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Le Paysan et la paysane pervertis/Tome 1/44.me Lettre

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44.me) (Edmond, à ſes Père ét Mère.

[Lettre de bonne-année, ét d’hipocrisie, tournée de façon à nous donner les premiers ſoupçons de ſon mariage-clandeſtin.]

1751.


Mon trèschèr ét trèshonoré Père, ét ma trèschère ét trèshonorée Mère :

Je m’acquitte, au commencement de cette année, d’un devoir qu’il m’eſt bién-agreabie de remplir, puiſqu’il ſ’agit de vous ſouhaiter un bonheur qui retombe ſur nous, Puiſſiez-vous, trèschèr Pêre ét trèschère Mère, paſſer tous les jours de l’année où nous alons-entrer, ; comme le moment où votre Fils vous écrit ! ét puiſſe votre ſatiſfaction resulter pacticulièrement de la bonne-conduite de vos Enfans. ét ſurtout de la miénne, ainfi que de celle de la chère Urſule, qui ſe-joint à moi. Cependant, chèr père ét chère Mere, il arrive quelquefois que les Enfans, entraînés par les circonſtances, commettent des fautes, auxquelles le cœur ét la volonté de deplaire n’ont auqu’une part ; j’eſpere que ſi j’en-ai-commis, ou que ſi j’en-commerts de pareilles à-l’avenir, vous aurez de l’indulgence envers votre Fils. Je me-ſuis-acquitté ces fêtes-de-noël, des devoirs de notre ſainte religion, pour me-préparer à bién-commencer ce nouvel-an ; le p. D’Arras m’a-entendu. Ma Sœur en-a-fait autant, ét ſans-doute plus-dignement que moi, qui tombe toujours dans quelques fautes, dont Je ſuis bién-marri, mais qu’i1 n’eſt pas en-mon pouvoir d’éviter. J’eſpere en-vos bontés, ét que ſi jamais j’en-avais-besoin pour des choses de-conſequence, vos bons cœurs ſeront-toujours-ouverts à votre Edmond.

Il eſt des cas, chèr Père ét chère Mère, où l’on ſent-mieus que jamais toute l’étendue du devoir des Enfans ; c’eſt lorſqu’on eſt ſoit-même entré ou prêt à entrer, comme le cher Ainé, dans les liéns du mariage : on ſe-represente alors ce qu’on ſouhaiterais que fîſſent pour nous Ceux qui nous devront le jour, et d’après ce qu’on en-desire, on rend le même hommage à ſes Auteurs. Je ne parle pas de la ſorte ſans-raison, ét j’eſpère vous decouvrir biéntôt le fond de mon Cœur.

Tout le monde d’ici à qui j’ai-parlé de vous, chèr Père ét trèschère Mère, vous font les plus-heureus ſouhaits : parmi les Principaus, je vous nommerai m.r  et m.me Parangon, m.me Paleſtine ét ſes deux Filles, ſur-tout m.lle Manon, qui conſerve pour vous l’attachement d’une Fille, ét qui ſe-flate d’un retour de votre part : m.r Loiseau ét m.lle Tiénnette vous presentent leurs reſpects.

J’ai l’honneur d’être avec la plus-profonde veneration, &c.

P.-ſ. Ma Sœur Urſule, qu’en-qualité de ſon Frére-protecteur, ſuivant l’usage immemorial de notre Famille, j’ai la première attirée auprès de moi à la Ville, afin de remplir mon obligation à ſon égard, ce que je ferai ſi Dieu-plaît, va vous rendre ſes hommages ſur le même papier, pour vous marquer que nous ne ſommes qu’un de cœur ét d’affection.

D’Urſule.

Je me joins à mon Frêre, trèschèr Papa ét trèschère bonne Maman, pour vous fouhaiter les benedictions du Ciel, ét vous demander la vôtre. Ma ſoumiſſion, mon reſpect, ma tendreſſe ſans-bornes, c’eſt tout ce que je puis vous offrir : mon Frère eſt plus-heureus ; il vous envoie les choses qu’il ſait que vous aimez, mais quelques marques qu’il vous donne de ſon attachement, je ſuis bién-ſûre qu’elles ſont audeſſous de ce que nous reſſentons tous-deux pour vous.

Je demeure avec un profond reſpect ét un devoûment filial, chèr Papa, &c,