Le Rêve de l’oncle/08

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Traduction par Ely Halpérine-Kaminsky.
Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie (p. 128-147).

VIII

— Alors, vous vous êtes bien amusé, prince, chez Natalia Dmitrievna ? demande Maria Alexandrovna en jetant un regard rapace sur sa proie future.

(Elle commence à dessein les hostilités de la manière la plus innocente. Son cœur bat d’émotion.)

Après le dîner, on a fait passer le prince dans le salon où il est entré le matin. Le petit vieillard, lesté de six verres de champagne, n’a plus son équilibre. En revanche, il bavarde sans cesse. Maria Alexandrovna comprend que ce n’est qu’une excitation momentanée et que bientôt son hôte s’assoupira. Il faut donc saisir l’occasion. Elle remarque avec joie que le voluptueux petit vieillard jette sur Zina des regards gourmands. Ses sentiments maternels en sont réjouis.

— Extrê-ê-mement ! et, savez-vous ? c’est une femme incompa-pa-ra-a-ble, cette Natalia Dmitrievna, une incompa-pa-ra-a-ble femme.

Malgré tous ses soucis, cette louange à l’adresse de sa rivale fait saigner la jalousie de Maria Alexandrovna.

— Voyons, prince ! s’écrie-t-elle avec un éclair dans les yeux, si votre Natalia Dmitrievna est une femme incomparable, je n’ai plus rien à dire, mais il faut vraiment que vous connaissiez mal la société d’ici ! Ce n’est que parade effrontée de sentiments absents, comédie, vernis et dorure. Soulevez ces apparences, vous verrez tout un enfer caché sous ces fleurs, toute une nichée de vipères prêtes à vous dévorer.

— Vrai-ai-ment ? Vous m’é-étonnez.

— Je vous le jure ! Ah ! mon prince ! Écoute, Zina. Je dois — j’y suis forcée — raconter au prince une ridicule aventure de la semaine dernière avec cette Natalia, te rappelles-tu ? Oui, prince, cette Natalia Dmitrievna que vous admirez tant. Oh ! mon cher prince, je vous assure que je ne suis pas cancanière, mais je dois vous conter cela uniquement pour vous donner un échantillon risible et vivant de notre société. Il y a quinze jours vient chez moi cette Natalia Dmitrievna. On sert le café, je suis obligée de sortir. Je me rappelle très exactement combien il restait de morceaux de sucre dans mon sucrier en argent : il était plein. Je reviens, qu’est-ce que je vois ? Il n’y avait plus que trois morceaux. Or Natalia Dmitrievna était restée seule ! Comment la trouvez-vous ? Elle a une maison, de l’argent, tout ce qu’elle veut… C’est comique et petit, mais jugez là-dessus la société mordassovienne.

— Vrai-ai-m ent ! Quelle gourmandise surnaturelle ! Mais comment a-t-elle pu faire pour dévorer tout un sucrier.

— Voilà votre femme incomparable, prince ; n’est-ce pas honteux ? Il me semble que je serais morte plutôt que me décider à une action aussi dégoûtante !

— Mais oui, mais oui ! — Seulement, sa-avez-vous ? elle est belle femme tout de même !

— Natalia Dmitrievna ! Voyons, prince, c’est tout simplement un tonneau. Ah ! prince, prince, que dites-vous là ? Je vous aurais cru plus de goût !

— Mais oui ! un tonneau… Seulement, savez-vous ? elle est si bien fai-aite, et puis, cette fillette qui dansait, elle aussi, elle est fai-aite…

— Sonitchka ? Mais c’est encore un enfant, prince ! Elle n’a que quatorze ans !

— Mais oui !… seulement, savez-vous ? elle est si leste… elle aussi, elle a des formes, des fo-ormes si mignonnes !… Et l’autre qui dâ-ansait avec elle !… elle se forme aussi !

— Ah ! cette malheureuse orpheline, prince ?

— Mais oui, orpheline. Elle est sale, elle aurait dû au moins laver ses mains, mais elle est sé-é-duisante. Tout en parlant, le prince, avec une avidité croissante, lorgne Zina.

— Mais quelle châ-armante personne ! murmure-t-il à demi pâmé.

— Zina, joue-nous quelque chose, ou plutôt chante… Elle chante à ravir, prince ; elle est, on peut le dire, une virtuose, une véritable virtuose. Et si vous saviez, prince, continue Maria Alexandrovna à mi-voix pendant que Zina s’approche du piano de sa démarche lente et cadencée dont le vieillard est tout ému, si vous saviez quel trésor, comme elle sait aimer, comme elle est tendre avec moi ! quel cœur ! quels sentiments !

— Mais oui… les sentiments… Et, savez-vous ? je n’ai jamais connu qu’une femme qui aurait pu lui être comparée pour la beau-au-té, répond le prince en avalant sa salive : c’est la feue comtesse Naïnskaïa. Il y a trente ans qu’elle est morte. Une merveilleuse fâ-emme, d’une beauté ! Elle a épousé son cuisinier.

— Son cuisinier, prince !

— Mais oui, son cuisinier, un Français, à l’é-étranger. Elle lui a procuré, à l’é-étranger, un titre de comte. Un homme très instruit, avec de petites moustaches.

— Et comment vivaient-ils donc, prince !

— Mais oui, ils vivaient bien ! Du reste, ils ne tardèrent pas à se séparer. Il l’a volée et il est parti. Je crois que c’est à propos d’une sauce qu’ils se sont brouillés.

— Maman, que faut-il jouer ?

— Chante plutôt, Zina. Si vous saviez comme elle chante, prince ! Aimez-vous la musique ?

— Oh ! oui ! Châ-armant ! châ-armant ! J’aime beaucoup la mu-usique. J’ai beaucoup connu à l’étranger Beethoven.

— Beethoven ! Imagine-toi, Zina, le prince a connu Beethoven ! cria Maria Alexandrovna émerveillée. Ah ! prince, vraiment, vous avez connu Beethoven ?

— Mais oui… Nous étions une paire d’amis. Il avait toujours le nez plein de tabac. Quel ridicule bonhomme !

— Beethoven ?

— Mais oui… Beethoven. D’ailleurs, peut-être n’était-ce pas Beethoven, mais plutôt quelque autre Allemand. Il y a là-bas beaucoup d’Allemands… Du reste, je crois me tromper.

— Et que dois-je chanter, maman ?

— Ah ! Zina, chante-moi cette romance où, tu te rappelles, il y a un accent si chevaleresque : cette châtelaine et son troubadour. — Ah ! prince, que j’aime le chevaleresque ! les châteaux ! cette vie du moyen âge ! les troubadours, les hérauts d’armes ! les tournois !… Je t’accompagnerai, Zina. Asseyez-vous donc plus près, prince ! Ah ! ces châteaux ! ces châteaux !

— Mais oui… les châteaux… J’aime aussi les châ-âteaux, reprend le prince en braquant son œil unique sur Zina. Mais… mon Dieu ! cette romance ? Mais je la connais !… Il y a longtemps que je l’ai entendue, ça me rappelle… ah ! mon Dieu !

Je ne prends pas sur moi de dire ce qu’il advint du prince quand Zina se mit à chanter. Elle chantait une vieille romance française, très à la mode autrefois. Zina la chanta à merveille. Sa voix pure de contralto allait droit au cœur. Son beau visage, ses yeux magnifiques, ses doigts fuselés qui tournaient les pages, ses cheveux abondants et noirs, luisants, sa poitrine soulevée, toute sa personne fière et belle, tout cela fascinait le pauvre vieillard. Il ne détourna pas d’elle son œil tant qu’elle chanta. Il étouffait d’émotion. Son vieux cœur, échauffé par le champagne, la musique et ses souvenirs, battait de plus en plus fort, comme il n’avait pas battu depuis longtemps. Il était au moment de pleurer quand elle eut fini.

— Oh ! ma charmante enfant, s’écria-t-il en lui baisant les doigts, vous me ravissez ! Ce n’est que maintenant que je me rappelle, mais… mais…Oh ! ma charmante enfant !…

Le prince ne put achever.

Maria Alexandrovna sentit que le moment psychologique était venu.

— Pourquoi consommer votre perte, prince ? commença-t-elle solennellement. Combien de sentiments, combien de forces vitales, combien de richesses morales vous avez encore ! Et, avec tout cela, vous vous murez pour la vie dans une prison ! Fuir le monde, les amitiés ! C’est impardonnable ! Réfléchissez donc, prince ! Regardez la vie, si je puis dire, d’un œil clair ! Rappelez-vous le passé, le souvenir de votre jeunesse dorée, de vos jours sans soucis. Ressuscitez ce passé, ressuscitez-vous ! Recommencez à vivre dans la société des vivants : allez à l’étranger… en Italie, en Espagne, prince, en Espagne ! Il vous faut un guide, un cœur qui vous aimerait, qui vous estimerait et qui vous serait sympathique.

Eh bien ! vous avez des amis, appelez-les et ils viendront en foule. Moi la première, j’abandonnerais tout, et j’accourrais à votre appel ! Je me rappelle notre ancienne amitié, prince ! J’abandonnerais mon mari pour vous suivre… Et même, si j’étais plus jeune, si j’étais aussi belle que ma fille, je deviendrais votre compagne, votre amie, votre femme si vous le vouliez.

— Je suis certain que vous avez été une charmante personne dans votre temps, dit le prince en se mouchant.

Ses yeux sont pleins de larmes.

— Nous nous survivons dans nos enfants, prince, répond avec effusion Maria Alexandrovna. J’ai aussi mon ange gardien, et c’est elle, ma fille, l’amie de mes pensées, de mon cœur, prince ! Elle a déjà refusé sept demandes en mariage, parce qu’elle ne veut pas me quitter.

— Par conséquent, elle ira avec vous quand vous m’âccom-com-pagnerez à l’étrâ-anger. Dans ce cas, j’irai absolument à l’étrâ-anger, s’écrie le prince avec animation. J’irais abso-lument. Et si je pouvais me bercer de l’es-poî-oir… Mais c’est une enfant merveilleuse, merveilleuse ! Oh ! ma charmante enfant !

Et le prince recommence à baiser les doigts de Zina. Le pauvre homme essaye même de se mettre à genoux devant elle.

— Mais… mais, prince, vous disiez que si vous pouviez vous bercer de l’espoir ?… saisit au vol Maria Alexandrovna, sentant venir un nouvel accès d’éloquence. Que vous êtes étrange, prince ! Ne vous considérez-vous donc pas comme digne de l’attention des femmes ? Ce n’est pas la jeunesse qui fait la beauté ! Rappelez-vous donc que vous êtes un débris de l’aristocratie russe ! Vous êtes le représentant des sentiments les plus raffinés, les plus chevaleresques, et des meilleures manières ! Est-ce que Marie[1]n’a pas aimé Mazeppa ? J’ai lu que Lauzun, un séduisant marquis de la cour de Louis… Je ne sais plus quel Louis… déjà vieux, conquit une des premières beautés de son temps !… D’ailleurs, qui vous a dit que vous êtes un vieillard ? Qui prétend cela ? Est-ce que des hommes comme vous vieillissent ? Vous, doué si richement de sentiment, de gaieté, d’esprit, de force vitale, d’exquises manières ! Allez quelque part aux eaux avec une jeune femme, une beauté comme Zina, par exemple, — je parle d’elle comme terme de comparaison, — et vous verrez quel effet colossal vous produirez, vous, un débris de notre aristocratie ; elle, une beauté royale ! Elle marche solennellement à votre bras, elle chante dans une société aristocratique ; vous, de votre côté, vous prodiguez les mots d’esprit ! Mais toutes les eaux accourraient pour vous voir ! toute l’Europe en parlerait ! Car vous auriez pour vous tous les journaux, les feuilletons, ce ne serait qu’un cri… Prince ! prince ! et vous dites : « Si je pouvais me bercer de l’espoir ? »

— Les journaux… mais oui, mais oui !… Les feuilletons… murmure le prince qui n’a compris qu’à moitié le bavardage de Maria Alexandrovna et s’alanguit de plus en plus… Mais…, mon enfant, si vous n’êtes pas fâ-atiguée, répétez donc encore une fois cette romance que vous venez de chanter !

— Ah ! prince, mais elle sait des romances plus jolies encore ! Vous connaissez l’Hirondelle ? Vous l’avez entendue déjà ?

— Mais oui… je l’ai oubliée. Non… non !.. celle qu’elle vient de chanter : je ne veux, pas l’Hirondelle, je veux cette romance… dit le prince suppliant comme un enfant.

Zina recommence la romance en question. Le prince n’y peut tenir et s’agenouille devant elle en pleurant.

— Oh ! ma belle châ-âtelaine ! Sa voix tremble de sénilité et d’émotion. Oh ! ma châ-armante châ-âtelaine ! Oh ! ma chère enfant ! Que de choses vous m’avez ra-ap-pelées du temps passé ! J’espérais alors un autre avenir ! Je chantais alors avec la vicomtesse… des duos… cette même romance… et maintenant… ah ! je sais ce qui m’attend…

Le prince a prononcé tout ce discours d’une voix entrecoupée et haletante, sa langue se raidit, quelques mots sont inintelligibles. On voit seulement qu’il est au comble de l’émotion. Maria Alexandrovna se hâte de jeter de l’huile sur le feu.

— Prince ! mais vous allez devenir amoureux de Zina.

La réponse du prince dépasse toutes les espérances de Maria Alexandrovna.

— Je suis amoureux d’elle jusqu’à la folie ! s’écrie le petit vieillard très exalté et toujours à genoux. Je suis prêt à lui sacrifier ma vie… et si seulement je pouvais l’espérer… Mais levez-moi, je vous prie… je me sens un peu affaibli… Je… si seulement je pouvais espé-é-rer… je lui offrirais mon cœur… et alors… moi… elle me chanterait tous les jours des ro-ro-man-mances, et moi, je la regarderais sans cesse… toujours regarder… ah ! mon Dieu !

— Prince ! prince ! vous offrez votre main à ma fille, vous voulez me la prendre, à moi, ma Zina, ma chérie, mon ange, Zina ! Je ne le quitterai pas, Zina ! Qu’on l’arrache des bras de sa mère !

Maria Alexandrovna s’est jetée sur sa fille et l’étreint dans ses bras, quoiqu’elle se sente fortement repoussée. La maman exagère un peu son jeu, Zina en souffre de dégoût. Mais elle se tait, et c’est tout ce qu’il faut à Maria Alexandrovna.

— Elle a refusé neuf partis pour ne pas quitter sa mère ! crie-t-elle. Mais maintenant mon cœur pressent la séparation. Tout à l’heure encore, je remarquais qu’elle vous regardait particulièrement… Votre aristocratie, votre finesse l’ont séduite, prince !… Oh ! vous nous séparerez, je le pressens !

— Je l’a-ado-dore, murmure le prince frissonnant comme une feuille.

— Donc, tu abandonnes ta mère ! s’écrie Maria Alexandrovna en se précipitant de nouveau au cou de sa fille.

Zina, pour finir cette scène pénible, tend au prince sa belle main et s’efforce même de sourire. Le prince prend respectueusement cette main et la couvre de baisers.

— Ce n’est que maintenant que je commence à vivre !…

— Zina ! dit avec solennité Maria Alexandrovna, regarde cet homme : c’est le plus honnête, le plus noble des hommes ! C’est un chevalier du moyen âge ! Elle le sait, prince, elle ne le sait que trop, pour mon malheur !… Oh !… pourquoi êtes-vous venu ?… Je vous confie mon trésor, mon ange ! Conservez-la, prince. Écoutez la prière d’une mère ! Quelle mère pourrait blâmer mon chagrin ?

— Maman, assez ! murmure Zina.

— Vous la défendrez, prince, votre épée luira si les calomnies osent la toucher !

— Assez, maman, ou bien…

— Mais oui !… mon épée !… murmure le prince. Je veux que le ma-mariage se fasse tout de suite… je… je com-commence maintenant seulement à vivre !… Je veux envoyer tout de suite à Dou-kha-khanovo… J’ai là des brillants, je veux les mettre à ses pieds !…

— Quelle fougue, quels transports, quelle noblesse d’âme ! Et dire, prince, que vous vous seriez perdu dans ce désert ! Je ne cesserai de le répéter… Je ne puis penser sans horreur à cette infernale…

— Mais que pouvais-je faire ? j’avais si peu-peur !… pleurniche le prince. Ils voulaient me mettre dans une maison de santé… et j’ai eu peu-peur !

— Dans une maison de santé ! Oh ! les misérables ! quelle basse cruauté ! Prince, je l’avais entendu dire ! Mais ces gens sont fous ! Mais pourquoi donc ? Pourquoi ?

— Je ne sais pas moi-même pourquoi, répond le petit vieillard tombant de fatigue sur son fauteuil. Vous savez, j’étais dans un ba-bal et je leur racontais une anecdote. Elle leur a déplu et voilà… toute une histoire s’ensuivit.

— Pour cela seulement, prince ?

— Non, j’avais aussi joué aux cartes avec le prince Petre Demintitch, et j’avais beaucoup perdu… j’avais eu deux rois et trois da-dames… ou plutôt trois da-dames et deux rrrois… Non, un rrroi et seulement des da-da… !

— Et c’est pour cela !… pour cela !… Quelle infernale scélératesse ! Vous pleurez, prince ! cela ne sera plus ; je serai désormais auprès de vous, mon prince ! Car je ne quitterai pas Zina, et nous verrons si on ose vous dire un mot.

— Savez-vous, prince ? votre mariage les consternera ; cela leur fera honte ! Ils verront que vous êtes encore capable… c’est-à-dire… ils comprendront qu’une telle beauté n’aurait pas épousé un fou. Maintenant vous pouvez lever la tête et les regarder en face !

— Mais oui… en face !… murmure le prince en fermant les yeux.

— Il est bien affaissé, pense Maria Alexandrovna ; je crois que je parle inutilement.

— Mon prince, vous êtes ému, il faut vous reposer, dit-elle en se penchant vers lui avec une sollicitude maternelle.

— Mais oui… me cou-coucher un peu.

— Oui, ces émotions… attendez, je vais vous accompagner. Je vous coucherai moi-même s’il le faut. Pourquoi regardez-vous ainsi ce portrait, prince ? C’est le portrait de ma mère, un ange plutôt qu’une femme. Oh ! pourquoi n’est-elle pas ici ? C’était une juste, une juste, je ne puis l’appeler autrement !

— Une ju-uste, c’est joli… J’ai eu aussi une mè-ère… la princesse… et imaginez-vous, une femme extrê-è-mement grosse… Du reste, ce n’est pas cela que je voulais di-dire… Je suis un peu fa-fatigué… Adieu, ma charmante enfant ; c’est avec dé-délices, aujourd’hui… demain… enfin… n’importe… Au revoir ! au revoir !…

Il veut faire un geste gracieux, mais il glisse sur le parquet et fait un faux pas.

— Prenez garde, prince ! Appuyez-vous sur mon bras ! crie Maria Alexandrovna.

— Châ-armant ! Châ-armant ! Ce n’est que maintenant que je com-commence à vivre !

Zina restait seule. Elle se sentait oppressée, elle se méprisait elle-même. Ses joues brûlaient, ses mains se crispaient, ses dents se serraient. Elle restait immobile, des larmes de honte ruisselaient de ses yeux…

À ce moment, la porte s’ouvre et Mozgliakov se précipite dans le salon, pâle de rage.

  1. La fille du prince Kotchoubey.