Le Père De Smet/Chapitre 20

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H. Dessain (p. 432-444).


CHAPITRE XX

LA VISITE DES MISSIONS


1862-1863


Depuis 1849, le P. De Smet gardait, au Missouri, les charges de procureur et de socius ou assistant du P. Provincial. Il devait, jusqu’à sa mort, continuer d’exercer la première ; quant à la seconde, peu compatible avec ses voyages, il en fut relevé en 1862. Désormais, nous le verrons chaque année, au printemps, remonter le Missouri, pour visiter les missions ou pacifier les tribus siouses.

Pendant de longues années, les établissements de l’Oregon ne reçurent aucune subvention du gouvernement. Après avoir exposé au P. De Smet son embarras, le P. Hoecken ajoutait : « Ce ne sont pas les avantages humains qui nous décideraient à travailler et à souffrir comme nous le faisons ici. Mais, de même que tout l’or du monde ne saurait payer notre dévouement, aucune privation ne nous fera abandonner notre entreprise »[1].

Si désintéressés que fussent les missionnaires, une situation moins précaire eût assuré à leurs travaux plus de facilité et de succès.

Pour soulager cette indigence, le P. De Smet envoyait, chaque année, aux Montagnes une ample provision de vivres, d’habits, de semences, d’instruments de culture.

Quelle fête lorsque ces richesses arrivaient à la mission ! « Tous, écrit le P. Hoecken après un envoi de ce genre, nous versions des larmes de joie et de reconnaissance. En vain, la nuit suivante, m’efforçai-je de calmer mon émotion : je ne pus fermer l’œil. Le lendemain, j’étais honteux de ma faiblesse. Mais vous savez ce qu’est la vie d’un missionnaire chez les Indiens ; vous connaissez ses privations, ses angoisses ; vous excuserez ma sensibilité ».[2]

Aux secours matériels, le P. De Smet joignait des nouvelles de Saint-Louis, des livres capables d’intéresser les missionnaires. Un jour, il envoie son portrait. Aussitôt les Indiens accourent saluer leur bienfaiteur. Mais c’est peu d’avoir son image, ils attendent sa visite.

L’ancien missionnaire ne désirait pas moins revoir ses enfants du désert. En 1861, le voyage était décidé. Le P. Druyts, alors provincial, étant mort, il fallut attendre le printemps suivant. Au moins le P. De Smet voulut-il immédiatement envoyer, par le Missouri, deux bateaux portant cinquante charrues, un moulin, avec quantité d’outils et d’ustensiles de ménage. Déjà il pensait à la joie des missionnaires, lorsqu’il apprit que le feu avait détruit les bateaux avec toute leur cargaison.

Aussitôt il prépare un nouvel envoi. Cette fois, il ira lui-même porter à ses confrères les secours qu’il leur destine. En même temps, il se propose de visiter, sur le Haut-Missouri, les nombreuses tribus qui demandent des robes-noires.

Au mois de mai 1862, il quitte Saint-Louis, sur un bateau se rendant au fort Benton, au pied des Montagnes-Rocheuses. Le capitaine est M. Charles Chouteau, un des premiers élèves de l’université. Chaque année, il offre à son ancien maître le transport gratuit des objets destinés aux missions.

En remontant le Missouri, on rencontre, campés sur la rive, de nombreux groupes d’Indiens. Le bateau s’arrête pour leur distribuer les annuités et les cadeaux du gouvernement. Le P. De Smet va les visiter dans leurs cabanes. Les sauvages se pressent à sa rencontre et lui offrent le calumet ; avec une religieuse attention, ils écoutent sa parole ; les mères lui amènent leurs petits enfants, le priant de les bénir et de les offrir au Grand-Esprit. Il a la consolation d’en baptiser plus de sept cents : précieux résultat, si l’on songe que, chez ces tribus, les trois quarts des enfants meurent avant d’avoir atteint l’âge de raison.

Une vieille sauvagesse, estropiée des bras et des jambes, se traîne jusqu’à la loge du missionnaire. À peine l’a-t-elle aperçu, que, levant vers lui ses mains percluses :

— Ô Père, s’écrie-t-elle, prends-moi en pitié ! Moi aussi, je veux être l’enfant du Grand-Esprit. Verse-moi de l’eau sur le front, et prononce les saintes paroles. Les Blancs m’appellent Marie. C’est le nom de la bonne et grande Mère qui est au ciel. Après ma mort, je veux aller la rejoindre.

Touché de tant de foi, le P. De Smet instruit la pauvre Indienne, la baptise, et la laisse transportée de joie.

En quittant Saint-Louis, il s’était proposé de passer quelques mois à évangéliser les Sioux. Mais la guerre venait d’éclater entre cette peuplade et les Américains.[3] Un grand chef, suspect d’amitié pour les Blancs, avait été tué par ses guerriers. Ne pouvant trouver ni guide ni interprète, le Père dut remettre à plus tard l’exécution de son projet.

Arrivé au fort Benton, à mille lieues en amont de Saint-Louis, il fut reçu par deux jésuites italiens, les PP. Giorda et Imoda. Ceux-ci avaient remplacé chez les Pieds-Noirs le P. Hoecken, rappelé aux États après dix-sept ans passés dans l’Orégon.[4]


La mission Saint-Pierre, fondée depuis un an à gauche du Missouri, près de la Rivière-au-Soleil, était déjà en pleine prospérité. Le nombre des baptêmes montait à plus de sept cents.

Quelle joie pour le P. De Smet de voir enfin le Christ adoré par une tribu naguère comptée parmi les plus cruelles et les plus sauvages des Montagnes ! Il se rappelle les fatigues endurées, les dangers courus pendant le terrible hiver de 1846. Pour lui avoir tant coûté, les Pieds-Noirs ne lui en sont que plus chers. Il veut célébrer au milieu d’eux une messe d’action de grâces ; plusieurs chrétiens s’approchent de la sainte table ; autour de l’autel, des centaines de voix chantent le Magnificat. Si l’avenir est plein de promesses, les missionnaires sont, pour le moment, dans un dénuement voisin de la misère. Grâce aux aumônes recueillies en Europe, le P. De Smet peut leur fournir des vivres en abondance, des habits, des couvertures. Pour encourager leurs essais de culture et d’industrie, il leur laisse deux charrettes, plusieurs charrues, avec des outils de tout genre.

En quittant Saint-Pierre, il voudrait visiter les établissements de l’Orégon ; mais le bateau qui l’a amené au fort Benton doit prochainement redescendre le Missouri. Il se borne à remettre au supérieur, le P. Congiato, quantité d’ornements et de vases sacrés, qui seront distribués aux églises des diverses missions.

De retour à Saint-Louis, le P. De Smet fait de nouveaux achats. Au printemps de 1863, il remonte le fleuve avec deux Frères destinés aux missions, et une cargaison de la valeur de 15 000 livres.

Il faut, plusieurs jours durant, traverser un pays infesté de bandes sécessionnistes. En maint endroit, on rencontre des cadavres exposés sur la rive. Chaque voyageur a l’œil au guet et le fusil chargé ; le bateau porte, à l’avant, un canon de fort calibre. « Pour moi, dit le missionnaire, je ne me sers que des armes spirituelles. Tous les jours, dans ma cabine, j’offre le saint sacrifice. Les deux Frères et moi sommes pleins de confiance dans la protection d’en haut. Si le Seigneur est avec nous, qui pourra nous nuire » ?[5] Et, tranquillement, il essaie des rimes sur le malheur des temps.

Une fois en pays indien, il visite plusieurs groupes de Corbeaux, d’Assiniboins, de Gros-Ventres, de Mandans, d’Aricaras ; il administre plus de 500 baptêmes, et projette l’établissement d’une nouvelle mission près de l’embouchure du Yellowstone.

Mais déjà les chaleurs de l’été ont desséché les rivières ; les eaux du Missouri sont trop basses pour permettre au bateau d’avancer. Le capitaine dépose sa cargaison à 300 milles du fort Benton, près de la Rivière-au-Lait ; les voyageurs, au nombre de quatre-vingt-dix, doivent camper dans la forêt, jusqu’à ce que les chariots du fort viennent prendre les bagages.

Cependant la guerre entre les Sioux et les Blancs sévit toujours. Sur le fleuve, plusieurs bateaux ont été attaqués ; le nombre des morts est considérable. Un jour, nos voyageurs voient fondre sur le camp un parti de 600 guerriers. Aussitôt chacun saisit ses armes, et prépare la résistance. Voulant éviter l’effusion du sang, le P. De Smet va au-devant de l’ennemi. Les Sioux le reconnaissent ; le fils du Poisson-Rouge, le grand chef des Ogallalas, s’écrie en lui serrant la main :

— Voilà la robe-noire qui a sauvé ma sœur ! À ces mots, qui rappellent un des plus touchants épisodes de la vie du missionnaire,[6] les guerriers l’entourent, lui prodiguant les marques de respect. Il s’entretient quelque temps avec eux, leur distribue du café, du sucre, du biscuit ; après quoi, tous s’éloignent pour ne plus revenir.

Après un mois d’attente, on vit arriver une longue suite de chariots, avec une voiture pour les trois missionnaires. Restait à franchir une distance de cent lieues, à travers un pays désolé par la sécheresse. Enfin, le jour de l’Assomption, le P. De Smet et ses compagnons atteignirent le fort Benton, et, de là, se rendirent à la mission Saint-Pierre.

Depuis un an, le nombre des chrétiens avait plus que doublé. Tout en évangélisant les Pieds-Noirs, les PP. Giorda et Imoda devaient s’occuper des émigrants catholiques établis aux environs ; aussi furent-ils charmés de recevoir les deux Frères destinés à les seconder.

Comme l’année précédente, le P. De Smet eût voulu pénétrer plus avant chez les tribus siouses. De plus en plus, la révolte des Indiens rendait la chose impossible : dans toute la région, il n’était bruit que de massacres. Impossible même de regagner Saint-Louis par le Missouri : l’équipage de M. Chouteau venait de perdre trois hommes en redescendant le fleuve. Le Père se décida à visiter, l’une après l’autre, les missions de l’Ouest, puis à revenir par la Californie, Panama et New-York.

Dès que « la Grande-Robe-Noire » parut dans l’Orégon, sa présence fut signalée, d’une tribu à l’autre, par d’immenses feux allumés sur les montagnes. Ce devait être, pendant deux mois, un voyage triomphal. Chacun voulait lui témoigner sa reconnaissance. N’est-ce pas à lui que des milliers d’Indiens devaient le baptême ? N’est-ce pas lui qui, par son intervention, avait récemment assuré la pacification du pays ?

À peine sorti des montagnes, le P. De Smet fut témoin d’une scène émouvante. C’était le soir. Un camp de Kalispels et de Têtes-Plates se rendait à la chasse au buffle. Tout à coup, un bruit argentin se fait entendre. C’est le chef qui sonne l’Angélus. Chacun alors de se prosterner et de réciter dévotement l’Ave Maria. Ému jusqu’aux larmes, le missionnaire tombe à genoux, et unit sa prière à celle de ses enfants.

Le lendemain, sur un humble autel, orné de branches de saule, il célèbre la messe. Les Indiens chantent les litanies de la Sainte Vierge ; plusieurs font la sainte communion. La journée se passe en pieux entretiens. Le P. De Smet baptise les enfants, distribue des chapelets, des médailles, des scapulaires ; puis il continue sa route vers la mission Saint-Ignace.

Un Italien, le P. Grassi, poursuivait avec énergie l’œuvre du P. Hoecken. Il avait entrepris la construction d’un hôpital et d’un pensionnat. Mais où trouver des religieuses pour diriger ces maisons ? Le P. De Smet s’adressa aux Sœurs de la Providence de Montréal. Celles-ci acceptèrent de grand cœur. Dès l’année suivante, elles devaient être là pour recevoir les élèves et soigner les malades.

La mission Sainte-Marie, le premier établissement des Montagnes, était fermée depuis 1850. Il y avait longtemps que les Têtes-Plates réclamaient leurs robes-noires. Les Pères, jusqu’alors, avaient été trop peu nombreux. Encore trois ans, la chère réduction sera rouverte par les PP. Giorda et Ravalli, et l’on verra revivre, dans la fertile vallée, la ferveur d’autrefois.

À Colville, le P. Joset est parvenu à rétablir la mission Saint-Paul. De là, il visite les tribus voisines du Columbia. « Quoique l’abus du whisky, dit-il, fasse parmi les Indiens de grands ravages, cependant Dieu s’est réservé un bon nombre d’âmes fidèles, que la corruption n’a pas atteintes. Chez celles-ci, c’est toujours la même avidité d’entendre la parole de vie, le même empressement à s’approcher des sacrements ».[7]

Mais aucune tribu ne donne au P. De Smet plus de consolation que celle des Cœurs-d’Alêne, Rien n’a troublé la paix conclue, en 1859, avec les Américains. Les PP. Gazzoli et Caruana, successeurs du P. Joset, s’étonnent de voir une peuplade, jadis la plus féroce de l’Ouest, devenue le modèle des nouvelles chrétientés. Confiance absolue dans les missionnaires, grande pureté de mœurs, esprit de pénitence digne du cloître, tendre dévotion envers la Mère de Dieu, telles sont les vertus des nouveaux convertis.[8]

La mission du Sacré-Cœur et celle de Saint-Ignace possèdent chacune une église qui fait l’admiration des étrangers. Autour des principales stations se sont élevées de nombreuses chapelles, la plupart, hélas ! dénuées des objets nécessaires au culte. Mais le P. De Smet a apporté de Saint-Louis des ornements et des vases sacrés. Le voyant ouvrir ses trésors, les missionnaires le comparent au bon saint Nicolas, qui n’arrive jamais le panier vide. Il va jusqu’à se dépouiller, en faveur du P. Grassi, de sa modeste chapelle de voyage. « Sa joie, dit-il, me faisait oublier la privation que je m’imposais ».

Cette visite est la dernière que fera le P. De Smet aux chrétiens de l’Orégon. Si consolant que soit l’état des missions, il ne peut se défendre de sombres pressentiments. Chaque jour, l’invasion blanche pénètre plus avant ; l’eau-de-vie arrive par cargaisons ; en maint endroit, les Indiens ne peuvent résister à la violence et à l’immoralité des pionniers américains.[9] Bientôt, sans doute, les terres fertilisées par les missionnaires deviendront la proie des envahisseurs ; les chrétiens seront exterminés ou refoulés dans les arides défilés des montagnes. Le plus modéré des agents du gouvernement n’a-t-il pas écrit dans son rapport : « L’homme rouge doit disparaître à l’approche de l’homme blanc. La question est de savoir comment nous y prendre pour causer aux Indiens le moins de souffrances, et à nous le moins de frais possible ».[10]

Désormais, ces douloureuses perspectives vont déchirer l’âme du missionnaire. L’œuvre de sa vie semble vouée à une ruine prochaine. Mais, pour être malheureux, les Indiens n’en restent pas moins « les enfants de son cœur ».

L’héroïque dévouement qu’il leur témoignera jusqu’au bout fera voir quel prix il attache à leurs âmes. Cependant, l’automne s’avance ; il est temps de regagner Saint-Louis. Après une visite à Mgr Blanchet, le premier apôtre de la contrée, et aux Sœurs de Notre-Dame, établies maintenant dans plusieurs villes d’Oregon et de Californie, le P. De Smet s’embarque, le 3 novembre, à San-Francisco.

Depuis de longs mois, les jésuites du Missouri étaient sans nouvelles du missionnaire. Ils avaient seulement appris son débarquement près de la Rivière-au-Lait. Avait-il pu atteindre le fort Benton ? N’était-il pas tombé, avec ses compagnons, sous le casse-tête des Sioux ? « Ce qui augmente nos craintes, écrivait en Belgique le P. Arnould, c’est que les provisions dont il était chargé ont dû vivement exciter la cupidité des sauvages. De plus, le P. De Smet, d’ordinaire facilement reconnu des Indiens, grâce au grand crucifix de cuivre qu’il porte toujours sur la poitrine, a, par oubli, laissé ce crucifix à Saint-Louis ».[11]

L’hiver venu, on avait perdu tout espoir. Chacun, le croyant mort, avait déjà fait pour lui les suffrages en usage dans la Compagnie.[12] Qu’on juge de la stupeur générale lorsque, le 17 décembre, on le voit arriver à l’université ! Il a, en moins de huit mois, parcouru 3 800 lieues. Ni de la part des bandes sécessionnistes, ni de la part des sauvages en révolte contre les Blancs, il n’a subi la moindre avanie.

Il n’a pu toutefois accomplir pareil voyage sans d’excessives fatigues. Il rentre à Saint-Louis, la santé pour toujours délabrée, dévoré de névralgies et perclus de rhumatismes. « Il est rare, écrit-il trois mois plus tard, que je puisse quitter ma chambre et sortir de la maison. Ma grande privation est de ne pouvoir même célébrer la sainte messe. Depuis que j’ai été ordonné prêtre, en 1827, c’est la première fois que la maladie me prive de ce bonheur ».[13]

Dans la solitude de sa cellule, il jette un regard sur le passé, et songe aux amis disparus. Que de tombes encore fraîchement fermées ! C’est Mgr Van de Velde, mort à Natchez, après sept années seulement d’épiscopat ; c’est le P. De Smet, un compagnon de 1821, longtemps maître des novices à Florissant ; c’est le P. Bax, l’apôtre des Osages, tombé, à trente-trois ans, victime de sa charité ; c’est le P. Duerinck, englouti dans les eaux du Missouri, tandis qu’il se rendait à Saint-Louis pour y prononcer ses derniers vœux ;[14] c’est le P. De Vos, un ami de Belgique, c’est l’héroïque P. Nobili, morts tous deux lorsqu’ils venaient de fonder la mission de Californie. L’un après l’autre, ces vaillants semblent apparaître aux regards du missionnaire, lui sourire et l’inviter à l’éternel repos. « Insensiblement, écrit-il alors, la vie s’écoule. Me voici déjà dans ma soixante-quatrième année. J’ai l’intime conviction que ma fin est proche. Fiat voluntas Dei ! »[15]

Pour son ardente nature, la mort serait moins pénible que l’inaction : « Après ma robuste santé d’autrefois, après tant d’années de courses, je trouve la transition assez dure. Mais nous sommes dans la main de Dieu. Avec sa grâce, avec le don de patience que j’implore, j’espère me résigner à sa sainte volonté ».[16]

Après la prière, il n’a pas de meilleur réconfort que les lettres de sa famille. « J’espère, écrit-il à son frère, que vos lettres et celles de vos enfants, ne tarderont pas à venir me consoler. J’en ai vraiment besoin. Vous ne me les refuserez pas, après tant de marques de bonté que vous m’avez données depuis quarante-trois ans. La correspondance doit continuer, et continuera jusqu’au bout ».[17]

Peu à peu, cependant, la santé paraît revenir ; le vieux missionnaire se reprend à espérer. « Si les jambes chancellent, dit-il, le cœur est encore bon ».[18] Pour chasser l’ennui, il écrit de longues relations de voyages, qu’il adresse au P. Général et à ses amis de Belgique. À peine lui permet-on de sortir, qu’il prépare, pour l’Oregon, un envoi de la valeur de 3 000 dollars. Mais Dieu l’appelle sur un autre théâtre. Les Sioux que, depuis vingt ans, il rêve d’évangéliser, les Sioux qu’une guerre implacable vient de soulever contre les Blancs, vont avoir désormais la meilleure part de sa sollicitude, et lui valoir ses plus beaux triomphes.

  1. Mission Saint-Ignace. — 15 avril 1857.
  2. Lettre citée.
  3. Voir le chapitre suivant.
  4. Le P. Adrien Hoecken, de sept ans plus jeune que son frère Christian, était né à Tilbourg, dans le Brabant hollandais, le 18 mars 1815. Entré en 1839 au noviciat de Florissant, il était parti pour les Montagnes en 1844. Jusqu’en 1861, il avait travaillé avec un remarquable succès chez les Têtes-Plates et les Kalispels, puis fondé chez les Pieds-Noirs la mission Saint Pierre.
    De retour aux États, il occupa différents postes, d’abord chez les Osages, puis à Cincinnati et à Saint-Charles. Il mourut à Milwaukee le 19 avril 1897. (Cf. Woodstock Letters, novembre 1897, p . 364).
  5. À Gustave Van Kerckhove. — À bord du Nellie Rogers, 15 mai 1863.
  6. Voir chap.XII, p. 293.
  7. Cité par le P. De Smet, Lettres choisies, 3e série, p. 173.
  8. « Les Cœurs-d’Alêne jeûnent presque tous les samedis en l’honneur de la Sainte Vierge, et leur jeûne est plus rigoureux que le nôtre, puisqu’ils ne le rompent qu’au coucher du soleil… Pour se préparer à célébrer dignement les jours de fête, quelques-uns se font des ceintures garnies d’épines, d’autres se flagellent avec des branches de ronces, d’autres encore se retirent dans la forêt pour mieux garder le silence ; là, ils prient et travaillent, ne revenant au camp que pour la prière commune. C’est aux missionnaires qu’ils s’adressent pour leurs modifications, et ceux-ci ont plutôt besoin de les arrêter que de les exciter… Le chef d’une nation voisine, après avoir été témoin de la charité qui anime les chrétiens, ne pouvait se décider à partir. « La mission, disait-il, est un paradis. » (Lettre du P. Grassi, Missions Catholiques, 1870, p. 251).
  9. « Il faut en être témoin pour le croire », dit le P. De Smet dans sa relation. — « N’était le désir de sauver des âmes, l’on s’enfuirait au plus vite de ce pays ». (Lettre du P. Vercruysse au P. Broeckaert. — Saint-Ignace, 12 juin 1862).
  10. Rapport du capitaine Mullan. Cf. De Smet, Lettres choisies, 3e série, p. 169.
  11. Lettre au P. Van der Hofstadt, 1er septembre 1863.

    Le crucifix du P. De Smet appartient aujourd’hui à son petit-neveu, M. Paul De Smet.

  12. On appelle suffrages, dans la compagnie de Jésus, les prières et les messes que chacun doit offrir pour les religieux décédés.
  13. À Gustave Van Kerckhove, 15 mars 1864.
  14. Le P. Duerinck, né à Saint-Gilles-lez-Termonde, était cousin du P. De Smet. Très versé dans les sciences naturelles, il avait refusé une chaire à l’université de Cincinnati.
  15. À son frère, 26 février 1864.
  16. Au même, 10 mars 1864.
  17. 10 mars 1864.
  18. Kraeken de beenen, het heri is goed. (Proverbe flamand).