Le Principe de relativité et la théorie de la gravitation/chap. 10

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CHAPITRE X.

VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTALES[1].


48. Les électrons des rayons β ont des vitesses qui convergent vers la vitesse de la lumière.

La théorie de la relativité affirme que la vitesse de la lumière est la limite supérieure des vitesses. Cette affirmation est la base même de la théorie, car c’est elle qui entraîne la relativité du temps mesuré par les observateurs des différents systèmes.

Les vitesses les plus rapides que nous connaissions sont celles des particules β émises par les corps radioactifs. Danysz[2] a montré que ces particules présentent toute une série de vitesses, et il est remarquable que ces vitesses convergent vers la vitesse de la lumière, allant jusqu’à 297 000 km : sec sans pouvoir atteindre 300 000 km : sec.

49. Vérification de la loi

Antérieurement à la théorie d’Einstein, on avait déjà démontré que la masse de l’électron doit varier avec la vitesse, et l’on avait envisagé deux masses coefficients d’inertie, la masse longitudinale et la masse transversale ; ces résultats sont, en effet, la conséquence des lois de l’électromagnétisme, si l’on suppose que l’inertie de l’électron est d’origine électromagnétique. Toutefois, une donnée restait incertaine : la forme de l’électron en mouvement. Trois hypothèses ont été envisagées : l’hypothèse de Max Abraham, supposant l’électron sphérique et indéformable ; l’hypothèse de Lorentz, qui avait appliqué à l’électron la contraction imaginée pour expliquer l’expérience de Michelson ; l’hypothèse de Bücherer et Langevin basée sur une déformation à volume constant.

La formule de Lorentz, tenant compte de la contraction des longueurs, était précisément celle qui est conforme au principe de relativité et qui a été retrouvée par Einstein[3].

Kaufmann (1902-1906), puis Bücherer (1908-1909) ont entrepris des expériences qui avaient pour objet de décider entre les trois formules proposées. Kaufmann a dévié les rayons β, émis par un grain de fluorure de radium, simultanément dans deux directions perpendiculaires par un champ magnétique et un champ électrique ; les mesures n’ont pas été assez précises pour trancher la question. Bücherer a disposé le champ magnétique et le champ électrique de manière que leurs actions se compensent ; il a obtenu des résultats qui concordent avec la formule de Lorentz-Einstein beaucoup mieux qu’avec les autres formules.

Des mesures plus précises ont été faites par Ch.-Eug. Guye et Lavanchy[4] sur les rayons cathodiques à grande vitesse. Si l’on observe la déviation, par un champ magnétique connu des rayons cathodiques produits sous une différence de potentiel connue, on obtient, d’après la théorie de la relativité, les deux relations suivantes :

1o Le travail effectué par le champ électrique sur la charge est égal à l’accroissement d’énergie cinétique de l’électron

;

2o étant le rayon de courbure de la trajectoire dans le champ magnétique

L’élimination de entre ces deux relations montre suivant quelle loi doivent varier simultanément et pour que la déviation reste constante.

La loi prévue est exactement vérifiée pour des vitesses de rayons cathodiques allant jusqu’à la moitié de la vitesse de la lumière.

Les rayons β permettent des vitesses beaucoup plus grandes, mais la précision des mesures est moindre parce qu’on est obligé de remplacer la première des deux relations précédentes par une autre exprimant la déviation dans un champ électrique perpendiculaire à la direction des rayons ; la mesure de l’action d’un champ électrique (expériences de Kaufmann et de Bücherer) est moins précise que la mesure de la différence de potentiel sous laquelle les corpuscules cathodiques prennent leur vitesse.

50. La structure des raies de l’hydrogène et des spectres de rayons X.

L’expérience prouve que les raies spectrales de l’hydrogène (série de Balmer) ne sont pas simples : elles possèdent chacune une série de composantes extrêmement rapprochées, dont deux sont particulièrement intenses ; la différence des périodes de ces composantes a été mesurée par la variation de visibilité des franges d’interférences quand on change la différence de marche (Buisson et Ch. Fabry). Pour la raie rouge de l’hydrogène, la différence des longueurs d’onde des deux composantes principales est voisine de trois centièmes d’unité angström.

On sait que Niels Bohr, admettant que l’atome d’hydrogène est formé d’un noyau chargé positivement autour duquel gravite un unique électron, a réussi, par une géniale application de la théorie des quanta, à prévoir le spectre de Balmer et à calculer la constante de Balmer, connaissant la charge et la masse de l’électron et la constante d’action (constante de Planck).

Bohr avait supposé que l’électron décrit des orbites circulaires. Sommerfeld a étendu la théorie au cas des orbites elliptiques ; mais le résultat est le même : on trouve toujours la série de Balmer avec une fréquence unique pour chaque raie.

Sommerfeld eut alors l’idée de remplacer la mécanique ordinaire par la mécanique de la relativité[5], les vitesses prises par l’électron sur les diverses orbites stables étant déjà une fraction sensible de la vitesse de la lumière.

Le résultat a été remarquable. La dynamique de la relativité donne, non seulement qualitativement, mais quantitativement, la structure exacte des raies de l’hydrogène.

Dans le cas d’atomes plus complexes, formés d’anneaux d’électrons gravitant autour d’un noyau, le problème de l’émission par les anneaux extérieurs (émission lumineuse) devient trop compliqué pour pouvoir être résolu ; mais s’il s’agit des anneaux les plus voisins du noyau, la question est plus simple ; on trouve les spectres des rayons X et l’on explique la loi de Moseley.

Sommerfeld a montré que la dynamique de la relativité conduit, pour les rayons X, à la même structure que pour les raies de l’hydrogène, mais avec des composantes d’autant plus séparées que le nombre atomique de l’élément (charge du noyau, la charge de l’électron étant prise pour unité, ou rang dans la classification des éléments) est plus grand (parce que la vitesse des électrons voisins du noyau est d’autant plus grande que la charge de celui-ci est plus considérable). Par exemple, les raies et de l’uranium sont les équivalents du doublet de l’hydrogène, mais avec un écart de fréquence cent millions de fois plus grand. La théorie de Sommerfeld présente un accord excellent avec l’expérience.

L’explication de la structure des spectres par la dynamique nouvelle constitue une remarquable confirmation du principe de relativité. Il est établi aujourd’hui que les problèmes relatifs aux mouvements intra-atomiques exigent l’emploi de la dynamique nouvelle pour donner des solutions en accord avec l’expérience.

51. Retour sur l’expérience de Michelson. Sa signification.

On présente souvent l’expérience de Michelson comme l’unique base du principe de relativité et beaucoup de personnes objectent qu’il est scabreux de bâtir une pareille théorie sur une expérience dont le résultat a été négatif.

Il est essentiel de faire remarquer que ce n’est pas sur l’expérience de Michelson qu’il faut fonder la théorie de la relativité. Cette théorie est basée sur les formules de transformation de Lorentz, qui sont implicitement contenues dans les équations fondamentales de Maxwell : c’est la nécessité de conserver leur structure aux équations de l’électromagnétisme quand on change de système de référence qui est la base solide de toute la théorie. L’expérience de Michelson a joué un rôle considérable, parce qu’elle a d’abord appelé l’attention sur la discordance entre l’expérience et les prévisions déduites des lois de la mécanique classique ; on a ensuite reconnu la cause profonde de ce désaccord. Si maintenant on donne à l’expérience de Michelson son véritable sens, on constate qu’elle vient simplement se joindre aux autres vérifications expérimentales du principe de relativité.

La relativité généralisée et la loi de gravitation d’Einstein nous apporteront des vérifications plus remarquables encore que celles qui viennent d’être indiquées.

Séparateur

  1. P. Langevin, Bulletin de la Société des Électriciens, no 84, décembre 1919.
  2. Le Radium, t. 9, 1912, p. 1.
  3. Il est à remarquer que la théorie donnée par Lorentz s’appliquait seulement à une masse d’origine électromagnétique. D’après la théorie d’Einstein, la même formule est nécessairement exacte pour toute masse, quelle que puisse être l’origine de l’inertie.
  4. Arch. des Sciences phys. et nat., Genève, t. 10, octobre 1915.
  5. Atombau und Spektrallinien, 1921, p. 306 et suivantes.