Le Positivisme anglais/0/1

La bibliothèque libre.
◄  Préface
II  ►

I


J’étais à Oxford l’an dernier, pendant les séances de la British Association for the advancement of learning, et j’y avais trouvé, parmi les rares étudiants qui restaient encore, un jeune Anglais, homme d’esprit, avec qui j’avais mon franc-parler. Il me conduisait le soir au nouveau muséum, tout peuplé de spécimens : on y professe de petits cours, on met en jeu des instruments nouveaux : les dames y assistent et s’intéressent aux expériences ; le dernier jour, pleines d’enthousiasme, elles chantèrent God save the Queen. J’admirais ce zèle, cette solidité d’esprit, cette organisation de la science, ces souscriptions volontaires, cette aptitude à l’association et au travail, cette grande machine poussée par tant de bras, et si bien construite pour accumuler, contrôler et classer les faits. Et pourtant dans cette abondance il y avait un vide : quand je lisais les comptes rendus, je croyais assister à un congrès de chefs d’usines ; tous ces savants vérifiaient des détails et échangeaient des recettes. Il me semblait entendre des contremaîtres occupés à se communiquer leurs procédés pour le tannage du cuir ou la teinture du coton : les idées générales étaient absentes. Je m’en plaignais à mon ami, et le soir, sous sa lampe, dans ce grand silence qui enveloppe là-bas une ville universitaire, nous en cherchions tous deux les raisons.