Le Paysan et la paysane pervertis/Tome 1/39.me Lettre
18 novemb.
Ceſteci eſt pour auoir l’honneur de vous faire nos tres humbles excuses ſur notre ſilence deſpuis noſtre retour icj : mais les ouurages ont eſté ſj preſſés, que c’eſt le premier moment de liberté, dont i’rai la puiſſance de proufiter, pour nous feliciter du bon-heur de vous auoir-vue, et nous condouloir de n’auoir-pu paracheuer ce qui nous auoit-paru ſj digne de noſtre empreſſement. L’honneur de voſtre alliance, Madame, nous eſtoit un bien pretieus, et vous eſtiez à notre regard, comme Nachor au regard d’Abraham, lequel lui enuoija demander ſa Fille pour ſon Fils, attendû leur liaison de conſanguinité : Mais, chère Madame, les mariages ſont eſcripts là haut ; et ſj le Souuerain Arbitre des deſtinées n’a-pas-decidé que ils ſé doibuent faire, tous nos efforts ſont ſuperflus. C’eſt ainſj que Sichem ne put eſpouſer Dinah, ni Amon Thamar, ni Adonias Abiſag la Sunamite : Soubmettons nous aux ordres de Dieu, Madame, perſuadés que ſj il les a decidées, les choses ne ſe pourront manquer de faire en leur temps.
Je ſuis et ſeray toute ma vie, dans ce debuoir de resìgnation, Madame,
Je prends ici la liberté d’aſſeurer de mes tres-humbles civilités meſdemoiſelles vos Filles ; leur ſouhaitant à l’une ét à l’Autre le meſme bon-heur que à mes Enfans.