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Le Père De Smet/Chapitre 02

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H. Dessain (p. 31-52).


CHAPITRE II

LE NOVICIAT.
ARRIVÉE DES JÉSUITES AU MISSOURI


1821-1823


Dès l’origine, les missions américaines attirèrent en grand nombre les Pères de la Compagnie de Jésus. Ils furent les premiers explorateurs de la Nouvelle-France, et lui donnèrent ses premiers martyrs, « L’histoire de leurs travaux, dit un écrivain protestant, se rattache à l’origine de toutes les villes mentionnées dans les annales de l’Amérique française. On ne doublait pas un cap, on ne traversait pas une rivière, sans qu’un jésuite montrât le chemin »[1]. Tandis que les PP. Jogues, de Brébeuf et Lallemand arrosent de leur sang les bords du Saint-Laurent, le P. Marquette, monté sur un simple canot d’écorce, reconnaît le Mississipi jusqu’à l’Arkansas.

Comme leurs confrères de France, les Jésuites anglais qui, en 1634, abordèrent au Maryland avec lord Baltimore, furent à la fois d’héroïques missionnaires et des civilisateurs de génie. « Nous ne sommes pas venus pour vous faire la guerre, disaient aux Indiens les PP. White et Altham, mais pour vous apprendre la loi de grâce et d’amour, et vivre avec vous comme des frères ».

Depuis les Grands-Lacs jusqu’au golfe du Mexique, les chrétientés se fondaient. Au récit des souffrances de l’Homme-Dieu, l’Abenaki, l’Iroquois, le Huron, l’Illinois, le Natchez, déposant leur férocité, enterraient la hache de guerre, et choisissaient les plus beaux arbres de leurs forêts pour construire la « loge de la prière ».

Un jour vint où le fanatisme protestant entreprit de détruire l’œuvre des missionnaires. Les catholiques du Maryland se virent ravir leurs biens, leurs droits, leurs églises, leurs écoles, leurs enfants. Les « congrégations » indiennes furent noyées dans le sang. Les Jésuites eux-mêmes, frappés par le bref de Clément  xiv, durent se disperser.

En 1776, la guerre de l’Indépendance dépossédait l’Angleterre d’une colonie qu’elle n’avait fait qu’opprimer. Bientôt après, Washington adressait ce vœu aux catholiques des États de l’Union : « Puissent les membres de votre société, en Amérique, uniquement animés par le pur esprit chrétien, jouir de toutes les félicités temporelles et spirituelles » [2] !

C’était une ère de paix qui s’ouvrait. Les catholiques en profitèrent pour demander au pape l’érection d’un évêché à Baltimore.

Le 15 août 1790, dans la chapelle domestique d’un manoir anglais, le nouvel élu était sacré. Il s’appelait John Carroll. C’était un ancien jésuite, natif de Maryland, où sa famille venait de combattre au premier rang pour la liberté.

L’évêque des États-Unis prenait la direction d’un diocèse qui ne mesurait pas moins de quinze cents lieues de long sur huit cents de large, et où vivaient environ quarante mille catholiques, mêlés à trois ou quatre millions de protestants. Comme auxiliaires, il trouvait une trentaine de prêtres, dont plusieurs avaient appartenu comme lui à la Compagnie de Jésus.

Bientôt la persécution révolutionnaire lui envoya de France et de Belgique un précieux contingent de missionnaires aguerris dans la lutte, et fidèles au devoir jusqu’à lui sacrifier la patrie. Les Sulpiciens acceptaient la direction d’un grand séminaire. Parmi ces prêtres, il y avait des hommes éminents, dont plusieurs furent, dans la suite, promus à l’épiscopat.

Cependant il tardait à Mgr Carroll de voir la Compagnie de Jésus se réorganiser dans son diocèse. Le 25 mai 1803, il écrivait au P. Gruber, supérieur des Jésuites de Russie : « Par les lettres de plusieurs de nos frères, nous avons appris avec la plus vive joie que, grâce à une sorte de miracle, la Compagnie a été sauvée et qu’elle existe encore en Russie. Nous savons que le Souverain Pontife la reconnaît et que, par un bref, il a permis à Votre Paternité d’admettre de nouveau ceux qui ont appartenu à l’institut. Presque tous nos anciens Pères sollicitent avec ardeur la grâce de renouveler les vœux qu’ils ont faits à Dieu dans la Compagnie ; ils demandent à achever leur vie dans son sein, et ils se proposent de consacrer leurs derniers jours à la rétablir dans ce pays, si la Providence le permet ».

La réponse du P. Gruber fut telle que la souhaitait le pieux évêque. Il recevait de nouveau dans la Compagnie les anciens Jésuites d’Amérique. Le P. Molyneux était désigné comme leur supérieur, avec autorisation d’admettre des novices.

Dès 1806, Mgr Carroll ouvrait à Georgetown le premier collège de la Compagnie restaurée. Le succès ne se fit pas attendre. En 1815, quelques mois avant la mort de son fondateur, le collège recevait le titre et les privilèges d’université[3].

Le noviciat fut d’abord annexé au collège ; mais bientôt on put offrir aux jeunes religieux un séjour plus recueilli.

Depuis longtemps, les Jésuites possédaient à Whitemarsh, à sept ou huit lieues de Georgetown, une vaste plantation, entourant une maison construite en bois, mais spacieuse et commode. Située dans un endroit salubre, au milieu des vignes, des prairies et des bois, la ferme de Whitemarsh pouvait facilement être transformée en maison de probation. Le noviciat y fut transféré au printemps de 1819.

C’est le 6 octobre 1821 que Pierre De Smet et ses compagnons arrivèrent à Whitemarsh.

Les novices avaient alors pour maître un jésuite flamand, le P. Van Quickenborne, d’héroïque mémoire.

Né au village de Peteghem, dans le diocèse de Gand, le 21 janvier 1788, Charles Van Quickenborne fit d’abord partie du clergé séculier. Ordonné prêtre en 1812, il fut professeur au petit séminaire de Roulers, puis vicaire à Saint-Génois, près de Courtrai.

Dès que les Jésuites eurent ouvert le noviciat de Rumbeke [4], le jeune prêtre s’empressa d’y solliciter son admission. Sa probation à peine achevée, il obtint du P. Général la permission de se consacrer aux missions d’Amérique.

Arrivé au Maryland vers la fin de 1817, il était, dès 1819, placé à la tête du noviciat. Mgr Maréchal disait de lui : « Le P. Van Quickenborne est un saint. La seule querelle que je lui fais lorsque je le vois, c’est qu’il ne prend pas assez soin de sa santé »[5].

Supérieur et maître des novices, il se fait en même temps fermier, charpentier et maçon. Il dirige, sur la plantation, le travail des noirs. Il construit deux églises, l’une à côté du noviciat, l’autre à Annapolis, à six lieues de Whitemarsh. D’une activité prodigieuse, il trouve encore le temps de parcourir comme missionnaire un vaste district. Il s’occupe à la fois des infidèles et des protestants. Tous les quinze jours, il va dire la messe à Annapolis ; il visite régulièrement les malades et les pauvres ; il entre volontiers dans la case des nègres pour leur porter instruction et encouragement.

De nombreuses conversions étaient le fruit de sa charité, et inondaient de joie l’âme du missionnaire. « Qu’il est doux, disait-il souvent, de travailler, de concert avec les anges, au salut et au bonheur des hommes » ! Pour associer les novices à son allégresse, il leur accordait un jour de congé, et leur faisait servir un repas plus copieux, chaque fois que le chiffre des conversions atteignait la centaine.

Lorsque son ministère le retenait loin du noviciat, le P. Van Quickenborne était remplacé par le P. Pierre Timmermans, son assistant.

Celui-ci était originaire de Turnhout, dans la province d’Anvers. Il avait vingt-neuf ans, et était déjà prêtre, lorsqu’en 1817, il avait suivi l’abbé Nerinckx en Amérique. L’exemple de sa vertu aidait puissamment l’action du Père Maître. Destiné à une fin prématurée, les jeunes religieux garderont de lui un souvenir attendri[6].

La lettre suivante dira les impressions de Pierre De Smet à son entrée au noviciat :

« Vous aurez sans doute beaucoup souffert, écrit-il à ses parents, de ce que je vous ai quittés sans vous dire adieu. Ne vous attristez pas plus longtemps. Dieu m’appelait, il fallait le suivre… Ah ! si vous saviez combien je suis heureux dans le lieu où Dieu a daigné me placer ! Loin du tumulte des villes, à l’abri de la corruption du monde, je coule des jours sereins et tranquilles. C’est ici que commence à fleurir l’âge d’or, que j’ai si souvent envié aux pasteurs de Virgile. Servir Dieu, implorer sa miséricorde pour la rémission de mes péchés, demander sa grâce pour persévérer dans le bien, le prier pour votre bonheur, telle est ma seule occupation »[7].

Le temps n’éteignait pas l’enthousiasme des débuts. Plus d’une fois, sans doute, le jeune homme eut à réprimer les saillies de son humeur. Souvent aussi la retraite prolongée, l’observation de pratiques minutieuses, le travail incessant, mais tout intime, de l’âme qui apprend à se dominer elle-même, durent contrarier son ardente nature. Toujours néanmoins il se plie aux exigences de la règle avec une fidélité courageuse et pleine d’entrain.

Ses lettres d’alors expriment de plus en plus nettement sa physionomie morale et le caractère de sa piété.

Pierre De Smet ne semble pas s’être appliqué beaucoup à l’étude spéculative des vertus. Volontiers il eût répété la parole de Bossuet : « Malheur à la connaissance stérile, qui ne se tourne point à aimer, et se trahit elle-même » ! Sa piété, franche et sincère, n’a rien de recherché. La prière, comme l’étude, est pour lui le moyen de préparer l’action et de la rendre féconde. Il s’adresse à la Vierge Marie avec un abandon et une confiance d’enfant, lui demandant de bénir sa carrière de missionnaire. Avec quelques-uns de ses confrères, il se fait, autour de Whitemarsh, l’apôtre du Rosaire, et constate que « chaque rosaire qu’ils distribuent leur vaut presque toujours la conversion d’un protestant »[8].

Le novice a gardé l’heureuse nature qui, en Belgique, lui gagnait la sympathie de ses condisciples. On admire en lui une parfaite droiture, un bon sens exquis, une très vive sensibilité. La caractéristique de sa vertu se révèle déjà : ce sera la simplicité, « cette candeur de l’âme, qui va droit à la vérité, au devoir, à Dieu seul »[9].

La Compagnie de Jésus est pour lui « la mère la plus tendre, qui fait le bonheur de tous ceux qui se jettent dans son sein »[10] ; mais l’attachement qu’il a pour elle ne diminue en rien son affection pour ses parents.

L’irrégularité des services de transport l’oblige à rester deux ans sans nouvelles de Belgique. « Votre long silence est un sujet de douleur pour moi, écrit-il à son père. Ne pouvant en deviner la cause, je m’imagine que peut-être les lettres que je vous ai adressées pour justifier ma conduite ne vous ont pas satisfait. Hélas ! cher père, est-ce donc un si mauvais pas que j’ai fait en obéissant à la voix du ciel »[11] ?

Enfin le courrier est arrivé. « J’ai reçu trois de vos lettres avec l’argent que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Je commençais à désespérer de recevoir de vos nouvelles, mais que je suis heureusement détrompé ! Rien ne me réjouit davantage que de voir votre conformité à la volonté de Dieu, qui me veut en Amérique pour y travailler à mon salut, et peut-être, si je m’en rends digne, au salut d’un grand nombre d’autres ».

Cette joie est pourtant mêlée de quelque tristesse. « Je ne puis oublier, a écrit l’armateur, que vous êtes parti sans m’en donner connaissance ». Ces paroles, Pierre-Jean ne peut les lire sans verser des larmes. « Cher père, dit-il. Dieu sait combien j’ai souffert en vous quittant de la sorte ; mais, après tout, n’ai-je pas agi avec sagesse ? Réfléchissez, et je suis sûr que, vu le » circonstances, vous approuverez ma conduite. Si je vous avais annoncé mon départ, si j’étais allé vous voir pour vous dire un dernier adieu, que n’auriez-vous point fait pour me détourner, ou du moins pour me persuader de différer de quelques années l’exécution de mon dessein ? Je prévoyais tout. Je craignais tout de la nature, toujours puissante, et souvent victorieuse quand on s’expose à ses assauts. Je n’aurais pas été le premier à qui les larmes et les instances de ses parents et amis ont fait manquer sa vocation… N’était-il pas de mon devoir de résister aux affections de la nature, plutôt que de m’exposer à perdre le bonheur que je suis venu chercher sur cette terre lointaine, et qui déjà m’a abondamment dédommagé de tout ce que j’ai sacrifié pour l’acquérir »[12] ?

Pierre De Smet était depuis dix-huit mois au noviciat de Whitemarsh, lorsqu’une circonstance imprévue le rapprocha du théâtre de son futur apostolat. Depuis longtemps, Mgr Dubourg, évêque de la Nouvelle-Orléans, demandait des Jésuites pour fonder une mission chez les tribus indiennes du Missouri.[13] Dans les premiers jours de 1823, il renouvela ses instances auprès du P. Charles Neale, qui avait succédé au P. Kohlmann comme provincial du Maryland. Il mettait à la disposition des missionnaires une ferme assez vaste et fort productive, située au village de Florissant à peu de distance de Saint-Louis.

Dans l’état où se trouvait alors le noviciat de Whitemarsh, l’offre de Mgr Dubourg parut providentielle. La communauté vivait presque exclusivement du revenu de la plantation. Soumis depuis nombre d’années à une culture ininterrompue de blé et de tabac, le terrain avait fini par s’épuiser. D’autre part, la province de Maryland était trop pauvre pour subvenir à l’entretien des jeunes religieux, dont le nombre alors dépassait la vingtaine. On songeait à transporter le noviciat dans une région plus favorisée.

Le P. Neale accepte avec empressement la proposition de Mgr Dubourg. Le P. Van Quickenborne est nommé supérieur de la nouvelle mission. Il sera accompagné du P. Timmermans ; en outre, le P. Provincial l’autorise à emmener avec lui les novices qui manifestent de l’attrait pour les missions indiennes.

Le P. Van Quickenborne annonce l’heureux projet à sa communauté. Aussitôt les sept novices flamands offrent de le suivre au Missouri. Rien, disent-ils, ne peut leur être plus agréable que de consacrer leur vie à l’éducation et au salut des Indiens. N’est-ce pas dans cet espoir qu’ils sont venus en Amérique ? Aussi sont-ils ravis d’être appelés les premiers.

Le P. Maître avait maintes fois éprouvé leur dévouement ; il accepte de les conduire au Missouri.

Trois Frères coadjuteurs sont également admis. Ce sont les FF. Pierre De Meyer, de Grammont, Henri Reiselman, d’Amsterdam, et Charles Strahan, originaire du Maryland.

Enfin, le supérieur choisit parmi les noirs attachés à la plantation trois familles qui devront exploiter la ferme de Florissant.

Au comble de ses vœux, Pierre De Smet écrit à Termonde : « Il y a longtemps que Mgr Dubourg, évêque de la Louisiane, désirait avoir quelques missionnaires de la Compagnie de Jésus pour commencer la conversion des Indiens, dont un grand nombre sont idolâtres, un plus grand nombre encore vivent sans lois et sans religion. Il en a enfin obtenu douze, dont onze Belges et un Américain. J’en rends grâce à Dieu, j’ai eu le bonheur d’être choisi… Priez pour moi et pour mes compagnons, afin que Dieu daigne bénir notre entreprise ».[14]

Mgr Dubourg ayant demandé au P. Van Quickenborne comment il ferait le voyage, et s’excusant de n’avoir pas d’argent à lui donner, « Ne vous inquiétez pas, répondit le religieux ; nous irons à pied et nous demanderons l’aumône. Il n’y a pour cela qu’un vœu parmi ma troupe ».[15]

Le 11 avril était le jour fixé pour le départ. On se mit en route avant le lever du soleil ; le soir, on était à Baltimore. C’est là que se firent les derniers préparatifs.

Le P. Van Quickenborne loua deux chariots, attelés chacun de six chevaux, pour transporter à Wheeling, sur l’Ohio, le bagage des missionnaires. En outre, il avait pris à Whitemarsh une voiture légère destinée à ceux qui, par suite d’indisposition ou de fatigue, seraient incapables de faire la route à pied.

Au moment où ils partaient, dans ce modeste équipage, pour ouvrir, à cinq cents lieues de là, une mission chez les sauvages, nos jeunes gens ne se doutaient pas qu’ils allaient fonder, au centre des États-Unis, une nouvelle province de la Compagnie de Jésus, que bientôt ils dirigeraient, à Saint-Louis, une université florissante, qu’ils posséderaient de nombreux collèges, et que leurs missions s’étendraient depuis le golfe du Mexique jusqu’aux Grands-Lacs du Canada et aux rivages du Pacifique. Le 14 avril, on quitta Baltimore. Il s’agissait de franchir les monts Alleghanys,

Les novices, avec les Frères coadjuteurs, prirent les devants. Ils allaient à pied et la bâton à la main. Le plus, souvent, ils préparaient eux-mêmes leurs repas. La nuit venue, ils cherchaient un abri dans les dépendances de quelque ferme ou dans quelque maison abandonnée. « Les catholiques, alors privés de prêtres, écrit le P. De Smet dans son Itinéraire, voulaient partout nous retenir parmi eux. Les protestants, en général, nous regardaient comme de jeunes aventuriers qui cherchaient fortune, et nous faisaient des offres avantageuses pour nous établir dans leur voisinage ».

Ce genre de vie ne faisait pas négliger aux novices leur formation ascétique. Arrivés à Conewago deux jours avant le P. Van Quickenborne et le P. Timmermans, ils employèrent ce temps à transcrire les instructions du P. Plowden sur la perfection religieuse,[16] travail qu’ils avaient dû laisser inachevé en quittant Whitemarsh. Après dix-huit jours de marche, on atteignit Wheeling.

Ses ressources ne lui permettant pas de fréter un bateau, le P. Supérieur se contenta de deux bacs, solidement attachés l’un à l’autre. Sur le premier prirent place les serviteurs noirs avec les bagages ; le second fut occupé par les missionnaires ; puis les frêles embarcations furent abandonnées au cours paisible de l’Ohio. « La Belle Rivière » coulait alors entre deux lignes d’épaisses forêts. À peine distinguait-on çà et là quelques misérables cabanes. Cincinnati, Louisville, Madison, n’étaient encore que des villages.

Les voyageurs avançaient jour et nuit, s’arrêtant seulement pour acheter des provisions. Le P. Van Quickenborne maintenait à bord les exercices du noviciat. La cloche sonnait le lever, la méditation, l’examen de conscience. La messe était célébrée tous les matins. On eût dit un monastère flottant.

Le voyage n’était pourtant pas sans danger. À différentes reprises, de violents coups de vent faillirent faire échouer l’embarcation. Il fallait se défier des arbres tombés en travers du fleuve et des chicots émergeant à peine de l’eau.[17] Parfois, on se guidait difficilement à travers îlots et broussailles. Enfin, les bateaux à vapeur, qui remontaient et descendaient la rivière, obligeaient le F. Strahan, qui faisait l’office de pilote, à avoir constamment l’œil au guet.

À Louisville, on allait rencontrer les fameuses chutes de l’Ohio. Les voyageurs mirent pied à terre et chargèrent les bagages sur des chariots. Ainsi allégées, les barques furent confiées à un pilote qui connaissait la rivière. Josse Van Assche fut seul autorisé à faire avec ce dernier la descente des rapides. Les autres missionnaires devaient les rejoindre quelques milles plus loin.

Une heureuse rencontre les attendait.

L’abbé Nerinckx avait accompagné jusqu’à Louisville une colonie de Sœurs de Lorette qui partaient pour le Missouri. Pierre De Smet et ses compagnons éprouvèrent une grande joie en revoyant ce prêtre, à qui ils avaient gardé une si affectueuse vénération. De son côté, le vieux missionnaire fut ému jusqu’aux larmes. Il ne lui restait que peu de temps à vivre, mais du moins il mourrait consolé. Ceux qu’il avait gagnés à la vie apostolique allaient porter, plus loin qu’il ne l’avait pu faire, la lumière de l’Évangile.

— L’œuvre sera ardue, dit-il, mais n’oubliez pas la Providence, et la Providence ne vous oubliera pas. Jusqu’à la fin, l’abbé Nerinckx devait porter aux jeunes religieux un vif intérêt. Quelques jours avant sa mort, il ira à Florissant les visiter et encourager leurs travaux.

Cependant les deux bacs avaient heureusement franchi les rapides, et attendaient les missionnaires à Portland. On embarqua de nouveau bagages, chevaux et voiture, puis on continua la descente de l’Ohio.

De Louisville à Schawneetown, le voyage se fit sans incident. On n’était plus qu’à quelques journées de Saint-Louis ; mais les deux bateaux seraient incapables de remonter le Mississipi : on décida de continuer la route à pied.

Le P. Van Quickenborne confia les bagages à un bateau à vapeur en partance pour Saint-Louis. Alors les missionnaires entrèrent dans le pays des Illinois. Les pluies du printemps avaient submergé les prairies. Il fallut faire soixante lieues à travers des marais, où parfois on avait de l’eau jusqu’à la ceinture. À peine rencontrait-on, de loin en loin, une ferme ou une auberge. On devait se contenter, pour la nuit, du sol battu de quelque grange, ou de quelque étable abandonnée. Encore le sommeil était-il troublé par le bourdonnement et la piqûre des moustiques.

Enfin, le samedi 31 mai, nos voyageurs arrivèrent en face de Saint-Louis. Ils étaient, avoue le P. De Smet, « exténués de fatigue ». Il y avait plus de six semaines qu’ils avaient quitté Whitemarsh. Ils avaient descendu presque en entier le cours de l’Ohio, et franchi à pied plus de quatre cents milles.

À la vue du Mississipi, dont la nappe immense s’étendait sous leurs yeux, les missionnaires se rappelèrent-ils les splendeurs du Meschacebé, « le Père des Eaux », célébré par Chateaubriand ?… Il est plus probable qu’ils se souvinrent des religieux qui avaient jadis évangélisé ces contrées, et qu’ils rendirent grâce à Dieu d’avoir été appelés à reprendre, après plus d’un siècle, l’œuvre de salut, brusquement arrêtée par la persécution.

Saint-Louis comptait alors quatre ou cinq mille habitants. Les nouveaux venus reçurent une cordiale hospitalité au collège, récemment érigé par Mgr Dubourg.

Le lendemain on célébrait la Fête-Dieu. Le P. Supérieur dut accepter l’honneur de porter le Saint Sacrement pendant la procession. C’était la première fois qu’à Saint-Louis un jésuite faisait adorer Jésus-Christ.

Le soir du même jour, le P. Van Quickenborne, impatient de gagner son poste, monta à cheval et partit. Il était accompagné de M. Charles de la Croix, originaire comme lui du diocèse de Gand, et depuis six ans missionnaire au Missouri.

Deux jours après, le 3 juin, ses compagnons de route le rejoignaient à Florissant.[18]

Situé à quinze milles au nord de Saint-Louis, presque au confluent du Missouri et du Mississipi, le village de Florissant, qu’on appelait aussi Saint-Ferdinand, comptait environ quatre mille habitants.

Au témoignage d’un voyageur, qui visita ce pays au commencement du siècle dernier, « aucune description ne peut donner l’idée de sa beauté et de sa fertilité ».[19] C’est, dans la belle saison, une mer de verdure, d’où émergent, çà et là, les chênes rouges, noirs et blancs, les noyers, les érables, les arbres de toute essence. En 1823, on n’eût pas rencontré dans la campagne une seule habitation. C’était la plaine sans fin, déroulant comme des vagues ses herbes ondoyantes. Le sol, d’une richesse inépuisable, produisait chaque année d’abondantes récoltes. Florissant était regardé comme le grenier de Saint-Louis. Ses blés étaient renommés dans tout le Missouri, d’où ils descendaient par eau sur les marchés de la basse Louisiane.

La résidence destinée aux missionnaires occupait le sommet d’une colline, à un mille et demi du village. De ces hauteurs, l’œil embrasse un panorama aussi varié qu’étendu. Dans la vallée, Florissant, dont les toits scintillent dans la verdure ; à l’ouest, Saint-Charles, avec ses maisons basses, assises au bord du Missouri ; plus loin, au nord, les blanches falaises, couronnées d’arbres, dont la ligne sinueuse marque, en amont d’Alton, le cours du Mississipi.

Si le site est merveilleux, l’habitation était des plus modestes. Un bâtiment principal, comprenant une pièce de sept ou huit mètres de large, surmontée d’un grenier, trop bas pour qu’un homme pût s’y tenir debout. À quelque distance de là, deux cabanes, mesurant environ six mètres de côté. C’était tout.

Le confortable du logement n’en rachetait guère l’exiguïté. Les murs étaient faits de troncs d’arbres superposés, dont on avait rempli les interstices avec de la terre. Comme toiture, de grossiers bardeaux retenus, faute de clous, par des barres de bois transversales. En guise de porte, quelques planches taillées à la hache ; des fenêtres sans carreaux, et, pour toute serrure, un loquet de bois, qu’on levait avec une corde pendant à l’extérieur.

On procéda sommairement à l’installation. Le grenier, mal aéré et presque sans lumière, devint le dortoir des novices. Ils avaient pour lit des peaux de buffle, ou de simples paillasses étendues sur le plancher. Du rez-de-chaussée, partagé en deux par un rideau, on fit une chapelle et une chambre pour le P. Supérieur et son assistant. Une des cabanes, qui avait servi de poulailler et de retraite à porcs, devint à la fois salle de travail pour les novices et réfectoire pour la communauté. L’autre, où l’on avait remisé des charrues et divers instruments d’agriculture, servit de cuisine et de logement pour les domestiques.

Le voyage avait épuisé les ressources des missionnaires. Bientôt la pauvreté se fit cruellement sentir. La ferme, il est vrai, comprenait plus de cent hectares de terre labourable ; mais il fallait défricher, cultiver, planter, sans autre aide que trois nègres inhabiles et paresseux. C’était un travail écrasant ; et il faudrait attendre des mois avant de voir la propriété en rapport. Mal vêtus, vivant de mais et de lard, les missionnaires ne se plaignaient pas. « Loin de murmurer, écrit Mgr Dubourg, ils bénissaient Dieu de leur accorder un début aussi apostolique ».[20]

Le vaillant évêque donnait l’exemple de l’abandon à la Providence : « Je voulais prudemment avoir des fonds avant de chercher des hommes. Mais voici que les hommes viennent avant les fonds. C’est la manière de Dieu de déconcerter les plans de notre pauvre prudence humaine. .. Pouvais-je refuser cette sainte troupe d’apôtres sous l’indigne prétexte que je ne sais où prendre de quoi les nourrir ? C’est Dieu qui les envoie ; il ne les laissera pas mourir de faim. Aussi, jamais je n’ai ressenti de confiance plus entière et plus paisible que dans cette entreprise si au-dessus de mes forces ».[21] Une foi si magnanime ne pouvait être déçue. Mgr Dubourg reçut de la Propagation de la Foi des secours sur lesquels il se hâta de prélever la part des missionnaires. Mais Dieu leur avait ménagé une plus utile assistance.

Les Dames du Sacré-Cœur étaient, depuis trois ans, établies à Florissant. La supérieure était Mme Duchesne, que sa vertu et ses fondations devaient rendre célèbre. Pauvres elles-mêmes, et sans appui humain, ces religieuses opéraient des merveilles de charité. Elles dirigeaient un petit pensionnat, et avaient même reçu quelques novices.

L’arrivée des Pères fut l’occasion de nouveaux dévouements.

« Comprenant qu’une mission lui était donnée, Mme Duchesne multiplia ses ressources pour les nouveaux venus. Non contente de se faire quêteuse auprès des riches familles de Saint-Louis, elle se dépouilla elle-même de tout ce qu’elle avait, meubles, ustensiles, linge, couvertures et denrées les plus indispensables. À chaque nouveau besoin qui lui était révélé, elle réunissait ses sœurs, disait ce qu’elle avait plutôt deviné qu’appris, car on ne lui demandait rien ; puis elle laissait ses larmes plaider pour elle la cause de ses protégés. La décision du petit conseil était invariablement qu’il fallait s’imposer de nouveaux sacrifices. Une partie des nuits était consacrée à la confection ou à la réparation d’habits à l’usage des missionnaires. Un jour, la supérieure ayant reçu pour elle une aumône de cinquante piastres, n’eut rien de plus pressé que de les envoyer à ses pauvres voisins. « Il est juste, écrivait-elle à Mme Barat, que nous soyons un peu providence pour les autres, comme Dieu l’est pour nous ».[22]

Grâce à cette héroïque charité, les missionnaires purent surmonter la crise du début. Bientôt même le P. Van Quickenborne entreprit d’agrandir la maison. Il devait ajouter une seconde aile au bâtiment principal ; le tout serait exhaussé d’un étage et entouré d’une galerie. Le 31 juillet, fête de saint Ignace fut le jour choisi pour le commencement des travaux.

On n’avait d’autres pierres que celles qu’on tirait du lit rocailleux d’une rivière, mais la forêt offrait du bois en abondance. Les plus beaux arbres se trouvaient dans un îlot du Missouri, peu éloigné du noviciat. On avait toute liberté d’abattre. Le P. Van Quickenborne et ses novices se mirent vigoureusement à l’œuvre, et bientôt le sol fut jonché de chênes séculaires.

Pour faciliter le transport, on décida de préparer sur place les pièces de bois destinées à la construction. Ce travail donna lieu à un accident qui révéla, une fois de plus, l’énergie du P. Van Quickenborne.

Il travaillait un jour, aidé d’un novice, à l’équarrissage d’une poutre. Peu habitué au métier, le novice maniait sa hache avec un entrain dont il était loin de prévoir tous les effets. Au plus fort de l’opération, l’outil, mal dirigé, va frapper au pied le P. Supérieur. De sa blessure, le sang jaillit en abondance. Il n’en continue pas moins son travail, jusqu’au moment où il se sent défaillir. Alors seulement il s’assied, et permet qu’on bande la plaie avec un mouchoir. On était à une lieue de la ferme. Le Père veut y retourner à pied ; mais, en chemin, la violence du mal le contraint à accepter un cheval. Une fièvre ardente le retient plusieurs jours au lit. À peine se sent-il mieux qu’il veut retourner au travail ; mais il lui faut remonter à cheval : d’où nouvel accident. À certains endroits, les bords du fleuve sont marécageux. L’animal s’engage dans un bourbier et s’y enfonce jusqu’au poitrail. Le Père parvient à regagner la terre ferme ; mais tous ses efforts pour dégager sa monture sont inutiles ; il doit se résigner à la voir périr sous ses yeux.[23]

Ces contretemps ne ralentissaient pas l’ardeur des ouvriers. Dans l’île, transformée en chantier, haches, scies et rabots faisaient rage. Bientôt la préparation des matériaux fut achevée, et la dernière poutre arriva sur la colline de Florissant. Il était temps : la nuit suivante, l’île était emportée par une crue subite du Missouri.

Les travaux de construction furent activement conduits ; mais personne n’y mit plus d’ardeur que Pierre De Smet. Grâce à son adresse et à sa force herculéenne, il faisait à lui seul la besogne de trois. Il y a peu d’années, on montrait encore à Florissant des restes de huttes, formées d’énormes pièces de bois superposées ou fixées en terre : c’était l’œuvre de Samson, devenu architecte et charpentier.

Lui-même écrit, dans ses notes, que chacun se portait à ces rudes travaux avec un superbe entrain, « most joyfully and pleasantly ».

Chose plus étonnante, les exercices du noviciat se faisaient régulièrement.[24] Il fallait au P. Van Quickenborne et à ses novices une vigueur d’âme peu commune pour poursuivre, au milieu d’occupations matérielles écrasantes, la formation spirituelle en usage dans la Compagnie.

Les travaux d’agrandissement achevés, la petite communauté put s’installer un peu plus à l’aise ; mais la pauvreté continuait de sévir. Au bout de quelques mois, François De Maillet et Charles Strahan trouvèrent trop dure la vie de Florissant, et quittèrent la Compagnie.

Ces départs ne firent que confirmer Pierre De Smet dans sa résolution. Il écrivait à son père : « Je suis toujours en bonne santé, content et joyeux dans notre pauvre petite cabane… Vous êtes bien convaincu, j’en suis sûr, que la plus grande félicité dont l’homme puisse jouir ici-bas consiste à servir son Dieu, à l’aimer de toute son âme, à s’abandonner entièrement entre ses mains. Réjouissez-vous donc de ce que votre fils a divorcé d’avec le monde pour se mettre, dans l’asile que lui offre la religion, à l’abri de tant de dangers qui le menaçaient, de tant de précipices ouverts sous ses pas, s’il n’eût suivi sa vocation »[25].

Il y avait deux ans que nos jeunes gens étaient entrés à Whitemarsh. L’épreuve était suffisante. Le 10 octobre 1823, les six novices de Florissant furent admis à prononcer leurs premiers vœux.

Voici en quels termes Pierre De Smet faisait part de sa joie à ses parents : « J’ai eu le bonheur de me consacrer à Dieu par des vœux qui me sont désormais des liens indissolubles. J’ai mis le Seigneur dans une pleine possession de moi-même ; je lui ai fait un don absolu et irrévocable. Il ne me reste plus qu’à me sanctifier dans cet état, et à y rester fidèle tous les jours de ma vie. Priez pour moi, afin que je n’y manque jamais »[26].

  1. Bancroft, History of the United States ; London, 1861 ; vol. ii, p. 783.
  2. Rupp, History of the Religious Denominations of the United States, p. 165.
  3. Cf. J.-G. Shea, History of Georgetown collège. Washington, 1891, ch. iv.
  4. Sur le noviciat de Rumbeke, voir la Vie du P. Hélias d’Huddeghem, par A. Lebrocquy, S. J. Gand, 1878 ; ch. ii.
  5. Lettre à M. de Theux. — 22 novembre 1821.
  6. « Nous ne parlons jamais du P. Timmermans, écrira plus tard Josse Van Assche, sans montrer en même temps notre admiration pour sa grande humilité, son obéissance, sa piété, son exactitude à observer les règles. Un seul mot de son supérieur suffisait pour le faire aller partout sans un denier dans sa poche. Quelles que fussent ses occupations, il faisait chaque jour plusieurs visites au Saint Sacrement. Partait-il en mission, il allait d’abord se prosterner au pied de l’autel. Lorsqu’il revenait, fût-il mouillé ou transi de froid, il descendait de cheval en nous saluant, et, sans rien dire, il se rendait tout droit à la chapelle ». (Lettre à M. De Nef — 4 déc.  1825).
  7. Whitemarsh, 18 octobre 1821.
  8. Whitemarsh, 27 décembre 1822.
  9. Saint François de Sales.
  10. Lettre du 26 août 1823.
  11. Ibid.
  12. Lettre du 8 décembre 1823.
  13. Né à Saint-Domingue en 1766, Louis-Guillaume Dubourg : avait été ordonné prêtre à Paris et était entré dans la Compagnie de Saint-Sulpice. Parti pour l’Amérique en 1796, il avait été chargé par Mgr Carroll de la direction du collège de Georgetown, puis de la fondation du collège Sainte-Marie, à Baltimore. Nommé en 1815 évêque de la Nouvelle-Orléans, il déployait dans cette charge un zèle extraordinaire. Son diocèse comprenait presque tout le bassin du Mississipi, depuis l’embouchure du fleuve jusqu’au delà de Saint-Louis, dans le territoire indien.
  14. Baltimore, 12 avril 1823.
  15. Lettre de Mgr Dubourg à son frère. — Georgetown, 17 mars 1823. (Annales de la Propag. de la Foi, t. 1er, no V, p. 41).
  16. F. Percy Plowden (1672-1745), Practical Methods of performing the ordinary actions of a religious life with fervour of spirit. London, 1718.
  17. « Les arbres que le courant arrache au rivage flottent quelque temps à la surface de l’eau, jusqu’à ce que leurs racines s’engagent dans la vase. La partie supérieure du tronc s’aiguise par le frottement continuel du courant. Ces pointes sont appelées snags ou poignards. Le plus souvent, les snags se cachent traîtreusement sous l’eau. Malheur au steamer qui va au-devant de ces chicots invisibles ! Il sera éventré comme une coque d’œuf ». (Jules Leclercq, Un été en Amérique. Paris, 1877, p. 166).
  18. Pour ce voyage, nous n’avons guère fait que résumer l’intéressant récit du P.  Hill, Historical Sketch of the St Louis University. Saint-Louis, 1879, ch. II.
  19. H.-M. Bregkenridge, Views of Louisiana, Book II, chap. 2.
  20. À son frère. — 6 août 1823. (Annales, t. 1er, no 5, p. 41).
  21. Au même. — 17 mars 1823. (Ibid, p. 39).
  22. Mgr Baunard, Histoire de Mme Duchesne, p. 303.
  23. Cf. P. De Smet, Lettres choisies, 2e série, p. 174.
  24. « Nothing of the spiritual exercices was meanwhile neglected ».
  25. Lettre du 8 décembre 1823.
  26. Ibid.