Le Pyrrhonisme de l’histoire/Édition Garnier/41
Je suppose que dans cent ans presque tous nos livres soient perdus, et que dans quelque bibliothèque d’Allemagne on retrouve l’Histoire de Louis XIV par La Hode, sous le nom de La Martinière ; la Dîme royale de Boisguillebert, sous le nom du maréchal de Vauban[1] ; les Testaments de Colbert et de Louvois, fabriqués par Gatien de Courtilz ; l’Histoire de la régence du duc d’Orléans, par le même La Hode, ci-devant jésuite ; les Mémoires de madame de Maintenon, par La Beaumelle, et cent autres ridicules romans de cette espèce. Je suppose qu’alors la langue française soit une langue savante dans le fond de l’Allemagne : que d’exclamations les commentateurs de ce pays-là ne feraient-ils point sur ces précieux monuments échappés aux injures du temps ! Comment pourraient-ils ne pas voir en eux les archives de la vérité ? Les auteurs de ces livres étaient tous des contemporains qui ne pouvaient être ni trompés ni trompeurs. C’est ainsi qu’on jugerait. Cette seule réflexion ne doit-elle pas nous inspirer un peu de défiance sur plus d’un livre de l’antiquité ?
- ↑ La Dîme est de Vauban.