Ambroise Sarrasin.
Toussaint Brault.
Etc., etc., etc.



Le langage de nos nationaux de Manitoba est inspiré non-seulement par la vérité, mais par l’intérêt qu’ils portent à leurs frères des États-Unis. Nous avons visité nous-même les établissements de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Joseph et de Saint-Pie, lesquels sont groupés ensemble à une légère distance de la frontière sur le côté occidental de la rivière Rouge, et nous pouvons dire que l’on n’en exagère ni la prospérité ni l’importance. Les deux townships dont il est question dans la dernière lettre sont superbes, et les récoltes abondantes. M. l’abbé Fillion, de Saint-Jean-Baptiste, a déployé une intelligence et un zèle remarquables dans la direction de ces colonies devenues très florissantes, et qui se composent d’hommes énergiques et industrieux. Comme on le voit, l’apôtre de la religion est aussi l’apôtre de la colonisation ; le prêtre suit l’émigrant ; la chapelle et l’école se dressent à côté de la demeure du hardi pionnier ; l’œuvre intellectuelle et morale marche de pair, lorsqu’elle ne la devance pas, avec l’œuvre matérielle. C’est l’harmonie, en un mot, du véritable progrès.


ceux qui doivent ou peuvent émigrer


La masse des émigrants appartient à la classe agricole. On comprend que, dans un pays neuf comme Manitoba, le travail — excepté celui de la ferme — ne saurait occuper une multitude de bras. En 1876, tout était encore à créer, pour ainsi dire, dans le domaine de l’industrie, et cette organisation du capital et du travail ne s’opère ni en un jour ni en une année. Aussi la presse n’a-t-elle jamais manqué de dire franchement la vérité sur ce point. Mais, en dépit de tout, le nombre des petits capitalistes, des commis, des artisans et des gens d’affaires de toute espèce, qui sont allés à Manitoba, est considérable, et la plupart ont prospéré, soit à Winnipeg, qui se peuple avec une rapidité merveilleuse, ou soit à Saint-Boniface, à Emerson, à Selkirk, à Sainte-Anne, à la Baie-Saint-Paul, à Saint-Jean-Baptiste, à Saint-Norbert, à Saint-François-Xavier, au Portage-la-Prairie, etc., etc.

Aujourd’hui, la situation n’est plus la même absolument. De grandes entreprises publiques se poursuivent et donnent de l’emploi à une foule de personnes. Nous voulons parler des chemins de fer. Actuellement, toute la partie du Pacifique qui s’étend du lac Supérieur à la rivière Rouge est en voie d’exécution, et le gouvernement, qui a donné, en outre, un contrat de 100 milles à l’ouest de Selkirk, se propose de continuer les opérations sur un parcours de 200 à 300 milles aussitôt que possible.

La compagnie du chemin de fer de colonisation du Sud-Ouest se prépare également à construire urne voie qui irait de Winnipeg à la montagne de Pembina, et les citoyens d’Emerson ont constitué une compagnie qui veut établir une ligne entre cette entreprenante petite ville et la montagne de la Tortue.

Enfin, il sera érigé, l’été prochain — en toute probabilité du moins — un et peut-être deux ponts sur la rivière Rouge, reliant Winnipeg à Saint-Boniface, et, plus tard, un autre à Emerson.

Voilà autant d’entreprises et de projets assurant ou promettant de l’ouvrage à des milliers de colons qui, tout en cultivant leurs terres, pourront gagner de l’argent. Il est facile de calculer ce que pourrait rapporter, ainsi, le travail d’une famille composée de trois ou quatre enfants capables de manier le pic ou la pelle. Et remarquez bien que rien n’empêcherait de mener de front l’exploitation de la ferme. Nous connaissons des Canadiens-français qui ont pu réaliser, par ce moyen, suffisamment d’épargnes pour acheter les animaux ou les instruments aratoires qu’exige la culture.

Nous pensons donc que l’on peut maintenant, avec des moyens beaucoup plus limités que par le passé, se créer par le travail un avenir à Manitoba, pourvu que l’énergie supplée à l’insuffisance du capital acquis.

À l’appui de ce qui précède, nous citerons la lettre suivante adressée, en 1874, à un M. Lillies, de West-Pilkington, Ontario, par ses enfants résidant à Manitoba :

« Ne craignez rien pour nous ; car nous réussissons mieux qu’à Ontario, en dépit des ravages des sauterelles[4]. Deux d’entre nous ont gagné $166 par mois à faire et à vendre de la chaux ; un troisième a réalisé $5 par jour, en moyenne, avec son attelage, ou en travaillant sur le chemin de fer ; enfin, le quatrième exerce son métier de charron à Winnipeg, où il retire $60 par mois. L’avenir nous apparaît sous les plus belles couleurs. »…

On voit ce que peuvent accomplir là-bas, à défaut de grandes ressources pécuniaires, le courage et l’activité.


feux de prairies


Au Nord-Ouest, l’on entasse généralement en meules, dans la prairie ou près des habitations, le foin et le grain. Or, à l’automne, il y a presque toujours des feux de prairies, et le colon ne saurait, en conséquence, prendre trop de précautions pour soustraire sa récolte aux atteintes de l’élément destructeur. Les lois locales sont fort sévères sur ce point ; elles punissent celui qui met le feu, de même qu’elles obligent le citoyen à prendre certaines mesures pour protéger sa propriété. Il suffira d’ouvrir le statut pour se renseigner.

les sauterelles


Elles firent leur première apparition dans le pays en 1818, et y détruisirent les moissons durant trois ans consécutifs. Environ quarante ans plus tard, ce terrible fléau exerça de nouveau ses ravages. Nous avons été témoin nous-même de l’arrivée des sauterelles, en 1874. Leurs bataillons, qui s’agitaient dans les airs, étaient si serrés, que le soleil en était obscurci, et ces vilains insectes, lorsqu’ils descendirent des hauteurs, recouvraient le sol de leurs masses grouillantes.

Ce redoutable fléau, qui fait disparaître du sol toute végétation, n’est pas particulier à nos régions ; il sévit, avec la même violence, dans le Minnesota, le Dakota et autres États de l’Ouest.

Depuis 1876, les sauterelles ont disparu, et il n’est pas probable qu’elles reviennent de sitôt.


les sauvages


Il existe beaucoup de préjugés au dehors sur le compte des sauvages. Nous avons reçu nous-même plus d’une lettre, lorsque nous étions à Manitoba, nous demandant s’il était bien vrai que les Peaux-Rouges étaient aussi nombreux que féroces dans ces parages. Nous pouvons répondre aujourd’hui comme alors : les sauvages à Manitoba sont établis sur des réserves, et il n’y a pas lieu de les redouter, pour deux raisons :

1° Parce que leurs dispositions sont tout à fait pacifiques ;

2° Parce qu’ils ne sont pas assez forts, numériquement parlant, pour entreprendre rien de sérieux contre la population blanche.

Il y a sans doute, dans les territoires du Far-West, des milliers de sauvages, mais ces tribus errent, pour la plupart, à des centaines de milles de distance, et sont disséminées dans la forêt ou dans la plaine. De sorte que leur présence, là-bas, n’offre aucun danger pour Manitoba, trop souvent confondu avec le Nord-Ouest tout entier.


comment se rendre à manitoba


Nous avons voulu renseigner l’émigrant d’une manière précise sur les grandes voies qui conduisent à Manitoba. Il est important de le bien fixer sur ce point. Ainsi donc, l’on pourra choisir l’une ou l’autre des lignes ou routes suivantes :


voies ferrées
I

Chemin de fer du Grand-Tronc — de __________ à Chicago.

Chemin de fer de Chicago, Milwaukee et Saint-Paul — de Chicago à Saint-Paul.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Saint-Paul à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint-Boniface.

Par cette voie, l’émigrant ne change de convoi que trois fois seulement.

II

Chemin de fer du Grand-Tronc — de __________ à Chicago.

Chemin de fer de Chicago et du Nord-Ouest — de Chicago à Saint-Paul.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Saint-Paul à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint-Boniface.

Par cette voie encore, l’on ne change de convoi que trois fois.

III

Chemin de fer du Grand-Tronc — de __________ à Détroit.

Chemin de fer du Michigan Central — de Détroit à Chicago.

Chemin de fer de Chicago, Milwaukee et Saint-Paul — de Chicago à Saint-Paul.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Saint-Paul à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint Boniface.

Par cette voie, il faut donc changer de convoi quatre fois.

IV

Chemin de fer du Grand Tronc — de __________ à Détroit.

Chemin de fer du Michigan Central — de Détroit à Chicago.

Chemin de fer de Chicago et du Nord-Ouest — de Chicago à Saint-Paul.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Saint-Paul à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint-Boniface.

Par cette voie, il faut aussi changer de convoi quatre fois.


par terre et par eau
V

Chemin de fer du Grand-Tronc — de __________ à Sarnia.

Steamers de la Compagnie de transport du Nord-Ouest — de Sarnia à Duluth, par les lacs.

Chemin de fer du Pacifique Américain du Nord — de Duluth à Glyndon.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Glyndon à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint-Boniface.

VI

Chemin de fer du Grand-Tronc — de __________ à Toronto.

Chemin de fer du Nord — de Toronto à Collingwood.

Steamers de la Compagnie du lac Supérieur — de Collingwood à Duluth.

Chemin de fer du Pacifique Américain du Nord — de Duluth à Glyndon.

Chemin de fer de Saint-Paul, Minneapolis et Manitoba — de Glyndon à Saint-Vincent.

Embranchement de Pembina du Pacifique Canadien — de Saint-Vincent à Saint-Boniface.

On sait que le gouvernement s’entend avec certaines compagnies pour le transport des émigrants à certaines conditions.


AGENTS D’ÉMIGRATION

états-unis


Charles Lalime, Worcester, Mass.

Tous les Canadiens des États-Unis, ceux de l’Est comme de l’Ouest, pourront s’adresser à cet agent, qui, puissamment secondé par la Société de Colonisation de Manitoba, le Travailleur, de Worcester, et autres amis de l’œuvre, a dirigé, depuis 1876, un fort courant d’émigration au Nord-Ouest.

W. C. B. Grahame, Duluth.

Cet officier est spécialement chargé de recevoir les émigrants, à l’arrivée des bateaux à vapeur, de prendre soin de leur bagage, de les mettre en garde contre les agents américains et de leur fournir, en un mot, tous les renseignements dont ils ont besoin pour se rendre à destination.


manitoba


Jean E. Têtu, Dufferin et Emerson.

En entrant dans la province de Manitoba, l’émigrant, quel qu’il soit, est bien aise de rencontrer un agent qui lui fasse bon accueil. Aussi, est-il juste de dire que M. Têtu n’a rien négligé pour donner aux nouveaux venus tout le confort possible, après le débarquement, et les aider ensuite à se placer sur les terres.

W. Hespeler, Winnipeg.

Jusqu’ici, les membres si dévoués de la Société de Colonisation se sont fait un devoir d’aller eux-mêmes souhaiter la bienvenue à nos compatriotes.

Québec : — (Cité). — L. Stafford.
QUbec : — Montréal. — J. J. Daley.
Ontario : — Ottawa. — W. J. Wills.
OntRio : — Kingston. — R. Macpherson.
OntRio : — Toronto. — J. A. Donaldson.
OntRio : — Hamilton. — John Smith.
OntRio : — London. — A. G. Smyth.
Nouvelle-Écosse : — Halifax. — E. Clay.
Nouveau-Brunswick : — Saint-Jean. — Samuel Gardner.

  1. Le lac Winnipeg a 280 milles de longueur, et sa plus grande largeur est de 57 milles.
    Les lacs Manitoba et Winnipegoos ont environ 120 milles de longueur et 27 de largeur.
  2. Le bœuf domestique a été importé en 1825, et le mouton — qui n’a jamais été attaqué par aucune maladie — en 1833.
  3. Belle Prairie est située près de la rivière aux Coquilles, à l’ouest.
  4. Ce fléau est disparu depuis cinq ans.